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20 août 2023

Où il est question du passé bien rangé dans de belles boîtes et de la lune bleue joliment jaune

Un titre inhabituellement long pour ce billet inspiré par les semaines passées et cet été 2023 qui fut à la fois somptueux et misérable. Il n'est pas loin de sa fin bien que demeure encore dans l'air l'espérance d'autres belles journées à venir avant l'automne. Demain, ce sera la (deuxième) pleine lune d'août, une de ces splendides lunes bleues qui font rêver les enfants poètes. 

Déjà depuis deux jours elle est là, jaune comme du sable avec son visage immortalisé par Méliès (*), sans la fusée dans l’œil mais jaune comme le réalisateur l'avait imaginée. Avec elle un changement de température mais aussi un air plus fluide, plus léger et presque frais. Un ciel bas aussi prémices de l'automne qui n'est plus très loin ; comme un avertissement. 

Surpris, les gens délaissent les terrasses et les rues sont presque vides. Il n'y a pas que le climat bien sûr, l'ambiance est morose depuis plusieurs mois et le retour des vacances s'avère encore plus douloureux que d'habitude. Les prix qui flambent (pourtant la valeur des matières premières diminue), la crainte de ceux sur qui on continue de faire pression dans les medias et qui appréhendent le retour de la pandémie. Ils me donnent envie de raconter une fois encore ce que furent les vraies pandémies de notre histoire, la fulgurance de leur extension, la mort se propageant partout à une échelle qui rend ridicule les chiffres des victimes du Covid.. 

Mais ne repartons pas dans les polémiques même si la colère est grande devant la gigantesque esbrouffe des nos dirigeants et ce presque partout dans le monde... Bref bien des raisons de se sentir tendu sur cette planète... Pourtant le beau temps revient toujours après la pluie et jamais les entreprises diaboliques - que l'on croit au démon ou pas - ne triomphent jamais. 

Rester positif, résister à la morosité, sourire à la vie... C'est certes plus facile dans nos régions méridionales où le soleil se fait bien plus rieur qu'ailleurs, où les cœurs sont rompus aux petites joies, aux bonheurs du quotidien. N'est-ce pas tout ce dont l'être humain a besoin ? 
 
Ne plus craindre, croire en Dieu, en l'autre, aux lendemains meilleurs, à la paix, à la solidarité, à l'amour, à la main tendue... Il y a du chemin à faire pour que tous nous comprenions la nécessité de nous unir, de nous entraider, de nous accepter. Les religions semblent ne plus attirer beaucoup de monde, sauf les extrêmes dont la violence, la hargne sont bien éloignées des valeurs d'amour, de paix et de tolérance pour n'être que des codes moraux rigides et hypocrites, des organisations au service des pouvoirs les plus corrompus et les plus indignes de lever un seul regard vers le Créateur. 
 
Certes, il ne faut pas généraliser, bien des communautés, des Églises, des femmes et des hommes aux vies consacrées sont des ilots de paix et d'amour, d'écoute et de patience. Ils montrent la route et ce n'est pas celle que les pouvoirs tracent pour les peuples. Ils ne veulent que des petits soldats, des esclaves soumis et pour être de notre temps, des consommateurs dociles. Ce n'est pas l'esprit de Tramezzinimag ni de ses lecteurs.

Les circonstances ayant obligé votre serviteur à passer bien plus de temps que de coutume en France (**), à la maison, j'en ai profité pour faire du rangement, trier, classer, jeter. Rester en ville, calfeutré pendant les heures les plus chaudes comme on le faisait autrefois à Palerme dans les palais de l'aristocratie où une salle sans fenêtre, souvent aux murs très épais, au sol de marbre permettait d'échapper au vent torride venu d'Afrique et aux températures semblable à celles que nous avons connu, souvent une fontaine d'eau claire rafraîchissait les lieux. Nos temps disposent de l'air conditionné, qu'on nous interdira bientôt d'utiliser car peu écologique pour les smart cities, ce projet que d'aucuns disent fascisant, concocté par des ayatollahs du marketing et relayés par dls écologistes ultras, qui nous interdira de trop se doucher, de trop manger de viande ou d'arracher les herbes folles qui enlaidissent les trottoirs. 

J'ai rangé donc. Et comme toujours j'ai redécouvert mille vestiges, humbles souvenirs de jolis moments de vie comme nous en avons tous. La première boite ouverte contenait des pochettes de photos datant de l'époque pas si lointaine où nos souvenirs restaient visibles et palpables, fixés durablement sur du papier, dans des cadres sur les meubles ou aux murs

Longtemps j'ai fait le choix de faire tirer mes photographies. Après l'argentique (Ah combien je regrette mon petit laboratoire avec son agrandisseur Crocus, l'odeur si particulière du révélateur, les clichés mis à sécher sur un fil avec des pinces à linge, l'ampoule rouge...), il y a eu les tirages en machine à la FNAC ou chez les photographes qui tentèrent de s'adapter pour subsister. Parmi les photographies retrouvées, ces petits fragments de vie vénitienne, comme les témoins d'un temps révolu. 
 
J'y reconnais l'entrée de la Biennale à l'Arsenal, impossible de bien lire la date du journal mais au livre que je lisais il doit s'agir de l'été 2015, l'année du reportage pour la RTS avec mon ami et complice Antoine Lalanne-Desmet, de l'appartement de Santa Maria Formosa, de la disparition du premier Tramezzinimag pour une raison encore jamais expliquée... Mais je suis en train de lasser le lecteur par toutes ces digressions qui se bousculent au fil de ma plume (cf. les billets de cette époque). 

Cet été-là, le hasard m'avait fait retrouver un ami de jeunesse. Je prenais un verre à la Misericordia. Il était dans le même bar avec une autre de mes amies d'avant, «du temps où je vivais à Venise». Joie des retrouvailles. Tellement de choses à nous dire. Sont arrivés des jeunes, parmi eux il y avait son fils. Même génération que mes enfants. Présentation, échanges de propos avec une bienveillance réciproque. Quelques jours plus tard, pressé de me rendre à un rendez-vous du côté de Sant'Elena, je le recroisais. Le ragazzo avait déposé sa petite amie à la bibliothèque et avait amarré sa barque sous le pont qui mène à la Querini Stampalia. Comprenant que j'étais en retard, il se proposa de m'amener là où je devais aller.
 
Cette balade improvisée jusqu'à Sant'Elena fut une sorte de flashback comme dans un film. Je me suis revu avec mes amis d'alors parcourant - à la rame, il y avait encore peu de barques à moteurs encore chez les jeunes - les rii, traversant le canalazzo, bavardant et riant.

Mes lecteurs les plus fidèles sauront pour l'avoir lu souvent lu dans mes billets que mon coeur depuis toujours se partage entre la France, l'Italie - particulièrement Venise bien évidemment -  et la Grande-Bretagne. 

L'âge venant, la nostalgie se fait bien plus assidue qu'autrefois, quand la vie active, les enfants, la nécessité d'aller à l'essentiel occupaient suffi-samment ma vie pour que remontent à la surface les souvenirs d'autrefois, petits et grands moments de l'enfance et de la jeunesse. Cette période unique où nous voulons être plus grands, plus forts, plus libres tout en nous félicitant d'être aimés, protégés, portés. Paradoxe de l'homme qui se satisfait rarement du présent, pressé d'entrer dans un avenir rêvé, promesse d'indépendance et de liberté. 



 

 

 

 

__________________

NOTES

(*) - Le voyage dans la lune, Georges Méliès, 1902.

(**) - En expliquer le pourquoi serait digne d'un mauvais roman de non-aventure avec des non-héros et des nuages toxiques. Ne perdons pas de temps avec cela. Une page tournée.

22 mars 2021

Un dimanche comme les autres mais en plus doux

Depuis toujours pour beaucoup d'entre nous, ceux qui ont la chance de vivre dans un monde paisible, où les enfants peuvent jouer dans les jardins loin des guerres et des malheurs, ceux pour qui le dimanche est le premier jour de la semaine en même temps que le huitième. celui que Dieu choisit pour se reposer Un jour différent des autres, avec une lumière particulière, un rythme nouveau, plus lent, plus fluide. Parfois aussi un jour d'ennui et de silence. La voix d'Andreas Scholl qui reprend la belle berceuse que Billy Joël composa pour sa petite fille. Cette idée qu'il faut :
« Rassurer les enfants en leur disant qu'ils ne sont pas seuls et qu'on ne les abandonnera jamais est tellement important pour leur bien-être et leur développement future »... 

J'y pensais en me rendant au milieu du jour chez la mère de mes enfants que je n'avais pas vu depuis Noël. La seconde de mes filles arrivée de Nantes, son mari et leurs deux petits y déjeunaient avant de repartir en Bretagne. J'avais des invités moi aussi, et pris dans la préparation du repas, les courses ce matin tôt, me dépêchant pour que tout soit prêt, les plats au four, les vins ouverts, la table mise et l'appartement rafraîchi et dépoussiéré, je n'avais pas eu le temps de prévenir que je ne resterai que le temps de saluer mon gendre et mes adorables petits-enfants. En quelques minutes, le tram m'avait déposé à deux pas de la maison. Un arrêt chez le pâtissier pour ne pas arriver les mains vides et trouver une gourmandise qui plairait à tous, et j'étais en bas de la maison. La place était inondée de soleil. 

Les lieux sont chargés d'histoire. Ils occupent le centre du colisée datant de la gallo-romaine Burdigala, appelé par les bordelais Palais Gallien. Il n'en reste plus grand chose, mais les ruines, très romantiques, sont imbriquées comme à Rome dans les immeubles alentour. On a planté des palmiers sur la petite place . Les lettres dorées d'une citation d'Ausone, le poète bordelais qui fut le précepteur de l'empereur Gratien, gravées à l'antique sur le contrefort des marches de pierre, brillaient. Le soleil éclatant semblait vouloir marquer ce premier jour du printemps nouveau... Tout concourait à créer une ambiance méridionale et hors du temps. Soudain, le regret de Venise surgit en moi. Loin de me rendre triste, il stimula mon plaisir. Un jour, bientôt ou plus tard, ce sera, de nouveau dans la cité des doges, mon quotidien retrouvé et cette douce sensation d'être là où je sais que je dois être, là où je me sens vraiment « arrivé à destination »... Mais les aléas entravent depuis tellement longtemps maintenant aspirations et projets, que plus rien ne semble assuré et prévisible, n'est-ce pas ?

Les lecteurs de Tramezzinimag doivent se demander quel rapport il y a dans cette narration d'un dimanche bordelais et les sujets qui nous préoccupent, généralement en rapport avec la vie vénitienne... Je ne sais si cela procède de l'usage des voyages qui sont à chaque fois la promesse d'expériences nouvelles dans un monde nouveau ou la vie recluse dans un univers qu'on pourrait croire de clôture, à la discrétion du père abbé, notre bon Dom Emmanuel Macron. Mais je me gausse, le pauvre homme n'a pas non plus la vie facile depuis son accession à la charge suprême...

Vivre à Venise en ces temps bizarroïdes n'est pas plus facile que pour nous, à Paris, Lyon, Bordeaux, Malaga ou Montréal. Seulement, les vénitiens ont la chance de vivre dans la plus belle ville du monde, un paradis d'harmonie, de lumière et de beauté. Un lieu où le silence est rempli du murmure des siècles jamais étouffé (encore) par la modernité et ses bruits, ses puanteurs. De plus, les hordes de barbares se sont totalement évaporées. Campi et calle appartiennent de nouveau aux vénitiens. Enfants, chiens, mouettes, les chats aussi, tout le monde semble bien plus épanoui que les citadins d'ailleurs, en dépit des masques, des cafés et restaurants fermés. Bientôt Venise sortira de la zone rouge. La vie reprendra le cours presque normal de ces dernières semaines. 

Mais nombreux sommes-nous à ne pouvoir rentrer, maugréant devant cette injustice. Imaginez : avoir eu la chance, depuis un an maintenant, de découvrir Venise comme jamais personne n'avait pu la voir : les eaux limpides et impollues comme au premier jour, les canards, les pigeons, les mouettes errant comme surpris du silence et les habitants eux-mêmes abasourdis par les parfums dans l'air, les sons purifiés autant qu'amplifiés. Beaucoup de mes amis me disent avoir eu cette impression très forte, celle d'être environné d'un vrai silence, comme en montagne ou dans le désert : aucun bruit mécanique, aucun moteur. Les sons de la vie urbaine sans la folie des temps modernes. Le bruit des pas sur les dalles des rues, les cloches qui se répondent, les cris des enfants, les rires, la musique qui surgit d'une fenêtre entrouverte, le chant des oiseaux, le clapotis des eaux... Oui, en gravissant les quelques marches qui mènent jusqu'à la porte de la maison où je suis attendu, je réalise combien ce dimanche ordinaire déjà si doux et heureux, doit l'être encore davantage à Venise, du côté de San Samuele, de San Zanipolo ou dans Dorsoduro...

29 novembre 2020

Tramezzinimag invite l'écrivain Mustapha Dahleb :

J'ai le plaisir de livrer à votre appréciation ce petit texte qu’un ami dominicain m’avait fait connaître quelques jours après le début du premier confinement. Publié par un écrivain arabe et médecin, dans la Tribune Juive le 20 mars 2020, il nous appelle à la sagesse et à prendre du recul. Je l'avais lu avec délices. Et si, avec le temps, "le petit machin" a continué de tout bousculer, il n'a pas entamé - il ne doit pas entamer - l'Espérance et la Joie, ces deux vertus lumineuses qui aident à résister à la peur, résister à la colère et à sa fille dévoyée, la haine, à résister au désespoir. Gardons notre ardeur en ce premier jour de l'Avent !

Gustav Klimt. Hope. II. 1907-1908. Détail. MOMA. NY

L’humanité effondrée et la société ébranlée par "un petit machin"   

par Mustapha Dahleb*

Un petit machin microscopique appelé coronavirus bouleverse la planète. Quelque chose d’invisible est venu pour faire sa loi. Il remet tout en question et chamboule l’ordre établi. Tout se remet en place, autrement, différemment. 

Ce que les grandes puissances occidentales n’ont pu obtenir en Syrie, en Lybie, au Yemen, ce petit machin l’a obtenu : cessez-le-feu, trêve... Ce que l’armée algérienne n’a pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu (le Hirak a pris fin). Ce que les opposants politiques n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu (report des échéances électorales... Ce que les entreprises n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu : remise d’impôts, exonérations, crédits à taux zéro, fonds d’investissement, baisse des cours des matières premières stratégiques... Ce que les gilets jaunes et les syndicats n’ont pu obtenir, ce petit machin l’a obtenu : baisse de prix à la pompe, protection sociale renforcée... 

Soudain, on observe dans le monde occidental le carburant a baissé, la pollution a baissé, les gens ont commencé à avoir du temps, tellement de temps qu’ils ne savent même pas quoi en faire. Les parents apprennent à connaître leurs enfants, les enfants apprennent à rester en famille, le travail n’est plus une priorité, les voyages et les loisirs ne sont plus la norme d’une vie réussie. Soudain, en silence, nous nous retournons en nous-mêmes et comprenons la valeur des mots solidarité et vulnérabilité. Soudain, nous réalisons que nous sommes tous embarqués dans le même bateau, riches et pauvres. Nous réalisons que nous avions dévalisé ensemble les étagères des magasins et constatons ensemble que les hôpitaux sont pleins et que l’argent n’a aucune importance. Que nous avons tous la même identité humaine face au coronavirus. Nous réalisons que dans les garages, les voitures haut de gamme sont arrêtées juste parce que personne ne peut sortir. Quelques jours seulement ont suffi à l’univers pour établir l’égalité sociale qui était impossible à imaginer. 

La peur a envahi tout le monde. Elle a changé de camp. Elle a quitté les pauvres pour aller habiter les riches et les puissants. Elle leur a rappelé leur humanité et leur a révélé leur humanisme. Puisse cela servir à réaliser la vulnérabilité des êtres humains qui cherchent à aller habiter sur la planète mars et qui se croient forts pour cloner des êtres humains pour espérer vivre éternellement. Puisse cela servir à réaliser la limite de l’intelligence humaine face à la force du ciel. Il a suffi de quelques jours pour que la certitude devienne incertitude, que la force devienne faiblesse, que le pouvoir devienne solidarité et concertation. Il a suffi de quelques jours pour que l’Afrique devienne un continent sûr. Que le songe devienne mensonge. Il a suffi de quelques jours pour que l’humanité prenne conscience qu’elle n’est que souffle et poussière. 

Qui sommes-nous ? Que valons-nous ? Que pouvons-nous face à ce coronavirus ? Rendons-nous à l’évidence en attendant la providence. Interrogeons notre “humanité” dans cette “mondialité” à l’épreuve du coronavirus. Restons chez nous et méditons sur cette pandémie. Aimons-nous vivants !

* Mustapha Dahleb est le nom d’auteur du Docteur Hassan Mahamat Idriss.

© Mustapha Dahleb & Lorenzo Cittone - Tramezzinimag2.blogspot.com - 29/XI/2020 – Tous Droits Réservés