08 juillet 2008

La Vergine dei Dolori de Scarlatti à l'opéra de Bordeaux



De retour à Bordeaux, j'étais invité ce soir à la répétition générale de l'oratorio d'Alessandro Scarlatti que produit le théâtre San Carlo de Naples, sous la direction de Rinaldo Alessandrini dont j'ai enfin fait la connaissance. Son ensemble Il concerto italiano entourait les excellents chanteurs que sont la sublime Sara Mingardo (Marie), Romina Basso (Nicodème), Anna Simboli (Saint Jean) et le ténor Daniele Zanfardino (le prêtre Onia). Des moments d'émotion dans cette salle à l'acoustique idéale pour ce type de musique qui pourtant aurait bien mieux résonné dans une de nos magnifiques églises baroques bordelaises comme Saint-Paul ou Saint-Bruno. Sara Mingardo était comme d'habitude émouvante et grandiose dans sa douleur retenue et très digne. L'aria où elle décrit sa douleur était à pleurer. Magnifique aussi le "tu piangi, io piango". Le moins bien ? Une sorte de retable humain, où s'agitaient parfois inutilement de jeunes comédiens de la Manufacture de Lausanne, qui entourait un palcoscenico très sombre (qui ne s'éclaira qu'un court moment, lorsque le Christ meurt, avant que les ténèbres ne tombent sur le monde en deuil).  

Michel Laplénie était dans la salle et ne tarissait pas d'éloges sur la qualité des musiciens. Tous étaient à leur place, le son parfait, en dépit d'un orgue un peu trop ronflant et de quelques langueurs du côtés des violons. Jolis soli de hautbois tenu par Andrea Mion et du flûtiste Pietro Meldolesi. Quel joli moment après ces quelques heures d'absences dans un Bordeaux abandonné aux touristes sous un ciel trop changeant pour rappeler le ciel d'Italie, en tout cas celui dont on garde la mémoire car de l'autre côté des Alpes comme ici, le dérèglement climatique fait ses ravages et perturbe nos repères les plus intimes. Il pleut à verse sur la lagune de Venise, les cerises poussent encore à foison alors qu'abricots et pêches ne mûrissent pas et que déjà des raisins et des poires font leur apparition en même temps que les premiers champignons avec deux mois d'avance... Les douleurs de la vierge accompagnent bien l'inquiétude de nos temps et la beauté de la musique du maestro Scarlatti réconforte comme en ce temps de la passion, en 1717, à Salerne... 

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06 juillet 2008

En coup de vent et sous la pluie

Infernal ce temps. Il fait atrocement chaud. pas un souffle de vent. Puis soudain la pluie qui tombe. Des hallebardes. Cela n'empêche pas les touristes de déambuler partout se répandant dans les ruelles comme des fourmis. Amusant ces cirés aux couleurs fluos et toutes ces ombrelles - pardon, ces parapluies - écossaises ou multicolores achetées à la hâte chez des boutiquiers avisés qui en ont toujours en réserve. Venise est engagée dans la pleine saison touristique. Comme un proverbe. Vous savez du genre "au Canada, il y a deux saisons, le mois de juillet et l'hiver". Ici on pourrait dire dorénavant, "à Venise, il y a deux périodes, le mois de novembre et la saison touristique". méchante langue fielleuse que la mienne. Si la foule déambule sans répit sur la Toletta, notre jardin reste paisible. Passage rapide dans la cité des doges. Quelques jours trop vite passés. Juste ce qu'il faut pour s'imbiber à nouveau de l'air et des parfums qui sont ma drogue, mon oxygène. Quelques emplettes. Deux ou trois visites à des amis. L'habituelle rencontre chez le notaire chez qui rien ne bouge ni n'avance vraiment. Cicheti et vino grigio pour faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il va falloir trouver à nous reloger quand nos pas pas, par bonheur, nous portent vers Venise. Carpe diem. Nous verrons bien. A la rentrée sans doute. 

En attendant, je remarque de jolies restaurations qui compensent de nouvelles dégradations. Certaines sculptures que j'aimais montrer aux enfants sont maintenant méconnaissables. Un tas de pierre blanche difforme, rongée par les acides qui se répandent dans l'air. Perte irréversible. Qui ira remodeler ces visages nés du ciseau d'un artiste de talent au XVe ou au XVIe siècle ? 

Les tables aussi changent. Décidément cette amie américaine a raison qui prétendait que Venise bouge aussi vite que New-York. Je n'étais pas retourné au Banco Giro depuis longtemps. Agréables changements. Délicieux moments en compagnie de vieux amis. Emplettes amusantes pour faire des cadeaux chez Sonnenblume, la boutique de Renato Gastaldi sur le pont du Rialto. Ces pantoufles de toutes les couleurs répliques modernes des chaussons que portaient les dames frioulanes (et qu'ont ensuite adopté les gondoliers). Il faut que je vous en reparle. 

2 commentaires:

anita a dit…
...gouleyante cette coupe de Venise ! anita
Maité a dit…
Bonjour à tous, ces pantoufles frioulanes sont très agréables à porter ; difficile de choisir une couleur pour celles en velours. Il y a aussi une boutique qui ne fait que des chaussons d'intérieur dans un style très raffiné et style très vénitien, calle lunga S.M. Formosa (en partant du campo vers zanipolo, sur la droite) ; c'est à tomber par terre...Idée originale pour les cadeaux de noel. Bons achats !

01 juillet 2008

La Phrase du jour


 "Venise est une ville de sensations, et non de concepts, on y vit à fleur de peau, à fleur de nerfs, et c’est pourquoi je l’aime." 
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Gabriel Matzneff, "l’Archange aux pieds fourchus".

30 juin 2008

COUPS DE CŒUR N°28

Voilà bien longtemps que je n'avais noté mes adresses favorites, des recettes et mes livres et disques que je voudrais vous faire connaître. Le temps des vacances m'en donne le loisir alors ne nous en privons pas. 
 
L'entretien des dieux
Aurélien Delage, clavecin

Livre-disque, juin 2008.
Editions Les Chants de la Dore, Label 6/8.
La photo ne rend hélas pas la beauté de cette couverture. imaginez sur une toile blanc cassé l'illustration ( la rosace du clavecin du facteur Emile Jobin ) et le titre embossés en doré. Il fallait ce raffinement pour servir d'écrin au plus somptueux disque de musique baroque de la saison. Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises du jeune Aurélien Delage. Il n'a pas trente ans et c'est déjà un grand. Sans pompes ni fioritures, ce claveciniste élevé à la musique par les plus grands (Pierre Hantaï, Olivier Baumont, Kenneth Weiss, etc...) nous transporte dans cet enregistrement (son premier en tant que soliste) à la cour du Roi Soleil. Chambonnières, Henry d'Anglebert, François Couperin, les clavecinistes du roi, revivent pour nous dans leurs compositions nées des caprices et de la volonté de Louis XIV et de sa cour. Dans un jeu tout en élégance et finesse, utilisant parfaitement toutes les possibilités du toucher suave et délicat du clavecin (réplique du Thibaut de Toulouse daté de 1691 et reproduit par Emile Jobin), Aurélien Delage parvient à traduire la magie de Versailles à son apogée, la volubilité et le goût mais aussi la force et la grandeur de cette époque. 64 minutes de très grand art. Un disque qui devrait devenir une référence.
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Antonio Vivaldi
La Senna Festeggiante ; Gloria e Imeneo

The Kings Consort
Label Hyperion.
La Senna Festeggiante et Gloria e Imeneo sont des œuvres peu connues du grand public pourtant elles respirent leur auteur. Écrites à la demande de l'Ambassadeur de France Jacques-Vincent Languet, comte de Cergy, en 1725 et 1726 pour célébrer la Saint Louis mais aussi le roi Louis XV à un moment où les relations diplomatiques avec la Sérénissime et la France retrouvaient une certaine couleur, elles ont été créées à Venise. Le ministre venait de retrouver son palais de Cannaregio et il voulait donner pour le 25 août une magnifique soirée. Cet enregistrement - le premier complet - fait surgir toute la grandeur et la magnificence des fêtes vénitiennes de l'époque. Une splendeur. Les voix sont magnifiques, notamment la soprano Carolyn Sampson (l'âge d'or), l'alto Hilary Summers qui est la Vertu et la basse Andrew Foster-Williams qui est La Seine. Brillante orchestration, avec un continuo plein de vie et de rythme. Robert King a choisi dans cet enregistrement d'appliquer la très colorée partie des cordes que Vivaldi ajouta par la suite. La deuxième œuvre présentée, Gloria e Imeneo (gloire et Hyménée) a été composée pour le mariage du roi avec Maria Leszczynska. Elle fut jouée à Venise en septembre 1725, dans une loggia construite pour l'occasion au fond du parc de l'ambassadeur. Pour la petite histoire, le bâtiment existe toujours. La mezzo-soprano Tuva Semmingsen et l'alto Hilary Summers font des merveilles dans cette partition.

Risotto
Laura Zavan

Editions Marabout
Un livre superbe écrit par une charmante vénitienne devenue parisienne d'adoption et qui a publié de nombreux ouvrages sur la cuisine italienne et particulièrement sur celle de sa région. Un ouvrage indispensable pour les gourmands et ceux qui aiment cuisiner. Fantastique risotto : avec un kilo de riz rond acquis pour quelques euros et des produits de tous les types on parvient rapidement et à peu de frais à un résultat souvent merveilleux : le risotto aux artichauts ou aux asperges, le risotto au champagne, le risotto aux champignons, au poulet, aux écrevisses, etc...

Ostaria da Rioba
Cannaregio 2553, Fondamenta de la Misericordia,
angle de la calle Larga.
tél. 041 524 43 79.
Fermé le lundi.
Près de chez le Tintoret et du palazzo del Camello, non loin du Paradiso Perduto, ce restaurant est apprécié par les vénitiens et les touristes qui s'aventurent dans le quartier n'y trouveront guère à redire. Le cadre est agréable, tranquille. Le service correctement attentionné, sans affectation ni rudesse. Les plats sont bons et à base de produits frais, essentiellement des poissons de la lagune. Les entrées sont soignées tout comme les desserts. L'addition reste raisonnable aux alentours de 25 à 35 euros par personne. Leur Moscato comme leur Soave valent le détour.
 
Recette gourmande : Bussolai di Burano
La recette est presque toujours différente dans chaque famille. mais la base reste la même. Ces biscuits ronds en forme d'anneaux qu'on vendait autrefois entassés sur des piques en bois sont typiques de la lagune et la recette remonte aux premières années du XVIIIe siècle.
Goldoni
s'en régalait autant que Casanova. Ceux de Chioggia sont moins sucrés que ceux de Burano et les meilleurs que j'ai jamais goûté - avec ceux de ma grand-mère - sont confectionnés par une religieuse d'un couvent de Venise. Je ne vous en dirai pas plus et ne comptez-pas sur moi pour vous communiquer l'adresse...

Ingrédients : 500 à 600 gr. de farine, 3 œufs, 200 gr. de sucre (cassonade ou sucre glace selon les goûts), 150 gr. de beurre ramolli, 1/2 tasse de jus d'une orange, le zeste d'un citron, 1 sachet de levure (j'utilise de la Baking powder), une pincée de sel, 1 verre d'eau tiède. 
 
Commencer par mélanger les jaunes d’œuf avec le sucre jusqu'à former une pâte blanche bien homogène. Dans une grande jatte, mettre la farine et la levure, ajouter le sel, le beurre en morceaux, le zeste et le jus d'orange. 
 
Quand la pâte est homogène, ajouter le mélange œufs-sucre. Pétrir jusqu'à obtention d'une pâte qui ne colle pas aux doigts. Si l'appareil est trop friable, ajouter un peu d'eau tiède. Mettre en boule et laisser reposer dans un endroit frais. Étendre la pâte en boudins de l'épaisseur d'un petit doigt. Former des anneaux liés avec un peu d'eau. Les disposer sur une plaque huilée, en prenant soin de laisser un espace entre eux. 
 
Cuire à four chaud (180°) pendant 15 à 20 minutes. Il faut faire attention à les sortir du four quand ils sont encore un peu mous car ils durcissent en refroidissant.

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Où peut on trouver le disque d'Aurélien Delage?
J'ai cherché sur le Net...en vain...
Merci!

Lorenzo a dit…

sur le site de la librairie Lignerolles à Bordeaux et sur celui de l'éditeur : Les Chants de la Dore

28 juin 2008

Bonnes vacances !

© Annette vorwerk-Dörries - Tous Droits Réservés

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6 commentaires :

anita a dit…

...you too !!!
( avouerai-je que de ne pas vous lire me frustre ??? Venise me manque terriblement , là , en ce moment .... )
anita

IL GATTO DEL RABBINO a dit…

Venise ne me manque plus, désormais.

Florence a dit…

Encore 2 semaines et je suis à la festa del Redentore!!!Je ne sais comment j'ai fait mais je suis toujours passée à côté depuis ma naissance!!
Buonne ferie a tutti.
A presto.

anita a dit…

il gatto del rabbino a donc choisi de ronronner essentiellement à Venise ?
anita

IL GATTO DEL RABBINO a dit…

Il Gatto pense qu'il a besoin de plus d'une semaine à Venise pour mieux ronronner. Miaou !

J@M a dit…

Comme Florence !!
Bonnes vacances à toi aussi Lorenzo...

27 juin 2008

A Venise aussi, voici les soldes


Les affichettes de chez Coin, 
LE grand magasin de Venise, annonçant les soldes d'été.
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24 juin 2008

La forme d’une ville

Dans son livre consacré à la ville de Nantes, "La forme d’une ville", le grand écrivain que fut Julien Gracq parle de Venise. Ce qu’il en dit mérite une place d’honneur dans les citations de TraMezziniMag, tant la perception que cet écrivain magistral a pu avoir de la Sérénissime est fine et profonde. Comme tout ce sur quoi il se penchait, Julien Gracq nous donne en quelques mots la manière idéale pour connaître et pénétrer une ville. Avec son âme. 
"Qui revoit dans sa mémoire une ville qu’il a visitée, que ce soit en touriste ou en pèlerin d’art, il s’attache d’habitude à quelques repères, aussi nettement distincts de la masse bâtie que le sont pour un marin les amers sur lesquels il se guide en approchant d’un port, et ces repères sont presque tous des monuments. Il est singulier qu’on concentre ainsi – par un mouvement moins naturel qu’il n’y paraît – le caractère et presque l’essence même d’une cité dans quelques constructions, tenues généralement pour emblématiques, sans songer que la ville ainsi représentée par délégation tend à perdre pour nous de sa densité propre, que nous soustrayons de sa présence globale et familière tout le capital de songeries, de sympathie, d’exaltation, qui vient se fixer sur ces seuls points sensibilisés. A la limite, une sensibilisation de ce genre, exacerbée et rendue systématique par la culture de Guide Bleu qui gagne aujourd’hui partout du terrain, finit par rendre une «ville d’art» classée à peu près exsangue pour le visiteur. Le touriste qui s’arrête deux jours à Venise pour «voir la ville» n’a pas le moindre soupçon de la vie populaire peu tapageuse,mais spontanée et charmante, qui s’embusque partout le long des calli, des rii, et des placettes pavées. On en vient à rêver quelquefois, à notre époque où le must architectural, en toute ville qu’il visite, est imposé d’avance au touriste par les média, d’un autre mode d’approche, plus fonctionnel, plus naturel et moins superstitieux, où on ne visiterait les cathédrales que parce qu’on va à la messe, les vieilles demeures que parce qu’on y a des amis, et - puisqu’il est question de Venise - le Pont des Soupirs sinon à titre de locataire des Plombs , tout au moins dans le seul prolongement de la lecture familière et souvent reprise des Mémoires de Casanova." 

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23 juin 2008

Cupio dissolvi...

Extrait de mon journal. Juin 2001 : 
"[...] Être hors du monde (1) [...] Est ce l'âge qui vient, la lassitude d'une vie ordinaire ? Non pas tant comme l'Apôtre Paul, l'envie de disparaître de cette terre où le chemin même pénible et rocailleux me parait toujours et me paraîtra certainement jusqu'à mon dernier souffle passionnant et joyeux, in spite of. Plutôt le désir profond de vivre autre chose. Pouvoir me consacrer entièrement à l'écriture, à la réflexion. Au silence. Cette envie omniprésente de prendre le temps. Enfin. Ne plus courir, ne plus m'éparpiller. Chercher vainement à satisfaire mille personnes, mettre en branle mille idées pour finalement n'aller jamais jusqu'au bout d'aucune [...] Venise représente depuis toujours pour moi, vous l’aurez compris, cet appel du silence et de la paix. Un temple où mon âme s’épanouit vraiment, ma pensée s’y reconstruit et mon esprit parfait sa connaissance. Car je sais bien aujourd'hui que je ne sais rien. J'ai tellement le désir d'apprendre. En savoir davantage. comprendre ce qui motive l'homme en général et ce qui me fait vibre en particulier. Venise est mon Ithaque, ma Thébaïde. Je ne suis pas l'anachorète qui peuplait mes rêves d'avenir quand j'étais adolescent. J'ai cherché dans les lointaines îles grecques, sur les rives de la mer de Marmara ce que j'ai trouvé soudain un jour en débarquant à Venise. Hélas la vie m'en a éloigné et quand j'y reviens ce n'est jamais qu'en visiteur, avec seulement une partie de moi-même [...] Il faudrait franchir le pas et sinon abandonner tout le reste, savoir tout transporter, tout transposer à Venise : mes biens, mes projets, mes désirs. Et que faire de mes liens humains : mes enfants, mes amis, ma famille ? Ah le poison de Venise dont parlait si bien Barrès... " 
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(1) cupio dissolvi et esse cum Christo (Paul : Philippiens I 21-24 "je désire être hors du monde et être avec le Christ" pour signifier le désir de l’apôtre de mourir."

19 juin 2008

Le concert d'Enrico Gatti : joie, joie, pleurs de joie...

Au risque de paraître trop sensible aux yeux de mes lecteurs en paraphrasant ce cher Blaise Pascal, je voudrais vous parler de la larme (presque) versée hier soir, à la fin du merveilleux concert donné par Enrico Gatti, Guillaume Rebinguet-Sudre et Aurélien Delage. Une larme, une vraie. Pas de tristesse ou de regret. Une larme de joie. "Que du bonheur" comme on dit trivialement. Cela vous fait déjà sourire. Pourtant je ne suis pas accoutumé à des débauches de sentimentalisme à la guimauve. Ce qui a motivé cette larme, je vais vous l'expliquer. 

La journée avait été longue, pénible. Il avait fallu courir pour éditer à temps les programmes, s'occuper des enfants, satisfaire quelques clients impatients, passer à la banque, aller à deux rendez-vous ennuyeux, ranger un peu, se laver, se changer et arriver sans trop avoir l'air défait sur le parvis de l'abbatiale Sainte-Croix. Ce n'était pas la foule des grands jours, mais peu à peu l'église se remplissait. L'abbatiale est une vaste nef en piteux état dont les parois sont couvertes de magnifiques tableaux dont certains datent du XVIe et du XVIIe siècles. Il y règne une atmosphère très forte qui attire le recueillement et la prière. C'est là qu'on peut admirer le magnifique orgue de Dom Bedos avec son somptueux buffet vert et or. 
Le concert s'ouvrait sur une première partie réservée à la musique italienne. Un peu toujours la même chose, avec quelques variantes de génie. Un voyage de Venise à Naples, en passant par Rome. Puis, après l'entracte, place fut faite à la musique française avec Leclair. Aurélien ensuite interpréta des extraits du de Clérambault au grand orgue, puis vint le de J.S. Bach magistralement interprétés par ces trois musiciens. Une foule heureuse, bon enfant, qui acclama le maestro et ses deux acolytes. Puis Enrico Gatti annonça le premier bis. Ce fut le premier mouvement de la première sonate de l'Opera Prima d'Antonio Vivaldi ! Comme sur le disque édité chez Glossa dont j'ai déjà parlé dans ces colonnes (cliquez sur le lien). Même son, même force, même limpidité. Guillaume Rebinguet était parfaitement à sa place aux côtés de celui qui fut son professeur et Aurélien participait de cette harmonie au continuo. Deuxième bis, le deuxième mouvement de la sonate... J'aurai aimé que la musique ne s'arrête jamais. Et c'est là que toute cette émotion embuât mon regard. Bonheur parfait. Après la rude journée, la récompense d'un grand moment de musique avec l'un des plus grands musiciens baroques d'aujourd'hui...

18 juin 2008