03 janvier 2007

Toute la population sur la place

La municipalité attendait 35.000 personnes pour la soirée du nouvel an sur la Piazza. Ce furent plus de 60.000 personnes qui se sont finalement rassemblés sous les fenêtres du Doge et au milieu du plus beau salon du monde pour admirer le spectacle pyrotechnique offert par la ville. Belle fête, une sorte de carnaval avant l’heure avec beaucoup de rires et de danses. Une population joyeuse, parfois un peu excitée mais toujours bon enfant.

60.000… Pratiquement le chiffre officiel de la population du centre historique en ce début d’année. La population vénitienne est maintenant tombée en dessous du seuil de 70.000 habitants ! Tous les habitants de Venise peuvent maintenant se réunir sur la Piazza. Lorsque j’étais étudiant, le nombre d’habitants du centre historique venait de descendre à 80.000 habitants. Cent ans avant, du temps de mes grands parents, il y avait plus de 120.000 habitants. Je crois que les troupes napoléoniennes pénétrèrent dans une Venise peuplée de près de 200.000 personnes…

62.000 habitants au 1er janvier 2007 Et ce phénomène va se poursuivre puisque les spécialistes prévoient moins de 60.000 habitants en 2010 ! Les causes sont multiples : logements trop chers ou insalubres, vie quotidienne devenue trop chère, de moins en moins d’emploi en dehors des métiers – certes honorables – de serveur, de porteur de bagages ou de vendeur de souvenirs. Trente fois moins de boulangeries, de boucheries, de merceries, de papeteries, de drogueries et de quincaillerie qu’il y a trente ans ! C'est pareil partout me direz-vous, mais ici c'est encore plus visible et dramatiuqe... Cent fois plus de boutiques à touristes… Et des masses de plus en plus nombreuses déferlant sur la ville. Terrible constat. L’agonie sera longue et pénible.

Mais, en dépit des hordes qu’on ne peut plus arrêter, nombreux sont ceux qui cherchent des solutions ou du moins des aménagements. C’est ainsi que les monuments comme les musées peu à peu s’aménagent pour accueillir ces hordes sans trop de dommage. C’est ainsi que la municipalité cherche le moyen de réguler la transformation des logements en chambre d’hôtes et autres studios loués aux étrangers. Mais comment freiner l’exode des administrations, des entreprises du tertiaire qui avaient leur siège – ô combien prestigieux – à Venise ? Le développement industriel s’il a pu pallier une grande partie du problème de l’emploi au début du XXe siècle a apporté tellement de nuisances qu’il n’est pas envisageable, surtout dans le contexte actuel de la mondialisation, de le redéployer. Attirer des entreprises quand la plupart s’en vont ? Ce qui attire ce sont les palais vacants que l’on rénove et aménage pour des soirées somptueuses mais qui n’apportent rien à la ville que la préservation de ses monuments. Cacciari mise sur l’art contemporain et la création… Pourquoi pas, mais on flirte toujours ainsi avec la calcification de la Cité des Doges : musée ou laboratoire de création, ce n’est pas ce qui fait vivre une ville et rouvrira boucheries et épiceries…

Égoïstement, nous qui avons la chance extraordinaire de pouvoir nous rendre souvent à Venise, d’y avoir un logement, des amis, des habitudes, nous cherchons à préserver notre ville et c’est parfois au détriment des vénitiens eux-mêmes et de la ville après tout. Plus nombreux seront les étrangers à choisir de vivre quelques mois dans l’année à Venise, à louer ou à acheter des pieds à terre ici comme d’autres sur la Côte d’Azur ou en Dordogne, plus difficile sera la recherche de logements pour les vénitiens de souche. Le problème ne se pose qu’avec ceux qui comme moi vont et viennent, s’installent quelques semaines et repartent. Le reste du temps la maison est vide ou au mieux prêtée à des amis ou louée… Si au moins nous vivions toute l’année à Venise… Peut-être faudrait-il encourager les forestieri à rester toute l’année. Après tout, le climat est très bon à Venise. Peu de pollution, une vie calme, les attraits d’une grande ville et d’un village en même temps. En Périgord, des villages ont repris vie grâce aux nouveaux colons britanniques ou hollandais. Cela ne s’est jamais fait sans grincement de dents mais au moins les maisons sont restaurées, occupées, les écoles rouvertes, des magasins apparaissent là où il fallait prendre sa voiture et faire trente kilomètres pour trouver un supermarché… On pourrait envisager l’obligation pour l’étranger d’apprendre le vénitien et de suivre des cours de vie vénitienne… On pourrait imposer un quota d’artistes, d’écrivains, de créateurs et de simples retraités amoureux de la ville pour ne pas en faire une sorte de Greenwich village artificiel, ghetto de vieillards ou d’artistes argentés… Et puis, il faut briser le globe sous lequel on a enfermé la ville. Depuis sa création, elle a bougé, elle s’est reconstruite, transformée, agrandie… Construisons là ou il y a de la place – et il y en a – laissons aux jeunes architectes italiens – Venise en regorge – la possibilité de s’exprimer et d’innover en partant des contingences locales certes très prégnantes mais nécessaires à respecter pour que se pérennise l’idée même de Venise. Le pont autrichien était déjà une aberration, alors le béton armé, la brique industrielle ou les structures de verre et de bois ne sont pas des audaces mais des conneries (pardonnez cet écart de langage). Venise est propriétaire de nombreux bâtiments mais les aménager en logements salubres coûterait une fortune. En l’état, peu sont habitables selon les critères d’aujourd’hui. Démolissons ce qui n’a pas un caractère extraordinaire et majeur pour le patrimoine de l’humanité. Il y a des friches à Venise, des îles vides, des terrains vagues. Ne les laissons pas aux spéculateurs de Las Vegas ou de Disney Corporation. Plus de projets d’hôtels de trop grand luxe pour happy few asiatiques ou américains. Offrons des logements locatifs abordables et les familles reviendront, les écoles rouvriront, les commerces réapparaîtront. A l’ère de l’ultra technologique pourquoi ne pas délocaliser à Venise ? Un statut spécial pour les entreprises italiennes ou étrangères créatrices d’emploi (je ne sais quelle est la marge de manœuvre de la municipalité et de la région en Italie en matière de taxes et d’imposition, mais je sais que n’importe quelle entreprise qui se verrait offrir 50, 100 ou 200 logements gratis en échange de l’implantation d’une unité de production ou de bureaux administratifs y réfléchirait à deux fois). Avoir son siège à Venise, pouvoir loger ses employés à moindre frais, qui n’en voudrait pas ? Mais je ne suis ni un élu, ni un économiste et mes idées sont peut-être naïves.

Je vois seulement quand je passe dans les rues combien la ville change. Rien qu’en sortant de chez moi pour aller acheter le journal quand j’habitais Cannareggio, Calle del’Aseo, derrière le Cinéma Italia, et que le kiosque de la lista di Spagna était fermé, je partais vers la gare, je passais devant trois coiffeurs, une quincaillerie, un droguiste, cinq épiciers, deux marchands de fruits et légumes, trois boulangeries, une mercerie, deux bouchers, un charcutier, quatre boulangers, un marchande de jouets, deux buralistes (ils vendaient encore du sel à cette époque), un serrurier, deux drapiers, un marchande de bonbons, un grand magasin Standa, quatre pharmacies, un nombre incalculable de petits bars avec des stands de Totocalcio, un réparateur de radios et télévisions, un négoce de vaisselle et d’articles ménagers, une salle des vente, six restaurants, un libraire, deux antiquaires, un parfumeur, un ébéniste, un plombier, trois bijoutiers, deux pressings, et des magasins de vêtements. Il y avait certes déjà un marchand de gravures et deux boutiques de souvenirs… L’énumération est fastidieuse, je sais, mais je voudrais faire comprendre à celui qui découvre Venise aujourd’hui combien il est triste de se promener dans des rues figées dans un passé artificiel, vides de leurs commerces ou remplies de boutiques attrape gogos Made in Taïwan. Imaginez combien les rues étaient bruissantes, les conversations animées, la vie bouillonnante partout, et cela depuis un millenaire… Aucune nostalgie dans ces lignes, je rêve seulement que la vie revienne dans ces rues et sur ces campi autrement qu’artificiellement avec des carnavals populaires et des fêtes de luxe pour les riches...

Il faut des enfants qui courent et nous bousculent, des vieux qui discutent assis au soleil, des marchands qui apostrophent les ménagères pour faire remarquer la beauté de leurs fruits et de leurs légumes venus des îles de la lagune, des pêcheurs qui offrent le produit de leur pêche, des livreurs qui se faufilent en criant gare… Même le touriste s’en trouvera bien, rien de tel que la vraie vie pour marquer un voyage non ? Allez du côté du marché du Rialto un matin vers 11 heures ou bien à Castello, sur la Viale Garibaldi, devant Santi Apostoli, et la vie qui fuse sous vos yeux dans ces endroits, c’est la vie et l’animation qu’on pouvait trouver partout dans Venise autrefois. De même à l’heure de la passeggiata, à San Luca ou à San Bartolomeo, les campi étaient nors de gens, tous ou presque avaient moisn de vingt ans. A Sto Stefano leurs aînés se retrouvaient, étudiants, jeunes ménages. Les familles sortaient à San Polo, Santa Maria Formosa, ailleurs encore. Une foule innombrable sortait des maisons et se retrouvait dans un brouhaha tellement chaleureux que le plus agoraphobe d’entre vous se serait senti comme seul avec des amis ou en famille… La passeggiata existe encore mais évidemment les figurants sont moins nombreux. La production n’a plus les mêmes moyens. Imaginez ce que cela sera lorsqu’on ouvrira le matin les portes de Venise aux hordes... De vrais figurants ceux-là se mettront en place et comme dans une sorte d'écomusée, singeront les gestes de leurs ancêtres : gondoliers, souffleurs de verre, marins, provéditeurs et conseillers en toge, mitrons portant sur leur tête les paniers remplis de croissants fumants, les lavandières avec leur panières de linge, les étudiants leurs livres sous le bras. On peut imaginer à certaines heures, comme la relève de la garde devant Buckingham Palace, des sortes de ballets comme Broadway ou Las Vegas savent en créer : gondoliers regagnant leur gondole, apprentis et serveuses, étudiants et religieuses qui s’agiteront en musique sous le crépitement des flashes des hordes qui en auront pour leur argent. Allez, ne vous en faites pas Venise-disneyland, cela pourrait ne pas être dans très longtemps. Parfois, je prie pour qu’Al Gore se soit trompé et que la montée des eaux soit pour demain et qu’on en finisse avec ce cauchemar !

Mais soyons résolument optimistes, les autorités cherchent des solutions et parfois proposent de bonnes choses. Les Moulins Stucky qui seront à la fois un hôtel de luxe et des logements sociaux, l'arsenal réorganisé et ré-exploité, la venue de la collection Pinault au Palais Grassi, d'autres projets de qualité qui créeront des emplois ailleurs que dans le tourisme... Et puis que diable, Venise reste toujours aussi belle et les jeunes qui s'en éloignent sont remplacés par de jeunes vénitiens d'adoption qui la découvrent : visiteurs ébahis, étudiants déterminés, certains resteront et formeront la Venise de demain. Je suis certain que tous, vénitiens d'adoption ou de souche, ils refuseront de devenir des sortes d'indiens dans une réserve, imbibés d'alcool et d'ennui ! Quant aux touristes, ils ne seront plus une horde de consommateurs ignares et pressés, mais des voyageurs informés et bien élevés dont l'émerveillement sera teinté de respect et de sollicitude.

01 janvier 2007

Premier jour...

Frisquet ce matin ici. A peine 5° au thermomètre de la fenêtre. Les toits étaient blancs à l’aube. Le ciel est gris avec des nuances de rose. Rien de terrible. Pourtant le ciel parait bleu à l’horizon. La pluie qui tombe ne parviendra pas à nous déprimer. C’est le premier jour de l’année et Venise s’éveille doucement.
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Dans la rue, les bruits commencent à se faire plus denses. Les passants échangent leurs vœux, des touristes cherchent leur chemin. Les vitrines de la librairie sont toutes illuminées, comme un souvenir des fêtes déjà terminées. Un autre capodanno passé. Que sera 2007 ? Constance m’a réveillé ce matin en me disant : "papa, plus que 359 jours et c’est Noël!". J’aime cet esprit ("de Noël"aurait dit Charles Dickens) qui ne veut voir des choses que le bon côté, sans tomber jamais dans la guimauve et le mièvre de midinettes. Cette petite est très profonde. Venise la transcende : Elle semble totalement épanouie quand elle est ici. Son frère et le reste de la fratrie aussi d’ailleurs. Ma tribu vibre autant que moi au rythme de cette cité unique et nous ne sommes jamais aussi bien que lorsque nous poussons la porte de notre petite maison et franchissons ce seuil comme un havre espéré, désiré à chacune de nos absences.
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Giuseppe Faggiotto, le marchand de chocolat de Pordenone installé sur la Fondamenta di San Trovaso est en train de me faire aimer le chocolat noir. Mais le gianduiotto garde une place de choix pour mes papilles. Grignoter ces délicieux chocolats au praliné avec un macchiatto sur les Zattere, les pieds bien au chaud dans de bonnes chaussures, à l’abri du vent froid sous un parasol de Chez Nico... comment nier l’existence du paradis et de la Divine Providence ?
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Hélas les horreurs du monde nous rattrapent, la politique française apporte une revanche aux italiens vexés du mauvais exemple qu’ils nous ont montré pendant les sombres années du règne berlusconien, la pendaison de Saddam Hussein quand le monde entier récuse la peine de mort, les dures vérités de Syriana, ce film de Clooney vu hier soir en DVD… Mais qu’y pouvons-nous ?  Les hommes n’apprennent jamais rien et l’histoire comme le dit Antonio Tabucchi ("Au pas de l'oie", Le Seuil) n’a pas beaucoup d’imagination, tout recommence toujours. Rien de nouveau même sous le soleil de Venise. Les patriciens de la Sérénissime voyaient déjà le gouvernement comme nos politiques aujourd’hui. Coupés du monde et de la réalité, eux au moins avaient les masques pour se faufiler parmi le peuple et s’imprégner des rêves et des désirs. Du commun. Tant qu’elle a su innover, son élite s’est perpétuée. Et son univers aussi.

Ne voyez aucun parallèle avec notre monde dans ce que j’écris là. Ratiocinations d’un vieux ronchon. Mais Venise est belle même avec un ciel gris et cette pluie glacée. J’ai vu au loin le bleu du ciel, il fera peut-être beau cet après-midi et nous irons à Castello voir des amis. Nous ferons une halte au Café du Paradis, là où la vue sur le bassin de San Marco est la plus belle. Nous y reviendrons au printemps, quand la glycine sera en fleur. Voir San Giorgio, la Pointe de la Douane et San Marco entre les grappes parfumées est un grand moment d’émotion que nous ne manquons jamais. !
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Les photos sont de Pupetto dont je recommande le blog.


TraMeZziniMag
souhaite à ses lecteurs une très Bonne Année !
à Venise, à Bordeaux et ailleurs dans le monde :
Que 2007 soit une année de paix et de joie !

30 décembre 2006

35.000 invités attendus sur la Piazza pour accueillir la nouvelle année




Massimo Cacciari accueillera en parfait maître de maison, les 35.000 personnes attendues sur la Piazza et la Piazzetta, pour célébrer le nouvel an avec le splendide feu d'artifice que les vénitiens savent organiser depuis près de mille ans à l'instar des chinois de l'Empire Céleste.
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Vaporetti, trains et bus sur la terre ferme sont prévus toute la nuit pour permettre à tous les vénitiens de se rendre à la fête. Si le temps le permet car on annonçait aujourd'hui une journée et une soirée assez pluvieuse pour terminer l'année. Tiré depuis des barges devant le palais des Doges, le spectacle devrait être cette année encore magnifique. En tout cas, il ne fait pas froid et un petit air printanier souffle ici. Des amis suédois ne nous disaient-ils pas que chez eux les prairies sont vertes comme au printemps... A Bordeaux, l'autre jour, juste avant Noël, tout était gelé et un brouillard givrant recouvrait tout d'un voile de glace comme dans le Docteur Jivago ! Réchauffement, pollution, modifications atmosphérique... cela n'augure rien de bon mais les hommes vont bien se réveiller et faire ce qu'il faut pour éviter de totalement pourrir cette planète au nom du rendement et de l'efficacité.
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Savez vous que le Tribunal International chargé des délits contre l'environnement et le patrimoine aura son siège à Venise ? Rien de plus normal. Venise est un haut-lieu culturel, un carrefour, ce peut être aussi un laboratoire où les techniques modernes les plus efficaces sont mises en oeuvre pour sauver ce morceau fondamental du patrimoine de l'humanité. Des savants du monde entier se penchent sur la Sérénissime, mais n'est il pas trop tard ? Les effets du réchauffement tel que les présentent Al Gore dans son film efficacement hollywoodien ne vouent-ils pas Venise à finir noyée sous quinze mètres d'eau, comme des centaines de milliers de kilomètres de terres situées en bor d'océan ? En attendant, préservons ce qui peut être préservé et soyons intraitables avec tous ceux qui polluent, saccagent et consomment consciemment ou inconsciemment notre ville !

26 décembre 2006

COUPS DE CŒUR N°12

Bien que Noël soit passé, il reste encore une chance de recevoir le cadeau que vous espérez avec les Étrennes dans quelques jours et puis le sac de la Befana qui portera aux petits italiens dans la nuit qui précède l’Épiphanie leurs cadeaux... Babo Natale est parti se reposer. La sorcière est en chemin pour punir les méchants et récompenser ceux qui ont été sages. Demandez-lui quelques uns de ces livres ou disques que j'ai eu la joie de découvrir sous le sapin, vous ne serez pas déçu ! Et Bonnes Fêtes encore une fois.
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Delitto al casin dei nobili
Alda Monico
Corbaccio Ed.
Un roman pour les vacances à déguster bien au chaud les pieds devant la cheminée. Cela se passe à Venise, à la grande époque de la Sérénissime. Un duc et son ami patricien vénitien assistent à un grand bal dans un de ces casini (casino au pluriel) où la noblesse se retrouvait pour danser, jouer et aimer. Un peu trop de vin, de la légèreté et c'est le duel assuré pour des dames offensées. On ne plaisantait pas à l'époque avec l'honneur. Malheureusement un courant d'air soufflera toutes les chandelles. Triste hasard : quand la lumière revient, le duc est retrouvé mort, assassiné. Qui a fait le coup ? Modesta Michiel ou Veronica Franco, les belles courtisanes si cultivées ou bien les jeunes patriciens Marco Giustinian et Zorzi Contarini, qui avaient pris leur défense ? Drame ? Comédie ? Une sorte de romain policier à la Agatha Christie version vénitienne. Le plus dans ce petit ouvrage, c'est l'incursion dans les cuisines de la Venise d'autrefois : le livre se termine avec un appendice culinaire rempli de recettes inédites. Un régal vous dis-je !
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L'histoire de Venise vue par les peintres
G. Lobrichon
Citadelles & Mazenod.
L'histoire de Venise se lit dans la peinture. La cité est née et s'est imposée dès le Moyen Age. C'est au IXème siècle que ses bateaux rapportent d'Alexandrie les restes de Marc l’Évangéliste en l'honneur de qui est édifiée la basilique San Marco. Puis la victoire de Chioggia installe pour longtemps une prééminence incontestée et tranquille de la Sérénissime. Le siècle des Lumières verra fleurir au milieu des artistes, poètes et dramaturges comme la Renaissance avait accueilli musiciens et architectes. Premier Etat moderne occidental, la puissante République survit aux grandes catastrophes européennes jusqu'à la perte de sa liberté quand l'immonde Bonaparte, puis les Autrichiens, et enfin l'Unité italienne s'imposent à elle... Meurt le temps de la splendeur et disparaissent les défis. La République s'est éteinte après avoir éclairé pendant dix siècles l'histoire de l'art de l'Europe mais son ciel en a été pour toujours illuminé. Car l'âge d'or historique de Venise a correspondu, comme nulle part ailleurs, à une intense création artistique. A ses armateurs maîtres de la Méditerranée, à ses marchands qui tiennent le commerce européen répondent les œuvres de Carpaccio, Bellini, Véronèse, Le Tintoret, Giorgione, Titien qui célèbrent son éclat et ses victoires, les miracles architecturaux de Sansovino, de Longhena et de Palladio. La "Ville miraculeuse" chantée par Pétrarque, la Venise de Longhi, de Canaletto, de Tiepolo et de Guardi ne s'évanouit que doucement, ombre d'une splendeur devenue exsangue, comme la mémoire de ses rêves d'une République idéale. Quand son pouvoir s'efface, c'est l'Europe qui accourt à ce rendez-vous privilégié où se succèdent Mozart, Goethe, lord Byron, Richard Wagner, Marcel Proust et Thomas Mann. La disparition des peintres officiels fait place aux Delacroix, Turner, Renoir, Monet, Ziem, Sargent qui disent à leur tour l'incomparable éclat qui ne s'éteint jamais et comprennent aussi qu'on ne naît pas Vénitien, on le devient. Venise raconte désormais son histoire dans une galerie d'images vivantes qu'ont fixées les plus grands artistes qu'elle a inspirés. Un superbe livre d’étrennes et bien plus qu'un joli "coffee table book".
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Golden Classics
Julius La Rosa
EMI
Parmi les nombreux crooners que l'Amérique a donné au monde, nombreux sont ceux qui venaient d'Italie, Sinatra, Dean Martin en sont les plus célèbres représentants. Mais connaissez-vous Julius La Rosa qui, sauf erreur, vit toujours quelque part en Californie. Assez connu et apprécié dans les années 50, il est à l'origine d'airs fameux que ses confrères ont repris. A Venise, les gondoliers connaissent toutes ses chansons "italiennes". Je l'ai découvert un soir d'hiver dans un petit bar de Sta Margherita où je me réfugiais pour réviser mes cours, bien au chaud. Un régal : ni trop sucré, ni trop explosif. La véritable "cool music".

24 décembre 2006

Venise accueille l'hiver

Quand l'hiver vient, la magie de Venise se fait encore plus grande et délicieux les moments qu'elle sait offrir à ses fidèles qui osent s'aventurer dans le dédale de la cité, la nuit, le matin, le jour. Bientôt la neige recouvrira la ville, la transformant une fois encore en un rêve où tout parait ouaté, trop pur trop beau pour être réellement vrai... Oui Venise en hiver aussi est la plus belle. Venez, vous comprendrez. Joyeux Noël à tous.
Auguri a tutti
per un sereno Natale

23 décembre 2006

Petit peuple de Venise au quotidien

A Venise, il y a les touristes. Il y a aussi les marchands ambulants (vénitiens) et les marchands clandestins (africains). Il y a les mendiants venus de Yougoslavie, de Bulgarie ou d'Albanie. Il y a les vénitiens, des gens comme vous et moi, qui vaquent à leurs occupations. Comme vous et moi. Chaque jour. Mais comme Venise n'est pas une ville comme les autres, les vénitiens ne sont pas toujours comme les autres. Pas comme vous et moi. Vous ne me croyez pas ? en voici pourtant quelques exemples.
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Maître Pigeon s'en allant de bon matin quérir quelques grains pour sa famille, rencontra en chemin Dame Mouette, qui marchait fièrement près du pont. Maître Pigeon n'en menait pas large, la mouette carnivore raffole de la chair de pigeon. Cela la change des poissons qui ont un drôle de goût ces temps-ci dans la lagune. Heureusement pour notre pleutre, la dame était perdue dans ses pensées. Elle allait au marché. On lui avait parlé d'un arrivage fort bien achalandé de crevettes et autres mollusques..
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On rencontre à Venise de drôles d'énergumènes.
On les croit déguisés, ils sont pourtant eux-mêmes...
Bel oiseau au long cou ! Héron ou cigogne ?
L'un des deux sans un doute, incognito, au soleil de midi,
en attendant de quoi apaiser son furieux appétit.
L'air de la ville, le ciel si bleu, ce vent si doux...
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Raminagrobis, ancien condottiere au cœur noble est aujourd'hui retiré des affaires. Il grossit doucement. oh pardon, je voulais dire, il vieillit doucement. Ses journées il les passe au soleil sur un banc, tout près du porche de sa noble demeure. D'un œil il repère le touriste agaçant qui voudrait bien lui faire mille amabilités. Si encore il avait une friandise, une jolie sardine, un morceau de pâté. L'étranger va lui tirer le portrait et puis en braillant, bruyamment s'éloigner. Notre fier soldat n'aura pas bougé une moustache. Un moineau plus tard peut-être fera les frais de sa méchante humeur. Comment accepter sans s'énerver d'être sans cesse dérangé pendant la sieste ?
. ...Mon ami Isidorio est du quartier la plus grande commère. Saviez-vous qu'untel est rentré à pas d'heure ? Le maître de Fido avait bu hier au soir ! La fille de l'épicier est rentrée en retard. Son soupirant l'accompagnait, ils sont restés bien longtemps sous le porche, dans le noir. Isidorio lui n'a pas le droit de sortir seul. En attendant le retour de sa maîtresse, il surveille la maison et puis aussi les environs.

15 décembre 2006

Itinéraires choisis pour un petit séjour entre amis (I)

Irène, une vieille amie autrichienne qui vit en Belgique, m'écrit pour me demander ce que je proposerai à un petit groupe qui désire se rendre à Venise pour la première fois dans les prochaines semaines. Mettre sur pied un programme de quatre à cinq jours pour qu'ils puissent voir ce qu'il y a de mieux tout en sortant des sentiers battus. Difficile comme toujours surtout quand on se réfère au proverbe qui dit qu'à Venise... on ne peut séjourner "que trois jours ou trois ans" !
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Tout d'abord, j'ai logé mes visiteurs inconnus (encore que je sache maintenant qu'ils sont quatre enseignants de l'Université Libre de Bruxelles et deux d'entre eux mèdecins) à la Pensione Accademia, pour faire classique et pratique. J'avais aussi la possibilité de les installer à la Locanda Montin, classique encore. Dommage que la Ca'Frollo n'ait jamais rouvert ses portes ( je vous ai parlé du prix de fou auquel elle s'est vendue ). 
 
Le petit groupe arrive donc par le train du matin. Il est un peu plus de 8h45. Pour les accueillir à Sta Lucia, un pétit déjeuner a été commandé à la buvette de la gare. On y trouve un délicieux cappuccino et de bons croissants toujours très frais. Une spremuta d'orange bien fraîche égaiera le tout. Un conseil au passage, ne vous laissez pas tenter par la colazione proposée sur la carte. Si les boissons chaudes sont bonnes, le reste n'est pas digne de votre arrivée triomphale à Venise. On se croirait dans ces misérables voitures-bars qu'on nous inflige sur les trains français : pain blanc industriel sous cellophane, beurre et confitures industrielles. Bref rien de passionnant. Un bon cappuccino agrémenté d'une "brioche" comme disent les vieux vénitiens, et vous êtes prêts à affronter le choc esthétique qui vous attend sur le parvis de la gare.
 
Après les présentations, le temps pour nos hôtes de se remettre des vingt deux heures de roulis et de tangage, ce petit déjeuner est toujours le bienvenu. Comme toujours, pleins d'impatience, il y en aura qui se seront déjà levés, qui seront partis à la découverte des alentours de la gare. Abasourdis, ébahis, la plupart du temps ils reviennent vers le groupe avec un sourire niais aux lèvres comme s'ils avaient aperçu un autre monde. Peu demeurent insensibles au spectacle qui s'offre à eux.
 
Départ en vaporetto car à Venise il faut faire comme les vénitiens pour paraphraser un proverbe anglais. Le taxi est pratique mais coûteux. Il faut le prendre ne serait ce que pour le plaisir d'aller sur la lagune avec l'impression d'être dans une Rolls. Le vaporetto donc pour se mêler tout de suite à la foule. Arrêt Accademia. Quelques centaines de mètres à pied et voilà la pensione. Accueil. Présentations. Tout ce petit monde part à la découverte des chambres.. Rendez-vous dans le hall ou dans le jardin, selon le temps dans une heure. Cela me laisse le temps de repartir à la maison pour nourrir le chat et sortir le chien si personne n'est encore réveillé.
 
Premier jour : Promenade à pied vers San Marco. En passant par Sto Stefano, la Fenice, la calle del XXII Marzo, San Moïse. Déjeuner dans une trattoria ou un petit restaurant casalinga des environs. J'aime bien par exemple l'Osteria ai Assassini ou à la Trattoria Da Carla. Rythme de sénateur aux champs pour commencer en douceur et permettre à nos hôtes de s'imbiber de l'atmosphère de la ville.
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(à suivre.)

14 décembre 2006

HLM et vacances aux Maldives

Polémique aujourd'hui dans les bars et sur les campi. Le Gazzettino se fait écho du mécontentement de la population devant ce qui semble pour beaucoup être un abus inacceptable en ces temps de restriction et de crainte devant la précarité ambiante. En effet, la tradition venue du temps de la République, de loger quasiment aux frais de l’État (aujourd'hui de la Commune) les gondoliers et leurs familles, dans des appartements sociaux (l'équivalent italien de nos HLM) est très contestée. Bien sur devant le manque de logements disponibles et le nombre incroyable de demandes de la part de familles incapables de se loger par le biais du parc immobilier privé, cet avantage exorbitant est d'autant plus inacceptable que tout le monde sait à Venise combien gagne en moyenne un pauvre gondolier. Bien entendu il faut payer la part due à la confraternité des gondoliers, sorte de syndicat professionnel en même temps que mutuelle d'entraide et de soutien. L'entretien de la gondole coûte cher et la vie est ma foi difficile aussi pour ces messieurs. Mais là où l'inacceptable semble atteint c'est lorsqu'on s'est aperçu que la majorité de ces rameurs d’État, largement subventionnés et logés quasiment gratis, peuvent se permettre de longues et luxueuses vacances... aux Maldives. Bref, polémique et engueulades retentissent depuis quelques jours entre les vénitiens mal logés et leurs concitoyens gondoliers. Affaire à suivre.

13 décembre 2006

Le petit peuple des ruelles et des campi

Maîtres des lieux jamais contestés, moins nombreux qu'autrefois, ils règnent sur la ville. Laissant aux pigeons qu'ils trouvent vulgaires et indigestes la piazza et ses environs, ils occupent tout les reste de la cité sous la protection de leur grand frère, le lion de Saint Marc. Noblesse oblige, ils descendent de ces patriciens à la fourrure fauve ou grise, qui sauvèrent la Sérénissime de la peste et changèrent ainsi la face du monde. Ils gardent dans leur allure nonchalante, le souvenir d'avoir été des princes redoutés et de fiers combattants. Témoins et mémoire vivante d'une époque où comme en Égypte leurs lointains parents, ils étaient à Venise protégé et adulés.


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3 commentaires:


Véronique a dit…
joli montage du petit peuple félin. Bravo pour votre blog Lorenzo
Coyote a dit…
Bravo pour votre blog.... Sur le mien, plus modeste et moins talentueux, j'avais publié aussi un petit article sur les chats vénitiens : http://boaretto.unblog.fr/soriano-le-chat-de-venise/ Claudio
  
Lorenzo a dit…
Merci beaucoup Claudio. j'ai à mon tour été faire un tour chez vous !

11 décembre 2006

Un matin ensoleillé



Pas chaud ce matin à Venise. 8° sur la fenêtre. Mais un soleil décidé à briller toute la journée. Le ciel est clair, d'un bleu pâle mais pas un nuage, le vent froid les aura chassé. Peu de monde. les enfants sont à l'école. les grands s'affairent. Les préparatifs de Noël vont bon train. On croise dans les rues des gens avec de beaux sapins, d'autres les bras chargés de paquets. Une animation joyeuse sur la Lista di Spagna autour des étals des marchands. Sur le Campo Sto Stefano, le marché de Noël attire les vénitiens, petits et grands. A Cannaregio, ceux sont les magnifiques santons de la crèche installée dans la nef de la Maddalena qui déplacent la foule. A San Polo, après l'acqua alta de samedi, le quartier peut enfin voir fonctionner le tri sélectif des ordures récemment mis en place. On devrait voir moins de déchets en tous genres flotter au gré des canaux. L'hiver arrive. Les odeurs et la lumière changent. Les touristes se font moins présents. La vie redevient plus calme. Le rythme plus lent. 
Venise en hiver, épreuve redoutable pour qui s'installe ici sans connaître grand monde et avec l'habitude et les réflexes du citadin occidental. A Venise, on ne vit jamais comme ailleurs et toute démarche prend une tournure différente. Aller modifier son abonnement au gaz ou à l'eau par exemple n'a rien à voir avec l'équivalent dans une quelconque ville de France. L'administration est dans un palais du XVe, il faut passer un petit pont qui enjambe un des plus pittoresques canaux de la ville. Le mélange de publicité, de mobilier de bureau avec le sol en terrazzo datant de la Renaissance et les grands plafonds ornés, rien que ce décor déroute. Et puis il y a le silence. En hiver, tout est feutré, encore plus calme, encore plus mystérieux, quand la nuit, qui tombe vite, modifie soudain tous les repères. Et puis l'acqua alta qui force à changer de chemin, le brouillard qui égare les plus habitués. 
Venise en hiver est comme un rêve que certains fuient. D'autres dont je suis, s'en délectent.

10 décembre 2006

Passions intemporelles


Comme le temps passe. Alix, qui va se trouver affreuse sur cette photo, a maintenant seize ans. Elle continue de tenir un journal et aime toujours autant Venise. Jean aborde l'adolescence, le regard souvent renfrogné, les cheveux un peu plus longs et son violoncelle en bandoulière. Sa passion pour Venise en général - et le Gianduiotto en particulier - ne semble pas fléchir. C'était un jour de mars 2001 ou 2002, le printemps s'apprêtait derrière les nuages. Nous goûtions all'aperto, à la terrasse du Cucciolo, mon quartier général d'alors, hélas disparu aujourd'hui. Margot devait bouquiner sur un banc au soleil ou bien était-elle restée sur son lit à rêvasser... Constance, trop petite pour nous suivre selon sa mère, était restée en France avec elle.  Ce goût pour Venise, ils l'ont reçu en héritage, comme un atavisme. Un régal en tout cas pour leur appétit de découvertes et de sensations immuables.

09 décembre 2006

Venise au temps des réclames



Vu sur un site marchand, cette série de cartes publicitaires de la fin du XIXe siècle, que les enfants de l'époque aimaient collectionner. Venise déjà était à la mode chez les publicitaires et les images publicitaires se répandaient peu à peu. Mais on ne les appelait pas encore ainsi...

08 décembre 2006

L'anatra selvatica, délice des doges


Je vous parlais il y a quelques semaines d’un restaurant clandestin (le mot est tout de même un peu fort) où Caroline Delahaie et son compagnon Gérard, les charmants hôtes de la Ca’Bragadin, du temps où la belle demeure proche de San Giovanni e Paolo abritait leur maison d’hôtes pour la joie des Happy few qui pouvaient y trouver une chambre libre. 
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Un soir, je ne sais plus à quelle occasion, Caroline nous convia, avec tout un groupe de français dans un bar situé calle Carminati, à San Lio. Une petite salle avec un comptoir ordinaire. deux ou trois clients. Un décor très courant. Et au fond, une salle à manger avec une quinzaine de couverts. Rien d'officiel. Juste des repas servis sur commande pour des amis du patron et des connaissances... Le repas servi ce soir là était entièrement à base de canard sauvage. Un régal. Certaines des recettes sont connues d'autres inédites. Il y eut notamment des lasagnes de canard, une volaille farcie, une salade avec des abats et des grillons. Les animaux avaient été chassés sur la lagune, comme autrefois (vous savez le tableau fameux qui serait une partie de cette peinture de Carpaccio traditionnellement appelé "les courtisanes") ou celle ci-dessus de Longhi. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner les deux recettes que j'aime bien refaire pour mes amis les plus gourmands. A arroser avec un délicieux Soave pour les inconditionnels du blanc italien ou, plus dans le goût français, avec un Barolo voire un de ces fantastiques Barbaresco que produit la famille Batasiolo dans le Piémont. Le Cabernet de Villa Canestrari, typiquement vénitien est un délice aussi, surtout avec le farci. Alors, mettons-nous d'accord : le soave pour commencer avec les antipasti et la salade de grillons, le barbaresco ou le Barolo pour les lasagnes et le Cabernet pour accompagner le canard farci et le fromage. Il faudra un verre de grappa en attendant le dessert et ce sera un vrai festin ! 
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Lasagnes au canard
Pour la farce, rien de plus simple : prenez du blanc de canard, du foie et autres abats que vous hacherez ensemble avec de l'ail, du romarin, de la sauge (fraîche), du sel et du poivre, du vin blanc, pour former un hachis assez grossier en veillant à ce qu'il ne reste rien de dur sous la dent, ni bout d'os ni nerfs ou peau trop dure. Enfin, pour raffiner le tout, je conseille de mettre une belle tranche de foie gras frais ou cuit. Si vous pouvez mettre la main sur des truffes la farce n'en sera que meilleure (truffes blanches ou noires, la polémique fera toujours rage des deux côtés des Alpes). 

A cela il faut ajouter un bouillon. Pour ce faire : faire blondir de l'ail et un oignon dans une cocotte avec un fond d'huile d'olive. ajouter un litre d'eau dans laquelle vous mettrez un navet, deux ou trois carottes, des pommes de terre, un poireau, des feuilles de chou et la carcasse et les restes de votre canard, un peu de laurier et autres herbes selon votre goût. 

A Venise, la cuisinière que j'espionnais pendant mes années étudiantes ajoutait un morceau de lard ou de jambon pour corser le goût. Pendant que ce bouillon cuit tranquillement et parfume peu à peu votre cuisine d'un fumet tel que le plus renfrogné des inconditionnels de Mc Do se convertirait en un clin d’œil, il vous faut préparer la pâte. Le mieux étant de faire soi-même les lasagnes. Sinon, on en trouve de déjà faites. Bien évidemment la pâte fraîche n'a rien à voir avec les feuilles de pâte sèches. 

Quand le bouillon est prêt, récupérer-en une louche ou deux que vous passerez au chinois. Mélanger à la farce qui doit rester assez consistante. Si vous avez eu la main lourde, pas d'inquiétude : il suffit d'ajouter du pain rassis réduit en morceaux. Laissez reposer. Faites cuire les lasagnes très rapidement (Toujours al dente la pasta ! sinon vous obtenez des nouilles ou pire de la colle pour papier-peint !), les égoutter sur un linge. 

Dans un plat à gratin que vous aurez légèrement huilé, déposer sur tout le fond une première couche de lasagne. Déposez une couche de farce que vous saupoudrerez de parmesan fraîchement râpé. Puis seconde couche de pasta et ainsi de suite pour finir par une dernière épaisseur de lasagnes que vous napperez de fromage. Moi j'y rajoute une petite crème de ma création : un peu de fromage blanc ou de yaourt turc (du vrai) mélangé avec du beurre fondu (très peu), du parmesan et un hachis de sauge, romarin et basilic, persil, ail et foie gras fondu dans cette sauce. le parmesan dominant en quantité les autres ingrédients. Cette crème assez épaisse va se répandre sur la surface du plat à la cuisson et fournira une croûte dorée à point et au goût très fin.

Mettez tout cela au four en surveillant (selon l'odeur qui doit être amplement attirante et la couleur du gratin d'un doré orangé sans virer au marron). Saupoudrez avec le parmesan restant et servez aussitôt.  . 
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Canard Farci dit Anatra col pien.
Trouvez un beau canard gras. Pour la farce il faut un bon morceau de saucisson à l'ail, un peu de foie gras, un bol de chair à saucisse, 1 œuf, des tranches de lard, de l'ail, du romarin, de la sauge fraîche, du persil, du basilic, du thym, du laurier, de la noix muscade, des raisins secs, des pignons frais ou des cerneaux de noix, du pain rassis, du parmesan, un grand verre de vin blanc sec, un peu de lait frais ou du fromage blanc, du sel et du poivre.
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Le mieux est de faire désosser le canard. Conservez les abats. Hachez les avec la chair à saucisse et le saucisson à l'ail, les herbes, les pignons et les noix. Ajoutez le pain trempé dans le lait ou le fromage blanc, l’œuf entier, le parmesan, salez, poivrez. Mouillez avec le vin blanc. Certains mettent de la grappa mais je trouve le goût trop fort. On peut aussi mettre du cognac ou de l'armagnac à la place du vin. Pour éviter que la pâte ne sèche n'hésitez pas à mettre une noix de beurre ou un peu d'huile d'olive. Bien cuit le canard lâche son gras et ne sèche pas, ajouter de la graisse est la plupart du temps inutiles mais cela dépend du four, de la taille de l'animal et de vos goûts. La farce doit être de la consistance d'un pâté avant cuisson mais ne doit surtout pas avoir un aspect trop sec. 

Remplissez la bête avec la farce en lui redonnant sa forme en la cousant. entourez le canard avec les bardes de lard. Ficelez le tout comme un rôti en ayant soin de mettre ça et là des feuilles de sauge. Arrosez avec un mélange de bouillon et de vin blanc et y mettre au four. 

Pendant la cuisson veillez à arroser souvent avec le jus qui doit être assez important. Sinon (four trop chaud par exemple) ajoutez le même mélange de bouillon de canard et de vin blanc. 

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3 commentaires: (Archivés par Google) 

Stéphanie a dit… 
Caroline et Gérard ce ne sont pas ces français ultra sympathiques qui organisaient chez eux de merveilleuses fêtes et qui recevaient souvent des gens du Ballet de Marseille ? J'ai entendu dire qu'ils avaient été délogés par des horribles demi-mondains prétentieux qui ont fait de leur maison plein de charme un loft baroque plein de soieries coûteuses et aux murs blanchis façon revue de déco ? Que sont ils devenus les aimables hôtes de Bragadin ? 
09 décembre, 2006  

Lorenzo a dit… 
Oui il s'agit bien d'eux.  
11 décembre, 2006  

Laurent a dit… 
Bonjour, il y a 10 ans j'avais passé une semaine dans le palais de Bragadin chez Caroline et Gérard à l'occasion d'un stage de théâtre inoubliable. J'aimerais séjourner à Venise entre le 31/12 et le 5/01/09, mais j'apprends par votre blog que les propriétaires ont changé... Savez vous s'ils sont toujours à Venise et comment les contacter ? Peut-être pourriez vous me conseiller un hébergement offrant pour 2 personnes, des conditions similaires ? En espérant ne pas trop abuser de votre temps. Merci.
 27 décembre, 2008

07 décembre 2006

Riflessi...


Dans Situations IV, Jean Paul Sartre parle du Tintoret mais aussi de ses impressions vénitiennes. Un exemple :
"L'eau est trop sage; on ne l'entend pas. Pris d'un soupçon, je me penche : le ciel est tombé dedans. Elle ose à peine remuer et ses millions de fronces bercent confusément la maussade Relique qui fulgure par intermittences." 
(1953)
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06 décembre 2006

Radio notiziaro Venezia News

Dans la catégorie "Non, Venise n’est ni un sanctuaire, ni un musée", je voulais signaler à ceux de mes lecteurs qui entendent l’italien mais aussi à tous ceux qui s’intéressent à l’utilisation des techniques modernes dans la cité des doges, le spot quotidien d’informations que l’Administration municipale a mis en place.
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Chaque jour du lundi au vendredi, à partir de 13 heures, il est possible depuis plusieurs mois, d’écouter en ligne, les dernières informations concernant la cité des doges : l’avancée du projet Mose, les travaux du Tramway en Terre Ferme qui ont commencé ces jours derniers à Carpenedo, les différents évènements culturels en cours. Le samedi, une émission spéciale "lente d’ingradimento" (littéralement "loupe") propose un approfondissement de certains sujets. L’une des dernières émissions concerne l’anniversaire de l’inondation de 1966.

Signalons au passage que dès la semaine prochaine, le nouveau site internet de la ville de Venise sera opérationnel. Massimo Cacciari en fera la présentation publique mardi 12 décembre.Nous vous en reparlerons.

03 décembre 2006

Vénitienne gourmandise...

Au début du XXe siècle, on trouvait dans les rues de Venise des tas de petits métiers. Parmi les quémandeurs de toute sorte, il y avait les marchands de friandises.
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Biscuits secs, eaux parfumées, sorbets servis au verre... On pouvait ainsi se restaurer comme encore aujourd'hui avec les marchands de glaces ambulants, les stands où on vous propose des quartiers de noix de coco ou du melon. Une friandise particulièrement appréciée qui a malheureusement disparue se vendait partout autour de la piazza jusque dans les années soixante.
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C'était un délice fait de petites brochettes de grains de raisins cuits au sirop et plongés devant le chaland dans un sirop de sucre caramélisé à souhait. Un peu comme les pommes d'amour de nos fêtes foraines. J'ai retrouvé dans les papiers de ma grand mère, cette photo d'un certain Camille André Bourdery dit Cab tenant à la main cette confiserie. Voilà la légende de la photo où ce fameux Cab exprime son goût pour la friandise en question : 

"La vénitienne gourmandise de Cab, fixée mémorablement par une fantaisie amicale... Les bonnes graines de raisin, énormes, dorées, juteuses, cuites à point dans un sirop onctueux, les bonnes graines de raisin enfilées sur une mince baguette, que l'on achète sous les galeries de la piazza..."
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Nous sommes à la fin du XIXe siècle, devant la basilique San Marco. C'est l'automne ou la fin de l'été. Il ne fait plus assez chaud pour porter ces costumes de flanelle blanche qui donnaient l'illusion de la fraîcheur. Notez les gants de peau très clairs et, négligemment tenu sous le bras, le carnet de notes avec le guide. certainement le Baedeker. Notez aussi les facchini qui se reposent au pied de la hampe de bronze en attendant le client. Notre Cab était un poète, dessinateur et humoriste dont je conserve quelques cartes, des croquis dans un livre d'or et plusieurs lettres d'Italie. Je cherche en vain depuis des années à savoir qui il était vraiment et comment notre famille était en relation avec lui. Si par hasard, un de mes lecteurs en savait plus sur lui...

01 décembre 2006

Constance devant la Scuola San Marco



 
copyright Jean - 2005
 
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16.000 euros le m² pour l'ex Pilsen

Derrière San Marco, il y a le bassin Orseolo, très connu des touristes puisque c'est là, au pied de l'hotel Cavaletto-Bonvechiatti que se trouve le "garage des gondoles" comme disait mon fils quand il était petit. Un lieu très passant où a l'angle de la calle del Salvadego, le bâtiment Pilsen a été mis en vente par adjudication à la demande de la Commune et a trouvé preneur hier.
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Les prix se sont envolés puisque l'entreprise qui l'a emporté a payé 16.000 euros par m² acquis ! 2.480.000 euros pour un local de 155 m² sur deux niveaux ! Espace très convoité depuis que la décision du conseil municipal de vendre aux enchères ce bâtiment a été rendue publique. Ce qui fut le restaurant d'entreprise des Assurances Generali deviendra un restaurant de luxe. Affaire à suivre. En espérant que les nouveaux propriétaires ne répercutent pas dans de trop grandes proportions leur mise de départ sur les prix des mets qui seront servis!
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C'est aujourd'hui l'ouverture du Xe salon des Biens et des Activités Culturelles de Venise organisé par VeneziaFiere dont le directeur est le très inventif Maurizio Cecconi, longtemps élu communiste de la ville et qui est aussi administrateur délégué de Villagio Globale, une société privée qui a organisée de grandes manifestations culturelles comme la belle exposition "Les Gonzague à Mantoue". Dix mille mètres carrés dévolus aux activités culturelles dans le grand hall du terminal de l'aéroport Marco Polo. Gageons que les exposants parleront de ce nouveau partenaire qui promet d'animer l'antichambre de la Piazza San Marco.
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Mais surtout les conversations porteront sur la révolution, insoupçonnée du public et des touristes, qui est en train de transformer tout le paysage commercial et touristique du quartier phare de la Venise touristique : dans quelques mois les locaux aménagés par Scarpa (l'architecte de la Querini Stampalia) pour Olivetti vont retourner sur le marché, Hermès a aménagé un gigantesque temple du luxe, d'autres marques haut de gamme s'implantent. Le musée de l'érotisme dont je vous avais parlé vient de fermer ses portes faute de visiteurs (quand on dit que la fesse ne fait plus recette !) et un loyer bien trop lourd. on parle à la place d'un grand magasin ou d'un hôtel de luxe... Plein d'innovations en vue. En revanche, il n'y a plus dans la proximité de San Marco, quartier dont l'habitat permanent reste dense, que deux boulangers, quelques marchands de fruits et trois épiceries...
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J'ai connu l'époque ou à côté d'un joaillier célèbre, se mêlaient marchand de tabacs, droguiste, épicier, antiquaires, coiffeur et bouchers. C'était rudement sympathique et le quartier vivait vraiment. Aujourd'hui, il faut courir au Rialto pour acheter du poisson et du persil ; trouver du bon pain vous fait prendre le traghetto pour aller du côté de Sti Apostoli ou jusqu'à Sta Margarita... C'est pas des plus pratiques. Mais on objectera à ces récriminations que les temps changent et que rien n'obligeait après tout le boucher ou l'épicier de vendre ou de se transformer en marchands de masques fabriqués en Corée ou de verreries yougoslaves ! Mais on va encore me traiter de rabat-joie...