03 avril 2006

Itinéraires des Photographes Voyageurs

Pour les bordelais ou pour ceux qui vont venir en avril à Bordeaux, Nathalie Lamire-Fabre, la galeriste de Arrêt sur l'Image, propose à nouveau ce qui est devenu une manifestation très courue et fort appréciée des amateurs de photographies. Ses ITINÉRAIRES DES PHOTOGRAPHES VOYAGEURS revient avec avec le printemps et s'expose dans différents lieux de la ville.

Joli choix encore cette année. Il y a notamment Philippe Guionie, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler, du temps d'Arc-En-Ciel, ma petite société de conseil en communication aujourd'hui disparue (ce fut un beau petit outil qui me permit notamment de faire venir Venise à Bordeaux en 1985). 
Depuis 13 ans, le programme est composé d'expositions singulières : de la photographie humaniste classique à une photographie plus "contemporaine", l'association est animée par une volonté d'éclectisme. Cartier-Bresson, Max Pam, Jean Dieuzaide, Bernard Plossu, Raymond Depardon sont ainsi venus présenter leur travail. 
Comme le précise leur site :"L'association tient également à soutenir des artistes moins connus du grand public, notamment les jeunes artistes aquitains comme Sarah Caron, Christophe Goussard, Polo Garat, Jacques Sierpinski, Philippe Pons ou Stéphane Klein"…

"Un seul critère, la singularité des regards. La fidélité également est mise en exergue par l'association, celle avec nos partenaires (La Mairie de Bordeaux, le Gœthe Institut, l'Institut Cervantès, le consulat de Suisse, la bibliothèque municipale et les musées de Bordeaux, le Mercure Hôtel Bordeaux Château Chartrons, Fip..) et également avec des photographes et des professionnels de la photographie (l'association gens d'images…) qui nous soutiennent depuis plusieurs années.
Depuis 6 ans maintenant, " Itinéraires des photographes voyageurs " s'est associé à la société
Pixels et Grains d'Argent qui propose au public l'ensemble des outils de communication, un cd-rom catalogue de la manifestation, ainsi qu'un site Internet présentant l'intégralité des expositions et depuis cette année plus de 2500 photographies en ligne".


Photographie de © Philippe Guionie,
Amsara, Turquie. Droits Réservés.
posted by lorenzo at 12:40

L'image du jour

Giudecca
Zoran Music
Huile sur toile

Venise par Jacques-Louis Aubrun




Le batelier poussait d'un rythme gracieux
La gondole légère
Dont la proue argentée, aux bonds capricieux,
Scintillait.
.
Voguant de l'estuaire aux courbes du canal,
Trop rapides les heures,
Nous surprenaient frôlant dans quelque étroit chenal
De très sombres demeures
.
D'où nous croyions ouïr, surgissant du Passé,
De douces mélodies,
Où de sombres appels d'amoureux trépassés
Aux siècles des folies.
.
Jacques - Louis Aubrun
Venise, 1930
posted by lorenzo at 10:04

Comme un avant-goût, une promesse...

L'air frais ce matin, le chant des oiseaux (le coucou, les merles, les moineaux) qui répond au cri des mouettes. Cette lumière déjà dense avec le ciel très bleu. Les mille bruits de la vie quotidienne qui s'échappent par les fenêtres ouvertes. Un je ne sais quoi de pimpant et de paisible à la fois... C'est Venise le matin, au début du printemps. Il fera chaud et le ciel restera sans nuage. Un volet qui se lève, le fil du linge qui se grince un peu en se déployant, les oiseaux. le bruit des pas dans la rue. Une allemande qui parle au téléphone en marchant, un livreur qui sifflote et au loin, le ronronnement des moteurs. Puis, de nouveau, le silence... Non je ne suis pas encore à Venise, mais la sensation est la même ce matin, ici, à Bordeaux. Installé près de la fenêtre de mon bureau, j'écoute les oiseaux des jardins alentours. On dirait qu'ils s'essaient tous tour à tour, pressentant d'instinct que le printemps est enfin là pour de bon. Il y a peu de bruit, rien qu'une rumeur. chacun vaque à ses occupations. La lumière est splendide. Tout pareil qu'à Venise. hélas une voiture qui se gare vient rompre le charme. Dans dix jours, nous serons vénitiens. Cet avant goût ce matin, comme une promesse.
.
Cela me rappelle de vieux souvenirs. Lorsque mon père mourut, en 1980, nous habitions une vieille et grande maison, face au Jardin Public. Je ne savais plus quoi décider. Arrêter mes études ? Travailler ? Partir ? Je songeais à rentrer dans une communauté religieuse, je pensais devenir pasteur... Je voulais écrire mais il fallait manger. Et je savais bien qu'il nous faudrait vite quitter cette trop grande maison. De l'autre côté du Pavé (c'est le nom que nous avons toujours donné à ce joli cours où nous habitions alors, entre l'entrepôt Lainé et la statue de Jeanne d'Arc), un immeuble était en rénovation. La façade cachée par de grandes toiles semblait presque terminée. C'était un matin d'avril ou de mai, je ne sais plus très bien. Il faisait très beau. La lumière était un peu comme aujourd'hui, les oiseaux chantaient, le ciel était très bleu et je me lamentais, "Que dois-je faire ? Ou dois je diriger mes pas ?" 

J'allais déjà souvent en Italie et une ou deux fois par an à Venise, mais je n'avais jamais songé m'y installer. je rêvassais ainsi à la fenêtre quand soudain les ouvriers en face enlevèrent les bâches bleues. Des hommes s'affairaient à mi-étage, installant des enseignes. Lorsqu'ils retirèrent l'échafaudage, je vis, ô surprise, le lion de Saint Marc, l'aile déployée, la patte posée fièrement sur les Evangiles ! Cet immeuble allait devenir la direction régionale de la compagnie Generali Assicurazioni ! J'ai su aussitôt que ma destination serait Venise. Définitivement. Je pris ce hasard comme un signe. A la question que je venais de me poser, la magnifique enseigne de laiton doré apportait une réponse évidente. Venise me faisait signe et choisissait mon destin. Quinze jours plus tard, je débarquais sur le quai de la gare, à Santa Lucia. 

Quelques années plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer François Mitterrand à Dorsoduro. Il était avec Ida Barbarigo, son amie vénitienne, épouse du peintre Zoran Music chez qui il logeait, et Claude Cheysson je crois. Comme il m'interrogeait sur ce qui m'avait guidé vers Venise, je lui racontais cette anecdote. ll la prit très au sérieux et me félicita en me disant qu'il fallait suivre les signes que la providence parfois nous adresse. "Trop souvent", me dit-il, "on refuse d'y croire et bien souvent, nous comprenons trop tard". Je n'ai jamais partagé les opinions politiques du président, mais je me suis toujours senti très proche de sa pensée philosophique et littéraire. Son amour pour Venise et son désir de créer une réelle politique italienne en France contrairement à tous ses prédécesseurs ne pouvaient cependant que me séduire. Et puis cette manière qu'il avait d'écouter, de se mouvoir et de vous parler. Un être hors du commun dans une ville extra-ordinaire, un matin de printemps sous un ciel très pur. Cela ne pouvait que marquer le jeune homme romantique et exalté que j'étais alors !
posted by lorenzo at 09:05

02 avril 2006

Ricordi di colore rosso

En 1984, j'ai changé d'appartement. Le petit studio tout revêtu de bois comme un chalet de montagne que Giuliano Graziussi, (le patron de la galerie que je venais de quitter) m'avait loué, sur la fondamenta delle Capucine avait abrité mon quotidien ( et celui de mon petit chat gris, Rosa) pendant presque deux ans. J'aménageais dans ce qui devait être mon dernier appartement d'étudiant, calle Navarro, à côté de chez l'Architecte de Michelis et à deux pas de chez Bobo Ferruzzi, à Dorsoduro. Je n'avais pas grand chose à déménager mais le "traslocho" posait problème. Davide, un jeune vénitien qui possédait avec son père  une petite entreprise de traslochi (déménagement), se proposa gentiment  de m'aider. C'était un ami de Federico Biasin, le jeune fils de Matilda Grinziato, celle-là même qui en m'embauchant - au noir - dans son auberge, m'avait permis de m'installer à Venise et orienta ainsi mon destin... 

La barque, plate et peinte en rouge, accosta vers 8 heures sur la Fondamenta devant la maison, à Cannareggio. Davide et moi avons chargé les meubles et les cartons. Rosa s'est installée à la proue, très fière et nous sommes partis, à travers les canaux. Puis il fallut décharger au bout de la calle, depuis le rio piccolo del Legname qui mène de la Giudecca au Grand Canal. Rien que de très banal en vérité. Mais déménager ainsi devient tout de suite une somme de poésie, une aventure. Un de ces moments dont on se souvient toujours. La gentillesse et l'empressement de Davide, le ronronnement du moteur à travers la ville, les odeurs et les reflets, les gens que l'on croise, le côté magique du déplacement en bateau à Venise... J'ai encore en bouche le goût du délicieux fragolino que nous bûmes au petit bar non loin de là, Davide et moi. C'était il y 22 ans...
posted by lorenzo at 21:13

30 mars 2006

Lucullus dînait chez Lucullus

Ceux qui me connaissent comme maintenant ceux qui me lisent depuis la naissance de TraMezZiniMag, savent combien cuisiner est pour moi un plaisir et recevoir un délice. Enfin presque. j'aime recevoir à dîner mes amis mais je suis toujours assez nerveux et excité tant je voudrais que le repas soit excellent et la soirée réussie. C'est pourquoi je m'affaire, je m'énerve un peu et je m'agite beaucoup. Le résultat est souvent convenable, le repas en général apprécié, la soirée fort conviviale mais j'en sors exténué. Ravi mais épuisé. 

En fait, ce n'est plus que de souvenirs dont je parle ici, car depuis cette séparation stupide qui a cassé notre vie d'avant, ma vie sociale est réduite à sa plus simple expression et, la grande maison vendue, les occasions de donner de grands dîners et de belles soirées ne se sont pas encore retrouvées. Sauf à Venise. En attendant, voici le menu du dernier grand repas vénitien que j'avais organisé dans notre chère vieille maison. Hommage à Casanova, il s'était prolongé par une petite soirée musicale où un ami vénitien très cher, émigré sur les rives de la Garonne parmi les vignes (et récemment heureux papa d'une mignonne petite bordelaise), interpréta ces airs que l'on entend la nuit sur le grand canal... Une bonne soirée, dans la lignée des festins entre amis de l'ami Fritz. Esprits chagrins, pas de commentaire. Les autres, à vos fourneaux, la fin du Carême approche.
Gamberi con le zucchine  
(Gambas aux courgettes)
Arrosto di Vitello Remedio con Polenta 
 (Rôti de veau Revigorant et Polenta)
peperonata del Redentore 
 (Poivronnade du Redempteur)
Insalata Mista 
(salade mélangée)
Zabayon all'arancia con crema Regina  
(Sabayon à l'orange et sa crème meringuée)

Les vins : des millésimes de chez Batasiolo (of course), sauf pour le blanc, un soave qui venait de Vénétie. Mon préféré, le Dolcetto d'Alba 1987, un très distingué Sovrana Barbera d'Alba 1985, et un inévitable Barolo millésimé 1996. Avec le dessert, j'avais servi leur délicieux Moscato d'Asti, vin blanc liquoreux très aromatisé, d'un raffinement extrême. Et pour accompagner les cigares, la délicieuse grappa Batasiolo, celle offerte par mon ami Fiorenzo Dogliani, l'actuel génie de l'Emporio Batasiolo, lors de son premier séjour chez nous. 

Je vais détailler les recettes au fur et à mesure dans les prochains billets. Les proportions que je donne sont pour 12. Pour un dîner à 6, il suffit donc de diviser en deux les proportions données. Elémentaire mon cher Watson. Ces plats présentés ici sont souvent issus de recettes traditionnelles glanées à droite et à gauche et notamment dans le super ouvrage "la cuisine de Casanova" de Jean Bernard Naudin, Catherine Tooesca, Leda Vigliardi Paravia et Lydia Fasoli (Editions du Chêne) et le livre de l'ami Jean Clauzel que je vous ai déjà recommandé. Il y a aussi "La cuisine des doges" beau et bien fait, avec de superbes illustrations et une préface de Alvise Zorzi. Mais je vous en ai déjà parlé (cf billet).
posted by lorenzo at 01:05

27 mars 2006

TraMezZiniMag galerie : Francis Jacques

Bon, je sais cela ne se fait pas. Désolé pour ces quelques jours de silence. Mais la grippe est passée par Bordeaux. Fièvre, maux de gorge, nez qui coule... Du fond de mon lit, j'ai pensé à quelques billets. Certains sont presque publiables, mais la fatigue l'a emporté (ou la paresse)... Merci à ceux qui m'ont adressé un mail, s'inquiétant de mon silence. En attendant les prochains articles, laissez-moi vous offrir quelques aquarelles de Francis Jacques, peintre blogueur, qui sait rendre avec délicatesse l'âme et les reflets de Venise.

posted by lorenzo at 23:39

24 mars 2006

COUPS DE CŒUR N°3

Abiti antichi e moderni dei Veneziani
par Doretta Davanzo Poli. 

Collection " Cultura popolare veneta" 
à l'initiative de la Fondazion Cini 
et de la Régione Veneto. 
 Editions Neri Pozza.
"Una specie di scialle, identificato come tale su oggetti archeologici ritrovati in area veneta, impone di iniziare la storia della moda a Venezia da molto lontano. Si tratta del fazuolo, detto in seguito cendale, ninzioletto, tonda, sial, termini tutti riferibili a un indumento similare, sistemato a ricoprire testa e spalle, che continuerà a ripresentarsi nel corso dei secoli come una sorta di filo conduttore nell’abbigliamento femminile veneziano".
C'est ainsi que commence l'ouvrage de Doretta, avec le châle, cet accessoire indispensable depuis toujours de la garde robe des vénitiennes, tous milieux confondus, un long périple historique sur la mode et les usages vestimentaires vénitiens de l'antiquité vénitienne à nos jours, riche de détails historiques et de curiosités. "Le propos est d'étudier les changements de la mode au cours des siècles, à Venise et sur la terre ferme", souligne Giancarlo Galan, l'actuel Président de la Région dans sa préface, "en mettant en évidence les données sociales et culturelles et en les comparant au contexte historique et économique dans lequel les différentes manières de s'habiller se sont développées"..."Depuis toujours lieu de rencontre et d'échange de culture, poursuit Galan, pont entre l'Orient et l'Occident, Venise reflète, même dans l'habillement, influences et tendances dépendantes des relations politiques et commerciales à un moment historique déterminé, réussissant en même temps à définir et conserver de nombreux traits d'originalité, tant dans la manière de se vêtir des classes des hautes sphères que dans les milieux populaires..."
Au VIe siècle, l'expansion de la culture orientale en Italie (en 257, le trône d'orient est occupé par Justinien, le dernier grand empereur romain) laisse des traces dans la manière de s'habiller des populations qui habitent les îles de la lagune - comme en témoignent les personnages peints sur les fresques de la basilique d'Aquilée - mais bien vite avec l'évolution des techniques de tissage, les artisans vont mêler à la tradition vestimentaire romaine des éléments originaux d'inspiration purement locale. Un élément par exemple apparait vite et va rester à travers les siècles en usage dans toutes les classes de la société : la fourrure. "même à l'intérieur des habitations, peu ou mal chauffée, des classes moyennes", raconte l'auteur, "on se protègeait du froid en revêtant plusieurs épaisseurs de vêtements dont l'un au moins était en tissu fourré. Les moins favorisés se contentaient de peaux de mouton, de chèvre ou de lapin (les plus pauvres portaient même des peaux de chien ou de chat), tandis que les riches portaient des peaux plus précieuses comme le veau, moins lourd et plus chaud. La fourrure (les poils) touours tournés vers l'intérieur". les poils de la fourrure portée vers l'extérieur sera seulement une nouveauté de la mode du XIXe siècle. Depuis à Venise, le manteau de fourrure, vison, renard ou zibeline reste très porté et la tradition dote les filles à leur majorité d'un manteau de vison comme chez nous d'un collier de perles...
A partir du XIIIe siècle, c'est l'affirmation définitive d'un art du tissage typiquement vénitien accompagné d'un mode de travailler la laine et la soie très particulier. La ville commence à mettre en place lois et règlements en matière de mode, notamment, comme toujours, pour limiter les excès. Le gouvernement de la Sérénissime sera contraint par exemple d'établir des ordonnances limitant le prix maximum pour la confection d'un habit. Un arrêt de février 1219 précise par exemple :"per un completo composto di gonnella, guarnacca e pelliccia, il costo è fissato in L. 12, sette per le prime due, 5 per la terza"("pour un complet composé d'une jupe, un haut garni et un fourrure, le coût est fixé à 12 livres, sept pour les deux premières pièces, 5 pour la troisième). Il va surtout réglementer le nombre de vêtements et la quantité de tissus précieux qu'il sera possible de posséder.
A cette période, la corporation des teinturiers ("I Tintori") va prendre beaucoup d'importance. La valeur d'une couleur au détriment d'une autre orientera les goûts, fera et défera les modes pendant plusieurs siècles.
C'est aussi à cette époque que sera introduit un accessoire fondamental et révolutionnaire : le bouton. Jusqu'alors le vêtement était plus ou moins élaboré, il n'en demeurait pas moins une sorte de tunique portée par l'homme comme par la femme. Avec le bouton, le vêtement adhère mieux au corps, ce petit accessoire ingénieux va rendre possible une utilisation différente des étoffes. Cette ouverture permettra, au siècle suivant, la différenciation totale de la mode masculine de celle réservée aux femmes.
Puis viendra la bourse, tant pour les hommes que pour les femmes : de cuir ou d'étoffe, décorée ou brodée "Accrochée à la ceinture dont elle semble un simple ornement ou son prolongement, par des liens, des rubans, des noeuds ou des chaînettes" explique l'auteur,"pendantes et bien en vue, ce sera vite la proie facile des voleurs munis de ciseaux qui suffisent pour couper les liens et s'en emparer : le terme de tagliaborse (taille-bourse) servira vite à qualifier ce genre de voleurs..."
Au XVe siècle, Venise va exprimer toute son originalité dans le secteur de l'habillement. Du côté des hommes on ré-introduit la toge, sorte de sur-veste à usage professionnel que la Sérénissime va rendre obligatoire. Pour les femmes, il y aura ces manches bouffantes attachées aux épaules et interchangeables. C'est pendant cette période qu'apparaissent des étoffes tellement précieuses qu'elles seront acceptées par le sprêteurs à gage et se retrouveront dans les contrats de mariage... Brodées d'or et d'argent, décorées de motifs végétaux somptueux, ces tissus démontrent le très haut niveau de savoir-faire des tisserands vénitiens.
Au XVIe siècle se développe la dentelle avec ce fameux point tellement fin (que l'on pratique encore - de moins en moins - à Burano). Au XVIIème siècle ce sont ces fameuses chaussures (échasses plutôt) dont je vous parlais il y a quelques jours. On arriva à des semelles tellement hautes qu'il fallait aux élégantes l'aide de deux personnes pour tenir debout et marcher... Des tas d'extravagances vont apparaître, de l'ampleur, du volume pour mettre en valeur la beauté des étoffes précieuses.. On va inventer des couleurs toujours plus belles, des rayures, des fleurs brodées ou tissées... Jabots de dentelles, camisoles et voiles, capes et manteaux, tricornes et autres accessoires typiques comme ceux qu'on peut admirer dans les tableaux de Longhi sont décrits en détail dans le livre de Madame Davanzo Poli, jusqu'aux plus petits détails y compris les artifices camouflés sous les vêtements féminins pour mettre en valeur le corps (paniers sous les jupes, cercles pour tenir le bas des robes faits en cartilage de baleines ou en plumes).
Après la chute de la République, pendant l'occupation française puis autrichienne, rien ne change vraiment sauf l'arrivée des pantalons longs pour remplacer la culotte ancien-régime, véritable révolution puisque ce vêtement masculin était porté à venise depuis la Renaissance par les prolétaires les plus pauvres et mis à la mode par les révolutionnaires parisiens et qui nous a amené à l'habillement moderne.
Les temps modernes ne sont pas oubliés dans ce livre avec les créations de Mariano Fortuny, espagnol de naissance mais vénitien d'adoption, dont quelques belles pièces sont visibles au Palais Fortuny que je vous recommande. Il vient d'être rénové mais conserve l'atmosphère belle époque et très esthétique mise en place par l'artiste lui-même. Artiste éclectique, il ouvrit en 1906 un laboratoire d'impressions sur étoffes, velours et taffetas, qu'il teintait lui-même puis imprimait selon un procédé de son invention, dérivé de la technique des "Katagami" japonais. Eleonora Duse, Sarah Bernhardt, Isadora Duncan et Ilda Rubistein seront ses clientes et ses meilleures ambassadrices.
Vénitienne authentique, Giuliana di Camerino, aujourd'hui disparue, illustre la deuxième partie du XXeme siècle. Son label "Roberta di Camerino", signature apposée sur de magnifiques accessoires, sacs et ceintures de velours polychromes avec des motifs en trompe-l'oeil, (que la jet-set des années 60 s'arrachait après que Grace Kelly, lors de son arrivée à Monaco, se présenta avec un de ses modèles) continue d'avoir beaucoup de succès en Italie comme dans le monde entier avec des foulards et des vêtements que Giuliana lança avec beaucoup de professionnalisme. J'ai participé chez Graziussi à l'édition d'un portfolio de ses dessins. C'était une garnde dame. Et puis, il y a Fiorella Mancini et ses créations psychédéliques (les mannequins femmes à tête de doges barbus, c'est elle), les tissus et vêtements de Norelène (Hélène et Nora , la femme et la fille de Bobbo Ferruzzi)... Un livre passionnant.
posted by lorenzo at 00:02

21 mars 2006

Buona Primavera a tutti !

21 mars : C'est le printemps ! Enfin.
Ne sentez-vous pas dans l'air quelque chose de différent ? Il fait jour plus tôt et les oiseaux chantent plus forts. Les odeurs, les bruits se font plus présents et dans le regard des passants, une petite lueur parfois qui attire la bienveillance. Il fait doux maintenant sur la lagune. La lumière va se faire chaque jour un peu plus dense. "Bientôt, par un beau matin clair, nous verrons éclore la première fleur de notre magnolia"...
Quand je vivais à Venise, nous avions pris l'habitude de fêter le retour du printemps. Nous laissions tout ce jour-là. Pas de cours, pas de devoirs, pas de recherches à la Querini Stampalia. Nous allions chaque années dans un lieu différent célébrer la saison du renouveau. Avec un pique nique, des livres de poésie, de la musique. Ce fut Torcello bien évidemment, qui livre toute la beauté de ses espaces abandonnés dans ces journées juste après l'hiver. Ce fut le romantique cimetière juif du Lido où Byron composa quelques vers, San Francesco del deserto, accueillis par les moines avec un délicieux vin blanc et une tarte aux pommes, ce furent aussi des îlots déserts du fond de la lagune. Une année, la nature nous a offert le plus beau des spectacles : naviguant au milieu des eaux, nous avons vu, très nettement les montagnes enneigées sous un ciel bleu d'azur servant de décor à la Sérénissime qui n'avait jamais à nos yeux mieux mérité son nom que ce jour là. Mais je me répète, je vos ai déjà parlé de ces moments magiques où le décor est tel que le cartographe allemand du XIIIe siècle l'avait décrit dans ce beau plan de Venise dont l'original est conservé à la Marciana et qui me servit, en 1985, pour illustrer l'affiche de notre "Première Semaine de Venise à Bordeaux"
posted by lorenzo at 23:00

19 mars 2006

Une ile méconnue de la lagune: San Cristoforo della Pace


Elle n'a pas vraiment disparue cette île mystérieuse dont personne ne parle plus jamais. Elle n'est sur aucune carte et pourtant elle y figure. San Cristoforo della Pace a reçu Silvio Pellico et abrite aujourd'hui des personnalités célèbres comme Diaghilev, Stravinsky, Ezra Pound, Joseph Brodsky, la reine Aspasie de Grèce, et tant d'autres... 

C'est par la volonté de Napoléon qu'elle fut effacée des mémoires. Réunie à l'île de San Michele (pour ceux qui ne le savent pas, l'actuel cimetière de Venise) en 1836 par le comblement du canal qui séparait les deux île, on la dit disparue, car elle n'est plus dans l'esprit des vénitiens que "San Michele, l'île des morts"... A l'époque où Bonaparte prit sa décision, San Cristoforo était habitée et servait de lieu de détention pour les prisonniers de la République qui après les piombi (les prisons du Palais des doges) devait continuer de purger leur peine. Il faut savoir que San Michele, appelée autrefois "cavan de Muran" est en fait la partie la plus proche de Murano
posted by lorenzo at 00:31