22 février 2006

Le temps qu'il fait


Temps maussade sur la lagune. Il faisait 6° aujourd'hui. Il pleuvra certainement demain, selon la météo. Le vent soufflera encore plus fort qu'aujourd'hui et en chassant les nuages, ramènera pour dimanche un ciel dégagé et un soleil presque printanier.

posted by lorenzo at 23:03

21 février 2006

Bons baisers 1900 de Venise

Bons baisers 1900 de Venise

posted by lorenzo at 01:31

C'est aujourd'hui le carnaval des enfants

Joli programme encore aujourd'hui pour le carnaval 2006, qui bat son plein dans la joie, et apparemment dans la bonne humeur. Tous les participants, forestieri (étrangers) et vénitiens, se préparent à un après-midi marathon de danses et de jeux traditionnels. Il y aura même des marionnettes.


Relancé spontanément il y a plus de vingt ans, le carnaval est devenu un rendez-vous obligé pour les vénitiens et le monde entier. Les attractions ne manquent pas. Aujourd'hui par exemple, dès 15 heures, sur la piazza San Marco, ce sera le "bal della quadrilla e del laccio d'amore" (cette danse traditionnelle des mariages depuis les temps très reculés) présenté par un groupe de danseurs venu de Lauro, en Campanie. A 18 heures, concert de "Il suono improvviso" sous la direction de Paolo Vianello qui ouvrira la danse sur la piazzetta Pendant ce temps au Gazebo, pour les amateurs de musique classique, ce sera l’Opéra de chambre de Venise qui se produira.
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Mais cette journée est avant tout celle des enfants. Car, cette année encore, les organisateurs ont pensé à eux. Le groupe "Lion e Mandragola", sur le campo San Polo, présentera de 15 heures à 18 heures, un spectacle intitulé "Scusate il disturbo, stiamo giocando per voi" (excusez le dérangement, nous sommes en train de jouer pour vous), une série de jeux traditionnels auxquels les enfants participeront. "Macrame", le laboratoire de fabrication de masques leur permettra d'apprendre l'art ella maschera. Puis entrera en scène "L'aprisogni" (l'ouvre-rêves), le théatre de marionnettes et juste après, ce sera un bal costumé rien que pour les enfants.
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Au Rialto, ça va déménager de 19 heures à 23 heures, sous la férule des "Cacao Brothers Dj and Guest". Point de ralliement des jeunes qui auront la possibilité de danser jusqu'à 4 heures du matin (rarissime à Venise où dès 1 heure, le silence d'habitude se fait total dans les night clubs) puisque ce sera la "Carnival Night". La gigantesque piste de danse est installée à la gare maritime de San Basilio, située assez loin du centre historique et des habitations, histoire de ne pas déranger ! 
Autre information utile (et agréable) : aujourd'hui encore comme pendant toute la durée du carnaval, il est possible de faire un tour en gondole, de nuit, à un prix discount (excusez le langage) grâce à l'Association "Gondolieri di Venezia - Assemblea dei Bancali". La seule condition : être masqué.
C'est aussi aujourd'hui, le premier rendez-vous du festival de théatre de Maurizio Scaparro, sous l'égide de la Biennale. Je vous en ai déjà parlé. Placé sous le double signe du "dragon et du lion", la manifestation débute à l' Ateneo Veneto (à côté de la Fenice) à 17 heures avec "La Cina raccontata da Calvino, Parise, Terzani, Ricci, Xianyong" (la Chine racontée par...). Federico Rampini, correspondant de la Biennale à Pékin, parlera de la croissance de ce pays incroyable qui abrite le cinquième de la population terrestre pendant que Donato Sartori se souviendra des terribles journées de Tienanmen. Invité par la Biennale, il présentera des masques témoignages du massacre.
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Mais revenons à la fête. A 19 heures, sur le petit Campiello del Milion, (derrière le Théatre Malibran), la Compagnia della Calza - I Antichi" dont j'ai le privilège d'être membre diplômé, donnera vie à la première lecture publique et intégrale des temps modernes de l'ouvrage de Marco Polo, "Il Milione". Les vénitiens comme les étrangers présents à Venise sont invités à venir lire le texte. Cette manifestation, baptisée "Un Milione di letture", veut contribuer à bâtir un travail collectif de narration populaire, destiné à devenir un DVD sous le titre "Tutto il Milione recitato a più voci".
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A la corderie de l'Arsenal, on peut admirer les somptueux costumes du film "Le dernier empereur"de Bertolucci, et son pendant à Ca'Pesaro, l'exposition "Dalla Cina a Venezia", mérite le détour : vêtements d'apparat, porcelaine et jades de la dynastie Qing (1644-1911). Il ne vous reste plus ensuite qu'à vous rendre au Malibran, où à 20 heures, la Fondazione Teatro La Fenice - Circuito Cinema Comunale (dirigé par mon ami Roberto Ellero), présentera en avant-première, "Wu Ji", le colossal péplum chinois de Chen Kaige, projeté à Berlin il y a quelques jours, ("promise" en anglais et en français "la légende des cavaliers du vent" ). D'après mes informations, le public de Berlin a souvent rigolé devant la grandiloquence des scènes mais les costumes et les décors sont somptueux et l'atmosphère fabuleuse. Voilà, il fera bon se déchausser ce soir en rentrant d'une pareille journée. Gageons que les enfants dormiront bien !
posted by lorenzo at 01:25

Il regarde par la fenêtre, en attendant les barbares...

 
"En attendant les barbares", l'esthète à sa fenêtre regarde couler l'eau du canal. La lumière qui joue sur les briques du pont, les reflets à la surface de l'eau qui se tendent et se détendent comme des flammes multicolores lui procurent depuis toujours une joie ineffable. Il pense. Tant de grâce. Toute cette harmonie que les iconoclastes bientôt détruiront. 

 
Beaucoup déjà ont fui. Lui restera. Tant qu'un souffle de vie traversera son corps, il demeurera, là, comme le gardien d'un temple sacré. Mais peu à peu la sauvagerie s'empare des esprits et danse avec les âmes. Il le sait bien. Qu'y peut-il l'esthète à sa fenêtre ? Sans dégoût, sans regret ni colère, il referme les volets verts délavés et tire le lourd rideau de soie jaune. 

 
Il ferme les yeux. Il ferme son coeur. Pour ne pas voir ce que son univers parfait d'équilibre et de pure beauté devient peu à peu. Il doit rester. Qui mieux que lui pourra raconter combien le décor de ce monde était parfait... Allons, attendons les barbares. A quoi bon résister ? Ils sont à nos portes, n'est-ce pas. Notre monde était bien beau. Regardez ce qu'ils en font, ces pauvres déséspérés...

posted by lorenzo at 01:06

19 février 2006

Danses et réjouissances, Carnaval bat son plein !

C'était ce soir au palazzo Dandolo, le fameux bal du Ridotto où, après un spectacle de Commedia dell'Arte, els invités ont pu se restaurer comme au temps de la République avant de danser une bonne partie de la nuit avec l'orchestre "offerta musicale" sous la conduite d'un maître de danse. Costumes parfaitement authentiques réalisés par les ateliers Tiepolo dirigés par la maîtresse de cérémonie, la charmante baronne Romana Von Schilgen. Demain dimanche, ce sera le traditionnel vol de l'ange qui a failli être supprimé. Finalement maintenu dans la grande tradition carnavalesque, ce "volo del turco" (car le premier qui eut l'audace de ce défilé dans les airs fut un turc), aura lieu comme il se doit sur la Place Saint Marc : Un funambule déguisé en oiseau ou en ange, je ne sais plus, marchera sur un filin jusqu'en haut du campanile en jetant des confettis à la foule. Il se dirigera ensuite, toujours sur un fil, vers la loggia del Doge, le balcon d'apparat du Palais des doges sur la Piazzetta. Un déjeuner au Danieli suivra pour les Happy few... 
posted by lorenzo at 00:55

18 février 2006

Comme un souvenir qui me revient en mémoire

En retrouvant, parmi les vieux papiers de ma malle aux souvenirs, une invitation vieille de 24 ans, j'ai eu un brusque flash-back, inattendu, et les détails d'une journée très particulière me sont revenus avec une incroyable précision...
 
Le Centro Tedesco (Centre culturel allemand) de Venise donnait une réception au palazzo Barbarigo della Terrazza, à l'occasion d'une conférence sur l'architecture et la restauration de Venise. Je m'y étais rendu avec Luisa, cette jeune espagnole magnifique dont j'étais doucement en train de tomber amoureux. Cette joie enfantine qui me prit lorsque je me préparais pour la soirée. Luisa qui logeait chez Biasin et que j'avais connu un jour où j'étais de garde à l'hôtel. elle arrivait de Malaga, avec son sac à dos. Plus que tout, ce dont je me souviens, c'est sa voix, sa douce voix avec ce petit accent espagnol, tellement délicieux dans la bouche des femmes de ce pays. Ce soir là, en nouant ma cravate, j'avais envie de pleurer tant cette atmosphère heureuse, cette plénitude que grâce à Luisa je ressentais depuis quelques jours, remontait de loin... Il y avait eu la maladie de mon père puis sa mort, le départ de la vieille grande maison où mon adolescence s'était sentie tellement en sécurité. Il m'avait fallu affronter le monde, les difficultés, les problèmes d'argent. Puis vint la maladie de ma mère... J'avais envie de prendre tous nos ennuis à bras le corps et je voulais tout résoudre. J'avais aussi envie de fuir, de suivre ma voie, cet appel qui m'a poussé durant cinq longues années à tout quitter pour écrire. A Venise. Luisa m'aidait sans s'en rendre compte à renouer avec mon passé, mon milieu, mes goûts. Avant elle, Anna et Annette, mes deux amies allemandes rencontrées au cours d'italien de la Dante Alighieri à l'Arsenal, avaient secoué ma paresse. Elles me conduisaient à l'église vaudoise, le dimanche entendre le sermon. Elles me poussaient dans les musées et me firent pénétrer dans cette délicieuse Casa Gradella où Annette, la petite nièce de Reynaldo Hähn, habitait.
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J'attendais Luisa. Je me sentais fort, j'étais beau, tout propre, bien habillé. Je m'étais défait avec peine de cette odeur terrible, si caractéristique de la misère qui me collait à la peau lorsque j'allais faire le ménage des chambres réquisitionnées dans les pensions et les petits hotels par la Commune, pour loger les "sfrattati", ces vieillards sans famille mis dehors par les propriétaires préférant des appartements vides à des loyers trop bas et bloqués. Elle sonna. J'allais la chercher. Dans la rue étroite, cette silhouette si distinguée faisait un contraste tel au milieu de la grisaille du quartier, que les gens se retournaient. Aucune affectation dans sa tenue. Elle était mince. Elle portait une jupe écossaise en taffetas et une veste jaune. En repensant à elle ce soir, j'entends la chanson de Chet baker "the wind", la trompette évoque le sourire de ma belle espagnole. Le xylophone, le piano, puis le saxo et les cordes posent le décor de ce moment où mon destin aurait pu basculer. Il faisait presque nuit je crois. La calle de l'Aseo était comme un trait de lumière entre les deux falaises des immeubles du ghetto. Luisa était debout devant moi, me souriant. Immobile. J'ai eu envie de la prendre dans mes bras et de ne plus jamais la quitter. Prendre sa main, l'embrasser. Je pensais pleurer. elle ne comprit pas mon visage crispé, mon hésitation. Elle aussi ne savait plus très bien. Elle repartait le lendemain pour Rome. Je n'ai pas su... Il y avait si longtemps.
Palazzo Barbarigo. Après la conférence, le cocktail, sur la terrase, la plus belle de tout Venise, donnant sur le grand canal. La nuit était pleine d'étoiles comme il se doit. Un ciel d'encre couvert de petits points lumineux au-dessus de nous...Un bassin au milieu. Partout de jolies femmes élégantes, charmantes, couvertes de bijoux scintillant comme les étoiles du ciel... De beaux jeunes hommes bien vêtus aux antiques manières. Je titubais un peu. Était-ce le champagne, mon attirance pour Luisa où toute cette ambiance qui me manquait tellement au-dessous de nous, le Grand canal avec ses bateaux qui glissaient doucement ? Et la lune et les étoiles. Notre petit groupe resta un long moment assis près de la balustrade. Il y avait-là Giusi Gradella, qui a tant de classe et un charme fou, son mari magistrat, Anna ravie (elle avait participé à l'organisation de la fête) et Annette Hähn, joyeuse. 


Après je ne me souviens que d'une chose... La chanson de Nat King Cole entendue ou rêvée ? "unforgettable" et Luisa marchant vers moi, dans le chuintement du taffetas de sa jupe... Unforgettable... Sa veste jaune, courte, (comme celle de Julie Andrews dans la "Mélodie du bonheur") mettait en valeur ses hanches rondes et fines. Je crois qu'elle portait aussi des collants et des chaussures jaunes. Elle arriva en me tendant la main. Nous nous sommes promenés dans les salons ainsi, nous tenant par la main.  
Elle partait le lendemain pour Rome. Elle attendait un mot, un geste. En vain. Nous étions sortis ensemble ces derniers jours bien sur, mais rien qui put présager cette tension, ce désir devenu tellement fort... En regardant le carton, je me souviens encore de notre conversation. Presque une dispute. Elle s'entêtait à résumer Veronèse en une sorte d'hédoniste voluptueux et lui préférait Giorgione qu'elle décrivait comme un contemplatif effrayé par la beauté. J'ai su bien plus tard qu'elle avait raison. Son regard sur l'art était incisif, naturel, spontané. Qu'il s'agisse du Greco, de De Chirico, Velasquez ou Bellini, elle allait droit à l'essentiel. 
Ce fut pareil à son retour. Elle vint me rejoindre dans ma petite chambre et me laissa exprimer mon désir jusqu’où la décence et la morale de notre éducation le permirent. Elle m'aimait. Je crois que moi aussi je l'aimais. J'avais tellement peur de ce sentiment depuis une rupture que je portais en moi comme une plaie inguérissable.
Il y avait eu depuis ce cataclysme plusieurs aventures. Marie de L., blessure récente encore béante et qui me faisait trembler. Y penser des années après me fait toujours tressaillir. Je brûlais d'amour pour cette belle fille qui n'avait pas vingt ans. Mais le destin m'avait fait déjà croiser les pas de celle qui allait devenir ma femme six ans plus tard... Au moment de me déclarer, un dimanche après-midi, dans le salon de cette vieille maison de campagne où un ami nous avait convié. L'atmosphère était électrique. Marie attendait. Il fallait que je me décide.  La journée passait. La maison était remplie de bruits. Puis soudain le silence, tout le monde avait disparu. Nous étions seuls, elle et moi... J'avais déjà rencontré celle qui deviendra ma femme. J'hésitais. Je ne dis rien que des banalités sur le jardin, les amis qui nous recevaient... Marie épousa l'année d'après un garçon bien tranquille, notre aîné de dix ans... Voilà ce que j'avais en mémoire quand j'accompagnais Luisa à la gare. Nous avons échangé quelques lettres que j'ai retrouvé au fond de ma malle... 

Et puis un matin, elle est revenue. C'était l'été, j'étais parti me promener avec Agnès, la fille du consul. Ma logeuse croyant bien faire expliqua à Luisa que j'étais sorti avec ma fiancée... Je n'ai plus jamais revu Luisa. Je ne sais même pas ce qu'elle est devenue. Est-elle retournée à Venise avec un mari, des enfants... Aime-t-elle toujours autant s'asseoir comme elle le faisait, rejetant sa tête en arrière pour contempler le ciel et les étoiles, laissant ses beaux cheveux flotter dans l'air dans un geste si pur, si parfait ? Là c'est "change partners" de Bing Crosby qui me vient à l'esprit... Comme si le couple que nous formions dansait et tournoyait sur la terrasse du palais Barbarigo, sous un ciel étoilé, par une nuit de pleine lune, il y a plus de vingt ans... Peut-être après tout n'était-ce qu'un rêve ?

posted by lorenzo at 12:50

05 février 2006

Venise, ô ma jolie




par Léon-Paul Fargue

[...] Le marbre rose flotte sur le silence. Chute lente comme une neige dans un cristal, silence épanoui de la fleur, silence vertical du vase, chaque chose a son silence. Un pigeon qui passe partage l'instant, une gondole qui glisse au plafond. Murmure d'une immensité, le temps fuit de tous les côtés. Le jour jette sa dernière rose aux échos. Mille coupes de Thulé se noient au fil des eaux. Nuages des préhistoires, l'eau teinte des monstres de la fable, sur le frai rouge du couchant les gondoles frottent leur ventre noir. Et qui presse ces éponges de clarté goutte à goutte en stalactites nacrées ? Sur les marches du palais les pas de sang d'un crépuscule égorgé de colombes que flagellent des violons... Debout, à son balcon, la Princesse tire les rênes du couchant et retient l'agonie du soir [...]
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Extrait d'un très beau texte dédié à la Princesse de Polignac, la magnifique Winnaretta Singer qui possèdait un charmant palais à san Gregorio et acheta ensuite le fameux palais Contarini, aujourd'hui propriété du Duc Decazes, descendant des Polignac. La Princesse, musicienne (pianiste et organiste de talent) contribua toute sa vie à la vie artistique parisienne et aida de nombreux artistes. Avec son mari, elle fit énormément pour la création contemporaine. Le poète Léon-Paul Fargue fut un des artistes qui bénéficia du soutien et de l'amitié de la Princesse. Je vous reparlerai de ce palais et de ses propriétaires. C'est là, au dernier étage, que vit depuis quelques années mon ami Roger de Montebello qui a choisi de s'installer à Venise pour peindre.
 

posted by lorenzo at 21:09

04 février 2006

Ça glisse à San Polo.

 
Dans quelques jours à l'emplacement de la patinoire se déroulera le Carnaval des Enfants. bals, concours de masques, goûters, maquillages et jeux pour les petits. A vos photos, vous qui aurez la chance d'être sur place dans quelques jours. Pour ma part, je n'y serai que quelques jours en mars. Puis viendront les vacances de Pâques et nous retrouverons la maison et le jardin de Dorsoduro pour quelques jours de complet bonheur. En attendant, bon carnaval à tous mes lecteurs qui se préparent à vivre ces moments fous et uniques. Attention, il fera froid et il y aura foule. Préparez-vous à des embouteillages monstres aux abords de San Marco et du Rialto. Les policiers règlent la circulation des piétons comme avec les automobiles chez nous ! Mais tout se passe en général dans la bonne humeur !

posted by lorenzo at 20:59

03 février 2006

Il était une fois de belles jeunes filles...

Quand nous étions enfants, ma grand-mère, vénitienne, nous racontait une histoire que nous adorions et qui, avec les détails ajoutés par la narratrice, nous faisait longuement rêver. Tout un monde disparu depuis mille ans réapparaissait devant nos yeux. Venise aimait aussi beaucoup cette histoire puisqu'elle resta pendant près de quatre cents ans très populaire. Fête joyeuse qui occupait toute la population, de l'ouvrier de l'Arsenal au Doge lui-même. On la commémorait le 2 février, le jour de la chandeleur pour nous. Depuis deux ans, Bruno Tosi, historien, grand ordonnateur de fêtes et de manifestations à Venise, a remis au goût du jour cette antique procession, pendant le Carnaval. Mais de quoi s'agissait-il ?

Une légende dit que, en 943, sous le règne du doge Pietro Candiano, l'antique usage vénitien de célébrer tous les mariages à la fois le même jour de l'année était encore en vigueur. Les futures épouses défilaient en un somptueux cortège naval depuis l'Arsenal, le long du canal "des vierges" pour rejoindre leurs maris qui les attendaient, avec tous les invités, à l'église San Nicolo du Lido.

Un jour, des pirates venant des ports de Dalmatie, repérèrent que ces belles glissaient sur la lagune ce jour là vêtues de somptueuses robes de brocart et de soie, portant sur elle des bijoux de grande valeur et amenant à la noce des coffres peints et sculptés dans lesquels étaient rangés les dots et les trousseaux. Bref un véritable trésor flottant qui appâtait ces demi-sauvages avides d'or et de d'argent, mais aussi de chair fraiche... Un jour donc, ils passèrent à l'action et s'emparèrent des vierges et de leurs bagages. Ils s'enfuirent le plus rapidement possible craignant tout de même les représailles de la marine vénitienne pourtant accaparée par la cérémonie au Lido. Quand les jeunes hommes apprirent le rapt de leurs belles, une foule enragée prit la mer et poursuivit les dalmates dans les chenaux de la lagune. Les pirates, chargés de tout cet or et du troupeau des belles promises, avançaient lentement. Ils furent bientôt rattrapés et massacrés jusqu'au dernier. Les jeunes filles évanouies pour la plupart furent réveillées, rafraîchies, rassurées, consolées et les noces purent avoir lieu, triomphalement.

Depuis cet évènement terrible à la fin très heureuse, Venise prit l'habitude d'organiser un défilé des plus jolies jeunes filles de la ville en souvenir. L'histoire des vierges servit à justifier aussi la grande cérémonie des noces de Venise avec la Mer, puisque Venise avait vaincu tous les autres peuples sur la mer grâce à la mer elle-même...

Ce défilé dura des années puis peu à peu la signification en fut oubliée. Les jeunes filles ne voulurent plus défiler car les jeunes gens prirent l'habitude de leur jeter à la place des pétales de roses et des sucreries des origines, des pierres et des détritus, par dérision. La manifestation devint une mascarade. Un doge décida de les remplacer par des marionnettes géantes, vêtues de superbes robes et au visage gracile semblable à celui des jolies vénitiennes d'alors. Cette procession continua encore quelques années puis tomba totalement en désuétude. Sans savoir pourquoi, la mascarade avait encore davantage dégénéré puisque le cortège était accueilli par des jets de pierre et de détritus comme une nouvelle tradition dont personne ne savait plus l'explication.

C'est cette manifestation que Bruno Tosi a remis au goût du jour depuis quelques années. C'est peut-être pour cela que Miss Univers (à moins que ce ne soit Miss Italie ou Miss Europe, je ne sais plus très bien...) viendra présider certaines des manifestations de ce carnaval 2006.

posted by lorenzo at 09:28