08 juin 2007

Tendre l'oreille au pied du palais Pisani




On parle d'art contemporain ou de cinéma, mais on oublie la musique à Venise. Le Conservatoire Benedetto Marcello, situé dans le somptueux Palais Pisani, à deux pas du campo Santo Stefano, dirigé actuellement par le pianiste Giovanni Umberto Battel, abrite plusieurs centaines de jeunes gens venus se former à la pratique instrumentale et aux autres disciplines musicales. Chaque semaine pendant l'année scolaire, ils donnent de petits concerts dans une des salles de ce Palais du XVIIème siècle. Régulièrement les meilleurs élèves se produisent à la Fenice ou ailleurs. C'est un régal de s'aventurer sous les hautes fenêtres de ce palais pendant l'année et d'entendre, au hasard, de la musique ancienne, des gammes, du chant. Le son des violons, trompettes, clavecins, guitares ou harpes se répand et se mêle aux odeurs des fleurs du palais Franchetti voisin.

07 juin 2007

Le silence de Venise comme un baume


L'été est là. La foule aussi accourue des quatre coins du monde pour la Biennale. Loin des sentiers battus, les ruelles demeurent calmes, les canaux tranquilles. Le silence si léger de la ville est un baume après la fureur du monde. Là-bas près de San Marco ou au Rialto, sur les Schiavoni vers la Biennale, les hordes se pressent et se bousculent, par vagues débarquant des vaporetti ou dévalant les ponts. Partout ailleurs, le vent déjà bien chaud transporte en écho les sons familiers à ceux qui connaissent Venise : les cloches qui rythment le temps qui passe, le cri des mouettes et le rire des enfants. La lumière forme sur les façades et au fil de l'eau un décor unique, toujours renouvelé, toujours différent...

Un rêve de vie : être chat à Venise




Vous imaginez la vie qu'un chat peut mener à Venise : pas de risque de finir écrasé sous les roues d'une voiture trop pressée, du poisson plein les rues, des jardins tranquilles, du soleil, des tas d'endroits paisibles pour la sieste, des enfants et des touristes pour les caresses, des photographes pour flatter leur ego et un lointain cousin comme symbole de la ville ! Le paradis non ? Et l'histoire s'en mêle qui donne à la gent féline la place qu'elle mérite. Sans les chats la peste se serait répandue bien plus souvent et les marchandises dévastées par les souris et les rats. Oui, à Venise, quand on n'oublie pas de raisonner en vénitien, on aime et on respecte les chats.

Hélas, l'administration est remplie de non-vénitiens qui ne savent pas cela et la grande tribu des mistigris et autres a été souvent persécutée ces dernières années. Fourrière, exil voire même euthanasie ont décimé la colonie qui en garde un certain ressentiment et beaucoup de dédain pour ces humains oublieux des éminents services rendus. Chaque navire avait son chat, engagé officiellement dont le nom et les états de service figurait dans le registre de chaque galère que la Sérénissime envoyait sur les mers à la conquête du monde. Certains étaient fêtés au retour comme des héros. Aucun autre animal, mis à part le lion ailé, leur illustre parent, n'a connu autant d'honneur et de gloire. Pensez-y quand vous croisez un de ces chats vénitiens. Ce sont presque à tous les coups, les descendants de ces chats-héros, même sans en avoir l'air...



_________
2 commentaires: 

Thai Chat a dit

Sacré chat !
condorcet a dit
Les chats sont les amis des artistes et des écrivains : Malraux, Colette, Léautaud (et son couvre-chef)... J'ai le bonheur de les croiser chaque jour dans mon jardin. Mais Venise offre des opportunités qui doivent se poursuivre.
Vive Grosminet et vive Titi (enfant, j'étais fasciné par un album relatant leurs vénitiennes pérégrinations).

Poly à Venise, vous vous souvenez ?



Cécile Aubry (Belle et Sébastien), a écrit cette série sympathique, l'histoire d'un petit poney et son jeune maître que le hasard mène un jour dans les rues de Venise... J'étais enfant lorsque les aventures de Poly le poney et de son jeune maître étaient diffusées. La télévision n'était pas encore en couleur et être autorisés à la regarder était une récompense et un privilège. Je raffolais des feuilletons écrits et réalisés par Cécile Aubry, notamment la  série des Belle et Sébastien. j'avais exactement le même âge que Mehdi, son fils dont tout le monde - du moins tous ceux de ma génération - se souvient qu'il interprétait avec candeur et beaucoup de fraîcheur le personnage de Sébastien. 

Les épisodes de Poly à Venise m'ont beaucoup marqué à l'époque. Je me souviens à peine adolescent avoir voulu retrouver les lieux du tournage - et l'avoir fait au grand dam de mes parents qui n'en pouvaient plus -  et mon imagination me joua même un tour. Au détour d'une calle où je fus persuadé d'entendre le bruit d'un sabot de cheval sur les dalles. C'était non loin des Schiavoni, je ne sais plus exactement où... Mes parents se moquèrent de moi. J'avais le cœur qui battait, persuadé que nous avions franchi le mur invisible du temps et que nous étions soudain dans une autre réalité. J'allais voir surgir le petit poney fantasque et me retrouver sur le plateau du tournage dix ans plus tôt... En fait, il y avait bien des poneys. Un petit cirque équestre comme dans un film de Fellini. Deux jeunes palefreniers qui auraient très bien pu tourner dans la série, faisaient rentrer les chevaux dans leur petit enclos pendant que le chapiteau se dressait peu à peu... Un rêve ? Je n'ai jamais retrouvé trace de la venue de ce cirque un jour d'été dans les années 70...

06 juin 2007

La première femme diplômée au monde était vénitienne.

 
Le saviez-vous ? La première personne de sexe féminin à avoir bravé règles et traditions en poursuivant un cursus universitaire et en briguant un diplôme jusqu'alors exclusivement réservé aux hommes était une jeune patricienne de Venise, Elena Lucrezia Cornaro Piscopia. Elle fut nommée docteur en philosophie et en théologie à l'Université de Padoue en 1678.  

Née à Venise en 1646, dans l'illustre famille des Cornaro (dont l'autre femme illustre est la fameuse reine de Chypre, Caterina Cornaro), connue à Venise pour avoir donné des doges, des amiraux, des cardinaux et de nombreux sénateurs. Depuis sa plus petite enfance, elle était réputée pour son intelligence très vive. Le père de la jeune fille lui donna le meilleur enseignement possible à Venise à l'époque.

Elle reçut des leçons avec d'illustres précepteurs dans un grand nombre de matières : langues, latin et grec, mathématiques. C'est le mathématicien et philosophe padouan
Carlo Renaldini ou Rinaldin qui lui enseigna des notions très approfondies de mathématiques et l'orienta vers l'étude approfondie d'Aristote. Elle parlait français, espagnol, arabe et hébreu. Elle a écrit plusieurs ouvrages fort cotés en leur temps.

Très gravement malade, Elena Cornaro, docteur de l'Université à 32 ans, mourut à Padoue le 26 juillet 1684, après avoir renoncé au monde en rentrant chez les bénédictines. Elle n'avait pas trente-huit ans. On peut voir sa sépulture dans l'église Santa Giustina de Padoue. Une statue rappelle son exploit à l'université de Padoue dont elle fut la première élève. Un médaillon de marbre la représente sur la façade de l'Hôtel de ville de Venise, à l'origine le palais de la famille Cornaro.

Elle provoqua un scandale lorsqu'elle sollicita l'autorisation de passer sa licence de théologie pure. Impensable pour une femme répondirent les responsables religieux. Mais devant sa détermination et la qualité de ses compétences, ils l'autorisèrent à se présenter en section de philosophie avec ce qu'on appellerait aujourd'hui une option Théologie. L'honneur était sauf pour l’Église et la jeune femme apte à s'instruire dans les domaines qu'elle affectait. Encore un domaine où Venise fut précurseur !

On possède peu d'écrits de sa main, Elena Cornaro ayant demandé par humilité, que soient détruits se manuscrits et ses notes à sa mort.

04 juin 2007

TraMezziniMag Galerie : Masques de Venise par Fabien Chalon

Pour changer de ces masques trop souvent fabriqués en Asie que le touriste de base trouve sur les stands des vendeurs ambulants, j'avais envie de vous présenter des extraits d'un petit livre devenu presque introuvable.
Publié chez l'éditeur Jacques Damase, en 1994 et que certains d'entre vous connaissent. Il s'agit d'un petit recueil de photographies de Fabien Chalon, illustrées oserai-je dire par un texte de Michel Butor. En fait Fabien Chalon est aussi un poète. Sculpteur, photographe, il est le mari de Zabou Breitman, ex-actrice, ex-animatrice de télévision, aujourd'hui réalisatrice et productrice. Il avait adressé à l'écrivain, auteur de "san Marco" ses clichés que je vous présente ici. Il reçut en retour un poème intitulé "Lutins de lagune". Cette chanson comme la nommait Michel Butor est bien l'enluminure des photographies de Fabien Chalon

De San Giorgio à la Piazza
gardiens du seuil
il suffit de leur effleurer
un oeil pour qu'un frémissement
d'appel et d'alarme
retentisse jusqu'au fond
des appartements obscurs
.
De la Giudecca aux Giardini
nourris par le postier
ils ruminent les nouvelles
avant de les régurgiter
à ceux qui les transporteront
au long des escaliers corridors et salons
jusqu'à la lecture sous la lampe
.
De la Salute à l'Arsenal
clignant au passage des belles
sous les averses du printemps
qui transforment le soir
les murs les plus lépreux
en mosaïque sur fond d'or
dans la vapeur des canaux
.
De Strawinsky à Tiepolo
fantômes de Pulcinella
se renversant dans les ruelles
ou dégringolant des façades
briques marbres vitres et grilles
entre palais et carillons
entre carnaval et ténèbres
.
Du cimetière à la Fenice
fanaux luisants sur les gondoles
feux Saint-Elme phosphorescences
rais de lumière sous les portes
une salamandre se glisse
entre les paupières et lèvres
pour battre le rappel des fées
.
Michel Butor

le 4 juin 1798, à Dux

Retiré du monde, loin des femmes et du jeu, Giacomo Casanova mourut le 4 juin 1798, après avoir passé les dernières années de sa vie dans la bibliothèque de son dernier protecteur et ami, le comte de Waldstein, qu'il était chargé de classer et d'entretenir. C'est dans ce château agréable qu'il rédigea en français ses fameuses mémoires qu'un éditeur de Leipzig édita, grâce à son neveu et héritier. L'ouvrage fit le tour des cours d'Europe et le Paris de la Révolution fit un succès au livre. Cette gloire posthume aurait comblé d'aise l'aventurier vénitien. Né en 1725, dans une famille de comédiens, il était destiné à devenir prêtre, mais la vocation tardant à venir, il fit de nombreux métiers, errant à travers l'Europe. Inventeur, brillant causeur, jouer invétéré, un peu escroc, grand coureur de jupons, franc-maçon, magicien, charlatan, il ne laissait jamais indifférent. A Venise, il eut de nombreux riches protecteurs. ce fut le cas aussi à Dresde, à Paris, à Madrid. Ami de têtes couronnées, d'ecclésiastiques influents, de savants, d'artistes de renom (comme Goethe ou Mozart), c'était un homme curieux, brillant et très cultivé. Pas seulement un séducteur sans vergogne...
.
Rentré dans la mythologie populaire universelle comme un libertin frondeur et téméraire, il serait surpris mais fier de voir son patronyme devenu un nom commun. Une messe est dite à Venise , chaque année depuis 1798, pour la paix de son âme.

A Dux, aujourd'hui Duchkov, en Bohème, on peut voir dans le château des Waldstein, la chambre du vénitien, le fauteuil sur lequel il était assis quand il mourut.

En revanche sa tombe a disparu dans les années 50, à l'époque maudite de la dictature communiste. Elle était à 14 pas sur la droite en partant du fronton de l'église paroissiale Santa Barbara. Un pas par année passée à Dux. Son protecteur y avait fait installer une énorme croix qui s'endommagea avec le temps et les communistes achevèrent le travail du temps en rasant le cimetière.
.
On raconte que les femmes se rendant à la messe ne pouvaient pas passer devant son tombeau sans que leur robe ne s'accroche aux reliefs usés de la pierre tombale. Ce qui faisait dire dans la petite communauté, que même mort Casanova ne laissait jamais les femmes en paix ! L'intérieur de l'église a brûlé pendant la seconde guerre mondiale. on ne voit plus que l'emplacement de la loge vitrée près du Maître-Autel où la famille Waldstein se tenait avec les plus importants de leurs gens. Casanova avait l'autorisation de s'y tenir pour écouter la messe quand le comte n'était pas à Dux. Il en parle dans les mémoires.
.
Le manuscrit de celles-ci est revenu sur les lieux de sa création en 1998, à l'occasion du bicentenaire de la mort de l'écrivain. On peut les consulter au musée de Dux, à quelques centaines de mètres du château.

03 juin 2007

Promenade dominicale...

En se baladant, là où nous portent nos pas...

Promenade dominicale.à Venise sous le soleil de juin

En se baladant dans les rues de Venise, là où nous portent nos pas, par une chaude journée de juin, un dimanche.

Scènes de la vie ordinaire



Quartiers de Venise par © ucuccu 
Le grand canal, de la Piazzale Roma au Rialto : le trafic quotidien, vaporetti, barques, taxis, livraisons en tout genres...
Vidéo envoyée par ucuccu - juin 2006. Daily Motion

01 juin 2007

Venise au quotidien


Chaque printemps, les glycines qui sont légion à Venise, refleurissent et répandent leur parfum entêtant dans tous les quartiers. Cette odeur enivrante mêlée à l'air iodé qu'on respire en marchant le long des fondamente, c'est tout Venise, ne trouvez-vous pas ?

31 mai 2007

Journal de Venise, 1985

"Venise est une ville de sensations, et non de concepts" a écrit Gabriel Matzneff dans l’Archange aux pieds fourchus, "on y vit à fleur de peau, à fleur de nerfs, et c’est pourquoi je l’aime"… Tout est dit. Chaque fois que je prends ma plume le matin, je me pose la même question : Pourquoi ce besoin d’écrire encore sur Venise quand d’autres, comme cet auteur, dont les journaux intimes et les récits ont bâti ma conscience et dirigé mes pensées tout au long de mon adolescence, l'ont tellement mieux fait ? 

Qui disait justement qu'on ne peut plus écrire sur Venise. Peut-être simplement parce que Venise est tellement liée à ma vie, tellement mêlée à mes sens, mes souvenirs, mes idées, mes désirs que parler d’elle c’est expliquer – aux autres comme à moi-même – ce que je suis vraiment. Ce que je pense et ce qui me fait vivre… Lourde tâche. Rester sobre et pudique. On me reproche déjà souvent cet étalage d’indiscrétions sur ma vie intime, sur les miens…

 Une de mes cousines me disait il y a quelques jours combien elle trouvait cela impudique et vain. Elle a peut-être raison. Cependant les courriers que je reçois semblent prouver au contraire que ce travail a tout de même une certaine utilité, puisqu’il plait à mes lecteurs. Allez, j’en rajoute une couche, quitte à déplaire à ma chère cousine : je viens de relire quelques pages de mon journal de jeunesse. Premier trimestre 1985. J’étais totalement sous influence : Montherlant, Matzneff, mais aussi Mauriac et Huguenin … Je découvrais la liberté, la solitude, l'exil mais aussi le bonheur de vivre à Venise.

Jeudi 7 février
Je commence le volume du journal de Matzneff. 

Page 57, cette belle description : "Outre la patrie où le destin nous fait naître, il y a la patrie d’élection, qui est celle que nous choisissons. Pour nous les décadents, les rebelles, qui nous sentons en marge du monde moderne, cette patrie ne peut être que Venise. Venise est une ville pour vivre la « vie inimitable » ; mais aussi une ville pour mourir…"
"Venise, la ville des bonheurs fugitifs et des mélancolies subtiles. Sous les coupoles bulbeuses de ses églises, sur les eaux dormantes de ses canaux, à l’ombre fraîche de ses ruelles, nous attendons les barbares, un sourire d’indifférence aux lèvres, sachant que, quoi qu’il advienne, c’est nous qui aurons eu la meilleure part…"
 
[...]

Venise est la ville qui personnifie le mieux l’Europe véritable. Autrefois l’Europe des chevaliers et des moines. Puis l’Europe des fils de Roi et des des conquérants. Aujourd’hui, l’Europe des boutiquiers.
 
[...]

Venise est ce qui reste du grand rêve byzantin. Ceux qui foulent ses pavés chaque jour se rendent-ils compte qu'ils posent leurs pieds sur les vestiges d'une gloire universelle ?
[...]

Demain rencontre avec Hugo Pratt, le voyageur bienveillant.

Vendredi 8 février
Rencontre avec Hugo Pratt ce matin,à la Bevilacqua la Masa, place Saint Marc. Interview réussie je crois. Personnage sympathique, bienveillant. Les yeux bleus, le sourire affable. Rien à voir avec le rictus faux et commercial du galeriste G. pour qui je travaille. Long moment hors du temps et du monde avec le père de Corto Maltese. Passionnant.

Le carnaval commence demain.

[...]

Renvoyé de la galerie. Me voilà libre enfin. Mais dès le 1er avril, il me faudra trouver au autre appartement. Dachine Rainer, très gentille, cherche à m’aider. Je lis sa pièce "copper coloured" et quelques notes de son futur journal de Venise dont elle me demande de corriger les noms italiens qu’elle a tendance à confondre ou à écorcher. J’aime ce travail de relecture. Une modeste participation à l’acte créateur d’un autre. Un apprentissage.

Dimanche 10
Il fait froid mais très beau aujourd’hui. La ville est en liesse. Quel ennui que ce carnaval qui perturbe tout et amène une foule de personnages bruyants et excités.
...
"Prendre une décision, c’est rajeunir de dix ans", dit Matzneff. C’est pour cela que je me sens aussi guilleret ce matin. J'ai quitté Graziussi qui finalement aurait aimé me garder dans sa galerie, et je vais changer d’appartement. Parviz doit quitter celui qu’il occupe avec Bijan à Dorsoduro. J’irai m’y installer.

Jeudi 14
Ça y est, j'ai les clés de l'appartement des persans. Calle Navarro, près du petit marchand de fruits. Nous allons être bien Rosa la chatte et moi. Ma table à écrire sera devant la fenêtre, au-dessus des toits !

[...]
Je crois en mon étoile vraiment. J'ai longtemps su ce que je désirais sans vraiment savoir y parvenir. Je n'étais pas prêt. Les circonstances ne m'y portaient pas. Aujourd'hui, j'ai la certitude d'être enfin sur le chemin.

[...]