24 février 2012

Theo de San Barnaba

Sur le joli campo de San Barnaba existait il y a quelques années un petit bar sans prétention fréquenté par les gens du quartier mais aussi par de nombreux musiciens et des peintres.

Le patron, grand amateur de musique avait en plus chaque jour la visite d'un chat ordinaire dénommé Theo. Mais pas si ordinaire en fait. Le fameux Theo, gatto genetico, pareil à des centaines de ses congénères qui occupaient jusqu'il y a peu, les cours et les ruelles de Venise (avant que des fonctionnaires venus de Rome décident qu'il fallait réduire cette colonie traditionnellement implantée à Venise depuis la nuit des temps), arpentait le quartier. Bien nourri par les mamagatti qui elles aussi, surtout à Dorsoduro, étaient légion, il menait une vie calme et sereine. Il était très organisé aussi : le matin il allait à Santa Margherita, vers les étals de poisson. Quand midi sonnait, on le voyait au soleil, se lissant les poils sur la margelle d'un puits, le rebord d'une fenêtre ou au milieu de la Corte dei Furlani où il demeurait, non loin de la Ca'Rezzonico.

Plusieurs minets qui lui ressemblaient beaucoup, mais bien plus jeunes, vivaient dans les environs, preuves édifiantes de ses amours passées. Il en avait pincé un temps pour la chatte du bedeau de San Barnaba mais cette infidèle lui avait préféré un jeune rouquin paresseux vivant du côté de San Trovaso. Bref notre Theo était une vraie vedette. Un caïd. Chaque jour ou presque, lorsque le bar "Ai artisti" se remplissait de monde et que des musiciens y jouaient, ou même quand le patron mettait un disque, Theo arrivait.


Dès qu'il entendait la musique (sa maison était de l'autre côté du canal), il grattait pour sortir ou sautait par la fenêtre et il rappliquait. Il s'installait à gauche de l'entrée, sous le téléphone et se couchait sur les annuaires près du comptoir. Ceux qui l'ont connu vous le confirmeront, il semblait vraiment aux anges. Il ronronnait de plaisir surtout quand on lui mettait les Quatre Saisons de Vivaldi, et plus que tout, quand les violons glissaient et répandaient leurs trilles joyeuses et résonnaient sur la place. C'est ainsi que Franco Gelli a voulu immortaliser notre amateur de musique dans une lithographie parue aux Edizioni di Ghen, objet aujourd'hui introuvable, et qui siégea longtemps, joliment encadrée, sur un des murs du bar. L'estaminet n'est plus le même, mais tous se souviennent de Theo !

Cette anecdote me fait penser à un très bel ouvrage, publié en 1991 par Robert de Laroche, grand amateur de chats, chez Casterman, avec des photos de son complice Jean-Michel Labat, intitulé "Chats de Venise". Je le recommande à tous les amoureux des chats et de Venise. Posted by Hello J'espère que l'auteur, s'il vient à lire ce modeste et virtuel magazine, ne m'en voudra pas d'une aussi plate présentation de son superbe livre !

Reprise d'un ancien billet revu et corrigé.

6 commentaires:


anita a dit…
...."Aï Artisti"? ...est toujours là !!! .... et de gros chats le long du rio ... anita
Les Idées Heureuses a dit…
Ah! les chats...quand on les aime c'est pour toujours, ici ou là. Celui là était particulièrement attachant avec cette indépendance qui caractérise cette espèce si précieuse, et son goût pour la musique ne m'étonne pas, je l'ai souvent remarqué avec les miens. La litho est amusante, une sympathique "carte de visite".
Lorenzo a dit…
Ai artisti a rouvert ses portes mais ce n'est plus le même et le souvenir de Theo, sauf erreur a disparu des mémoires du lieu et de ses nouveaux gestionnaires. Ce sont pourtant des vénitiens, pas des chinois...
ladivinecomédie a dit…
Pardonnez-moi ce hors sujet mais Bordeaux sera bientôt à nouveau en ligne directe avec Venise grâce à la Compagnie Volotea. D'après l'article " à partir du 24 avril 2012, Bordeaux sera desservi trois fois par semaine, avec des départs d’Italie les lundi, mercredi et vendredi à 6h30 (arrivée 8h25) et des retours à 8h50 (arrivée 10h35). Les billets devraient être disponibles à la vente la semaine prochaine, cette ligne étant sans concurrence." Après la compagnie My Air qui n'a pas duré bien longtemps voilà une alternative à Thello. :http://www.air-journal.fr/2012-02-24-volotea-15-routes-a-venise-dont-bordeaux-544803.html

Anonyme a dit…
Robert de Laroche est très heureux de l'intérêt que vous portez à ses ouvrages, et devait vous écrire pour vous en remercier. Je regrette, pour ma part, que les chats ne se rencontrent plus aussi souvent à Venise ; les chiens les ont remplacé, hélas ! Veneziamente 
Gabriella
Lorenzo a dit…
Sans vouloir faire dans les ragots ni colporter des rumeurs, j'ai souvent entendu dire de source autorisée, que le problème que posaient les chats à Venise avait été réglé manu-militari (un jour où Brigitte Bardot devait tourner le dos), par un assesseur dont nous tairons le nom, qui détestait les chats (il était célèbre avec son chien qu'il promenait et qu'il encourageait à courir après la gent féline): les employés municipaux firent une terrible rafle et les pauvres bêtes disparurent. on a dit qu'ils avaient été déportés sur un ilot abandonné, qu'on les avait gazé... Suivirent des campagnes de stérilisation. Les mamagatti disparurent à leur tour (exilées elles-aussi sur un îlot ?) et les quelques irréductibles furent intimidées à coup de procès-verbaux pour les dissuader de garder et nourrir les chats errants... L'inanité des temps modernes...

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