08 novembre 2007

Venise comme un état d'esprit


Cette longue citation me revient en mémoire au moment où Venise est comme métamorphosée par l'été de la Saint Martin, cette traditionnelle embellie du climat chaque année au moment où les petits vénitiens s'apprêtent à fêter San Martino. Ce n'est pas une belle journée d'automne, c'est plus que ça. Un soleil ardent, un air plus léger, une douceur souriante qui rend joyeux comme aux premiers jours de juillet... Je l'ai déjà publié sur ce site mais je ne résiste pas. Elle est extraite du livre "Venise" de Eric Ollivier
"Venise est plus qu’une ville, c’est un état d’esprit, une merveilleuse idée humaine. Une invention géniale. Elle est le refuge parfait du solitaire. Elle sait s’en emparer et le prend dans ses tentacules. On ne rencontre jamais mieux Venise que seul et sans but. Le cafard, la malinconia est un art vénitien. Cet état atroce et merveilleux, le solitaire s’y accroche car il y trouve un délicieux bonheur, une richesse unique. Triste et joyeux presque simultanément, le malade de Venise s’enrichit d’heures en heures de sensations spécifiques. Il repartira – s’il repart – en paix avec lui-même, harmonisé, rédimé, apaisé et riche d’une richesse intérieure très enviable de nos jours."

07 novembre 2007

L'érudit du ponte delle Spezier


Quand j'étais étudiant, il y avait près de chez moi un vieil érudit passionnant qui était né dans le ghetto et avait connu les terribles années de plomb qui couvrirent l'humanité d'opprobre et marquèrent du sceau de l'infamie ceux qui au nom d'un concept erroné massacrèrent des millions d'innocents. Il se disait descendant de Miguel Abraham Cardoso, célèbre médecin juif cabaliste qui répandit avec son frère la pensée messianique auprès des communautés juives tout autour de la Méditerranée au début du XVIIe siècle. J'ignorais son âge. Une vieille femme un jour me certifia qu'il avait plus de 150 ans et que par la force de sa foi il était intouchable et quasiment sur de l'immortalité... Il mourra en 1986. 

On apprit alors qu'il avait plus de 90 ans. Il m'accompagnait souvent dans le ghetto et me montrait des tas de choses comme il l'avait fait avec Hugo Pratt qui s'était inspiré de ses récits - et de ses affabulations - dans plusieurs de ses histoires : Je découvris dans la bibliothèque de sa communauté des documents extrêmement rares et magnifiquement ornés et illustrés (je me souviens d'avoir eu entre les mains le premier Talmud imprimé à Venise - en 1519 - par Daniel Bomberg, typographe venu d'Anvers)...  Avec lui j'ai gravi  les étages de presque tous ces vieux immeubles tellement hauts qu'on peut les considérer comme les gratte-ciels du Moyen-Âge - et le quartier du ghetto comme le Manhattan de l'époque ! - Toutes les banques étaient là (on peut encore voir l'entrée du Banco Rosso, célèbre maison de prêt sur gages) et elles étaient célèbres dans tout le monde civilisé. 

Lorsqu'au début de son règne, le roi Louis XVI (dont l'histoire omet trop souvent de souligner l'extraordinaire travail de fond qu'il entreprit pour modifier la société française au profit des plus petits) mit en place le premier mont-de-piété organisé à l'intention des plus démunis pour éviter que soient aggravées leurs difficultés, il se renseigna sur le fonctionnement des banques du Ghetto et chargea son ambassadeur à Venise de prendre des informations.
Le vieux sage me montrait des maisons et des palais ruinés et m'expliquait qui avait habité là et ce qui s'y était passé avant 1798. J'avais ainsi l'impression de vivre en direct ces anecdotes vieilles de plusieurs siècles. Il m'amena un jour dans le vieux cimetière juif du Lido, si pittoresque et émouvant avec ses tombes des XVIe et XVIIe siècles au milieu d'une végétation sauvage et d'arbres pluri-centenaires. Il était alors fermé au public. Il fallait sonner chez le gardien du cimetière moderne pour obtenir la clé de la grille. Là, nous nous asseyions sur l'herbe et il me racontait la vie des personnages qui reposaient sous ces pierres richement sculptées. C'était là-encore, à chaque fois, un voyage hors du temps. J'ai envie de dire hors du monde. Il y avait aussi le vieux sacristain des Mendicoli, un moine dominicain de San Giorgio et un père lazariste arménien pour peupler mon univers spirituel... Je n'étais pas particulièrement - en suis-je vraiment sûr aujourd'hui ? - en recherche ni demandeur pour les choses de la foi ; j'aimais cependant beaucoup les écouter tous évoquer à leur manière le passé de Venise et celui de leur communauté et me donner à voir ses couleurs à l'aune de leur foi.

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3 commentaires:

Anonyme a dit…
Merci merci quel bonheur de vous lire ! Surtout n'arrêtez pas, je voyage avec vous, je lis vos archives, je ne connais pas encore .... Venise. Grâce à vous je vais le découvrir autrement. 
Sunny
Gérard a dit…
C'est une grande chance que d'avoir pu toucher ce Livre . Précieux . Le toucher est un sens , c'est vrai . L'esprit , un autre . Aussi précieux . Une furtive et imperceptible émission d'Arte , sauf pour les joyeux gantés de l'esprit judéo-vagabond qui en tournent les pages , nous en avait joyeusement parlé . Comme eux donc , je ne suis fais interrogatif . Et si la faucheuse passe bien avant que j'en puisse espérer la trouvaille , je ne lui en voudrai pas ? Et pourquoi donc ? Très simple . J'aurai rêvé !
Luc a dit…
Bonjour Lorenzo, Nous avons constaté que de nouveau vous avez utilisé une photo de notre site sans nous en avertir et sans même citer au moins notre site. C'est un peu triste... nous avions une autre image de vous. Luc et Danielle
Lorenzo a dit
          Luc et Danielle, une fois encore désolé pour cet emprunt sans mention de copyright.
          j'avoue ne pas être très organisé dans mes banques de données. 
          Parfois j'enregistre des photos trouvées sur le net avec en titre le nom de leur auteur. 
          Le plus souvent j'oublie et enregistre ces clichés sans conserver leur provenance. 
          Car j'avoue aussi ne pas avoir ce sens commercial de la propriété qui fait beaucoup
          travailler les gens de nos jours. 
          Mes emprunts sont gratuits, leur diffusion aussi qui donne à voir des clichés qui 
          parfois ne seraient pas vus autant qu'ils le méritent. J'ai du mal à concevoir que dans
          ce monde de l'internet que je ne conçois que gratuit et au service de tous, diffusé 
          universellement pour tous, certains ne voient que la possibilité de faire de l'argent
          facile. 
          Personnellement, je ne sais pas faire et cela ne m'intéresse pas. Je défendrai toujours la
          gratuité dans l'art, la culture, l'éducation comme j'en défends l'idée pour les transports,
          la santé. 
          Je ne dis pas que votre souci est lié à un quelconque vision commerciale et je connais, à
          vous lire, votre dévouement pour promouvoir une certaine idée de Venise éloignée de 
          ce tourisme de masse que nous n'aimons pas et qui dénature chaque jour davantage la 
          sérénissime. Cependant, je ne vois pas en quoi mettre en avant une photographie d'un 
          lieu en omettant son auteur pose un problème. 
          Je ne fais jamais de photos moi-même en dehors de portraits de mes enfants et de mes 
          amis et peu m'importe que des gens s'en emparent si elles sont belles. 
          Je le vois comme un hommage.
         Je vais donc inscrire en tête de ce blog que je remercie les auteurs des clichés utilisés 
         pour illustrer mes articles, que le copyright leur appartient et qu'ils se manifestent
         pour que je rajoute en légende leur nom et toutes les mentions qu'ils jugent bon d'y 
         faire apparaître. Cela vous satisferait-il ?
         Bien amicalement.
         Lorenzo
         24 novembre 2007


06 novembre 2007

Secrets dévoilés


Il existe à Venise trois lieux magiques et cachés qui portent de jolis noms poétiques : l'un se situe calle dell'amor degli amici (rue de l'amour des amis), le second est non loin du ponte delle maravegie (le pont des merveilles) et le troisième, calle dei marrani (rue des marranes) à San Geremia, dans le Ghetto. 

Quand les vénitiens (et parfois aussi les maltais...) sont fatigués des autorités constituées, ils se retirent dans ces trois lieux secrets et, ouvrant les portes qui sont au fond de ces cours, ils partent pour toujours dans des endroits magnifiques et de nouvelles aventures. Ne cherchez pas à pousser la porte vermoulue si vous n'avez pas dans le cœur assez d'esprit d'enfance, cette force magique qui transcende les chagrins les plus vifs, les douleurs les plus profondes et cet éclair de joie qui transfigure votre âme. La porte ne s'ouvrira pas. "Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille..."

D'après Hugo Pratt

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1 commentaire:

Tietie007 a dit…
Venise sera éternellement mystérieuse ...J'essaierai de trouver ces passages quand je retournerai dans la Cité des Doges.

05 novembre 2007

En voiture !

Je lisais sur le forum du Guide du Routard un commentaire très négatif sur le voyage en train de nuit Paris-Venise avec Artesia dont j'ai déjà souvent parlé. La personne y écrivait ses impressions et ce n'était pas joyeux. Curieux comme embarqués dans le même train, au même moment, deux personnes peuvent vivre deux choses complètement différentes et en tirer une impression totalement opposée l'une de l'autre. Ah ! la nature humaine dans toute sa diversité et sa richesse...
  
"Train "Stendhal", n°221, Paris-Venise, départ 20h28 arrivée 9h28, quai n°1". 

Depuis vingt ans, je me rends toujours à Venise par ce biais, mis à part quelques rares déplacements pressés, effectués par obligation en avion, sans charme ni plaisir particulier si ce n'est le plaisir que donne toujours un voyage aérien où tout semble luxueux et cosy. J'ai connu les heureux départs de la gare de Lyon où nous trompions notre impatience et la fébrilité des enfants au somptueux "Train bleu", le buffet de la gare. 

J'aimais aussi -lorsque j'allais seul vers la Sérénissime - m'attarder à la terrasse du même établissement, regardant les voyageurs et cherchant à deviner qui seraient mes compagnons de route. J'y ai croisé des écrivains, des acteurs, des hommes politiques, des artistes de tous poils, tous plus ou moins célèbres. Tous aussi avec la même magie dans le regard...

Bercy c'est autre chose. Quelque chose de froid et de faussement fonctionnel où on se sent comme abandonné, loin de tout et en faute. Bercy c'est un lieu courant d'air. Mis à part le luxueux salon réservé aux passagers d'élite du paquebot Artesia où on vous dorlote jusqu'au moment du départ, il est difficile de ne pas penser à ces tristes gares de Roumanie ou de Tchécoslovaquie aux pires moments de la dictature communiste. Et ces longs quais vides où s'arrêtent parfois des wagons de marchandises... Cela fait froid dans le dos.

Mais passé ce triste moment, le départ fait tout oublier. Les stewards sont affables et souriants. Si vous n'êtes pas trop chargés (je me demande toujours comment on peut voyager chargé moi qui pourtant transporte toujours disques et livres, des provisions de thé, ma vieille théière anglaise en étain et mes indispensables biscuits - anglais eux-aussi), je n'ai jamais qu'un sac qui tient dans une main ou sur une épaule. 

C'est que j'aime acheter mon dentifrice et ma mousse à raser sur place, faire nettoyer mon linge - ah le parfum qu'il a lorsqu'il revient de ma petite teinturerie de Cannaregio, impeccablement repassé et amidonné ! - quand je ne m'en occupe pas moi-même, lors des plus longs séjours avec la joie un peu infantile de l'étendre sur la corde tendue dans le jardin. Là aussi, je lui trouve après une odeur particulière qui me plaît beaucoup ! Quant au repassage, j'ai la chance d'avoir notre efficace Graziella qui est un as en la matière et nous ramène le lendemain matin ce qu'elle a vu traîner sur le lit le soir en partant.

Mais revenons à notre voyage. Les bagages installés dans le compartiment, billets et passeports entre les mains de l'homme souriant en uniforme qui va se charger de tout, nous voilà confortablement installés. Les portes des compartiments tardent à se fermer. Tout le monde cherche plus ou moins consciemment à s'approprier cet espace magique dans lequel nous allons passer les douze prochaines heures. Le steward, toujours aussi souriant, revient vite. Il offre à qui le désire un verre de prosecco. C'est déjà l'Italie. La moquette est épaisse, un peu usée, parfois tâchée aussi mais cela sent bon. Affalés sur la banquette, nous nous prenons tour à tour pour Hercule Poirot ou pour Blake et Mortimer...

Très vite l'effervescence se délite et tout redevient paisible. Les portes se ferment. L'atmosphère se fait plus feutrée. Nous déballons livres et revues. Pour ma part, surtout quand je suis tout seul, je branche mon petit lecteur portable. Le programme est souvent le même : Gloria et Magnificat de Vivaldi par Teresa Berganza et Riccardo Muti, du Bach et du Caldara, du Monteverdi aussi, James Bowman et Billie Holiday. C'est un réel plaisir que d'écouter de la bonne musique en s'assoupissant. Lorsque nous n'occupons pas à nous tous un compartiment ou une cabine et qu'il faut accepter une promiscuité qui n'est pas toujours heureuse, cette petite merveille de la technique est un excellent moyen pour s'isoler et supporter les petites manies, les borborygmes et les conversations du ou des voisins, tout en demeurant poli et patient... 

Puis vient le temps d'aller dîner. Là c'est un plaisir qu'il faut savourer car il se fait de plus en plus rare. On parle aussi de le supprimer. Pas assez rentable je suppose ou trop raffiné pour notre monde de barbares. Imaginez un peu : un véritable wagon-restaurant, moderne et fonctionnel certes. Rien à voir avec les voitures du Simplon-Orient-Express, mais il s'agit là-aussi d'un vrai restaurant roulant, avec sa cuisine, son personnel en uniforme. Les tables sont recouvertes d'une vraie nappe blanche, un vase de (vraies) fleurs sur chacune d'elle et de vrais couverts. Pas de gobelets de carton et de cuillères en plastique. De la vaisselle blasonnée et des verres à pied. Pas de sandwiches caoutchouteux et de café jus de chaussette vendus à prix d'or. Non, c'est un authentique repas préparé sur place qui est proposé au menu. On est loin de la carte proposée dans le moindre wagon-restaurant des lignes intérieures de ma jeunesse (j'aimais beaucoup la purée de pommes de terre du Bordeaux-Paris et les pâtisseries du Paris-Nice, et la cloche que secouait énergiquement le garçon qui passait dans les couloirs en criant "premier service, premier service"...) Menu italien cela va s'en dire : antipasti, primo piatto, secondo piatto, contorni, dessert. Vin ou spumante. Le tout pour moins de 30€. Un délice que de se restaurer en bonne compagnie en regardant le paysage qui défile. J'ai toujours aimé ces repas qui loin d'être gastronomiques sont de vrais moments de plaisir. Dans un wagon-restaurant il n'y a plus ni première ni seconde classe. Tous les convives sont réunis dans la même communion et tout le monde est accueilli avec bonhomie. Un peu comme la joie de pénétrer dans un café enfumé et bien chauffé quand il pleut dehors. Sans connaître personne, on s'y sent chez soi et on n'a soudain plus du tout froid. 
Souvent des groupes restent longtemps après que le dernier repas eut été servi. Les serveuses bavardent avec les convives, tout en préparant les tables du petit-déjeuner. Les enfants sont partis se coucher et il règne dans cette voiture une ambiance bon enfant. Comme une invitation à la joie. Un petit moment de bonheur. Le repas achevé, quand les passagers, la plupart du temps détendus et un peu bruyants, reviennent vers leurs cabines, les lits sont faits. Les lumières tamisées. 

Le balancement rythmé des voitures donne de douces idées aux jeunes couples tandis que les autres sont déjà bercés par le tudum-tudum, tudum-tudum, tudum-tudum des roues qui glissent sur les rails. Le confortable petit lit aux draps bien tendus, le livre qui captive et la douce musique... Morphée nous invite. Quand au petit matin, la lueur du jour se faufile à travers les rideaux, une autre sensation nous prend. L'air n'est plus le même. Quelque chose de plus léger, de plus aérien se répand. Le convoi approche de la lagune. 


Généralement à l'entrée du pont de la Liberté, la locomotive siffle avec énergie. Enfant, je croyais que c'était un salut, comme la corne de brume des navires qui approchent d'un port. Tous les passagers sont à leur fenêtre. La grande étendue d'eau tour à tour grise ou verte semble comme un océan tranquille. A droite, les usines de Marghera brillent comme des sculptures d'argent. En face, encore éloignée, Venise en majesté. Certains voyageurs entreront dans la cité des Doges tranquillement installés devant un copieux petit-déjeuner. D'autres en savourant leur café étendus sur leur lit. 
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La plupart, très excités par l'arrivée très proche, piétinent dans les couloirs et se haussent sur la pointe des pieds pour mieux voir. Ce que j'aime le plus alors, c'est - surtout à la bonne saison - ouvrir la fenêtre de ma cabine en grand et tout en feuilletant un magazine et, en sirotant ma tasse de thé brûlant, attendre que le train s'immobilise. Tout le monde se précipite pour descendre. Le steward frappe à la porte, nous rend billets et papiers en saluant. Nous attendrons que tout le monde soit sorti et, tranquillement, très lentement, après avoir rangé toutes nos affaires, nous sortirons. Le temps de s'habiller le coeur en l'honneur du spectacle toujours renouvelé que la ville va nous offrir quelques instants plus tard. C'est un des privilèges de ces trains de nuit : on vous laissera achever votre collation ou votre toilette et il est bien doux de rester encore un peu dans cette cabine, surtout quand tout le monde est parti.
Après, nous nous adonnerons à l'un de nos rites favoris : le petit-déjeuner au buffet de la gare. Dans la salle, mais le plus près possible du grand canal ou bien sur la terrasse si le temps le permet, nous commanderons leur cappuccino qui est très bon, avec une corbeille de croissants fourrés et des spremute d'arancia. Quand je viens seul, j'aime prendre un simple macchiato au bar avec une brioche, avant de me jeter dans la ferveur de la journée qui commence. Bon voyage.

 
 .

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5 commentaires:

Anonyme a dit…
une belle vision comparable a la nôtre de ce lieu magique
envie de continuer a vous lire
amicalement
Domi
Gérard a dit…
C'était en 2004 .
Effectivement à Bercy , ancienne patrie parisienne des entrepôts vineux de notre village-capitale . Et aujourd'hui siège de nos Impôts . J'allais dire impôts de vin , mais c'est un peu facile !
Donc veille de Noël 2004 , départ pour Venise des joyeux Décembristes .
Froid glacial dans le hall-caserne après la montée des escaliers .
Mais dedans , y'avait , pas pour moi , le très célèbre Orient-Express .
Rutilant .
Le vieux 140 .
Km/h Pullman .
La teuf , teuf , en goguette , petite vitesse flemmarde .
Mais ,
La vieille ,
En grande tenue pour le départ .
Alors description vite fait : tapis rouge sur le quai , déroulé .
Un signe .
En haut , petit salon de réception pour voyageurs nostalgiques , vieux , ou jeunes-vieux et fortunés .
Garçons en livrée avec champagne sous l'bras . Va-et-vient permanent de ces encombrés . Quantité impressionnante de litrons chics . Puis descente des jolies dames en manteaux , jolies les pépés , en fête , et fête des diamantaires , sourire et diffractions multicolores des verres , direction ses places ma chérie avec musique d'orchestre , déjà sur tapis rouge .
Pas eu le temps de voir l'avitaillage . Suppose qu'il était du même tonneau .
Alors pour tous ces amoureux , my fair Lady : Champagne !
Nous n'arrivâmes que peu de temps avant tous ces rêveurs !
Et pour cause .
Ils passèrent par Salzbourg , ces noceurs à piano-bar .
C'est un plus .
Florence a dit…
Lorenzo,
Quelle belle chronologie de mes allers-retours Paris-Venise depuis ma naissance.
Quand j'étais enfant, au départ de Paris on serait cru déjà à Venise, les gens s'interpellaient en dialecte d'un compartiment à l'autre. Beaucoup de "nonne" toutes en noir rentraient après avoir rendu visite à leurs enfants emmigrés en France.
A mon arrivée à Santa Lucia, pour rien au monde je raterai ma prima colazione à la gare.
Merci pour tous ces récits..........Florence
nok a dit…
Bonjour,
J'ai "atterri" sur votre blog par le biais de cet article, alors que je cherchais des photos de l'Artesia...
Ca m'a fait énormément plaisir de lire un tel article rédigé avec finesse et emprunt de nostalgie.
Je suis amoureux de Venise à en croire la fréquence à laquelle je repense à mon dernier voyage là-bas, en avril dernier.
Un voyage authentique, dans une vie quotidienne vénitienne, loin des cohues touristiques. Au Canareggio justement ;)
Votre article m'a touché dans le sens où j'identifie mes ressentis aux sentiments que vous décrivez.
Bref, je vous ai ajouté à mes favoris et j'essaierai, quand le temps me le permettra de venir lire par ici.

Revenons en à l'article en question. J'ai également lu sur Internet des commentaires négatifs.. Rassurez-vous, il y a des gens sur votre longueur d'onde, qui voyagent avec le coeur j'ai envie de dire, avec des images plein la tête.
Voyager, c'est avant tout le goût de la découverte, de la liberté, de l'authenticité.. Ca m'agace les gens qui multiplient les voyages de "confort". Ils passent sans voir. Ils critiquent sans ressentir. Ils claquent du fric. De l'argent sans odeur.

Votre description de Bercy est juste. Et semble t-il vous avez connu avant ça la magie d'un départ Gare de Lyon...
A mon arrivée dans cette gare, j'ai été vraiment surpris de voir une telle gare à Paris... En plus, l'accueil est quasi-néant. Seules quelques voix italiennes parmi les voyageurs nous rassurent sur le fait d'être dans la bonne gare. ^^
La différence avec vous est que je n'ai pas connu "Gare de Lyon" et j'ai apprivoisé naturellement le sentiment d'abandon pour en faire un outil d'introspection.
Dois-je dire que j'aime ces endroits singuliers, hors du temps.
Par exemple, trainer dans une friche industrielle, la nuit, seul, est quelque chose de flippant. Et le sentiment procuré est néanmoins intéressant. On donne à ce qui nous entoure une attention particulière.
Bref, la gare m'a marqué. J'en ai parlé autour de moi, de ces rondes militaires, des douanes, du vide.. vous avez raison ça évoque un peu les pays de l'Est, ça fait appel à quelques images, des références lointaines qui soudain vous apparaîssent et vous immerge dans une histoire. Ce n'est pourtant que la votre.^^

Voyage à bord de l'Artesia.
Seconde classe pour ma part.
J'étais heureux de pouvoir voyager à bas prix grâce aux prem's que j'avais eu sur internet. ;)
Vous avez dit :
"il faut accepter une promiscuité qui n'est pas toujours heureuse, cette petite merveille de la technique est un excellent moyen pour s'isoler et supporter les petites manies, les borborygmes et les conversations du ou des voisins, tout en demeurant poli et patient..." quand vous parliez de votre musique. Carrément !
Dommage que vous ne développiez pas le "pas toujours heureuse", car je trouve que c'est ça le plus interessant : l'expérience humaine!
Mauvaise comme bonne ;) Personnellement, j'ai cotoyé en un aller/retour une famille française type : parents et enfants, un brésilien avec qui j'ai baragouiné anglais, une femme d'une cinquantaine d'année qui allait voir sa soeur, une étudiante Erasmus qui revenait chez elle, une jeune femme qui était en vacances avec sa mère.. Riche expérience humaine que celle des transports en train où une vraie mixité sociale est assurée lol et où l'on peut partager, une fois contraints à être ensemble, nos sentiments, nos a-priori .. sur Venise par exemple^^. Sérieusement, ça fait plaisir de parler à des gens juste comme ça, alors qu'on ne se reverra plus jamais. Il y a des rencontres sympathiques.. C'est sûr que ce n'est pas dans le TGV -hop Paris-Le Mans : 1H, Paris-Strasbourg :2h- qu'on risque de s'attarder sur son voisin.

Vous parlez du restaurant, je ne l'ai pas "expérimenté"
Je suis resté avec mes sandwichs (presque caoutchouteux) mais préparés avec amour par ma mère lol.
Néanmoins j'ai eu la curiosité de traverser le train pour aller voir ça. J'ai adoré voir les talents d'équilibristes des serveurs dans un train qui tangue on ne peut plus ;) Quand je retournerai à Venise, j'irai au restaurant dans l'Artesia ;)

Vous dites "bercés par le tudum-tudum, tudum-tudum, tudum-tudum des roues qui glissent sur les rails" Avez-vous fumés quelque chose d'illicite le 5 novembre avant d'avoir rédiger cet article lol ? Pour le premier voyage, le badaud inhabitué est surpris, il n'a jamais vu de train secouant ainsi. Il n'est pas bercé mais secoué non pas par un tudum-tudum mais par un blam-blam sévère. Penserions nous encore à ce genre de carcasse brinquebalante au 21e siècle ? Je déconne mais en fait, je suis d'accord avec vous, car une fois la cabine fermée, le tudum-tudum nous berce et j'ai super bien dormi ! ;)

J'aurais encore envie de parler de pas mal de choses mais il me faut maintenant me reconnecter à la réalité car j'ai pas mal de choses à faire.

A+++ 
Anonyme a dit…
Nice brief and this mail helped me alot in my college assignement. Gratefulness you on your information.

02 novembre 2007

Scène de rue du côté du pont de Tre archi


 

3 commentaires:

venise86 a dit…
Je découvre votre com de juin réclamant mon adres, que voici, j'espère que ce sera le bon lien cette fois. http://www.orangeblog.fr/web/jsp/blog.jsp Le Pont de Tri archi, d'accord, mais ce serait gentil d'indiquer les arrêts vaporetto à proximité, tiens il y en a justement un là, car ce sont des repères plus efficaces que le nom des rues je trouve. C'est bientôt le départ pour vous, si j'ai bien retenu... Bonjour à Venise de ma part..
Tietie007 a dit…
Je regarde toujours avec bonheur des photos sur Venise !

Anonyme a dit…
Sublime !

01 novembre 2007

Bribes d'un quotidien ordinaire

TraMeZziniMag s'en fait souvent le porte-parole de cette Venise au quotidien, éloignée des foules bruyantes qui arpentent la ville de la Ferrovia à San Marco en passant par le pont du Rialto. Ailleurs, il y a la vraie vie, les amis qu'on rencontre, les voisins, les enfants, les anonymes, ceux qui travaillent, ceux qui se promènent. C'est cette Venise là qui se montre dans ces images. Sans prétention.

2 commentaires:

venise86 a dit…
Et c'est cette Venise là que j'aime... Certains me disent.. mais l'on trouve cela dans toutes les villes du monde... mais pour moi ce n'est pas vrai... et je ne sais pas l'expliquer... C'est peut-être qu'ici, l'homme est la seule mesure, et que tout le reste est a cette mesure... Bonne journée
Anonyme a dit…
c'est cette Venise là qui me manque et que j'ai hâte de retrouver ! ;-)(meno male, fra poco... )

31 octobre 2007

Voulez-vous visiter la Fenice ?

Depuis la reconstruction, il y a les zélateurs et les critiques acerbes du nouveau théâtre, ombre rutilante de l'original. La patine manque encore mais ce n'est pas une raison pour ne pas profiter des visites organisées par la Municipalité.
 
La salle est identique à ce qu'elle fut avant le terrible incendie de 1996 qui détruisit l'ensemble des bâtiments et faillit embraser tout un quartier de Venise. Mais les décorations en carton bouilli ont été reconstituées en résine ininflammable et les marbres remplacés par des céramiques vernies dans la masse qui brillent trop. Tout y fait très neuf. 
 
Ce n'est pas une raison pour ne pas profiter de la visite guidée que propose, en cinq langues, l'association HelloVenezia. Vous partirez à la découverte de ce que l'on ne voit généralement pas : les coulisses, la mécanique de scène, les studios, les ateliers, les loges. Vous vous promènerez des salons aux greniers et on vous racontera l'histoire fabuleuse du théâtre, des origines jusqu'au terrible 24 janvier 1996. 
 
Vous pouvez réserver par téléphone auprès du Call Center HelloVenezia, au 041.24.24 ou bien à directement la billetterie de la Fenice ou encore dans les points de vente Vela
 

XXIIe Marathon de Venise 2007 : la victoire aux kenyans !



Incontestable domination du Kenya sur cette 22ème édition du marathon de Venise, avec la victoire de Jonathan Kosgei et de Lenah Cheruiyot déjà gagnants en 2006. Parmi les autres participants, des filles et des garçons venus du monde entier pour cette course partie de Strà pour se terminer sur la Piazza San Marco, au milieu d'une foule de spectateurs très attentifs en dépit d'un temps relativement maussade. Mais le soleil s'était levé pour acclamer les vainqueurs, harassés mais fiers d'avoir battu les records des années passées, dans une ambiance festive très appréciée des participants et du public. Comme toujours à Venise !

Vision ordinaire de Venise


 
"Ce que j'aime à Venise" me disait un jour mon fils "c'est que tout un tas de choses qui pourraient surprendre ailleurs, semblent ici normales". Cette constatation d'un enfant observateur - il devait avoir huit ou neuf ans - m'a toujours paru pertinente et c'est je crois l'une des raisons presque insidieuses qui nous pousse à tant aimer cette ville. Enlevés les façades somptueuses, la magie des canaux, les petits ponts, la lumière, ce sont les mille petits riens du quotidien qui nous assaillent comme autant de scènes toujours surprenantes, toujours nouvelles. Le transport des marchandises, les lourdes barques chargées de fruits et de légumes qui arrivent des îles de la lagune, les corbillards qui glissent dignement sur un canal éloigné, les livreurs de pain, les passants qui font leurs courses et bavardent entre voisins... Tout concourt à ce charme qui nous prend et ne nous lâche plus. Non vraiment à Venise, et tant pis si j'énonce une évidence, la vie ordinaire n'est pas, ne sera jamais pareille à la vie d'ailleurs. C'est cette différence là qu'il faut protéger et maintenir, ne trouvez-vous pas ?

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5 commentaires:

Anonyme a dit…
je suis devenue addict de ce site tellement il est agréable! Dites-moi, auriez-vous une idée d'un éditeur qui serait intéressé par un livre de photos sur Venise? Mais pas genre cartes postales : une vision différente... graphique...
Venise86 a dit…
Tu as pu constater que c'est cette Venise là que j'aime et c'est là et sur ma colline de Dordogne, que je me sens "à la maison"... Bonne soirée
Anonyme a dit…
Cher Lorenzo,
à vous lire depuis un mois, je deviens moi aussi addict de votre blog et la nostalgie vénitienne déjà si grande n'en est que décuplée... à lire quelques commentaires, je me rends compte que nous sommes nombreux à nous retrouver dans votre blog et à venir y chercher des images vénitiennes autant qu'un dialogue. Ne seriez-vous pas tenté par la création d'un forum vénitien ? Je n'en ai, pour ma part, pas les capacités techniques (je ne peux pas me connecter en semaine et ne pourrai gérer un forum).
C'est juste une idée comme cela, j'espère qu'elle fleurira un jour, je serai parmi les fidèles.
Choubine a dit…
Et les enfants qui soufflent des bulles de savon sur le campo Santa Margherita ou qui jouent dans le sable, au pied des arbres; les petites filles avec leurs poupées et leurs poussettes, devant le Colleoni; les petits garçons avec leurs ballons de soccer, contre les murs des églises... Les drames des petits qui ne veulent pas rentrer, le bonheur des gens âgés qui se retrouvent sur leur banc habituel, à regarder la vie autour d'eux, à faire partie de la vie de tout le monde au lieu d'être parqués ailleurs...
http://www.blogger.com/profile/03524487160360572243
Lorenzo a dit…
Je me réjouis chaque jour des pierres que les fidèles lecteurs de TraMeZziniMag ajoutent à cette modeste construction qui va finir par se donner des airs de palais. Les forums existent déjà sur d'autres sites et je vous invite à vous y inscrire (voir les liens sur la colonne de gauche). Quant à l'addiction, quand il s'agit de Venise et par ricochet de ce blog, ne vous soignez pas, c'est une bonne maladie !

Comme un air de Venise

« Omnes generationes » Teresa Berganza chante le Magnificat de Vivaldi dans ce merveilleux enregistrement, l'un des premiers, de Riccardo Muti. Dehors, il fait nuit noire. Les réverbères sont restés éteints ce soir. Un oubli ? Une panne ? Il règne sur le quartier un silence complet. Par la fenêtre entrouverte, des effluves de feu de bois, l'odeur des feuilles tombées et un brin d'air marin amené par le vent d'ouest me transportent loin de Bordeaux. Venise n'est jamais loin dans mes heures, dans le temps qui passe, dans mes nuits. Il y avait dîner ce soir à la maison. Comme à la Toletta :  Cichetti traditionnels, brodo al pomodoro, pancetta, coppa et grissini, tiramisù au Limoncello. Le tout arrosé par un Barbera d'Asti encore un peu jeune mais délicieux. Même le café se donnait des airs italiens. Et la grappa... Dans quinze jours nous serons de nouveau vénitiens. Comme il sera doux de préparer le repas en écoutant le chœur du Philarmonia de Londres chanter le « deposuit potentes »dans notre vieille cuisine de Dorsoduro... Comme tout y semblera meilleur, plus doux, plus accompli qu'ici...

1 commentaire :
Venise86 a dit…
          Voilà, à Venise tout est pareil et pourtant différent...

30 octobre 2007

Nuages bas et ciel de traîne

 
Il vaut mieux rentrer le linge, Venise est sous la pluie. Cette pluie drue qui transforme en quelques minutes les couleurs joyeuses, il y a un instant encore vestige de l'été plantureux, en de tristes miroirs. Le ciel est bas et la température diminue. Novembre est là. Nous fêterons bientôt San Martino pour la plus grande joie des enfants, et nous nous réchaufferons avec de grandes tasses de chocolat bouillant et de sablés de Burano. Et par les fenêtres closes, nous contemplerons la ville devenue grise et brune, mais toujours aussi belle et captivante.


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1 commentaire :
venise86 a dit…
Mais c'est pourtant ici que je viens chercher un peu de lumière ce soir. J'aimerais moi, pouvoir vivre Venise même quand d'autres la trouveraient laide... Bonne soirée