11 mai 2006

Les embarras de la vie urbaine...


Qui pourrait un jour m’expliquer ce sentiment qui est toujours le mien quand le silence se fait dans la rue et que nul bruit moderne ne vient plus perturber mes oreilles ? Le chant des oiseaux, le bruit de pas, des sons d’un chantier au loin. Pas de vacarme. La paix. Je me sens dans ces moments-là comme retranché de la vie et pourtant totalement en fusion avec elle. Cette atmosphère matutinale que l’on ressent ici ce matin, en pleine ville, me rappelle Venise. 

Ce n’est pas la paix de la campagne que je recherche à tout prix, c’est la sérénité toujours ressentie dans les rues de Venise, quand, ouvrant mes fenêtres le matin, j’entends mêlé au bruit des clapotis de l’eau, le ronronnement du moteur des barques sur le grand canal, les cris des gondoliers, le bruit des pas dans les ruelles. Une porte qui se ferme, un store qu’on déroule, le linge qu’une main étend au-dessus de moi, le chant des oiseaux sur les toits…
Si j’ai toujours autant détesté les voitures, c’est à cause de cela. Des souvenirs de ce silence si rempli qu'enfant je découvrais quand avec mes parents je passais l'été par la Sérénissime... Le bruit immonde dans la rue tout à l’heure quand je revenais de l’école où j’avais laissé ma Constance et le visage fermé des gens qui ne semblaient pas souffrir de cette cacophonie… Pourquoi ce besoin de silence et de paix ? Pourquoi cette hargne du bruit et du mouvement trépidant de notre monde que déjà Boileau dénonçait dans "les embarras de Paris" ? (satire VI). En voici un court extrait :
"...Tout conspire à la fois à troubler mon repos, /Et je me plains ici du moindre de mes maux : /Car à peine les coqs, commençant leur ramage, /Auront des cris aigus frappé le voisinage /Qu'un affreux serrurier, laborieux Vulcain, /Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du gain, /Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête, /De cent coups de marteau me va fendre la tête. /J'entends déjà partout les charrettes courir, /Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir : /Tandis que dans les airs mille cloches émues /D'un funèbre concert font retentir les nues ; /Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents, /Pour honorer les morts font mourir les vivants./.../En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la [presse /D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse. /L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé ;/Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé. /Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance /D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance ;/Et plus loin des laquais l'un l'autre s’agaçant, /Font aboyer les chiens et jurer les passants. /Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage ; /Là, je trouve une croix de funeste présage, /Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison /En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison. /Là, sur une charrette une poutre branlante /Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente ; /Six chevaux attelés à ce fardeau pesant /Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant. /D'un carrosse en tournant il accroche une roue, /Et du choc le renverse en un grand tas de boue : /Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer, /Dans le même embarras se vient embarrasser./Vingt carrosses bientôt arrivant à la file /Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ; /Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux /Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs ;/Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure. /Des mulets en sonnant augmentent le murmure. /Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés /De l'embarras qui croit ferment les défilés, /Et partout les passants, enchaînant les brigades, /Au milieu de la paix font voir les barricades. /On n'entend que des cris poussés confusément : /Dieu, pour s'y faire ouïr, tonnerait vainement..."

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