27 juin 2006

Botanique et navigation

Qui a dit que les gondoliers naissaient comme vous et moi ? Ils sortent tout habillés des fougères lacustres de la lagune. Bien nourris non et de fort bonne humeur pour vous emmener sur des rivages. Voilà du moins une explication très plausible après tout donnée par ma fille en regardant ces photos très sympathiques dénichées sur le net...

Au passage, laissez-moi vous signaler, pour ceux qui sont intéressés et ne le possèdent pas déjà, l'excellent ouvrage très joliment illustré d'Eugenio Vittoria, Le Gondolier et sa gondole, traduit par Dominique Pinchi, le libraire française de Venise, qu'il avait publié en 1979, dans sa maison d'édition, Editrice Evi installée à Castello. Disparu il y a quelques années, c'était un de ces vieux vénitiens très cultivés, passionnants et passionnés, comme je les aime et dont je vous reparlerai.

 


posted by lorenzo at 19:34

25 juin 2006

Gatti veneziani

Comme chez les humains, on rencontre toute sorte de caractères chez les chats mais chez ceux de Venise, il y a quelque chose en plus. D'abord ils gardent le souvenir de leur grande utilité du temps de la Sérénissime. Sans leurs ancêtres, la peste n'aurait cessé de se répandre dans la cité et les doges en avaient fait des notables dont le livre d'or s'il n'a jamais été écrit n'en demeure pas moins dans la mémoire collective. 
Si les rois de France avaient de beaux lévriers, les maîtres de Venise avaient surtout des chats ! Les bateaux ne partaient jamais sans un des leurs et sur le navire amiral de la flotte vénitienne à la bataille de Lépante, il y avait un somptueux matou guerrier qui ne manqua pas une charge et revint en triomphateur acclamé avec son maître.  Bref le chat de Venise c'est quelqu'un. 

Hélas comme tout à Venise aujourd'hui, le monde des chats est en péril. Certains gouvernements des années 80 ont voulu les éliminer, ou du moins en réduire les colonies. D'autres ont pris conscience de leurs malheurs et ce fut des campagnes de vaccination, de stérilisation mais aussi l'ouverture de refuges et de dispensaires. Voilà qui m'a donné envie de montrer quelques spécimens de ceux qui demain seront peut-être les seuls vrais vénitiens du Disneyland qui semble parfois se préparer dans la ville que nous aimons tant mais que les hordes dénaturent chaque jour davantage...
 
 
Celui-là qui joue sur un terrazzo de marbre clair, vague cousin de notre chat, est toujours aussi facétieux. Bien nourri aux sardines fraîches ou in saor, il vit une vie tranquille au premier étage d'un somptueux palais renaissance sur le Grand Canal. Il aime regarder pendant des heures le trafic sous son balcon et descend parfois dans le jardin au bord de l'eau. Pour lui, point de soucis. Il finira un peu trop gros sur des cousins en velours frappé de chez Fortuny.

 
On ne peut pas en dire autant de ce pauvre mendiant qui quête sa nourriture au pied du gobbo au Rialto. Il a trouvé de quoi poser son pauvre derrière endolori et n'a qu'une frousse, croiser les vigiles avec leurs horribles bergers allemands. Il ne mange pas toujours à sa faim et doit chaparder quand la faim le tenaille trop. Heureusement, il y a la soupe populaire... quelle rupture familiale, quel incident de parcours l'a jeté dans la rue ? La dégringolade arrive tellement vite à Venise pour un chat...
posted by lorenzo at 22:10

Belle de Jour présidera le jury de la Mostra 2006



On vient d'annoncer officiellement ce que les rumeurs laissaient entendre depuis un certain temps (on en parlait déjà au banquet offert par Christian Pinault l'autre jour à l'Arsenal) : Catherine Deneuve sera la présidente de la 63e Mostra de Venise, qui se déroulera du 30 août au 9 septembre prochains. 
 
Belle récompense en fait pour cette grande actrice dont la l'histoire est très étroitement liée à celle du festival : rappelez-vous en 1967, l’héroïne de Belle de jour rayonnait sur la scène du Palais du Festival, quand le film de Luis Bunuel obtint le Lion d'Or en 1967. Actrice de charme, grande dame du cinéma français, là voilà de l'autre côté de la barrière, qui pourra à son tour juger et récompenser ceux des films qui mériteront de l'être ! 
 
C'est encore une manière de récompenser le cinéma français qui a toujours été très apprécié et fêté sur la Lagune. De mémoire, la Mostra a toujours été (surtout depuis la reprise du festival après la guerre), une manifestation où le cinéma hexagonal est fêté, adulé et le plus souvent récompensé.
 
posted by lorenzo at 16:48

23 juin 2006

Un monde

Jean Lorrain disait de Venise : "Autrefois auberge de rois, maintenant auberge de fous". Venise est un mystère, sa puissance, son architecture, sa politique, son déclin... 

Les haines qu'elle a suscité et, aujourd'hui encore, la fascination qu'elle exerce, tout procède de ce mystère. Mes cinq années d'apprentissage sur la lagune m'ont appris à vivre. 

Venise m'a enseigné l'amour du beau, le sens du silence, la valeur du temps et si la nécessaire pérennité des valeurs qui font les empires n'est nulle part ailleurs qu'ici mieux démontrée, j'y ai compris combien l'homme doit rester modeste et accepter de voir avec humilité l’œuvre de sa vie vaciller, voire s'effondrer, et reconstruire comme les vénitiens n'ont jamais cessé de le faire, avec leur ville et leur civilisation. 

C'est à ce prix qu'ils ont pu tant donner au monde. Pour notre plus grand bonheur.
posted by lorenzo at 06:44

22 juin 2006

21 juin 2006

Grazie a Mark Trevis


Je viens de découvrir sur Yahoo un lien (daté de novembre dernier) vers un post de Mike Trevis, le chercheur vénitien spécialiste de la restauration des monuments qui anime plusieurs sites dont le sublime VeniceMap qui est un de mes sites favoris. Voilà, in extenso, sa citation. Merci à lui pour cet aimable coup de pouce (en italien) et que Vive Venise !
  TraMezziniMag E’ un blog, scritto prevalentemente in francese da Lorenzo, che si complimenta con me di Vene-map e mi invita ad andare a vedere il suo sito, invito che vi giro. Particolare il nome : Tramezzini Mag, quale nome più appropriato per un magazine su venezia e dintorni?
  Per chi non lo sapesse infatti noi Veneziani/Mestrini siamo famosi (o crediamo di esserlo) per i nostri tramezzini. E se non li avete mai visti dei veri tramezzini (… provvederò al più presto ad inserire una adeguata foto, su google non ce ne sono…) non pensate ai piatti tramezzini che vi vendono nel resto d’Italia, ma ad un gonfissimo triangolo pieno degli ingrdienti che preferite (porchetta, tonno e uova, tonno e cipolle, prosciutto e funghi…) accompagnati dalla giusta quantità di maionese.
   Com’è che in questi giorni mi ritrovo a parlare di cibo? Non so… ma se venite a Venezia un tramezzino di questi ve lo dovete mangiare.

par Miketrevis
posted by lorenzo at 23:51

19 juin 2006

Le roi des chats est vénitien

J'habitais en ce temps-là à Venise, un petit appartement, modeste et tranquille, au deuxième étage d'une très vieille maison dressée depuis plusieurs siècles entre un canal et un campiello où poussait une herbe drue comme à la campagne. La maison était toute tordue et un jardinet que personne n'entretenait jamais la séparait du canal. Mes fenêtres donnaient sur le jardin. Je n'en avais que trois, la quatrième, bloquée par des siècles de poussière, ne s'ouvrait plus et avait été condamnée par des panneaux de bois. Il y avait en contrebas une terrasse étroite couverte de marbre qui avait dû servir au temps de la jeunesse de cette noble demeure, de salon d'été. Un lieu idéal pour far niente. Ces détails plus loin seront utiles au lecteur, c'est pourquoi je m'y attarde. On pouvait accéder à cette terrasse par un e calier de pierre qui partait du jardin. Une vieille porte pratiquée dans le mur donnait dans la ruelle, un passage étroit appelé calle delle Spezier qui débouchait sur un pont. Une jolie patricienne devait certainemnt autrefois s'asseoir sur ce balcon romantique.
 
Eclairé donc par trois fenêtres garnies de géranium et de lierres, ce petit appartement avec son mobilier désuet m'avait plu dès le premier coup d’œil. J'étais arrivé à Venise au mois de février, quelques jours avant le carnaval, et la vie d'hôtel ne me convenait en rien. Il faut vous dire que déjà à cette époque j'exerçais le difficile métier d'écrivain. En fait j'étais journaliste et prétendais déjà, avec mes deux livres publiés, être du monde des lettres.
 
Mon hôtesse (l'auberge était à l'entrée du Ghetto, près du pont de Tre Archi), une forte femme entourée de bambins roux très affectueux, chez qui je logeais depuis mon arrivée, me proposa de louer un appartement chez une vieille dame qui ne voulait pas rester seule dans sa grande maison. Son dernier locataire, un peintre australien avait subitement décidé de s'installer à Rome. L'annonce venait d'ailleurs de paraître dans le journal, "propriétaire loue à personne de confiance appartement meublé deux pièces tout confort douche deuxième étage quartier du Ghetto petit loyer chauffage prix convenable libre de suite". Elle m'y emmena le lendemain. C'était un magnifique jour de printemps comme Venise en a le secret. Tout semblait transformé tant la lumière était joviale et chaude. La propriétaire, une très ancienne vénitienne, m'accueillit très gentiment. Visiblement je lui plaisais. Nous nous mimes d'accord très vite. Un escalier de bois menait à l'étage qui m'était dévolu. Je m'y installais le jour même. Je n'avais qu'une malle, arrivée de France quelques jours plus tôt, mes pipes et ma vieille machine à écrire. Bref, j'étais heureux : vivre à Venise, enfin et pouvoir écrire. J'arrangeais ce petit nid et entrais dans ma nouvelle vie avec l'allégresse d'un jeune marié.
 
Hélas, entre mon géranium, le charmant petit canal et le lourd mobilier de la vieille dame, je n'arrivais à rien. Pas une ligne. Le néant... Les feuilles de papier froissées remplissaient la corbeille, traînaient sur le bureau, par terre sur le tapis. Je n'arrivais pas à écrire. Le printemps était arrivé sans que je m'en doute. le jasmin fleurissait. En bas dans le jardin, contre le mur, une glycine montrait ses premières grappes parfumées et l'air se faisait plus léger. Je n'arrivais pas à écrire. La tête entre les mains, je maudissais cette machine d'où rien ne sortait. Ce stylo dont l'encre s'éparpillait et ne servait à rien. Bref, mon esprit était désespérément vite et mon éditeur, certainement, allait suspendre ses mandats... Mais vint un jour où tout commença d'être différent.
 
Ce jour-là (il devait être midi), le soleil qui brillait depuis le matin avait chauffé la pierre qui sentait bon le printemps. Le canal vibrait de mille reflets typiques. Comme à mon habitude, je fumais ma pipe accoudé à l'une des fenêtres. Je remarquais un chat, assez jeune, l'air bonhomme, installé juste en face de moi, entre les grands pots de terre que la vieille dame entreposait sur la terrasse. Il semblait dormir mais de temps à autre regardait dans ma direction. Il n'avait pas l'air farouche ni effrayé. Plutôt indigné de me voir ainsi prostré, avec ce beau soleil et ces parfums nouveaux...
 
Il m'agaçait presque, ainsi établi, me dévisageant d'un œil critique, avec cet air tranquille de ceux qui savent et dont la conscience est en paix, le cœur au repos et le ventre bien plein. Le lecteur se moquera, mais ce chat semblait vraiment m'observer et son regard narquois était celui d'un juge. La journée passa ainsi. Le chat étendu sous le soleil et moi, devant ma page blanche, las et bien triste. Vers cinq heures (j'étais dans la cuisine occupé à préparer du thé - rite important dans ma journée), je le retrouvais, sans gêne, en train de se lisser le poil des pattes sur le rebord de ma fenêtre, près du pot de géranium ! J'avais envie de l'envoyer promener. S'installer ainsi chez les gens, les espionner en ricanant... "Quel drôle de chat !" pensai-je en fermant la fenêtre au risque de le faire basculer par dessus bord.
 
Je ne tenais plus en place. La lettre tant redoutée était arrivée, explosive et définitive : mon éditeur suspendait ses mandats. Il attendait depuis trois mois un manuscrit que mon contrat prévoyait. Je devais prendre l'air. Un prosecco au café de l'Horloge, sur le campo Sta Maria Formosa, au-dessous de la maison du vainqueur de la bataille de Lépante, me remonterait le moral. Ah, si seulement je trouvais un thème, le schéma de départ, tout le reste viendrait ensuite. Mais rien, le vide, le noir, le trou. Le soleil était presque trop chaud. Nous étions le quatorze avril. En descendant l'escalier, je croisais la vieille dame. Elle m'accapara un long moment, s'inquiétait pour son neveu très malade, réprimandent les politiciens qu'elle rendait responsable des grèves et des attentats. L'appel d'une voisine me libéra. Enfin.
 
Atmosphère tranquille de la place. Des enfants qui jouent, les étals des marchands de fruit, un brocanteur et un marchand de cassettes. Voilà le décor planté pour ma mélancolie du jour. L'arrivée d'étudiants bruyants me fit fuir le café sitôt mon verre avalé. Mes pas me portèrent vers les Zattere. Je traînais deux heures, allant au hasard. Au détour d'une ruelle, près des Carmini, j'aperçus sur la margelle d'un puits un chat qui me regardait. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui que j'avais chassé du rebord de ma fenêtre le matin. Il avait l'air narquois, hautain même. Etait-ce cette présence ? mais je décidais de rentrer pour me remettre au travail. Tous les chats que je croisais semblaient me connaître et tous me toisèrent. Certains allèrent jusqu'à se retourner sur mon passage, notamment une vieille chatte blanche, calle della Mandorla, qui me suivit un moment...
 
à suivre
posted by lorenzo at 20:48

17 juin 2006

Adieu, Emporio Pettenello !

Il y avait naguère sur le campo Santa Margherita une boutique peu ordinaire qui faisait le délice des enfants... Cela pourrait être le début d'une nouvelle. Une belle et longue histoire en tout cas.
 
Depuis 1899, la famille Pettenello tenait sur la place le magasin de jouets le plus célèbre de la ville. Aucun jeune vénitien n'ignorait les trésors que recélait cette boutique un peu sombre. Aucun ne pouvait dire ne pas avoir été un jour chez Pettenello. On y trouvait de tout depuis toujours. Des jouets à la mode mais aussi des classiques d'autrefois. Dans ses larges vitrines, tout un univers magique se déployait attisant la convoitise des petits vénitiens. Jouets de tous les temps et en tout genre. Ses tiroirs et ses cartons regorgeaient de merveilles : billes multicolores, sifflets et crécelles, pétards, petites voitures et boîtes de soldats, poupées en tout genre, peluches, batteries de cuisine en miniature et dînettes comme en vrai... A la bimbeloterie et aux parfums s'ajoutaient des jeux de société, des déguisements, des découpages ou des pochettes surprise... Il y avait de tout vraiment, des objets de grand prix à faire rêver les enfants les plus gâtés jusqu'aux babioles à trois sous pour les petits porte-monnaie. 
Derrière le comptoir garni de boites et de cartons, trônaient Madame Pettenello et sa fille Béatrice, aidées parfois par des vosiines où même des petits habitués très connaisseurs. C'est Beatrice justement qui est à l'origine, à son corps défendant, de la fermeture définitive de l'Emporio Pettenello. La disparition d'une institution vénitienne, considérée par certains au même titre que le Florian ou le Harry's bar n'est absolument pas un évènement anodin ici. Comme dans ce délicieux petit film avec Tom Hanks et la jolie Meg Ryan où cette dernière, libraire passionnée, est obligée un jour de tirer le rideau ("you got mail"). Ruinée par une grande surface, l'héroïne laisse sur la porte un joli message destiné à ses jeunes clients... Mais sur le campo Sta Margherita, ce n'est pas de concurrence et de mauvais résultats dont il s'agit. Le choix de cette fermeture est une libre décision mûrement réfléchie sans raison financière. Tout allait bien pour ce commerce mais plus vraiment pour l'héritière de la maison. Elle a eu envie d'autre chose et après avoir cherché en vain un repreneur qui aurait continué l'activité et le mythe (on ne s'improvise pas marchand de jouet et ami des enfants, il faut être un peu poète, un peu Peter Pan, très patient et très inventif, avec les yeux qui pétillent comme le regard des enfants quand le nez écrasé contre la vitre ils rêvent d'un avion, d'un bateau ou une poupée !), il ne restait comme solution que la fermeture définitive. Le rideau est donc tombé sur plus de 100 ans d'histoire, quelques semaines après Pâques. Le temps de liquider les stocks et de faire toutes les démarches administratives. Le rideau est tombé. Il aura fallu quinze jours seulement pour que les barbares qui sévissent aussi à Venise s'emparent de la façade et la couvre de tags d'une laideur déconcertante. Cette verrue accentue la tristesse de ceux qui ont fréquenté cette délicieuse boutique.
C'était début décembre, Beatrice Pettenello avait surpris tout Venise en annonçant la fermeture prochaine du magasin. "J'ai fait mon choix" déclara-t-elle aux journalistes du Gazzettino "à trente ans passés j'ai envie de faire autre chose, nous avons cherché un repreneur mais personne ne s'étant présenté, nous fermons". Devant la déception des enfants et de leurs parents, elle a écrit avec Lilli, sa mère, une très belle lettre qui méritait d'être publiée. c'est ce qu'on fait les journaux. En voici une traduction :
"Chers enfants et chers amis de la Maison Pettenello, c'est un devoir pour moi comme pour ma maman Lilli de nous adresser à vous. Même si le magasin ne fermera pas tout de suite et que nous vous accompagnerons pour Noël, l'Epiphanie et le prochain carnaval, nous voulions vous dire un adieu amical et sincère. Nous vous remercions pour l'affection et la sympathie que vous ne cessez de nous démontrer ces jours-ci comme vous l'avez fait pendant toutes ces années. Nous voulons saluer particulièrement tous nos petits clients, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui. J'aimerai leur raconter tellement d'histoires dont ils ont été les vrais protagonistes mais il n'y aurait pas assez de pages dans les journaux pour tout dire. Sachez simplement que vous, tous nos clients, et surtout vous les enfants, demeurerez nos plus chers souvenirs. C'est en 1899 que mon grand-père débuta cette merveilleuse histoire dont vous avez toujours été partie prenante : en achetant, en pleurant, en riant, en jouant chez nous et en grandissant. Certains d'entre vous n'hésitaient pas à venir travailler avec nous derrière le vieux comptoir, d'autres revenaient avec leurs enfants, leurs petits-enfants. Voilà que maintenant cette belle histoire va se terminer non pas parce que des méchants ont gagné ou parce que l'auteur est fatigué de l'écrire. Mais parce que, comme toutes les belles histoires il faut conclure avec la formule "ils vécurent heureux et satisfaits" et c'est là que commence une nouvelle histoire. La mienne."
Après tant d'années passées derrière ce fameux vieux comptoir que j'ai connu enfant, puis adolescent et que mes enfants ont bien aimé aussi, Beatrice, en dépit de sa tristesse et de celle des enfants de Venise, a choisi de s'envoler vers de nouvelles aventures comme elle le confiait à la journaliste Daniela Ghio en décembre dernier. Pour réaliser ses propres désirs enfermés depuis des années au fond d'un tiroir du magasin, elle a dû sacrifier l'activité familiale et mettre un terme à un pan de l'histoire de sa famille comme de Venise. "J'ai fait ce métier avec beaucoup d'entrain et d'amour pendant toutes ces années, aujourd'hui, à trente ans, j'ai envie de reprendre mes études là où je les ai laissé quand ma mère m'a demandé de l'aider au magasin. Lilli va pouvoir jouir d'une retraite amplement méritée... J'espérais que quelqu'un voudrait bien reprendre l'activité mais je n'ai pas trouvé hélas !..."
Aujourd'hui, tout cela fait partie du passé. Beatrice a repris ses études. Sa maman profite de sa retraite. le magasin est toujours fermé et les enfants sont un peu tristes. Les glaces de Renato Causin, juste en face les consolent un peu plus chaque jour. C'est ainsi que va la vie n'est-ce pas.
"J'ai fait un rêve papa" me disait ma petite dernière, en apprenant la nouvelle, "tu reprends Pettenello, on arrête de vivre ailleurs qu'à Venise. Rien ne change, et il y a plein de jouets de partout et tous les enfants viennent acheter leurs jouets chez toi et il y aurait des sucres d'orge, des bonbons, des poupées, des marionnettes et des déguisements incroyables et nosu on t'aide et on tous les jouets du monde"... Comme elle a raison. Son rêve est très beau... Le vieux comptoir de bois ciré, les étagères et les casiers débordant de merveilles, les vitrines éclairées les soirs d'hiver quand Noël se prépare avec les grappes d'enfants collées devant les trésors derrière les vitres. Le paradis des enfants, un lieu hors du temps...
posted by lorenzo at 23:10