28 juin 2010

"C'était pareil de notre temps"...

Connaissez-vous Marie-Josée Neuville ? Cette chanteuse des années 60, aux jolies nattes qui accompagnait sa jolie voix de jeune fille de bonne famille, en grattant sur sa guitare ? Je me souviens de ma mère qui nous chantait ses chansons. Le refrain de l'une d'entre elles disait : 
"Et les vieux, qui nous aiment bien ont reconnu, fort tristement,
c'était pareil de notre temps, c'était pareil de notre temps"

Cela m'a semblé coller à cette image des années 30 qu'un lecteur vient de m'envoyer. Certes le paquebot est moins grand que les mastodontes qui remontent le canal de la Giudecca de nos jours et le tirant-d'eau moins nocif pour l'écosystème, mais le mal est déjà là : le progrès technique est-il compatible avec la pérennisation des trésors du passé dont Venise est l'un des meilleurs sanctuaire ? La réponse est compliquée et nombre d'arguments opposés se tiennent. En tout cas, ce qui est simple c'est que l'opposition des vénitiens à la venue de bateaux gigantesques dans les eaux de la lagune mérite d'être soutenue et relayée ! 

En tout cas, au-delà de la polémique, cette image en noir et blanc est aujourd'hui pleine de poésie. Quatre-vingts ans plutôt, elle choquait autant qu'elle attirait. Déjà...

27 juin 2010

COUPS DE CŒUR N°40


Henry Purcell 
Didon & Enée 
Ensemble MusicAEterna
dirigé par Teodor Currentzis
Alpha CD, Harmonia Mundi.
Il arrive parfois que le hasard mette sur notre chemin quelque chose ou quelqu'un, qui va transformer en un instant ce que nous sommes et nous oblige à une sérieuse remis en question. Je croyais connaître parfaitement cette œuvre de
Purcell. Pourtant à l'écoute de cet enregistrement, je dois reconnaître que je n'y avais rien compris. Ou du moins, j'en avais une idée tellement superficielle et limitée. Trop d'approches conventionnelle et poussives finalement... Dès le premier lamento, quand Didon, reine de Carthage chante cette mortelle blessure d'amour qui l'atteint devant le départ d'Enée le héros troyen. Cette densité ne retombe pas un instant dans l'interprétation magistrale de cet ensemble venu du froid. L'aria final est tout simplement bouleversant ; on quitte les rives de la Tamise pour retrouver toute la faconde méditerranéenne, sans jamais rien de vulgaire ni de lourd. Une grande émotion venue du froid. Car les chœurs, les musiciens et le jeune chef grec, Teodor Currentzis, travaillent en Sibérie... Formé au conservatoire de Saint-Pétersbourg, dans la classe d'Ilya Musin, il est depuis quelques années responsable musical de l'Opéra de Novossibirsk. Cet adepte du répertoire baroque défend bec et ongles son interprétation sur instruments d'époque. Pourtant rien dans son style ne s'apparente à la tradition des baroqueux comme John Eliot Gardiner ou William Christie. Enregistré dans un pays où il fait parfois plus de 25° en dessous de zéro, le chef grec "souffle le brûlant et le glacial sur un opéra voué d'ordinaire aux prudences et aux bienséances de l'élégie précieuse. Tandis que les instruments du continuo troquent le soyeux des draperies de cour pour la rugosité des bures de pénitents, les sorcières du deuxième acte semble surgir des sabbats shakespeariens du royaume de Macbeth, la dernière scène se figer dans un engourdissement létal." comme le soulignait Gilles Macassar dans la critique qu'il fit dans Télérama, lors de sa sortie du disque en 2008. Ardeur et audace sont les adjectifs qui reviennent le plus souvent à l'audition de ce disque. Simone Kermes, Deborah York, Dimitris Tiliakos, Oleg Ryabet et les New Siberian Singers sont tout simplement excellents, l'orchestre époustouflant. Mes enfants pourtant souvent rétifs à la musique ancienne qu'ils entendent peut-être trop souvent quand ils sont avec moi, ont trouvé cet opéra "décoiffant" (sic), c'est pour dire !...

 

Liza Ekdhal
Give me that slow knowing smile
Production Strategic Marketing
Pas vraiment comme les précédents albums bossa-nova jazz qui ont fait son succès et sa réputation en France, ce nouveau disque de la chanteuse suédoise, est un petit bijou très inspiré, et extrêmement raffiné. Entièrement écrit et composé par elle-même, il a été produit par
Mattias Blomdahl. Ce disque est un petit miracle de délicatesse et d'authenticité qui a révélé cette grande chanteuse à la voix vraiment habitée et qui semble gagner en profondeur et en ferveur d'année en année. "Give Me That Slow Knowing Smile" emporte l'auditeur hors du temps avec des réminiscences de l'enfance, des sonorités très chaudes, avec des références à la pop des Beatles. Les chœurs sont très aériens aussi surprenants que réussis. Bref, un grand moment e plaisir que nous écoutons en boucle à la maison.
...
Robert Coover
Pinocchio à Venise
 

Le Seuil, Littérature étrangère.
1996
.
L'auteur de ce livre surprenant s'attache à exhumer des contes de notre enfance, le fameux : «Il était une fois... un simple bout de bois...» mais il promène Pinocchio, devenu un vieil universitaire américain,à travers une Venise hivernale et fantomatique, en plein Carnaval. Le héros rencontre des personnages mystérieux et inquiétants sous leurs masques. Autant de personnages qu'on ne peut identifier et dont on se défie d'instinct... Que penser, par exemple, de cette bonne fée qui est ici tour à tour sœur, mère et préceptrice, amante et tortionnaire?
Collodi son inventeur, faisait dire à Pinocchio devenu un vrai petit garçon : «Que j'étais ridicule, quand j'étais un pantin !». Robert Coover l'imagine préférant oublier son existence antérieure, pour aller vivre en Amérique. L'ex-pantin ressent un jour le besoin de revenir à son passé. Il retombera entre les mains de ses ennemis de toujours, et renouera en même temps avec ses vieux amis Polichinelle, Arlequin, Colombine et Pantalone. Cela ne pouvait avoir lieu qu'à Venise. Avec une éblouissante virtuosité, l'auteur relit ce mythe littéraire, hymne à l'enfance par excellence. Cela donne un roman picaresque époustouflant. Il nous assène une vérité, que les temps modernes s'acharnent à nous faire oublier : malheur à l'homme qui renie la part d'enfance qui demeure en lui, réfugiée dans ses souvenirs. Agréable moment de lecture....
 
Ristorante Al Giardinetto di Severino
Ruga Giuffa
4928
Castello
Fermé le Jeudi.
Tél.: 041 528 53 32
 

Severino Bastianello et son fils Lucà sont les heureux gestionnaires de cette institution qui a fêté l'année dernière ses 60 ans d'existence. Ce n'est pas le plus original mais c'est en tout cas l'un des quelques restaurants vénitiens traditionnels où on sait ne risquer jamais aucune mauvaise surprise. Plusieurs associations de fines bouches l'ont d'ailleurs souvent couronné au cours des années. Situé à Castello, dans le magnifique Palazzo Zorzi. Aucune surprise donc si ce n'est l'accueil toujours avenant sans obséquiosité, la table bien mise dans la grande salle ornée de peintures contemporaines ou dans le délicieux jardin intérieur où il est vraiment agréable de déjeuner. Cuisine vénitienne traditionnelle donc, à base de produits locaux toujours frais. Plats typiques, bons desserts maison et carte des vins bien choisie. Il faut y aller entre amis, comme les vénitiens qui y vont pour fêter un évènement particulier. Chaque année en octobre, c'est dans ce restaurant que se déroule le Goncourt de la peinture italienne, le Premio Amici Ruga Giuffa qui attire des peintres de toute la péninsule. Il est prudent de réserver surtout en fin de semaine. Ce n'est pas donné.... 

Recioto di Soave
Vignobles Balestri ValdaVia Monti, 44
37038 Soave (Vérone) 

Vivre à Bordeaux, à proximité de certains des plus grands vins du monde ne m'empêche pas d'apprécier ces vins qui peu à peu se font connaître du monde. Si en matière de blancs moelleux, nos emportent la palme, avec à leur tête le grandiose SauternesYquem où opère depuis quelques années mon ami Pierre Lurton, il existe en Italie des blancs doux de grande qualité. C'est le cas de ce Recioto né sur les collines des environs de Vérone, où se concocte ces Soave qu'on boit si facilement sans jamais avoir mal à la tête. Vinifié par Guido Rizzotto, ce joyau est fait à 100% de Garganega, une variété de vigne très ancienne sont on ne vendange que les grappes les plus hautes, qui sont ensuite ensuite mises à sécher pendant la moitié d'une année, avant d'être pressées en mars. Commence alors le lent et magique processus de la fermentation en barriques suivi par six mois de maturation dans de vieux fûts puis, après la mise en bouteilles, trois années de repos avant de se retrouver dans nos verres. Cela donne un nectar à la belle couleur jaune d'or aux arômes intenses de pêche juteuse et fruitée comme on en déguste au plus fort de l'été. Aux premières gorgées, s'ajoute un goût d'amandes douce à peine sortie de sa cosse... Somptueux avec le fromage, mais aussi sur le Foie Gras. Nous le buvons en apéritif mais aussi au dessert. Une bénédiction. On le trouve en France, comme en Belgique chez les meilleurs cavistes.

4 commentaires:

maite a dit…
Depuis quelques temps, que de polémiques sur votre blog et quel dommage ! Je vous suis toujours fidèlement depuis bien longtemps, j'ai été de celles qui vous a incité à écrire un livre et je vous félicite d'avoir mené à bien ce projet.
Je vous souhaite de très bonnes vacances, a presto !
Lorenzo a dit…
merci Maïté, bonnes vacances à vous aussi. Ces "polémiques" sont la preuve que Tramezzinimag vit. On ne peut prétendre faire l'unanimité à chaque instant. La liberté d'opinion est une valeur fondamentale qu'il faut défendre même quand on en fait soi-même les frais, ne trouvez-vous pas ? 
val a dit…
Sono davvero molto felice che ti sia piaciuto il nostro Recioto! :)
Enitram a dit…
Bien, ces coups de coeur me plaisent bien
Bonnes vacances!!!!

25 avril 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 8) : "Get Out" , un superbe court-métrage d'animation

Je me demande de plus en plus si mes billets qui ne sont pas consacrés à Venise ont leur place dans Tramezzinimag, tant ils suscitent à chaque fois de virulentes polémiques... Mais débattre et se contredire est essentiel en démocratie. Tant pis pour les empoignades verbales après tout. Ceux qui réagissent à mes billets montrent combien ils sont attachés au débat d'idées. De plus, que je sache, personne ne s'est (encore)jamais fâché tout rouge lors de ces échanges nés d'innocents petits textes qui ne veulent exprimer à chaque fois que les coups de cœur, ou les coups de gueule de leur auteur. En tout cas, faites-moi donc savoir si Tramezzinimag doit se recentrer sur Venise et uniquement sur Venise.

En attendant, laissez-moi vous faire découvrir un petit bijou de film d'animation qui commence de se tailler une jolie réputation sur la toile. Il ne faut rien en dire de plus. C'est en tout cas un beau travail réalisé par un groupe d'étudiants de l'ESMA, Charlotte BOISSON, Julien FOURVEL, Pascal HAN-KWAN, Tristan REINARZ, Fanny ROCHE, vite remarqué, ce court-métrage a été primé dans de nombreux festivals. mais c'est déjà en dire trop (et ce n'est en aucune manière de la publicité !).


Jetez un coup d'œil sur le site du film, lui aussi très bien fait :  
http://www.getout-lefilm.com/

15 avril 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 7) : Solution locale pour un désordre global

Tramezzinimag est un lieu virtuel consacré corps et âme à Venise. Mais ce qui concerne la Sérénissime bien souvent implique le reste du monde : la multiplication du nombre de ressortissants africains en situation irrégulière qui proposent à la sauvette de faux sacs de marque, jeunes SDF à l'air égaré par l'abus de drogue accompagnés de nombreux chiens faméliques vautrés sur les ponts, tags et graffitis qui enlaidissent les murs, disparition des petits commerces de proximité et standardisation des produits manufacturés, mais aussi inondations de plus en plus nombreuses, disparition de la faune et de la flore, phénomènes climatiques inquiétants, pollution... Le tableau pourrait paraître terriblement sombre. Il en est de Venise comme du reste du monde, l'homme qui a reçu en naissant une incroyable et merveilleuse richesse s'emploie depuis 500.000 ans à la détruire. Venise a longtemps été un laboratoire d'idées et de pratiques qui ont permis d'élaborer un mode de vie respectueux de la nature. Installés dans un environnement peu propice, les premiers vénitiens ont su faire avec les infrastructures naturelles et ils ont eu le génie d'établir sur cet écosystème une civilisation. Hélas, les hommes sont oublieux et le poids des traditions, les usages, les antiques savoirs ont été dès la fin du XVIIIe siècle malmenés au nom des idées nouvelles. A Venise aussi, il fallait être "moderne" si on ne voulait pas faire ringard. C'est ainsi que la cité des doges, bien davantage que les autres métropoles d'aujourd'hui, en abandonnant les anciens usages, a mis en péril sa vie même. Partout dans le monde, comme à Venise, d'impérieuses nécessités voient le jour qui nous obligent à appréhender d'une manière globale l'état de la planète. Parce que nous sommes enfin conscients que l'avenir de l'humanité est en jeu et que cet avenir nous concernant tous, nous oblige tous à réfléchir et à agir.

On en parle peu, car cela n'est pas médiatique, mais il existe à Venise, et dans différents points de la lagune, des organisations qui travaillent à sauver ce qui peut encore l'être, des associations qui militent pour que revivent les fonds lagunaires, que les espèces de poissons et de mollusques empoisonnées par les phosphates et les nitrates de l'industrie lourde de Marghera, recolonisent l'eau. Ils reconstituent les rizières et les marais salant, replantent et ré-alimentent les terres empoisonnées par 50 ans de fertilisants chimiques, soignent les oiseaux migrateurs décimés par la pollution. Aux projets pharaoniques qui ne font qu'enrichir les gigantesques groupes industriels mondiaux et dont on ne sait toujours pas s'ils apporteront les solutions promises, se créent un peu partout, sans moyen, sans publicité, des mouvements actifs et solidaires, véritables alternatives aux politiques officielles. Depuis trente ans, la lagune est un laboratoire expérimental de sauvegarde de l'environnement. Sans battage, sans militantisme. Pêcheurs et paysans se battent pour sauver ce qui peut l'être. Et il y a danger, nous le savons tous.
 
Quand je vivais à Venise, il y avait au bas de chez moi - je l'ai raconté maintes fois - une petite échoppe. Elle était tenue par un fermier ou son fils, je ne sais plus exactement. Chaque matin, il débarquait ses légumes et ses fruits, il amenait parfois aussi des oeufs, des volailles. On ne trouvait chez lui que des tomates ou des aubergines fraîchement récoltés. Ses salades, ses épinards, pêches comme ses poires étaient vraiment toujours délicieux. Quand la récolte n'était pas bonne, il n'y avait sur ses étals que des pommes de terre, des noix, des amandes des coings et des pommes. Ceux qui ont la chance de fréquenter un AMAP (*) sauront de quoi je parle. Ses terres se trouvaient sur une île du fond de la lagune. Ses bêtes procuraient le fumier qui nourrissait la terre, ses arbres donnaient de magnifiques fruits sans l'aide de Monsanto. Puis les règles ont changé. L'Europe a imposé un cahier des charges insensé. De plusieurs centaines de maraîchers sur la lagune, il n'en reste qu'une petite dizaine. La disparition de la culture vivrière, à Venise comme ailleurs en Occident, est quelque chose de préoccupant quand on sait que l'autonomie alimentaire en Europe est de seulement 20 jours... Quand on se rend compte que partout, l'industrie tue l'agriculture mais tue aussi les usages et les savoir-faires ancestraux.
 
Il y a en ce moment dans les bonnes salles de cinéma un documentaire extrêmement bien fait qui exprime bien que moi toutes ces vérités. Hasard heureux, l'auteur de ce film, Coline Serreau, un lien très fort avec Venise et Tramezzinimag en parlera un jour si j'obtiens son accord. Si vous n'avez pas encore vu ce film, précipitez-vous, c'est revigorant ! En voici la bande-annonce:
 
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(*) : AMAP :
Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne

25 mars 2010

Bonheur tranquille

Réveillé par la jolie petite mésange bleue qui a passé l'hiver dans la cour, je savoure mon builder's tea du matin, avec Mitsou à côté de moi qui ronronne de plaisir devant la nouvelle journée qui s'annonce, une patte nonchalamment posée sur mon épaule. (ce qui signifie : "n'oublies tout de même pas de remplir mon écuelle de lait frais"). Elle sera belle cette journée. Après l'orage d'hier, le ciel est d'un bleu sans nuage et le soleil brille. Comme un vrai matin de printemps. A Venise, le sirocco souffle et il va pleuvoir.


Le temps du Carême s'achève, ce sera bientôt Pâques, moment unique et merveilleux du renouveau, la chance d'un nouveau départ pour nos âmes étouffées par tant d'inutiles préoccupations, joie de la Résurrection dont personne ne parle tant le monde n'a d'yeux que pour le médiatique Ramadan des musulmans. En attendant, l'air a changé. Il s'est fait plus léger, onctueux même, avec des senteurs que l'hiver nous avait fait oublier. Au Jardin, les arbres sont tous en fleurs. Le vieux magnolia nous a donné sa première fleur il y a déjà trois semaines. Les tulipiers sont resplendissants. Le vert des pelouses a quelque chose de lumineux, comme le sourire d'un enfant.

J'aime ces petits moments paisibles qui sont autant de rites pour commencer une nouvelle journée. Que ce soit ici, dans notre maison du Cotentin ou bien à Venise, les premiers geste du matin déterminent la manière d'appréhender les évènements des heures à venir. Le thé brûlant, les biscuits, et l'émission de Chris Evans à la BBC (miraculeux internet !), le chat qui ronronne, une patte posée sur mon épaule (toujours l'écuelle de lait !), le soleil qui fait danser les particules de poussière devant la fenêtre, tout est bonheur. Un de ces petits bonheurs qui n'ont l'air de rien, mais nous aident à survivre, vous ne trouvez-pas ? La pression des images, l'omnipotence des modes, et la tension qui règne dans nos vies d'occidentaux pressés et surmenés, tout concourt à nous éloigner de ces plaisirs simples qui sont pourtant le sel de la vie. Chaque matin après tout, est le premier de nos derniers jours... L'homme moderne a tendance à l'oublier.
Respirer la quintessence des choses, avidement, gaiement, avec tout notre être, n'est pas une attitude d'artiste coupé des réalités, mais la preuve d'une grande solidarité avec le monde et les êtres qui le compose. Le "joie, joie, pleurs de joie" du poète n'est pas un cri d'hystérie, mais l'affirmation que, partie d'un tout, nous nous sentons impliqués dans la marche des choses, le passage des saisons et devons, chacun selon nos talents, contribuer à ce que tout aille pour le mieux. Bonne journée à tous !

4 commentaires:


J F F GrandsLieux a dit…
Oui, l'arrivée du printemps est un vrai miracle. Un appel au plaisir présent.
Bonne journée à vous aussi, Lorenzo !
PS Finalement le chat a-t-il eu sa jatte de lait ?
maite a dit…
Mes journées sont faites de tas de petits bonheurs, ce qui constitue à eux seuls "Le Bonheur" ...A presto !
Anne a dit…
Merci beaucoup pour ce beau texte, Lorenzo. Vous avez raison et j'ajouterai que le soir est important également, en l'envisageant non pas comme la journée qui se termine, mais comme le début d'un nouveau moment à rendre agréable et à apprécier dans sa douceur.
Anne
NicoleA a dit…
Une philosophie de la vie qui est assez proche de la mienne , celle des "petits bonheurs de chaque jour ", comme celui de faire le tour du jardin au printemps pour voir la nature reprendre vie , pouvoir à nouveau déjeuner sur la terrasse ( et l'éte flaner au petit dejeuner ) . Merci aussi de parler du temps du Carême et de Pâques qui le suit ...notre culture européenne enfouie , oubliée , ringardisée !

Bonnes fêtes pascales et bon printemps Lorenzo !Et merci pour la qualté de vos articles !

20 février 2010

COUPS DE CŒUR N°39


Q Coffee
Pinacothèque Querini Stampalia

Calle Larga Santa Maria Formosa, Castello 5252, Venise.

041 271 14 11 caffetteria@querinistampalia.org Ouvert du mardi au samedi de 10 h00 à 23h.45, Dimanche et jours fériés de 10h00 à 19h00.
Fermé le lundi.

Mariagrazia Cassan et Guglielmo Pilla dirigent avec beaucoup de doigté un lieu devenu assez couru désormais à Venise. Concept très à la mode de cafétéria-restaurant situé dans la Querini-Stampalia. Accueillant au début les chercheurs et les étudiants venus travailler dans la fameuse bibliothèque et le personnel du musée, il attire de plus en plus de vénitiens et de touristes avisés. Les lieux sont à la mode, un design sobre qui pourrait être celui de n'importe quelle brasserie à New York, Londres, Paris ou Milan. Mais on y trouve quelque chose de plus. Est-ce la proximité des chefs-d'œuvre conservés dans la pinacothèque ou tout simplement le fait de se situer à Venise. ? Que ce soit pour une petite pause café, un déjeuner entre amis, un rendez-vous, c'est un lieu que je recommande. Comme dans leur autre établissement, Maria Grazia et Guglielmo proposent une cuisine toscano-vénitienne. Aux fourneaux, le chef Gabriele Fiorelli. La carte des vins est très complète et sans emphase, présente des trouvailles en provenance des quatre coins du monde qu'on aimerait pouvoir emporter chez soi, comme dans les meilleurs lieux de la ville. Une gourmandise (les gâteaux sont faits maison) et un café entre deux recherches ou après un tour des salles passionnantes sur l'art vénitien, est un plaisir bien agréable. Le restaurant est ouvert assez tard le soir. Tramezzinimag vous conseille de commencer par visiter le musée en fin de soirée (la pinacothèque est désormais ouverte jusqu'à 20 heures) et de finir par un dîner au restaurant. Carlo Scarpa et Bellini, Longhi et Mario Botta... Un bel assemblage.
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Concerto italiano 
Giuliano Carmignola
Venice Baroque Orchestra
direction Andrea Marcon
Archiv, 2010.
Derrière la sobriété déjà vue de la couverture on s'attend à écouter une autre magistrale interprétation d'œuvres de Vivaldi ou de Marcello. L'excellent orchestre baroque d'Andrea Marcon et le violon magique de l'ami Carmignola nous réserve ainsi une surprise : des pièces pleines de vie et de joie, ciselées, virtuoses, extraverties. Bref, de la vraie musique italienne. Domenico D'all'Oglio (circa 1700-1764), Michele Stratico (1728 - après 1782), Pietro Nardini (1722-1793) et Antonio LOLLI (circa 1725-1802) qui sont interprétés sur ce magnifique disque, sont tous contemporains de Vivaldi, de Marcello, de Galuppi, Locatelli, Geminiani. Un très bon disque.
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Ma finale 66
film de Paul Weiland
Avec Helen Bonham-Carter, Marsan, Eddie Marsan, Gregg Sulkin.
Universal Pictures. Grande-Bretagne - 2006.
Nous avions décidé de nous offrir une soirée-cinéma. Plateaux remplis de sushi et sashimi, de petits sandwiches au concombre et de tartines de mon pâté de foie de volailles et projection sur grand écran presque comme au cinéma mais en plus confortable. Mais le DVD désiré était déjà pris (quelques minutes avant notre arrivée au vidéo-club !), je suis reparti avec ce film sans trop savoir ce que nous allions trouver. Ce fut une agréable surprise. "Ma finale 66" est une comédie anglaise un peu déjantée, très efficace réalisée par Paul Weiland avec beaucoup de doigté et des acteurs géniaux qui sont très convaincants, dans un Londres des années 60. Bernie (Gregg Sulkin), un jeune garçon un peu frustré prépare sa "bar-Mitzvah" qu'il espère grandiose et géniale. Au lieu de ça, de catastrophe en catastrophe, la fête sera plutôt loupée jusqu'au coup de théâtre qui rapprochera l'adolescent de son père (interprété par Eddie Marsan). Un très bon moment dans la bonne tradition du cinéma britannique.
 
Mary et Max
Film d'animation de Adam Elliot
États-Unis - 2009.
Ce petit film d'animation est du grand cinéma. Une découverte qui nous a époustouflé. Voici ce qu'en a dit avec justesse Pierre Murat, dans Télérama, au moment de la sortie du film en 2009 :
"Elle habite une petite ville tristouille et marronnasse d'Australie. Lui vit à New York la noire, où tout le monde fait la gueule, même la statue de la Liberté. Elle vit avec des parents barges (père empailleur, mère klepto et alcoolo : le sherry, y a que ça de vrai !). Lui est seul ou presque : est-ce que ça compte, un ami invisible qui se taille quand bon lui semble, un chat borgne et un poisson rouge - Henry, neuvième du nom, car il est arrivé des bricoles aux huit précédents... Mary est moche, Max est obèse. Elle a 8 ans et lui plus de 40. Sauf que tous les deux ressemblent à d'éternels enfants terrifiés, frustrés de tendresse et fous de chocolat... Ils reflètent si bien nos angoisses et nos chagrins, ces deux-là, qu'on oublierait pres­que qu'ils ne sont pas tout à fait humains. Car Mary et Max, comme leurs deux cent huit collègues, sont des créatures en pâte à modeler, issues de l'imaginaire mystérieux et tourmenté d'Adam Elliot. Après un moyen métrage acclamé, c'est son premier long, à ce jeune homme, dont on soupçonne qu'il ressemble peu ou prou à ses personnages (son père était clown-acrobate, éleveur de crevettes et quincaillier, et Adam dit avoir hérité de sa mère un tremblement physiologique...). D'un seul coup d'un seul, "Mary et Max" renvoie à leur médiocrité tous les films d'animation dont on (Hollywood !) nous abreuve : gros machins moralisateurs et neuneus. Au départ, la petite Mary trouve par hasard le nom de Max dans un annuaire. Max Horovitz, quel drôle de nom ! se dit-elle. Elle lui écrit. Il lui répond. Dès lors, durant près de vingt ans et sans se voir jamais, ils vont correspondre. Aussi perdus l'un que l'autre, et donc parfaitement comiques et pitoyables, ils vont affronter brouilles et retrouvailles, gaffes et regrets. De ces lettres pas vraiment roses, pas toujours drôles, la vie va surgir, avec son cortège d'espoirs entêtants et de désillusions féroces. Car Max, que chaque missive et chaque question de Mary plongent dans le désarroi (« Est-ce que tu connais des filles, Max ? » « Est-ce qu'on ne s'est jamais moqué de toi, Max ? »), va tout subir : l'emprisonnement, l'internement, les électrochocs et, même, incroyable, la chance : « Un débile gagne au Loto », titrera alors le journal... Mary, elle, grandit, se marie avec l'amour de sa vie - un Grec bégayant et, hélas, fan de Boy George -, devient, grâce à Max, la spécialiste mondiale des maladies nerveuses et des pathologies obsessionnelles, avant de renoncer brusquement à la gloire et de sombrer dans la dépression. La ­scène où - cernée par les sons inquiétants de "Que sera sera", interprété par Pink Martini, et ses photos de famille, qui tournoient autour d'elle comme des menaces - elle tente vraiment d'en finir est un moment de grâce absolue, un pur bonheur cinématographique et psychanalytique... Paradoxe: tout est drôle dans ce film sombre. Mais d'une drôlerie acide, grinçante, dénuée de guimauve. Car la moindre silhouette d'Adam Elliot provoque en nous un amusement attendri : Max et le pompon rouge posé sur sa kippa, mais aussi l'incroyable mère de Mary, avec ses grosses ­lèvres de vamp défraîchie, la vieille petite voisine ridée de Max, suffisamment miro pour faire bouillir le pauvre Henry IX dans son bocal. Sans oublier le psy - l'incroyablement moustachu Dr Hazelhoff - ni, au bas de l'immeuble de Max, son clodo détesté, rivalisant de formules inventives pour provoquer la pitié des passants indifférents... Loin de nous plomber, cet hymne aux so­litaires, aux paumés, aux doux-dingues - nettement moins fous que les gens dits normaux, au demeurant - rassure : ouf, il existe donc encore, de par le monde, des créateurs aussi doués qu'Adam Elliot pour savoir peindre la misère humaine avec une telle ferveur et mêler aussi bien l'insolence à la magie... Car, dans le ciel au-dessus de la maison australienne de Mary, brille une lune à la Méliès. Et dans le New-York de Max, l'ombre fugitive d'Audrey Hepburn, échappée de "Diamants sur canapé", semble attendre le taxi qui la déposera, à l'aube, devant les vitrines de Tiffany's... Ce film est une merveille."

4 commentaires:

Anne a dit…

La Fondation Querini-Stampalia est en effet un lieu important à visiter à Venise et prendre un café à l'issue de la visite est une bonne idée. Des concerts sont parfois organisés pendant l'été.
Anne

Michelaise a dit…

Toujours des moments délicieux que ceux qui suivent les expos, dans les cafeterias des musées, qui sont devenus un plus énorme... repos, occasion de reparler du musée, gourmandise, tout cela est une vraie valeur ajoutée en termes de souvenirs et de détente !!

Anonyme a dit…

Oui, Mary est Max est une merveille, moi qui  eu la chance de le voir au cinéma cette semaine...je confirme, l'émotion vous prend à la gorge, des surprises à chaque lettre, des inventions linguistiques délicieuses, un esprit inventif, des personnages totalement hors du commun, on a tellement envie qu'ils soient heureux...pas un plan en trop, pas une parole déplacée, de grands esprits libres se rejoignent...superbe !
Au sortir de la salle je pleurais bien sûr, une œuvre singulière et forte, belle et profonde, bravo l'artiste ! Merci de l'enchantement.
C'est vrai que les cafétérias des musées sont de belles choses, mais quand j'ai déjà payé fort cher mon billet d'entrée, je me sauve en courant...au bistrot du coin...

VenetiaMicio a dit…

Effectivement, j'aime bien après une expo, une visite d'un musée, m'arrêter encore un peu dans le lieu...comme à la Fondation Querini,qui est un endroit très paisible, mais je ne reconnais pas le lieu à travers votre photo. J'imagine que depuis, il y a eu du changement,je me souviens d'un moment délicieux où j'avais pris une petite consommation à l'extérieur dans le charmant jardin de Carlo Scapa.