03 juillet 2007

On reparle d'un métro à Venise : mais dites-moi que ce n'est qu'un cauchemar !

Je dois virer au vieux machin grincheux mais dès que j'entends parler de ces projets pharaonesques qui sont présentés comme de grands progrès pour l'avenir de la Sérénissime je sens des palpitations s'emparer de mon coeur, des démangeaisons et l'envie de hurler que le seul combat qui vaut la peine d'être mené jour après jour et n'aura jamais de fin, c'est celui qui consiste à préserver Venise des outrages du temps et des dommages de l'ultra-modernité, qui n'est pas un progrès mais une plaie pour le patrimoine et la conservation. 
 
Bien sur les inventions, les techniques modernes peuvent apporter des solutions durables aux problèmes de restauration, mais doit-on laisser les adeptes du progrès jouer aux apprentis-sorciers et prendre le risque de laisser détruire inexorablement les trésors préservés du passé ? Bref, vous aurez compris que ce sont des idées qu'on pourrait croire farfelues qui se répandent en ce moment à Venise et sont prises très au sérieux ! Le président de la région, potentat ultra-libéral aux ambitions aussi titanesques que ses idées sur la Venise du XXIème siècle et suivants (s'il y en a), a décidé qu'un métro était nécessaire pour améliorer les déplacements des vénitiens. Pour qu'ils aillent plus vite ! Non seulement tout le monde est d'accord pour dire que faire des trous et autres excavations dans le sous-sol argileux de la lagune serait prendre un risque démesuré pour l'équilibre de l'éco-système lagunaire déjà bien mal en point, mais imaginez-vous des stations souterraines qui déboucheraient place Saint-Marc comme Indiana Jones dans un film célèbre ? 
 
Si ces monuments restent debout après de tels travaux, qu'est ce que Venise aura gagné avec un métro ? Davantage de touristes, qui circuleront sous terre et s'ajouteront à ceux qui arpentent les ruelles et les campi. Et puis mettre 30 minutes pour aller d'un point à un autre en vaporetto restera toujours pour le vénitien qui se rend à son travail plus appréciable que 5 minutes dans une rame de métro souterraine, vous ne trouvez pas ? Mais imaginez un peu : 250 millions d'euros de travaux pour 15 millions de voyageurs par an de Tessera (l'aéroport à l'Arsenal en passant par Murano) à 9 euros pour les touristes et 3 euros pour le vénitiens, si je ne m'abuse cela fait 135 millions d'euros de chiffre d'affaires. Amortissement des travaux en 24 mois, puis le pactole pour l'ACTV (la société des transports en commun de Venise) qui en profiterait pour supprimer la liaison en autobus par le pont de la Liberté et quelques lignes de vaporetti de plus en plus obsolètes (sic). Le progrès, mes amis, le progrès ! Le climat change et le ciel en ce début d'été est pourri, l'eau manque et quand elle coule encore dans nos rivières, elle est polluée, chque jour les sculptures en pierre d'Istrie des façades vénitiennes se transforment en talc, la lagune monte et les poissons morts flottent le ventre en l'air partout dans la lagune, au milieu des algues radio-actives mais vive le progrès et la fuite en avant du modernisme !

Heureusement, la protection de l'environnement a de plus en plus d'adeptes, et un tunnel de plus de huit kilomètres dans la couche d'argile qui forme l'immédiat sous-sol de la lagune et de la cité des doges (et qui est en contact direct avec la nappe phréatique) représente un frein aux ambitions du Président Galan. Massimo Cacciari ne serait pas contre s'il est prouvé que le projet présente un risque zéro... Amis de Venise, après l'inénarrable projet Mose, restons vigilants et ne laissons pas les financiers et les technocrates détruire ce patrimoine unique déjà bien mal en point ! 
 
Pour ma part, je vais cesser de pester contre tous ces apprentis sorciers au manichéisme somme toute ultra vulgaire et me retirer dans mon joli jardin, lire de la poésie, faire de la pâtisserie avec mes enfants et me remplir les yeux des merveilles qui me sont données d'approcher tant qu'il est encore temps. "En attendant les barbares"...

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