30 novembre 2018

Chronique de Venise en novembre : La Madonna della Salute


Pour ma tante Randi. 
In Memoriam.

Chaque 21 novembre depuis le XVIIe siècle, les vénitiens rendent un hommage solennel à la Vierge Marie, adorée spécialement en ce jour pour avoir mis fin à la terrible peste qui décima la population de la Sérénissime en 1630. Émouvante et joyeuse fête qui rassemble les vénitiens qui viennent en famille ou entre amis de l'aube à tard dans la nuit.

Jeunes et vieux, croyants ou non, tous se rendent à la basilique de la Salute en empruntant le pont de bois qui enjambe le grand canal pour quelques jours. Tous vont vers la Madonna della Salute, la Mesopanditissa. Enchâssée dans le grand autel en marbre avec sa somptueuse sculpture de marbre réalisée par le sculpteur flamand Giusto le Court où la vierge apparaît tenant dans ses bras l'Enfant-roi, accompagnée d'un groupe d'anges qui chassent la peste sous le regard d'une femme en prière, allégorie de la ville de Venise invoquant l'intercession de Marie, l'icône, très aimée par les vénitiens, fait l'objet d'une grande vénération,  depuis que le doge Morosini décida de l'exposer dans le sanctuaire en 1670 dont elle est depuis le symbole.

Le pont de bateau, inauguré la veille par le cardinal Francesco Moraglia, patriarche de Venise et le maire Luigi Brugnaro, voit ainsi passer des dizaines de milliers de pèlerins qui portent avec eux un cierge que la plupart ramèneront chez eux pour protéger la santé de eux qu'ils aiment ou veiller à la guérison de leurs malades. L'usage est de les allumer autour du maître-autel où une messe est célébrée toutes les heures. La foule reste dense toute la journée. Les policiers, très nombreux depuis quelques années, en uniforme autour de la basilique ou en civil parmi les fidèles, veillent à maintenir la circulation. À certains moments, il y a tellement de monde, qu'ils doivent organiser un sens, brandissant des panneaux indiquant le sens autorisé ou interdit. Tout cela se fait dans la plus grande sérénité, paisiblement et joyeusement. Il s'agit vraiment d'un moment de fête, un de ces temps aimés quand on se retrouve volontairement entre parents ou amis.Les touristes qui pour la plupart ne savent pas ce qui motive ce grand mouvement de foule semblent un peu hagards. Certains s'éloignent effrayés ou, comme le disait une dame en prenant le bras de son mari : "N'y allons pas. Laissons-les !". "Mais pourquoi donc ?" Répliqua l'homme. "Par pudeur." fut sa (jolie) réponse. 

Cette solennité n'a rien d'artificiel et, tout comme le Redentore, autre grande fête traditionnelle, rien ni personne ne l'a dénaturée. Traditionnel moment de retrouvailles d'un peuple aujourd'hui réduit en nombre mais qui resté attaché à ces traditions ancestrales. Toutes les générations s'y retrouvent dans un même entrain et une piété commune, témoignage que l'âme authentique de Venise coule encore dans les veines de son peuple. Joyeux témoignage d'authenticité et de vie dans un monde qui se délite, où des forces implacables sont en mouvement qui poussent à l'uniformisation des usages et des goûts et grignotent inlassablement nos différences et nos libertés au nom du profit et de l'ambition de quelques uns.

Voir les petits vénitiens tenant fièrement ces ballons gigantesques ballons qui flottent partout dans la foule et qui se régalent avec leurs parents de pommes d'amour rutilantes, de marrons grillés, de massepain et de nougat, entendre les rires, et plus revigorant encore, entendre tout ce peuple s'exprimer en dialecte, tous milieux sociaux et âges confondus, mais quel bonheur. Quelle joie. Quelle fierté aussi. En rentrant chez moi, hier soir après la prière de clôture dite par le patriarche dans une basilique noire de monde, après être passé par la sacristie où autour du patriarche, prêtres, séminaristes et enfants de chœur quittaient leurs vêtements sacerdotaux au milieu des bénévoles qui vendaient images pieuses et chapelets, après m'être recueilli comme des centaines d'autres derrière le maître-autel, après avoir admiré les somptueuses noces de Cana du Tintoret et le groupe de saints autour de Saint Marc du Titien et ce Saint Sébastien de Basaiti qui vole haut sur l'une des parois de pierre blanche de la sacristie, deux des tableaux qui ont illuminé mes années d'étudiant à Venise, après avoir traversé le cloître du séminaire, c'est une immense paix que je ressentais. Les marchands de gourmandises et d'objets religieux rangeaient leurs marchandises, des groupes de passants se répandaient partout, tout résonnait de joie et de paix. 

Rare moment de grâce qu'on retrouve aussi à la Saint Martin quand les enfants se répandent dans les rues, le soir du Redentore quand flotte sur le Bacino di San Marco tout l'esprit festif des vénitiens... Mais aussi chaque jour après l'école à San Giacomo, à Santa Maria Formosa, ailleurs encore, et le soir pour la passeggiata à San Luca ou a pied de la statue de Goldoni et plus tard du côté de la Misericordia, la Movida estudiantine... En dépit des hordes de touristes, vivre à Venise est et demeure un bonheur. 



18 novembre 2018

Ma Venise gourmande

La cuisine vénitienne et ses spécialités, tout le monde connait. Risotto à l'encre de seiche, bacalà mantecato, spaghetti aux clovisses, pasta fagioli, risi bisi, et tant d'autres plats délicieux s'offrent aux amateurs de bonne chère un peu partout. On parle moins souvent des douceurs traditionnelles, ces desserts qui sont pour les vénitiens autant de réminiscences des goûters et des fêtes de leur enfance. 

Le mois de novembre qui est déjà bien entamé, offre par exemple, l'occasion de goûter des pâtisseries traditionnelles. L'une est dégustée le jour des défunts, on la nomme la Fava dei morti. elle n'est pas spécifique à Venise mais on la prépare dans la région d'une autre manière qu'ailleurs dans la péninsule.

© CSI MultiMedia by Cristina Bruno e Alfredo Pustetto - .
Viendra ensuite les pains d'épice à l'effigie de Saint Martin que les enfants s'arrachent et qui décorent joliment les vitrines pour la fête du saint, le 11 novembre. Vous trouverez ICI la page d'un site fort sympathique qui en donne la recette mais aussi un modèle pour réaliser le moule. Remerciements aux auteurs au passage pour l'emprunt de l'image mais aussi pour leur site !)

Puis l'hiver sera là, le pandoro et le panettone feront leur apparition, on se régalera de zabaion à la maison, de crema fritta et la froidure ramènera les bonnes odeurs qui s'échapperont des fourneaux, celles de la torta della nona ou de la tarte aux amandes... 

Bien qu'un certain nombre de lieux mythiques aient disparu, les pâtisseries sont encore assez nombreuses à Venise. Certaines sont très réputées. en voici un petit guide, établi selon nos préférences et qui ne concerne que le centro storico. Il y a en a aussi de très recommandables à Mestre, au Lido et ailleurs dans les environs. Mais celles que nous vous présentons sont faciles d'accès, vous les trouverez au fil de vos pérégrinations dans les rues de la Sérénissime. Avec le temps du chocolat chaud, l'envie de cappuccino bien mousseux, les tiramisù, les strudels et kiffels et autres pastine exercent une forte attraction. 


Pour vous mettre en bouche, et parce que ce joli dimanche, froid mais ensoleillé que nous venons d'avoir, m'a donné des envies de cuisiner, j'ai servi aujourd'hui pour dessert du repas dominical, le fameux Flan Nanny (déjà présenté sur le blog avec d'autres recettes de saison. Le lien est ICI). Point besoin de mesures exactes. il s'agit de faire du porridge avec des flocons d'avoine, du sel et du sucre, de l'eau et du lait (à l'irlandaise) ou seulement du lait, de la vanille, et, quand celui-ci est cuit, y ajouter délicatement des blancs battus en neige bien ferme avec du sel et du sucre, et en dernier du rhum, selon les goûts. mais c'est meilleur quand on sent bien le parfum du bon vieux rhum. Cette fois-ci, pour changer, j'ai remplacé la vanille par de la cannelle. On met l'appareil au four - J'ai choisi la formule individuelle qui cuit plus vite qu'un grand moule à soufflé - à feu vif, le temps que le dessus prenne une jolie couleur dorée et que les blancs cuisent. Attention à ne pas laisser trop longtemps sinon on se retrouve avec une sorte de gâteau un peu sec. Si cela arrivait, il vous suffit de rajouter immédiatement au sortir du four quelques cuillères de lait battu avec du rhum. Le flan Nanny est délicieux quand il est onctueux, solide et consistant mais assez souple et crémeux en bouche sans être liquide. Il ne faut surtout pas ajouter au porridge les jaunes qui à tous les coups transformerait votre préparation en cake. C'est aussi bien bon avec des raisons secs. C'est meilleur servi tiède. Will, mon jeune hôte britannique gourmand, a décidé de le baptiser le pudding Lorenzo.