10 avril 2007

Qu'est ce que je vous disais : I barbari sono arrivati !

Il ne manquait que le plaid écossais ou la nappe à carreaux vichy rouge pour compléter le cliché : Venise le week-end de Pâques ressemblait à une gigantesque ère de pique-nique. Ce que les italiens appellent il popolo del bivacco (le peuple du bivouac).
 
Chez nous ce terme est le plus souvent usité pour désigner les zonards et autres S.D.F. en rupture de société qui n'ont pas d'autre choix que de vivre dans la rue et se regroupent avec leurs sacs à dos, leurs chiens et leurs litrons de rouge sur les places de nos villes. A Venise, c'est un peu différent mais le spectacle ne vaut pas mieux et le résultat est le même : bouteilles vides, canettes défoncées et papiers gras jonchent le sol. Triste décor qui vient polluer le plus beau palcoscenico du monde...

Pour ceux qui ne s'installent pas à la terrasse d'une des nombreuses trattoria, le menu est presque toujours le même : à l'ombre de la basilique San Marco, devant les pauvres leoncini, les bivouaqueurs sortent de leurs sacs plastique les mêmes sandwiches élastiques jambon oeuf dur, canette de bière et yaourt à boire. Riva del Vin, c'est la pizza qui fait la base du pique-nique et du coca-cola. Pour digérer, tout ce monde se vautre par terre autour de la piazza. La ce n'est pas la place qui manque. C'est fatigant d'arpenter Venise sous un soleil de plomb et au pas de course...

Difficile de quantifier le nombre de visiteurs qui sont arrivés ces dernières heures. Rien que samedi la police estimait à 120.000 le nombre d'arrivants pour Pâques. A ceux-là se sont ajoutés les italiens des environs qui ont choisi les îles et le Lido pour passer ce week-end pascal. Ce qui doit faire une autre centaine de milliers de visiteurs. Aux deux ferry-boat qui relient habituellement le Tronchetto avec San Nicolo, l'ACTV a été obligé un troisième bateau pour répondre au nombre impressionnant de cyclotouristes avec leurs vélos à destination du Lido ! Du jamais vu. Quant aux îles de Murano et Burano, complètement envahies, il a fallu doubler les navettes.

La situation était critique en fin de matinée sur la Piazzale Roma. Déjà le jour de Pâques, le pont de la Liberté est resté bloqué pendant deux heures à cause de la file interminable des automobilistes qui cherchaient à se garer au Tronchetto ou dans les garages de la Piazzale Roma. La police a du faire venir des renforts de Mestre pour dévier le trafic vers le Tronchetto parce que les 2500 places des garages municipaux étaient occupées... 700 entrées se sont ajoutées au 950 du vendredi et aux 1000 enregistrées entre samedi et dimanche ! La piazzale Roma n'a commencé à se vider que tard dans la nuit d'hier et en se promenant du côté de San Sebastiano on entendait la rumeur du trafic comme dans n'importe quelle ville du monde au moment des bouchons !

Et pendant toute la journée, sortir à pied dans Venise a été une véritable expédition. Il était difficile - et à certains endroits pratiquement impossible - de marcher à certaines heures aux alentours du Rialto. Impossible de le traverser d'ailleurs. Pareil sur le pont de l'Accademia et celui de la gare, les environs de San Marco et en général tout au long des parcours suivis par les touristes. Le buraliste de San Barnaba est à 150 mètres de chez nous. Il a fallu à une de mes filles plus de 20 minutes pour y aller et revenir tant la foule était dense sur la Toletta. Inutile de vous dire combien nous étions bien dans notre petit jardin parfumé. La musique de Brescianello couvrait heureusement le bruit de la rue.
 
Ce qui m'étonne toujours dans cette vague de visiteurs c'est que la majorité se contente de se promener mais ils se promènent tous aux mêmes endroits. Les musées ont parait-il ressenti aussi cette invasion mais, comme à l'accoutumée, on ne se bousculait ni au Musée Correr, ni à l'Accademia, ni à la Ca'Rezzonico.
Allant de pair avec l'augmentation des visiteurs, le nombre des vendeurs ambulants a atteint aussi un pic vertigineux. Regroupés tous les un mètre avec leur drap où ils exposent les ceintures, sacs et lunettes de soleil de pacotille, maroquinerie de contrefaçon. En dépit des nombreuses plaintes des commerçants vénitiens - et des vénitiens eux-mêmes - on avait l'impression qu'ils se multipliaient à vue d’œil. Aucun policier ne risquait venir les déloger, toute la maréchaussée était occupée du côté de la Piazzale Roma à essayer de réguler le trafic des véhicules et des autocars ! Joli week-end de Pâques en vérité.

Moralité : si vous vous trouvez à Venise à un de ces moments d'hystérie touristique et que vous ne pouvez fuir vers Asolo ou Cortina et ne revenir que tard le soir voir quelques jours après, ne sortez pas entre 11 heures et 16 heures où bien étudiez des itinéraires-bis, ces raccourcis que les vénitiens pratiquent avec dextérité et qui permettent de contourner la foule, d'aller rapidement vers son but et de ne pas être au bord de l'implosion quand vous attendez entre deux murs que les pin pins arrêtés devant vous pour admirer un reflet sur l'eau d'un canal daignent se pousser pour vous laisser passer. Quittez les sentiers battus, installez vous sur un campiello retiré ou dans un des ces jardins retirés que le touriste ne connaît pas où qui ne l'intéresse pas : San Alvise, Ca Foscari, Ca Rezzonico, San Elena, San Pietro... Allez, patience, ils ne font que passer.

09 avril 2007

Le Doge et sa cour reçus en grande pompe dimanche à Nice

Une somptueuse soirée de gala a eu lieu dimanche soir à Nice, sous les lumières du Casino Rühl, qui a vu le Doge en personne et bon nombre de masques vénitiens défiler à l'occasion de la clôture de l'exposition "Les splendeurs de Venise", qui présentait aux niçois depuis le 30 mars des costumes, des masques et des peintures sur le thème de Venise avec notamment les splendides costumes de Stefano Nicolao. Concert sous la baguette du maestro Giulio Magninini, dîner de gala et défilé donnèrent à l'autre grande ville du Carnaval des allures de Sérénissime.
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Crédits photographiques Nice-Premium/Vincent Trinquet.

Les barbares sont de retour !

120.000 personnes ont été recensées sur la piazza San Marco ce samedi de Pâques. Ce n'est pas de pélerins dont il s'agit venus fêter la résurrection du Christ dans la basilique de Saint Marc mais des badauds venus du monde entier - et en particulier d'Italie, de France et des autres pays voisins.

Le double de la population effective de la cité des Doges aujourd'hui ! Cela veut dire les pontons du vaporetto engorgés comme le métro Châtelet ou Les Halles aux heures de pointe, cela veut dire plusieurs centaines de tonnes de déchets et de papiers gras, des canettes vides et des bouteilles de bière brisées dans les rues, cela veut dire des litres d'urine qui viendront attaquer les pierres déjà bien malades de certains bâtiments et empesteront l'atmosphère. 
Pour le bonheur des pigeons et des vendeurs de souvenirs et autres pacotilles fabriquées en Inde ou en Chine, les hordes vont se précipiter entre le Rialto et le pont des soupirs pour quelques heures qu'elles voudront croire tellement romantiques ou follement culturelles. Elles défileront bruyamment dans les salles du palais des doges et fouleront (tout aussi bruyamment) les pavements de mosaïque de la basilique. Certains iront voir la vue imprenable qu'on a du haut du campanile, d'autres regarderont de près les Maures qui sonnent la grande cloche d'airain de la tour de l'horloge. La plupart camperont au bord du bassin de San Marco, sous les galeries du Palais, dans le jardin royal, le long du quai qui mène au Harry's Bar avec leurs sandwiches, leurs pizzas caoutchouteuses trop cher payées, et leurs canettes de Fanta. 
Ils trouveront tout trop cher, tout trop beau et croiront avoir tout vu en ne voyant rien du tout. Les plus hardis s'aventureront jusqu'à l'Arsenal et les jardins de la Biennale, en musardant le long des Schiavoni. D'autres pousseront l'exploration jusqu'à San Giovanni e Paolo, Sta Maria dei Mendicoli, les Frari... Pour 500 visiteurs de l'Accademia, il y en aura 100 à la Querini Stampalia, 10.000 à la tour de l'horloge, 20.000 au Campanile et une petite dizaine à Sant'Elena, au fin fond de Castello. Une petite dizaine seulement débarquera au Lazarée des Arméniens quant une bonne centaine attendra la motonave pour Torcello à chacun des départs de la journée... Le reste arpentera les alentours de la place jusqu'à l'heure du retour. Puis quand viendra le soir, des centaines de bus rechargeront leur cargaison de visiteurs harassés et transpirant, les trains seront pris d'assaut et les balayeurs pourront commencer à nettoyer la piazza et les ruelles alentour. Le calme qui succédera à la rumeur impressionnante que je puis entendre depuis notre jardin à Dorsoduro, sera comme à chaque fois une agréable sensation. Les rues ne seront plus encombrées, on se surprendra même à parler tout bas pour ne pas troubler l'atmosphère redevenue paisible, tranquille, familière. Les barbares auront levé le camp. Mais nous savons tous que dès l'aube, ils seront de retour...

Les pigeons et l'enfant


Jolie photo prise avant l'arrivée des hordes, par ma fille seconde Alix, la semaine dernière contrairement à ce qu'indique la date sur la photo (son appareil a beau être assez sophistiqué, il déraille apparemment un peu !)

07 avril 2007

Clin d'oeil

Lu sur la vitrine d'une osteria dont le patron est plein de cet humour vénitien toujours grinçant et caustique : "La Pizza nous ne savons pas la faire pour la bonne raison que nous sommes trop bouchés pour apprendre".

06 avril 2007

La pointe de la douane revient à Pinault

Joli cadeau de Pâques pour la Fondation Pinault dirigée par Jean-Jacques Aillagon : parmi les œufs en chocolat, l'attribution par la Commune de la gestion et de l'utilisation des entrepôts de la Pointe de la douane est un évènement retentissant.

Le Palais Grassi l'a donc emporté après moultes péripéties devant la Fondation Guggenheim dont la présence "historique" à Venise est pour le première fois remisée au second plan. C'est la réponse au "Where are we going ?" qui était le titre de l'exposition inaugurale du Palais Grassi refait par Tadao Ando. C'est aussi l'illustration de "La joie de vivre" (exposition qui vient de se terminer sur Picasso). Mais c'est surtout un évènement pour le monde de l'art. Événement aussi pour nous français, qui devenons ainsi par le biais de cette donation privée dirigée par un ancien ministre de la Culture, un des piliers de l'activité culturelle vénitienne. 

Et comme tout ce qui se déroule à Venise devient par la force des choses, valeur universelle, la présence culturelle française à Venise en se déployant sur les 2500 m² de la pointe de la douane, après la reprise du Palais Grassi, après la marque insufflée au fil des années par les intervenants français à la Biennale, montre le respect et l'estime que l'on nous porte. Bien sûr, l'idée un peu trop folle et généreuse de Massimo Cacciari, le maire-philosophe, de réunir les deux fondations dont les collections se complètent aurait permis d'établir un projet grandiose en présentant le plus grand inventaire de la création contemporaine des années 20 à nos jours. Des questions de gros sous, de prestige et d'orgueil, ont empêché ce projet d'aboutir. La guerre n'aura peut-être pas lieu entre les deux organisations, l'américaine et la française. 

Pour l'amateur d'art, pour le simple visiteur, il n'y a que du bonheur : Venise devient, à quelques heures de toutes les capitales de l'Europe, le plus grand centre d'art contemporain au monde sous la férule de deux des plus dynamiques fondations d'art moderne. Réjouissons-nous, c'est peut-être le signe de la résurrection de la Sérénissime. Venise prouve ainsi qu'elle ne reste pas figée dans un immobilisme patrimonial qui risquerait de faire de la plus belle ville du monde un disneyland sans vie véritable. Place à la création, à l'innovation et à l'audace ! Joyeuses Pâques à tous !

02 avril 2007

La saison a débuté dimanche au Lido.

Cette fois, ça y est, l'hiver n'est plus qu'un souvenir. Ce n'est pas le retour des hirondelles qui nous permet de dire cela,mais l'ouverture des grands hôtels du Lido. Traditionnellement leur réouverture au début du printemps marque la fin de la mauvaise saison. Les vénitiennes vont bientôt remiser leurs somptueuses fourrures au placard. l'Hôtel des Bains et l'Excelsior sont ouverts. Les capanne (cabines de bains) de leurs plages sont pratiquement toutes déjà louées - à prix d'or - et ce jusqu'en octobre prochain. Pour le prix d'un appartement sur Park avenue vous pouvez disposer d'une de ces baraques de toile rayée au bord de la plage où vous pourrez vous prélasser entre deux bains, en bénéficiant du service impeccable des garçons de plage stylés. Mais, bien qu'ouvertes, les plages ne sont pas encore très fréquentées. Les premiers bains sont pour le mois de mai, voire mi-juin. En attendant, l'eau reste un tantinet fraîche mais si cela vous tente...

01 avril 2007

Pas doute, le printemps est là...

 
Tout semble dormir encore mais Derrière le calme apparent, la ferveur peu à peu se ressent. La belle saison, enfin, est de retour. L'air s'est fait plus doux, la lumière plus ample. Venise redevient elle-même. Le touriste moyen, celui qui ne fait que passer de Rialto en palais des doges ne voit rien, mais vous, les fous amoureux de la Sérénissime, tendez l'oreille, ouvrez l'oeil, respirez amplement et vous sentirez ce dont je veux parler : Le doux printemps de Venise n'est pas une invention de poète. 
 
 
Toutes la gamme des couleurs qui dansent en reflet sur l'eau verte des canaux ne peut laisser personne indifférent, le parfum des fleurs qui envahissent l'atmosphère et cette douce chaleur qu'un vent léger vient adoucir. 
 
 
La glycine de notre jardin embaume jusque dans la rue. A cet odeur subtile qui suit le passant partout dans la ville se mêle, les odeurs des étals de fruits, le fumet des brioches aux devantures des pâtisseries. La brume du matin est devenue légère. Le jour se lève sur un ciel sans nuage. C'est la saison que je préfère ici. Tout semble chanter et chacun parait joyeux.

27 mars 2007

Quand Venise se contente de se souvenir d'elle-même...


"[...] où que j'aille aujourd'hui, je suis sûr d'arriver cinq minutes trop tard sur les lieux et de n'y rencontrer que la mémoire impersonnelle du désastre, le ciel et l'eau encore rejoints qui se souviennent pour un instant encore d'une ville engloutie, avant de se défaire et de s'éparpiller en pure gerbe d'espace. Comme je vais me sentir superflu, moi, seul présent au milieu de l'universelle désuétude avec un gros risque d'éclater comme ces poissons des abîmes qu'on tire à la surface, car nous sommes habitués à vivre sous une pression infinie et ces raréfactions ne nous valent rien. Il y a des jours comme ça, ici : Venise se contente de se souvenir d'elle-même et le touriste erre, désemparé, au milieu de ce cabinet fantastique dont l'eau est le principal mirage."

Jean-Paul Sartre, extrait de Venise de ma fenêtre.

25 mars 2007

TraMeZziniMag Galerie : La Venise d'Antonio Baldi

J'ai le plaisir de vous présenter dans la Galerie ce mois-ci une série de photographies de : Antonio Baldi
 

Ce jeune vénitien a l’œil acéré des grands amoureux de Venise, de la couleur et des reflets. Il possède un vrai regard et l'usage qu'il fait des techniques modernes permet au visiteur une promenade dans une Venise intimiste et authentique. Contemporaine. Une vision qui fait la part belle à la poésie et parfois à l'humour, dans la lignée de Vanni de Conti ou de Fulvio Roiter. Un jeune talent comme nous les aimons à Tramezzinimag.




































24 mars 2007

Albrecht, Leonardo et les autres

Dürer, on l'a vu, vint deux fois à Venise. Nombreux furent les artistes qui y sont venus, qui s'y sont installés et dont l’œuvre en a été changée. Léonard de Vinci travailla à Venise. on sait que le 3 mars 1500, il était chez le facteur d'orgue Lorenzo Gugnasco à qui il montra le portrait au fusain de la belle Isabelle d'Este qu'il venait de réaliser à Mantoue. Il était accompagné par son ami, le mathématicien Fra Luca Pacioli précurseur de la comptabilité moderne, qui était déjà relativement célèbre à Venise après un cours de géométrie qu'il donna dans l'église San Bartolomeo et qui attira de nombreux intellectuels de la ville. Son traité des proportions servit beaucoup à Léonard qui illustra l'édition vénitienne de ses œuvres. On a tellement de détails sur les journées de Léonard à Venise qu'on pourrait presque écrire le journal de sa vie vénitienne. Le vin bu en compagnie du Capitaine de galère Alvise Salomon, Provéditeur de San Marco qui se rendit célèbre dans la lutte contre les turcs qui expliqua à l'artiste ses théories de stratégie navale, le connétable de la République à de Ravennes Marco da Rimino, le chanoine des Sti apostoli, un certain Stefano Chigi, le juriste Antonio Frisi, garde des sceaux du doge, et le fameux Fra Giocondo archéologue et féru d'antiquités qui fut l'un des plus grands architectes civils et militaires de l'époque.

L'écrivain Diego Valeri a laissé un compte-rendu des séjours du peintre tellement détaillé qu'on croirait lire le scénario d'un film documentaire. Quelle période extraordinaire où les esprits les plus brillants du moment mettaient en commun leurs intuitions et leurs réflexions pour éclairer l'humanité. Le Sénat de Venise ne s'y trompait pas qui accueillait à bras ouverts ces jeunes savants, artistes, penseurs et philosophes qui en faisant sortir l'humanité de l'obscurantisme médiéval (cela serait à nuancer) pouvait servir les intérêts de la République.

 
C'est ce qu'exprime ce tableau représentant le célèbre moine mathématicienen train de travailler. Mystérieuse peinture dont on ne sait pas grand chose. Le jeune homme aux longs cheveux frisés et aux vêtements soignés passait pour être Léonard de Vinci au moment où les deux hommes livrèrent à l'éditeur les épreuves du fameux traité de mathématiques en même temps qu'ils donnaient des conférences révolutionnaires. Mais aujourd'hui puisqu'on est certain que l'auteur de ce tableau n'est autre que Jacopo da Barbari, le jeune homme au second plan est certainement Albrecht Dürer qui s'intéressa lui aussi aux travaux de Fra Pacioli. 
 
En revanche on s'accorde toujours pour dire que le volume en verre ou en mica au premier plan, appelé polyhèdre pour faire savant à mon tour, aurait été peint par Léonard de Vinci qui se rendit plusieurs fois dans l'atelier de Barbari. C'est d'ailleurs à Venise qu'il commença sa fameuse Sainte Anne avant de repartir pour Milan et Florence. 
 
On voit combien tout ce petit monde de la Renaissance évoluait ensemble, se stimulant par leurs travaux communs mais aussi leurs parties de plaisir. on imagine ainsi ces jeunes gens se promener en barque sur les canaux, rendre visite à leurs aînés dont ils venaient entendre l'enseignement, sachant faire les courtisans quand il le fallait parce que sans les grands, les puissants leur art, leur science, leur recherche n'étaient rien. Imaginez combien Venise devait être animée : les artistes dans leurs boutiques, les savants dans leurs salles d'étude, les imprimeurs devant leurs presses, les moines dans les bibliothèques recopiant les antiques et les riches marchands ramenant sans cesse de nouveaux documents, des pièces uniques d'archéologie, et les jeunes femmes séduites par tous ces beaux esprits qui participaient souvent aux réunions savantes et illuminaient les bals de leur rayonnante beauté.

22 mars 2007

un corps transparent d'elle...

 
Rainer Maria Rilke, sur une amie vénitienne :"C'est une âme toute vibrante dans un corps transparent d'elle, un être sensible comme une fleur et profond comme un miroir ou de loin se mire un ciel plein d'étoiles..."
 
Ce texte m'est revenu en mémoire et j'y associe depuis toujours ce beau portrait d'une jeune vénitienne inconnue peint par Dürer pendant son séjour en Italie, lorsqu'il étudiait la manière de l'atelier Bellini. On dit aujourd'hui qu'il s'agirait en fait de l'épouse du peintre. Mais là n'est pas mon propos. Je voulais seulement vous parler d'une belle exposition qui est actuellement présentée au Museo Diocesano de Venise, dans le sublime cloître de San Apollonia, jusqu'au 30 juin. Entièrement consacrée à l'oeuvre gravée du Maître de Nuremberg, le génial Albrecht Dürer dont les liens avec Venise furent très forts et se ressentent dans bon nombre de ses œuvres. Il fit à Venise deux séjours. Il existait alors dans la Sérénissime une guilde de marchands de Nuremberg qui formait une des nombreuses ramifications de la colonie allemande installée au Fondaco dei Tedeschi au Rialto. Dürer fut appelé par eux pour décorer une des chapelles de l'église San Bartolomeo qui était leur paroisse. Ce fut le polyptique de la Fête du Rosaire. Il réalisa certainement d'autres toiles pour les riches négociants allemands qui financèrent sa venue. 
En 1494, le peintre rencontra Jacopo de Barbari qui lui apprit l'art des proportions humaines et animales, notamment celles du cheval dont Dürer se servit beaucoup dans ses gravures. Ils travaillèrent ensemble, furent souvent en concurrence et on hésite beaucoup aujourd'hui dans l'attribution de la fameuse carte de Venise conservée au Musée Correr. Ne serait-elle pas de Dürer plutôt que de Barbari ?
Le travail de Dûrer sera définitivement transformé par ses séjours vénitiens. Il y travailla beaucoup la représentation des bêtes et notamment des lions et des crabes, et des "mystérieuses créatures marines", animaux réels ou mythiques très présents dans la cité des Doges. Scènes païennes ou religieuses, les gravures de Dürer sont toutes splendides, raffinées et parlantes, d'un modernisme qui n'a pas cessé d'étonner.


21 mars 2007

Les Présidentielles françaises à Venise

Les 22 avril et 6 mai 2007, le peuple français élira le Président de la République. Pour cet événement majeur de la vie démocratique française, Venise a été retenue comme bureau de vote décentralisé. Pour les français qui ont le bonheur d'être exilés en Vénétie, les bureaux du Consulat seront ouverts de 8h à 18h. Moi qui préside depuis des années un bureau de vote à Bordeaux, que ne donnerai-je pour avoir les mêmes fonctions à Venise !

Pour tous renseignements, les français de Venise sont invités à consulter le site du Quai d'Orsay : http://www.diplomatie.gouv.fr, à la rubrique "élections du Président de la République 2007", ou directement le site du Ministère de l'Intérieur : http://www.interieur.gouv.fr
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L'adresse du Consulat (devenu hélas un simple consulat honoraire) de France à Venise : Calle del Pestrin, Castello 6140 (à proximité du Campo Santa Maria Formosa). Pour y parvenir, arrêt de vaporetto Rialto, prendre la direction de Santa Maria Formosa, puis la Calle Santa Maria Formosa en partant du Campo, la première ruelle à gauche est la Calle del Pestrin.


20 mars 2007

Etre bon vénitien...

Des amis me demandaient l'autre jour ce que veut dire cette expression que j'emploie peut-être trop souvent et avec un ostentatoire désir de faire comprendre que moi au moins je le suis. Oui, pouvoir dire avec humour : "Hé bien oui, j'en suis !", avec fierté et condescendance et faire des envieux... Être bon vénitien...
Pardonnez cette prétention qui a son origine dans ce désir bien légitime de vouloir cesser un jour d'être étranger dans le lieu où on a trouvé son âme et qui compte plus que tout autre endroit au monde. Mais bien évidemment je plaisante, je vais et viens à Venise le plus souvent, je parle (mal) le dialecte, j'ai passé plus de cinq ans d'affilée dans ces lieux et j'y vis davantage en autochtone qu'en visiteur certes, mais je demeure à jamais un étranger. Vous savez, dans le sens de ce mot que l'on voit affiché dans les zones frontières de l'Empire britannique où, à côté des couloirs réservés aux sujets de Sa Gracieuse Majesté, il y a toujours le couloir pour les autres, dénommés "aliens".
 
Je demeure comme bon nombre de mes petits camarades fous de Venise un alien pour les vénitiens. J'y ai là-bas de nombreux amis, de tous âges et de tous milieux, les commerçants du quartier où je vis me connaissent, je possède ma Carta Venezia, la fantasque Graziella, notre femme de ménage, me raconte les potins et je ne peux faire un pas sans croiser quelqu'un que je connais - ailleurs ce serait un enfer, le comble de l'ennui, ici c'est un délice - mais je ne fais jamais que passer même quand je reste et c'est le désespoir de ma vie. J'attends avec impatience qu'il me soit donné de pouvoir enfin poser mon sac et déballer tout ce que j'ai dans cette maison de Dorsoduro où je me sens si bien. Mais le quotidien me retient en France et je me contente d'aller et venir le plus souvent qu'il m'est donné de pouvoir le faire.
Mais bon cessons cette petite crise de mélancolie. L'air "the fields of Althenry" interprété par James Galway que j'écoute en rédigeant ces notes y est pour quelque chose certainement. Le largo du concerto n°12 d'Antonio Vivaldi (La Cetra) lui succède. Décidément la radio ce soir m'enveloppe de nostalgie. Je disais donc que ce n'était pas le but de ces lignes. Je devais vous parler de l'état de bon vénitien. Une charmante américaine qui vit à Venise sur le grand canal écrivait il y a quelques temps ses conseils aux visiteurs dans une revue yankee. Elle reprenait ce que nous apprenons tous après quelques semaines de vie vénitienne.
Être bon vénitien, c'est d'abord faire comme les vénitiens. "Imaginez que vous êtes une voiture et que les calli sont des routes, vous respecterez mieux ainsi les usages" expliquait-elle. Un peu ridiculement américain à priori mais à la réflexion sa manière de présenter les choses n'est pas idiote. Ses conseils finalement méritent d'être repris :

1. Restez à droite quand vous marchez (même si vous êtes anglais) et de grâce, dépassez les personnes plus lentes par la gauche seulement.
2. Ne vous asseyez jamais sur les marches des ponts, encore moins au milieu de la rue, quelque soient les circonstances. Une personne assise sur sur un pont peut occasionner des embouteillages incroyables en quelques minutes. Si, si, c'est vrai je vous l'assure !
3. Avant de vous arrêter, regardez des deux côtés et puis derrière et devant vous et assurez-vous qu'il n'y a personne. Si vous vous arrêtez d'un coup comme on pile en voiture, vous pouvez être certain que quelqu'un va vous rentrer dedans. Comme en voiture.
4. Pensez vos déplacements en terme de "campi". Déplacez-vous de campi en campi, pas de rues en rues. Quand vous arrivez sur un campo, là vous pouvez vous arrêter et chercher à repérer où vous êtes, vous asseoir, prendre un café, un spritz. Vous relaxer. Un campo est une ère de repos et le meilleur endroit pour observer la vie vénitienne.
Voilà, rassemblons tout cela : vous marchez dans les rues, en restant bien à droite. Si une vitrine attire votre attention, arrêtez vous doucement, vérifiant si quelqu'un vous suit de ne pas l'empêcher d'avancer en vous déplaçant le plus à droite possible. Il comprendra que vous vous arrêtez. N'hésitez pas dans vos mouvements surtout quand c'est l'heure de pointe et que bien des gens qui vont dans les rues sont pressés. 
Quand vous reprenez votre chemin, reprenez calmement votre place dans la foule, sans gêner personne. Vous voilà sur un campo. Vous découvrez une terrasse agréable, commandez-donc une boisson, profitez-en pour sortir votre plan et repérez où vous vous trouvez. C'est une sorte de ballet merveilleux et vous deviendrez vite danseur étoile !
Lorsqu'il pleut, les choses se compliquent surtout dans les ruelles étroites. Pourtant, jamais un seul accrochage de parapluie avec les vénitiens. L'usage veut que les hommes, les personnes les plus jeunes (et les plus pressés) lèvent haut et droit leur parapluie afin d'éviter aux dames de se mouiller. Automatiquement la personne en face baisse ostensiblement le sien de côté, de façon à se protéger de la pluie tout en évitant de cogner la personne qu'on croise. Convention tacite hélas rarement respectée par les touristes. Ai-je été clair avec mes histoires d'umbrella ?

Autre conseil de notre américaine - qui refuse de donner ses adresse de restaurant "because some things must be kept secret" - quand elle explique que, vers 19 heures, comme les vénitiens être bon vénitien consiste à boire un spritz con bitter, a l'aperol ou al select, et elle recommande le Zanibar de Sta Maria Formosa, The Bar sur le campo San Silvestro. Il y en a des dizaines d'autres. 


Mais rendons la parole à Henry de Régnier, l'inventeur de la formule. Il s'agit d'un extrait de l'Altana ou la vie vénitienne :
[...] "A être ainsi reconnu [par un petit bossu que l'auteur croise souvent le salue chaque jour], je me suis senti moins étranger et moins intrus à Venise et j'en ai tiré une vive satisfaction car depuis mon arrivée j'étais poursuivi par une préoccupation que je dois vous avouer.
Oui maintenant que je suis à Venise à l'hôtel, j'ai peur de prendre "l'esprit touriste", de perdre la charmante et sage façon d'y vivre que j'ai apprise de vous, d'être moins ce que vous appelez "bon vénitien" (page 111)... Les principes qui forment le catéchisme du bon vénitien : le point essentiel et le précepte fondamental en est de vivre à Venise comme on vivrait partout ailleurs, d'y rester soi-même et de ne pas s'y faire une âme factice. Si vous aimez voir des églises, visitez des églises, si vous aimez voir des tableaux, regardez des tableaux, mais ne vous y croyez pas obligé. Venise n'oblige à rien, pas plus à se grimer en romantique qu'à se déguiser en esthète. Si vous aimez contempler les couchers de soleil ou les clairs de lune, ils sont à votre disposition, mais ils peuvent fort bien se passer de vous. Si vous préférez flâner devant les boutiques, donnez-vous en le plaisir, si vous préférez visiter les antiquaires, visitez-les. Aimez-vous le café ? Asseyez-vous aux petites tables du Florian ou du Quadri. Avez-vous envie d'écrire ? Enfermez-vous dans votre chambre. Ne posez pas devant vous-même, un pigeon sur chaque bras. Marcher vous plaît, ne prenez pas de gondole. Ne sacrifiez pas vos aises et vos goûts au souci de la couleur locale... Venise ne s'impose pas, elle se prête. Contentez-vous d'être heureux des beautés qu'elle vous propose... Venise vous offre l'occasion de vous laisser aller à toutes vos fantaisies d'esprit et de cœur. Elle est un repos, un détachement momentané de ce qui nous occupe d'ordinaire. Elle est propre à certaines heures de rêverie tendre ou mélancolique. Accueillez- les si elles se présentent à vous. Elle vous permet d'oublier que vous vivez à l'époque des chemins de fer et des tramways mais elle n'est pas seulement une ville d'art et du passé, elle a aussi sa vie actuelle et quotidienne où se superposent de l'hier et de l’aujourd’hui, et ce mélange est un de ses charmes. Elle continue humblement sa glorieuse destinée. Elle n'est pas toute aux touristes, et sa vie populaire est charmante à observer... Vous n'êtes pas sou la conduite de Cook ou la domination de Baedecker*. Obéissez à votre fantaisie, au libre cours de vos pensées, à vos goûts. Recueillez docilement les impressions de beauté que vous éprouvez et n'en tirez pas vanité. Vous n'êtes ni le premier ni le dernier à les ressentir. Être à Venise ne constitue pas un fait extraordinaire. Cent cinquante mille êtres humains jouissent continuellement de ce privilège, sans compter les chevaux de Saint Marc, les pigeons, les chiens et les chats. (p.116)

 



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(*) pour ceux qui l'ignorent le Baedecker a été tout au long du XIXe et jusqu'aux années 30 le guide touristique par excellence. Chaque voyageur digne de ce nom se devait de l'emporter avec lui. Cool était l'agence de voyage par excellence qui organisait non seulement els trajets mais aussi les séjours, récupérait le courrier et faisait toutes les démarches nécessaires pour rendre la vie le plus facile possible au voyageur.

Caché dans un coin, un peintre près de la Salute peignait un chat endormi sur le pont de la badia San Gregorio


Et le chat (que nous ne montrons pas pour respecter son anonymat) qui posait pour le peintre caché, faisait semblant de dormir. il fallait bien satisfaire l'artiste et ne pas bouger pour que l'aquarelle soit réussie et le minois du minet à jamais immortalisé...

19 mars 2007

Une paix bleue


Une paix bleue règne sur un monde endormi. 
Les barques reflètent leur silence sur l'eau verte des rii.
Un pont rose enjambe une eau tranquille et amie.
Il attend le pas qui réveillera cet univers assoupi. 
Une paix bleue règne sur un monde endormi...

Sur l'air "Mean to me" par les Dorsey brothers, enregistré le 15/03/1929, New York, Okeh Productions.

Connaissez-vous Antonio Baldi ?


Antonio Baldi est un jeune photographe totalement pénétré de la lumière et de la magie de Venise au quotidien. J'aime particulièrement son regard. Simple, acéré, vigilant. J'y retrouve la Venise que j'aime, celle de tous les jours et des jours d'exception, celle des vénitiens, où le passé se mêle au quotidien d'aujourd'hui, sans complexe, sans nostalgie ni mépris pour les temps modernes comme le font trop de photographes mélancolico-maniaques qui voudraient figer la Sérénissime dans un sommeil de sanctuaire.
Vénitien de naissance et de cœur, il est le fils d'Emilio Baldi, le brillant et sympathique propriétaire de l'Antico Martini, le célèbre restaurant du campo San Fantin, près de la Fenice, dont il a réalisé la plaquette commerciale. Mais ce n'est pas seulement le fils de son père. Il possède un vrai regard et toutes les qualités d'un authentique artiste.

Tramezzinimag Galerie vous présentera prochainement une exposition virtuelle des meilleurs clichés consacrés à Venise extraits du portfolio de ce photographe.