06 février 2007

Et d'autres spécimens, plus jeunes encore.



Voilà une espèce aujourd’hui, parait-il, en voie de disparition : les adolescents vénitiens. Jusqu'à l'année dernière, le nombre d'élèves du secondaire et des écoles ne diminuait pas, certaines classes voyaient même leurs effectifs gonfler. Il y avait peu de fermeture de classe, voire des clôtures d'établissement. Cette année, la courbe a pris une autre allure. Pour la première fois, le nombre de collégiens et lycéens a chuté. de même pour les enfants du primaire... Vénitiens, faites des enfants !

05 février 2007

Après la preuve par l'image qu'il y a encore des bébés à Venise, voyons du côté des plus grands.


La preuve, cette scène de famille dans un intérieur pour paraphraser le grand Visconti. En tout état de cause, une pause-café post-prandiale entre amis... Cela pourrait se passer n'importe où dans le monde. Ne serait la cafetière pour nous rappeler il modo di vivere à l'italienne. Mais c'est surtout la vue qu'on découvre derrière la fenêtre de bois vernis (autre détail typique des intérieurs vénitiens). Vous voyez, il y a des jeunes à Venise et pas seulement les cohortes du papy-boom !

04 février 2007

En écoutant Josh Groban chanter February song, je songe aux jardins de Venise en hiver...

Cette voix très chaude qui se faufile sur les ondes de la BBC me rend un peu nostalgique. Le souvenir de tant de promenades, l'hiver, dans les lieux secrets de Venise qui m'ont fait tel que je suis aujourd'hui, revient à la surface et me donne envie de ne rien faire d'autre que bouquiner, ou cuisiner, en attendant de pouvoir pousser à nouveau les grilles de ces jardins que j'aime, fouler le sol de ces ruelles et les marches de ces ponts, respirer le seul air où je me sens réellement vivre... Henry de Régnier donne une description de ces jardins secrets que j'aime beaucoup....
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Ce n'est pas seulement une ville de marbre et d'eau. Elle a ses jardins, dont la verdure enclose prend je ne sais quoi de plus rare et de plus inattendu qu'ailleurs. Ils sont discrets et mystérieux, à l'abri des murs qui les protègent et n'en laissent dépasser que la cime d'un arbre ou la pointe d'un cyprès. Je ne les connais pas tous, ces jardins de Venise, mais j'en sais quelques-uns de délicieux. Il y a celui des Incurables, sur les Zattere, avec son long mur rouge égayé d'Amours joufflus, dont l'un a une couronne et une barbe de glycines. Il y a le jardin Vendramin, qui regarde le Grand Canal à travers sa porte grillée. Il y a celui du palais Venier, qui s'avance sur l'eau par sa double terrasse à balustres et qui est orné de deux figures rustiques et de ces corbeilles tressées où sont sculptés des fruits de pierre.




Certains se cachent et se dissimulent plus sournoisement. Il faut les chercher à l'écart, parmi les détours de la ville inextricable, dans ses quartiers éloignés. Je me souviens d'un de ceux-là, dont je ne sais plus le nom, du côté de San Sebastiano, habité de vieilles statues décrépites qui furent des héros et des dieux. Je crois, si je ferme les yeux, te revoir encore, toi, petit jardin à l'abandon du palais Gradenigo, et vous, cher jardin du palais Cappello !... J'y ai passé la fin d'une belle journée. Il est long et étroit et aboutit à une sorte de portique à colonnes palladiennes. De maigres fleurs parfumaient les plates-bandes et, dans l'une d'elles, un grenadier gonflait ses grenades, éclatées et mûres, et je m'y suis promené si lentement qu'il me semble y avoir vécu des années et des années......

C'est le jardin de Venise que j'aimerais peut-être le mieux, si je ne lui préférais encore celui du palais Dario, qui est exactement carré et que des allées partagent avec régularité. Des femmes engainées y supportent une treille : elles ont des figures grasses et joyeuses, de gros seins, des ventres larges dont le nombril est bien marqué dans le bois où elles sont sculptées. Fièrement, elles soutiennent les ceps, les feuilles, les pampres, les grappes. Là-bas, une fontaine coule dans une cuve de marbre, et son bruit surcharge et semble faire déborder le silence auquel il s'ajoute, goutte à goutte.
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Il y a bien d'autres jardins encore à Venise. Je n'oublierai jamais celui que dans la Giudecca on aperçoit, de la lagune, avec ses bosquets et ses cyprès. J'y ai pénétré une fois. Il est très grand et très silencieux et l'on y peut marcher longtemps. On y respire le vent de la mer. On a envie d'y penser tout haut et l'on y chanterait presque à voix basse, tandis que, devant celui dont je vais vous parler, on se tait pour mieux en sentir la surprise, – car en est-il de plus étrange, de plus bizarre et peut-être de plus mélancolique en sa vaste petitesse ?... Sa singularité égale sa complication. Il se compose de parterres symétriques, d'allées qui les divisent, de balustres qui les bordent, de portiques qui les terminent et d'innombrables petits vases d'où jaillissent des fleurs minuscules. Il est enfantin et éternel et il n'a point de saisons, parce qu'il est tout entier fait en verre, en verre de toutes les couleurs, – selon qu'il imite un gazon, une colonne, une rose ou une fontaine, – et c'est des yeux que l'on se promène dans sa ridicule et charmante merveille qui amuse maintenant les visiteurs du Musée, comme jadis, sur la table patricienne où il servait de surtout, il distrayait les regards des nobles dames de Venise par son artifice délicat, fragile et saugrenu.

02 février 2007

Lunapark sur les Schiavoni

 
Un clin d’œil sans arrière-pensée. Non Venise n'est pas encore Disneyland en dépit des contacts multipliés et des approches yankees. En tout cas pas tant que Massimo Cacciari est aux commandes. Juste une belle image, le contraste entre la ville splendeur du passé et les lumières superficielles du monde moderne, due au merveilleux regard de Philippe Sasso qui est un de mes photographes préférés. Son regard quand il dresse le portrait de Venise sort vraiment de l'ordinaire. Allez voir son site, je vous le recommande..- Copyright Philippe Sasso -

31 janvier 2007

Recette gourmande : Pasticcio di melanzane et Ragù alla napoletana

Une amie de l'Académie italienne de la cuisine me rappelait que l'aubergine est un légume d'été et qu'il vaut mieux éviter d'en acheter en hiver parce que certainement poussées en serre, donc pleines de nitrates et autres saletés qui en modifient le goût et les qualités nutritionnelles. C'est pour cela que mes belles aubergines italiennes (provenant d'un joli potager de Mazzorbo, sur la lagune de Venise,ont été blanchies, coupées en tranches fines et aussitôt congelées l'été dernier. Je les préserve le plus possible et j'essaie d'en faire le meilleur usage : risotto aux légumes (avec des fèves, de la tomate, des herbes, des petits oignons-sauce un peu sucrés), mais surtout pour faire mon "pasticcio de melanzane et maccheroni alla napoletana". Cette fameuse timbale d'aubergines et de macaronis à la napolitaine qui faisait les délices de Casanova, le gourmet. En voici les grandes lignes. On la sert avec du Ragù alla napoletana dont le bouillon est utilisé pour cette préparation. 

Il vous faut 800 grammes de macaronis dits "mezzi ziti", 6 longues aubergines, 2 litres de ce fameux ragù (je vous expliquerai ensuite comment le réaliser), 30 grammes de beurre, de l'huile d'olive, du parmesan fraîchement râpé, 300 g de mozzarella,une vingtaine de feuilles de basilic, 200 grammes de viande hachée, 2 tranches de pain de mie, du lait, un œuf, du persil, de la noix muscade, sel et poivre.

La veille ou quelques heures auparavant, préparez le ragù à la napolitaine. Couper les aubergines en tranches plutôt minces dans le sens de la longueur et les faire frire. Hacher grossièrement la mozzarella. Préparer une farce avec la viande hachée, le pain trempé dans le lait, l’œuf, le parmesan, le persil finement ciselé, le sel et le poivre et une cuillère de muscade fraîchement râpée. 

Modeler des boulettes de la taille d'une noisette et les faire dorer à feu doux dans une poêle avec 2 cuillères à soupe d'huile. Beurrer un moule à charlotte de 25cm de diamètre assez haut (12 ou 13 cm). En tapisser le fond avec des tranches d'aubergines puis les parois en posant les tranches verticalement, les faisant se chevaucher légèrement et en les laissant déborder du moule afin de pouvoir ensuite en recouvrir la timbale. Réserver suffisamment de tranches d'aubergines pour couvrir le moule et couper les tranches restantes en morceaux pour servir d'assaisonnement aux pâtes. 

Faire cuire les ziti à l'eau bouillante salée. Égoutter 2 minutes après la reprise de l'ébullition et les passer aussitôt sous l'eau froide pour interrompre la cuisson qui doit ainsi être al dente. Assaisonner avec une bonne quantité de ragù chaud. Ajouter le parmesan, le basilic ciselé, les boulettes de viande, les morceaux d'aubergines et la mozzarella hachée. 

Remplir la timbale avec les pâtes assaisonnées et refermer le tout avec le reste des aubergines. Replier les morceaux qui dépassent. Mettre au four pendant 30 minutes (four préchauffé à 200° C.). 

Sortir du four et laisser reposer 10 minutes avant de démouler l'appareil sur le plat de service. On peut préparer deux timbales de taille différente dans deux moules pour présenter une timbale à deux étages du plus bel effet. Servir avec la viande du ragù. Dégustez, c'est un délice. 

Ragù alla napoletana 
Tel que le préparait Enrietta, ma "gouvernante" de la calle dell'Aseo. C'était une sfrataï (littéralement "expulsée") comme il y en avait tant dans les années 80 à Venise. Restée longtemps au service d'une vieille patricienne partie en maison de retraite du côté de Vérone, elle avait dû quitter son petit appartement et arrivée à l'âge de la retraite, elle souhaitait enfin se reposer. N'ayant pas assez d'argent pour retourner dans sa Sardaigne natale et rénover sa petite maison de famille, elle était logée aux frais de la municipalité le temps de pouvoir repartir dans son île. Elle avait toujours travaillé à Venise, chez plusieurs prêtres, dans deux ou trois familles patriciennes dont la dernière où elle resta 18 ans, faisant office de gouvernante, de cuisinière et de lingère. 

La signora Matilde Grinziato Biasin qui me logeait calle dell'Aseo, lui loua aux frais de la Commune le petit studio voisin de mon appartement, au piano terrà de l'immeuble qu'elle occupait avec son mari. Comme son petit studio ne disposait pas de cuisine, elle venait chez moi préparer ses repas. Me voyant un jour submergé de linge à repasser et de vaisselle à faire, elle entreprit de mettre de l'ordre dans ma vie de célibataire pour me remercier de lui laisser l'usage de ma cuisinette. 

Bien m'en prit : à partir de ce jour là, la brave Enrietta s'occupa de ma modeste domus : elle cira, dépoussiéra, nettoya, reprisa, repassa. C'était sa vie. Mais plus que tout, elle me fit la cuisine. Grâce à son art, j'ai eu pendant près d'un an l'illusion de vivre comme autrefois, servi comme un prince par une vieille dame drôle, efficace et stylée qui refusait de dîner en même temps que moi, se faisait toujours discrète et dont les plats était un régal. Elle finit par être indemnisée de la perte de son appartement et put rentrer chez elle finir ses jours. J'ai gardé quelques unes de ses recettes, qu'elle nota pour moi dans un petit carnet de chez Paolo Olbi qu'elle acheta en cachette et m'offrit quand elle s'en alla. Un adorable vieille femme dont je me souviens toujours avec émotion. 
Pour réaliser le ragù manière Enrietta, il faut un beau rôti de bœuf dans le rond, un bon morceau de jambon cru (environ 250 grammes), des herbes (persil, marjolaine, thym), de l'ail, des oignons, 3 ou 4 petites carottes, 2 branches de céleri, du concentrato di pomodoro, du vin rouge, un bouillon cube, du sel et du poivre.
Faire des lardons de jambon cru et les rouler dans de la marjolaine fraîche mélangée au thym, poivre et gros sel (Enrietta utilisait un sel qu'elle préparait elle-même avec du thym et d'autres herbes séchées et qu'elle conservait dans un pot de terre sur sa fenêtre). Piquer ces lardons préparés dans la viande. 

Mettre le rôti dans une cocotte avec 6 cuillères à soupe d'huile et le faire revenir lentement de chaque côté. Quand il est bien doré, le retirer et le réserver au chaud dans une terrine couverte.
Faire revenir dans la graisse de cuisson un hachis confectionné avec le persil, l'ail et le gras du jambon. Ajouter les légumes en julienne et cuire à feu doux sans laisser brunir les légumes. La cuisson doit être très lente pour ne pas vous obliger à rajouter de l'eau. Remettre alors le rôti dans la cocotte en remuant bien le tout pour que les sucs se mélangent bien.
Mouiller peu à peu le rôti avec un verre de vin rouge. Quand le vin est complètement évaporé, ajouter le concentré de tomate peu à peu en le mélangeant bien avec une cuillère de bois. Quand tout est incorporé, mouiller avec du bouillon jusqu'à presque recouvrir la viande. Couvrir. Laisser cuire à feu très doux 4 à 5 heures pour obtenir une viande très tendre et très cuite et une sauce dense, abondante et parfumée. Servir la viande coupée en tranches épaisses nappées de la sauce du ragù. Utiliser la plus grande partie de cette sauce pour la timbale de macaronis. J'ajoute sur les tranches de viande du parmesan râpé et un peu de persil ciselé et frit dans un mélange huile et beurre pour le décor.

4 commentaires: (archives Google du blog originel)

Anne-Marie a dit…
ça a l'air drôlement bon mais pas simple simple à préparer. Je vais essayer ce WE avec des amis qui reviennent de Venise justement et qui m'ont fait connaitre votre superbe blog.
Francis Jacques a dit…
Salut Lorenzo
Vous souvenez vous de Francis Jacques - aquarelliste blogger - de Venise et autres.
Je visite toujours votre lieu d'expression et d'Amour de Venise.
Toujours la rencontre de la passion, de la lumière, de la tendresse comme dans l'amour, que vous avez pour ce lieu magique.
Bien à vous.
Francis Jacques
Lorenzo a dit…
merci Francis Jacques pour vos visites et ce sympathique commentaire. Je poursuis mon parcours amoureux mais votre indulgence est grande, j'ai parfois l'impression de ne pas apporter grand chose. Tant de gens mieux nantis que moi ont su écrire leur passion pour Venise. Mais je continue. je continue.
Anonyme a dit…
è un peccato che tu non mi abbia almeno risposto, la mia era una domanda onesta senza alcun interesse se non di far conoscere le tradizioni di venezia, grazie lo stesso Guido
http://coquinare.over-blog.com

29 janvier 2007

Salon des Antiquaires 2007



Disparition d'un jeune vénitien


La nouvelle est tombée, comme un bloc de pierre qui se serait effondré d'un angle du palais des doges. Surnommé Max le Gazzettin par ses amis, un jeune journaliste du Gazzettino, directeur du "Gazzettino Illustrato", écrivain en promesse, esprit brillant, fondateur d'une agence de communication qui commençait à faire parler d'elle, Massimiliano Goattin, est mort à 25 ans sur une route encombrée de Phukett, en Thaïlande où il venait juste d'arriver. 

Fou d'Orient, ce jeune homme rêvait depuis toujours de ce voyage. Déjà, il y a deux ans un périple au Japon l'avait bouleversé. Ce nouveau Marco Polo se promettait de ramener de ses pérégrinations orientales des tas de notes. Matière à un livre ? Chi lo sà ?  

Il est mort bêtement, sur une moto de location et sa famille vient juste d'en être informée. Il y a parfois comme cela à Venise, comme ailleurs, des disparitions injustes. Inexplicables. De jeunes esprits brillants, de belles âmes qui s'en vont trop tôt. Trop vite. 

TraMezziniMag adresse ses sincères condoléances 
à ses parents, à sa famille et à toute la rédaction du Gazzettino.

No Pizza !


Cette affichette aperçue dans la vitrine d'un café. Elle manifeste la lassitude des vénitiens devant les hordes de touristes qui dévalent les rues et affamées, se répandent dans les magasins et les bars à la recherche de n'importe quelle pitance consommable immédiatement. Leur vocabulaire limité comprend au moins ce mot "pizza", ainsi que "birra", "café", "Toilette", "gondola"... 
Elle peut se traduire par "Touriste soit le bienvenu, entre et installe-toi, commande un café, un verre de vin, un chocolat ou des pâtisseries, mais nous ne vendons pas de pizzas nous sommes désolés". Paroles qui pouvaient être prononcées trois ou quatre fois dans la semaine autrefois, mais qu'il est impossible de réciter aujourd'hui, car il ne faudrait faire que ça : "no pizza, no pizza, no pizza, no pizza, no pizza"... Il ne faut pas leur en vouloir à ces vénitiens, ils sont simplement fatigués de cette invasion débridée !