04 avril 2011

COUPS DE CŒUR N°43

Andreas Scholl
Deutsche Barocklieder

Label Harmonia Mundi
HMG501505

Paru en 1995, ce disque est une pure merveille. Il reparait sous une nouvelle couverture, avec un livret très bien documenté et un long préambule d'Elisabeth Scholl sur le lied. La voix est celle que nous avons tous adoré dans le Stabat mater ou le Nisi Dominus de Vivaldi (même si à mon avis, l'allemand n'égale pas dans cette dernière pièce l'élégantissime James Bowman). On le sent parfaitement à l'aise dans cette musique allemande et c'est un vrai régal. Attention danger : difficile de redescendre sur terre après l'avoir écouté, même une seule fois. L'une des plus grandes découvertes musicales de ces vingt dernières années. Et le personnage est sympathique en plus. Ruez-vous chez votre disquaire si vous ne l'avez pas encore dans votre discothèque !

Christian Bobin
L'homme qui marche
Récit
Ed. Le Temps qu'il fait. 2010
ISBN
978.2.86853.233.6
"Quelque chose avant sa venue le pressent. Quelque chose après sa venue se souvient de lui. La beauté sur la terre est ce quelque chose. La beauté du visible est faite de l'invisible tremblement des atomes déplacés par son corps." Paru en 1995, le livre était épuisé. Je l'avais découvert cette année-là juste avant de partir à Venise. Le petit livre à la jolie couverture avait rejoint la provision de livres que j'amène toujours avec moi dans mes séjours vénitiens. Et c'est ainsi qu'installé à la terrasse de ce petit café que j'aime bien, sous une treille, à deux pas de la Salute, avec un délicieux Soave bien frappé, je suis rentré dans la magie du verbe de Bobin. Cet auteur que certains trouvent de bon ton de décrier, m'a toujours apporté beaucoup de plaisir et de joie, et ce avec chacun de ses livres. Nouvellement réédité, je viens de le relire : le charme est intact, certes lié au souvenir de ces moments de paix intérieure à la terrasse d'un petit café tranquille de Dorsoduro, mais bien plus encore par la magie des mots qui confirment le grand talent de l'auteur.

Fiorella Giovanni 
Un chat à Venise
Ed Art-Access. 2010
ISBN 978.2.36185.012.8
Fiorella Giovanni est à la fois écrivain et photographe. Elle enseigne l'italien et aime les chats qu'elle fait parler avec maestria dans ce petit livre sympathique. C'est l'histoire de Charles, un chat parisien. assez exceptionnel qui va découvrir Venise et en tomber amoureux. Au fil des pages, le matou distingué promène son regard sur la ville. Il dialogue avec des vénitiens et bien sûr va rencontrer d’autres chats. Il va même participer au Carnaval à San Marco. Le lecteur va ainsi par les calli, suivant ce chat peu ordinaire dans ses nombreuses pérégrinations. A la fois conte fantastique et guide culturel, ce petit livre est à la fois pour les amoureux de Venise et pour les amoureux des chats ! on le trouve facilement sur le site de la Fnac.
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Recette :
Vincigrassi 
ou Lasagne alla Marchesina
C'est une antique recette que mes amis aiment bien. Le nom bizarre proviendrait d'une déformation du nom du général Windischgratz qui commandait les troupes autrichiennes de la région avant l'indépendance. C'est un plat délicieux, facile à réaliser. Si vous faites le choix des pâtes maison, la préparation sera bien évidemment plus longue. Personnellement, par paresse, j'ai renoncé à fabriquer mes lasagnes moi-même, et j'en achète des toutes prêtes. A Venise, je connais un fabricant chez qui elles sont excellentes. Mais on trouve des feuilles de lasagnes chez les fabricants industriels. Celles de Barilla par exemple, ou celles de De Cecco, de Voiello. Toutes excellentes. Mais les meilleures à mon goût, sont les lasagnes Bio Idea d'Angelo Barbagallo, fabriquées depuis 1911 à Fiumefreddo, un petit village au pied de l'Etna. On les trouve dans toute bonne épicerie bio.

Pour 6 convives il vous faut : 350 g de bœuf haché, 350 g de ris de veau, 100 g de jambon cru, 4 belles tomates bien mûres, 150 g de parmesan, 75 g de mozzarella (de la vraie), 450 g de farine, 150 g de semoule de blé, 4 œufs frais, 50 g de saindoux, 1 gros oignon, 1 gousse d'ail, de l'huile d'olive, 150 g beurre, muscade, sel et poivre.

Faire chauffer l'huile dans une sauteuse aux parois assez hautes, ajouter le beurre et faire dorer l'oignon. Quand il a fondu (sans caraméliser), ajouter la viande hachée et le jambon coupé en dés. Faire revenir dix bonnes minutes en écrasant la viande à la fourchette. Mouiller avec un verre de vin blanc, ajouter les tomates pelées et coupées, de la noix muscade, du sel et du poivre. Couvrir et laisser mijoter environ 1 heure.

Pendant ce temps, plonger les ris de veau dans une casserole d'eau froide, porter doucement à ébullition et laisser alors frémir environ 10 minutes. Sortir les ris du feu, les rafraîchir, les égoutter, enlever les déchets éventuels et les découper en cubes. réserver au chaud.

Pour la pâte : battre les œufs dans un grand bol. Tamiser 400 g de farine dans une jatte, ajouter la semoule et le sel. Faire un puits et y mettre le saindoux découpé en petits morceaux de la taille d'une noisette. Ajouter les œufs battus et 4 cuillères à soupe de vin blanc. Travailler avec les doigts jusqu'à obtenir une pâte lisse. La rouler en boule et laisser reposer au moins 30 minutes puis mettre à chauffer de l'eau salée dans une grande casserole. Fariner un marbre ou votre plan de travail avec ce qui reste de farine, puis abaisser la pâte au rouleau à pâtisserie le plus finement possible. La découper en rectangles de 1o cm de long sur 5 cm de large environ. Plonger les lasagnes délicatement dans l'eau bouillante et laisser cuire 5 à 6 minutes, jusqu'à ce qu'elles soient al dente. Les égoutter soigneusement et les poser sur un linge humide.

Ajouter les ris de veau au ragoût et laisser mijoter environ 5 mn.

Allumer le four à 200° (th. 6). faire fondre 50 g de beurre dans une petite casserole à feu doux, et préserver au chaud découper la mozzarella en tranches fines. Enduire un plat à gratin à bords hauts avec le reste du beurre et tapisser le fond du plat avec une première couche de lasagne. Napper celle-ci de ragoût, puis saupoudrez de parmesan râpé et recouvrir de tranches de mozzarella. Répéter l'opération jusqu'à tout mettre dans le plat. Recouvrir le tout de mozzarella et de parmesan râpé.

Arroser les vincigrassi avec le beurre fondu et enfourner pendant au moins 20 mn. Les lasagne doivent dorer dessus dans prendre un couleur trop sombre. En dépit de tous les codes, on sert les lasagnes dans le plat de cuisson. Vous m'en direz des nouvelles !


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4 commentaires:
JMT a dit…
Riche idée que vous avez là d'évoquer C.Bobin, infatigable magicien des mots. Rassurez-vous, il reste beaucoup lu. Félicitations pour votre travail que je suis avec assiduité.
Anonyme a dit…
Ah la gastronomie italienne... Je ne m'en lasse pas... Connaissez-vous ces guides gratuits sur le site PartirDemain ? Il y a justement un chapitre consacré à la cuisine dans celui sur Venise : http://www.partirdemain.com/cuisine-venise.htm#food24 Bonne visite Lorenza
Enitram a dit…
J'aime vos trois coups de cœur ! Bonne journée!
Anonyme a dit…
J'en salive !!
Plein d'autres spécialités sur ce guide: http://www.partirdemain.com/cuisine-venise.htm#food24
Martin

23 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 15) : Connaissez-vous l'écrivain Boris Pahor ?

Boris Pahor vient d'être fait Commandeur des Arts et des Lettres lors d'une émouvante cérémonie à Ljubljana, dans les salons de la Résidence de France Cet homme de 97 ans est l’écrivain slovène le plus traduit et publié en France comme en Italie, sa patrie d'adoption. Né sujet autrichien à Trieste en 1913, il y vit toujours après de longues vicissitudes et de nombreux livres. Il sera demain, jeudi 24 février, à Mestre au Centre Culturel Candiani.
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Son œuvre très riche retrace avant tout cette période douloureuse de sa vie où, entré très tôt en résistance, il fut arrêté et déporté après l'invasion nazie. En 1920 il assista à l'incendie de la maison "Narodni dom" (Maison du peuple), maison de la Culture slovène, par les fascistes. Quand les nazis prirent le contrôle de la région en 1944, il rejoignit les rangs de l 'armée de libération yougoslave. Arrêté, il fut déporté au camp de Natzweiler-Struthof, en Alsace, puis à Dachau et à Bergen-Belsen. La plupart de ses romans ont leur source dans cette épreuve. Son séjour forcé en France lui permit de parfaire sa connaissance de notre langue. Revenu à Trieste après la guerre, il s'est particulièrement investi dans des associations sociales et culturelles. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains slovènes les plus importants de son époque. Il est révélé aux lecteurs de langue française par son récit majeur Nekropola (Le Pèlerin parmi les ombres), où il narre son expérience des camps de la mort, puis par son roman Printemps difficile. Il a été candidat aux élections européennes de 2009.
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"Pèlerin parmi les hommes" (Nekropola)
est son roman le plus important. Souvent rapproché du livre de Primo Levi, "Si c'est un homme". Comme l'a dit notre Ambassadeur en Slovénie, Nicole Michelangeli : "Ce livre restera comme un témoignage littéraire majeur sur la déportation et l’horreur nazie". Dans son discours l'ambassadeur a rappelé que Boris Pahor avait été élu "Homme de l’année 2010" par le plus grand quotidien slovène Delo. L'écrivain a répondu en français pour remercier Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, de l'honneur qui lui était fait. Bien conscient que cette décoration était adressée à sa personne, l'écrivain a déclaré qu’il préférait la considérer comme un hommage fait à sa langue, la langue slovène, interdite à Trieste pendant la période du fascisme italien. Le communiqué de presse de l'Ambassade souligne : "En décorant cet ardent défenseur de la diversité linguistique et culturelle européenne, présent depuis de nombreuses années sur la liste des nobélisables, la France a ainsi rappelé son attachement à la culture et aux valeurs humanistes".
 
Cette distinction est aussi un hommage rendu à une personnalité hors du commun, ami de la France avec laquelle il entretient toujours des relations étroites. On a parlé de lui à plusieurs reprises pour le Prix Nobel. Il est demain l'invité du Centro Candiani à Mestre, profitant de sa venue pour rencontrer les jeunes des écoles et des collèges de Venise afin de témoigner de ces terribles années de plomb qu'il faut espérer ne jamais plus revoir.
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Son œuvre en grande partie traduite en français (et en Italie) a été longtemps interdite en Yougoslavie, bien que Boris Pahor soit rédacteur en chef de "Zaliv" (Golfe) une revue littéraire réputée. Suite à la publication en 1975, en collaboration avec l'écrivain Alojz Rebula, d'une biographie du poète dissident Edvard Kocbek, qui lui valut les foudres du régime. Ses œuvres furent prohibées en République de Slovénie et on lui interdit dès lors l'entrée en Yougoslavie. Par ses postures morales et esthétiques, Boris Pahor est devenu l'un des auteurs les plus importants de son pays. très lu et apprécié par la jeune génération des écrivains slovènes, comme Drago Jančar, un des plus brillants auteurs d'aujourd'hui qui le considère comme son maître. Il a été décoré de la Légion d'Honneur en 2007.

Le pélerin parmi les ombres
Roman
Coll. La petite vermillon
La Table ronde, 1990


Printemps difficile
Roman
Phébus, 1995



"C'est étrange, il me semble que les touristes qui regagnent leurs véhicules m'observent comme si, soudain, une veste rayée recouvrait mes épaules, comme si mes galoches écrasaient encore les cailloux du chemin. Car si nous ne savons pas comment s'établit en nous le contact entre passé et présent, il n'en est pas moins vrai qu'un fluide imperceptible et puissant nous traverse parfois et que la proximité de cette atmosphère inhabituelle, insolite, fait tressaillir les autres comme une barque sur une vague soudaine. Il est peut-être resté sur moi quelque chose des jours d'autrefois. J'essaie de me concentrer sur cette idée en marchant bien que je sois gêné parce que mon pas est tellement plus souple avec mes sandales légères qu'avec mes chaussures de toile à grosses semelles de bois..." [...] "Quoi qu'il en soit, nous sommes semblables en cela aux Juifs et aux Tsiganes; comme ces deux peuples, le nôtre (slovène) a, durant toute l'histoire, résisté à l'assimilation."
(Le pèlerin parmi les ombres)

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2 commentaires:

Nathalie a dit…

Grande lectrice de Primo Levi, je ne connais pas, en revanche, Boris Pahor. Merci Lorenzo, de corriger ce qui, à la lecture de votre article, apparait comme une véritable lacune. Je compte bien le lire à la première occasion.

Virginie Lou-Nony a dit…

Moi non plus, honte sur moi, je ne connaissais pas. Dès demain à la médiathèque! Merci Lorenzo

02 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 14) :Un coup de foudre partagé : Agnès Obel

Un ami vénitien me faisait découvrir il y a quelques semaines via Facebook, la merveilleuse musicienne danoise Agnès Obel. Elle n'a pas trente ans, connait la musique (elle est pianiste de formation), une voix qu'on croit tout d'abord façonnée sur le mode de toutes ces jeunes chanteuses anglo-saxonnes actuelles un peu jazzy, à la mélancolie un peu rétro. Mais dès les premières secondes, quelque chose se passe qui nous titille l'oreille et remplit le cœur d'une agréable sensation. Agnès Obel est danoise, elle est belle, totalement musicienne, intelligente et sa musique est à son image. Je venais de télécharger plusieurs vidéos afin de choisir celle que je voulais présenter aux lecteurs de Tramezzinimag, quand le facteur m'a apporté Télérama... En couverture le visage délicieux de la chanteuse, avec des yeux bleus à se damner et un titre bien gênant pour votre serviteur : «La chanteuse Agnès Obel, Coup de foudre». Inutile de me lancer dans des commentaires sur la musique et sur la dame en question. Écoutez-là chanter et si vous en avez l'occasion, lisez l'excellent article qui lui est consacré par Hugo Cassavetti que je salue au passage que vous connaissez certainement (in-les Enfants du Rock) et qui tient aussi une chronique dans l'émission de Bernard Lenoir sur France Inter). Elle est bientôt en tournée en France.
 

C'est le jour des crêpes ! Tous aux fourneaux !

Dans la liste des recettes proposées sur ce blog, les crêpes légères de Babou (c'est ainsi que mes filles quand elles étaient petites appelaient leur bonne-maman) m'avaient valu (merci Babou) les compliments de mes lectrices (les lecteurs sont un peu plus rétifs à laisser des commentaires, ou bine sont-ils simplement moins nombreux à savoir cuisiner !). Pour les distraits, cliquer ici. Des recettes de crêpes, il en existe des centaines. Mais en préparant ce matin mon billet sur la Chandeleur vénitienne, je suis tombé sur l'excellent blog gourmand italo-français de Edda Onorato qui, présente une recette de crêpes façon Robuchon au caramel et beurre salé. Cela a l'air excellent. Je n'ai donc pas résisté à la transcrire pour vous. La voici directement copiée-collée du (délicieux) blog un déjeuner de soleil

Pour une dizaine de crêpes : - 125 g de farine - 3 g de sel - 50 g de sucre - 3 œufs - 250 g de lait - 60 g de beurre - 1 noix de beurre ou 1 cs d'huile végétale pour la cuisson Pour la sauce au caramel (un pot) : - 100 g de sucre - 120 g de crème fleurette - 20 g de beurre demi-sel - 2 pincées de fleur de sel (facultatif).

1. Préparer la pâte à crêpes. Mélanger la farine au sel et au sucre puis ajouter les œufs. Fouetter pour obtenir un appareil homogène. Enfin verser le lait doucement en mélanger pour éviter la formation de grumeaux. Préparer un beurre noisette: faire fondre le beurre dans une casserole à feu moyen jusqu'à ce qu'il émane une odeur de noisette (les particules de lait se colorent). Mettre immédiatement hors du feu et laisser tiédir. Enfin, l'incorporer à la pâte à crêpe. Faire reposer à température ambiante (pas au frigo) une demi-heure. 

2. Préparer la sauce (elle se garde une semaine, bien fermée à température ambiante ou même au frais). Dans une casserole faire fondre le sucre (à sec) jusqu'à ce qu'il devienne d'une belle couleur brun clair. Ne pas toucher ni remuer. Il faudra environ 3-4 minutes. Ensuite, ajouter la crème en faisant attention aux éventuels giclements, bien mélanger. Hors du feu, ajouter le beurre et mélanger à nouveau. Saupoudrer de fleur de sel.
 
3. Cuire les crêpes. Beurrer ou huiler une poêle. Une fois qu'elle est bien chaude verser une louche de pâte. Cuire des deux côtés, qui deviendront dorés. Poser dans une assiette couverte de papier absorbant. Procéder de même avec le reste de pâte. Étaler la sauce au caramel sur chaque crêpe. La rouler et servir encore avec de la sauce (de préférence tiède).
© Photographie d'Edda Onorato.  




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1 commentaire:  (archivé par Google)

dominique a dit... 
Merci pour la recette des crêpes...... je pensais en faire ce week end.... et étais fort démunie ..... impardonnable pour une bretonne .....  

03 février, 2011<

C'est aujourd'hui la Chandeleur

Sans parler des américains qui fêtent aujourd'hui la marmotte (!) et sont bien plus proches du paganisme primaire des «natifs», et très éloignés de la tradition chrétienne quoi qu'ils en disent, Venise comme toute l'Italie et le reste de l'Europe célèbre aujourd'hui la chandeleur, la commémoration de la présentation du Christ au temple. et, depuis je ne sais plus quel pape (en 1372), la purification de la Vierge. Fête de la lumre où on bénit les cierges qui illuminent toutes les églises, ce jour est pour moi plein de délicieux souvenirs d'enfance. A cause des crêpes bien sur, du panettone de San Biagio et des fritelle qu'on faisait chez ma grand-mère. C'est le passage attendu qui mène à la fin de l'hiver. Un vieux dicton que tout le monde connaît à Venise, le précise :
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«A la Madona Candelora
de l’inverno semo fora,
ma se piove o tira vento
de l’inverno semo drento»
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Quand il pleut et qu'il vente, l'hiver-enfer (inverno-inferno) est toujours là et redevient virulent. Mais il fait beau depuis quelques jours à Venise et le ciel est serein aujourd'hui encore, en dépit d'une température encore bien basse. Ce jour est ainsi un passage, entre Hiver-obscurité-mort et Printemps-lumière-renaissance. Ce passage est fêté symboliquement par la purification et la préparation des corps et des âmes à la nouvelle saison.
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Chandeleur en italien se dit «Candelora» dérivé du latin «candelorum», et «candelaram» signifiait la bénédiction des chandelles, très vieux rite romain d'origine juive. Les premiers chrétiens décidèrent de remplacer la fête païenne par l'anniversaire de la présentation de Jésus au Temple et de la purification de sa mère, quarante jours après sa naissance. Ne pas confondre avec l'anniversaire (qu'on ne fête plus de nos jours) de la circoncision de l'enfant qui eut lieu comme le prévoit la loi hébraïque huit jours après (soit le 1er janvier). Cette tradition vient de la foi juive, où après sa délivrance, une femme était considérée comme impure pendant quarante jours (si elle avait mis au monde un garçon, pour les filles c'était encore plus long). Passé ce délai, on se rendait en procession au temple. En dépit de formes diverses, la fête a partout en Occident la même signification. Chez les romains, c'était les "Lupercales" qu'on célébrait aux Ides de Février, le dernier mois dans le calendrier antique. Il s'agissait de se purifier avant d'entrer dans la nouvelle année. Le rite était censé préparer à la fertilité des terres et à la prospérité. Ce jour-là, les femmes romaines arpentaient toutes les rues de Rome avec des cierges pour purifier la ville et ses habitants. .
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Venise célébrait ce jour-là les Marie ce jour-là en organisant des mariages collectifs pour les jeunes filles méritantes qui recevaient trousseau et argent de généreux donateurs qui penser certainement acheter ainsi leur purification et la bénédiction du ciel, ces Indulgences que la Réforme vilipendera des siècles plus tard. La célèbre Feste delle Marie, reprise depuis quelques années dans le cadre des manifestations officielles du Carnaval, est restée un grand moment dans la mémoire collective vénitienne, puisque la légende raconte qu'un jour de Candelora, des barbares enlevèrent des jeunes filles venues des îles pour être mariées par le patriarche et que suite à un combat héroïque, les jeunes fiancés et leurs amis massacrèrent les kidnappeurs et récupérèrent leurs belles (et les dots, bien entendu !). Mais tous les historiens ne sont pas d'accord sur l'évènement et son déroulement exact.

Demain, on fête Saint Blaise, le martyr arménien. C'était chez nous l'occasion de faire un magnifique panettone au goût unique et, par cet esprit d'escalier qui inonde de digressions mes articles, cela me fait penser à la petite église de San Biagio, édifice méconnu des touristes et qui a une histoire très particulière. Saviez-vous qu'il abrite les restes d'un archiduc autrichien fou amoureux de Venise. Enterré dans la chapelle du Grand Prieuré de l'Ordre de Malte, San Giovanni del Tempio (appelée aussi chiesa dei Furlani) le prince Frédéric-François d'Autriche avait demandé à ce que son cœur demeure dans la chapelle de la Marine de Venise. Il repose aujourd'hui dans la sacristie. En fait, l'église de San Biagio existe sans exister. Elle est un peu comme une annexe du Museo Storico Navale et dépend des autorités militaires depuis la décision de la Magistrature des Eaux d'en transférer la gestion aux affaires culturelles. Son curé est en fait l'aumônier militaire de Venise, et San Biagio est la chapelle de la Marine et des Forces Armées cantonnées à Venise.
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Datant du XIVe siècle, avec une nef byzantine à l'origine, elle a été restructurée et dotée d'une façade moderne au milieu du XVIIIe. Avec la chute de la République, l'église est en partie détruite. Les autrichiens contribuent à sa réinstallation en y amenant des vestiges d'autres églises de la Sérénissime. C'est ainsi que les autels proviennent de l'église Santa Anna, à Castello, qui abritait autrefois une communauté de bénédictines et que Buonaparte fit fermer en 1807, pour faire des locaux un collège, puis un hôpital pour la Marine. On y trouve aussi un superbe monument funéraire provenant de l'église Santa Maria dei Servi, à Cannaregio, (aujourd'hui Casa Studentesca Santa Fosca). 

Il s'agit du monument érigé par la République à la gloire du célèbre capitaine Angelo Emo, héros de la guerre contre le Bey de Tunis, en 1785. Ce patricien éclairé tenta de réformer la marine vénitienne, sur le modèle de la marine anglaise qui tentait de supplanter notre magnifique marine royale, voulue par le clairvoyant Louis XVI.
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Voilà bien des informations dans un billet un peu brouillon. On s'aperçoit qu'il y a mille curiosités dans cette cité magique qui fut, notre époque a tendance à l'oublier, la capitale d'un état souverain très puissant et très riche. La chute de la République, le pillage de Buonaparte, la mise en servitude par les autrichiens et l'unité de l'Italie en ont fait une petite bourgade de province nantie de merveilleux monuments et forte d'une histoire qui ne mourra que lorsque plus personne ne se souviendra de ce que fut la Sérénissime. Bonne fête de la Chandeleur !
 
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27 janvier 2011

Regards

Venise au crépuscule, comme au petit matin,
prend des airs souverains et s'offre aux regards
avec la simplicité d'une reine.


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9 commentaires:

dominique a dit…
Le 24 décembre "on n'y croyait plus" et UPS est arrivé et aujourd'hui 27 janvier on y croit toujours ?
Lorenzo, dove e il libro tanto sperato ?
Michelaise a dit…
Venise, reine et putain, qui se livre et se protège, altière, Venise qui se donne et ne se reprend jamais.

Lorenzo a dit…
il libro... corrigé, revu, recorrigé... Puis en panne entre l'imprimeur et l'éditeur... Erreurs de pagination... Invalidation de l'ISBN, contrat remis en cause, courriers et appels téléphoniques de moins en moins courtois de ma part puis la dernière mouture, il y a quelques jours, le Bon A Tirer, enfin. Depuis, un déménagement, du lobbying pour des dossiers qui me tiennent à coeur à Bordeaux, des déplacements, une grippe, des soucis avec mon travail, la difficulté pour trouver un nouveau logement en adéquation avec mes besoins, mes désirs, tous mes livres, les chats et mille autres impondérables. L'impression de trahir mes lecteurs qui attendent et s'impatientent. La peur aussi peut-être de décevoir. Rassurez-vous, cette fois-ci même avec des fautes qui seraient passées entre les mailles de nos relecteures, je maintiens le tirage et l'adresserai à tous les souscripteurs ! Merci de votre soutien.
dominique a dit…
va bene ! vos chroniques sur le blog sont un vrai bonheur ....et me permettent de patienter si tant est que j'en aie besoin.... pour ma part je ne m'impatiente pas ....courage !
NB a dit…
Lorenzo, ne vous inquiétez pas! Nous comprenons les multiples problèmes que peut poser une telle entreprise.... En ce qui me concerne, je ne vous en tiendrai pas rigueur....l'attente nous fera d'autant plus apprécier SA découverte dans notre boîte.
Bien à vous.
Lorenzo a dit…
Aïe aïe aïe, pourvu que votre "attente" ne soit pas déçue et vos espoirs trahis par la médiocrité de l'ouvrage. Certes, à la relecture, cela ne semble pas si mal, mais bof, ce n'est pas un chef-d'œuvre !
Merci en tout cas de votre soutien à tous et de vos encouragements. Ma petite vie en ce moment traverses tellement de perturbations atmosphériques, tellement de trous d'air, qu'un blog entier pourrait lui être consacré ! Mais, qu'on se rassure, j'ai ceinture attachée, les cigarettes sont éteintes et hauts les cœurs !
dominique a dit…
bonjour Lorenzo,
je viens de m'apercevoir que vous alimentez ce blog depuis ....... 2005 ..... bravo bravo ....... vous ne semblez pas avoir "faibli" ........ bravo pour une telle régularité ds la qualité. Vous m'intriguez .....de surcroît, j'ai cru comprendre que vous aviez une activité professionnelle .... comment faites-vous ?
Micha Venaille a dit…
Bien sûr il nous tarde d'avoir votre livre, mais surtout, il faut que cette aventure soit un bonheur pour vous aussi, ne vous découragez pas dans la dernière ligne droite, si on a souscrit c'est qu'on vous fait confiance. Et pensez que la Venise envahie de touristes sans charme abrite aussi de beaux esprits, je viens d'y passer quinze jours dans une brume magique, y rencontrant des habitants de la Giudecca, un qui avait traduit le Cimetière marin, une autre collectionneuse de Virginia Woolf, j'ai vu Nuria Schönberg à la conférence de présentation de Intolleranza de Luigi Nono, une sculptrice qui a été l'amie de Pound, ce qui fait oublier les gazebos porteurs d'horribles masques qui sont installés jusque sur la place Saint Marc.

Lorenzo a dit…
Micha, j'aime votre commentaire, il transcrit parfaitement ce qui est notre ressenti au fond, nous les Fous de Venise.Et ces rencontres uniques qu'on ne peut faire qu'à Venise.
Dominique, 2005.. En effet, plus de cinq ans maintenant. Le temps nécessaire pour faire le deuil d'une vie vénitienne et d'un mariage. mais y parvient-on jamais. Ma vie professionnelle ? Oh elle souffre terriblement de ce travail d'écriture, mais j'en ai pris mon parti et cahin-caha, je continue d'avancer... et d'écrire...

25 janvier 2011

Toujours les petits riens

Cet extraordinaire - et finalement assez esthétique - amas de marchandises pourrait en d'autres lieux se présenter comme une "installation", une de ces œuvres d'art conceptuel qui fascinent l'œil et font tourner l'imagination à mille à l'heure. Ce kiosque de la Strada Nova, situé juste avant Santi Apostoli est situé devant ce qui fut longtemps la résidence du consul d'Espagne, à l'emplacement d'un étal de bouquiniste où on dénichait des trésors. Le marchand était un vieil érudit sympathique.

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3 commentaires:


Aldo a dit…
Et le soir venu, sur la clôture en fer forgé, des dizaines de bougies multicolores illuminent l'endroit.

Anne a dit…
Lorenzo, les installations portent sens dans l'esprit de l'artiste avant de libérer les idées du regardeur. Rien de comparable à un amas destiné au commerce ou à divers fantasmes supposés chez l'amateur d'art contemporain. Mais je comprends que vous regrettiez le bouquiniste érudit à qui vous rendiez visite. Bonne journée. Anne
 
Lorenzo a dit…
Aucun regret. Juste un (agréable) souvenir ! C'est l'amas de marchandises qui me fascine et que je conçoit tout à fait comme l'équivalent d'une installation. J'aime les amoncellements, les accumulations, les collections. C'est parfois étouffant mais le plus souvent j'y vois un aspect chaleureux, matriciel et un tremplin pour l'imagination, pour le rêve. C'est joli malgré tout ce kiosque-bazar et les gens qui passent...

23 janvier 2011

La Venise que nous aimons. Chronique gourmande

Quand on rencontre sur la lagune une de ces embarcations traditionnelles au gréement aurique, que l'on appelle aussi gréement latin, et si un heureux hasard fait qu'on navigue soi-même sur un sandolo, si le ciel est clair, les chenaux silencieux, si une cloche au loin se met à sonner et que devant nous des oiseaux s'envolent en poussant leur cri, il est facile de se croire revenu aux temps anciens, quand un peuple laborieux sillonnait les eaux de la lagune pour pêcher, chasser, pour transporter bêtes et marchandises. Aucun des bruits caractéristiques du monde moderne ne vient troubler le silence des eaux. Le glissement des barques, la rame qui s'enfonce dans l'eau, le vent dans les herbes... C'est un bonheur extraordinaire qui se renouvelle à chaque fois. Parfois, lorsque nous faisons halte au beau milieu de nulle part, le vent nous porte des senteurs incroyables, d'herbe et de terre, de fleurs et de vase. Je n'ai jamais retrouvé cela ailleurs, sauf parfois en hiver sur le Bassin d'Arcachon. 

Ces émotions esthétiques creusent l'appétit. L'humeur exacerbée par tant de sensations, la beauté des lieux, la fatigue aussi, suscitent vers le milieu du jour une ferveur venue de très loin en nous. On est pris soudain d'une envie de nourritures roboratives. Heureux hasard : certains plats traditionnels, mitonnés à l'ancienne, nous attendent à chaque fois. Pasta e fagioli bien sûr, mais aussi Guazzetto de foie de volaille et de champignons, Bigoli au ragoût de canard sauvage, Anguilles marinées, Fritelle et Torta di mandorla... 

Souvent, nous déjeunions dans une de ces baraques de bois et de briques, bâties sur des îlots il y a longtemps pour la chasse. Toutes en rondeurs avec la cheminée au centre, elles se dressent au milieu de nulle part. Une vieille cuisinière à bois ronronnait doucement et, très jeune, j'imaginais que le retour d'une expédition polaire, quand l'équipage regagnait l'igloo où attendaient chaleur et nourriture, devait ressembler à cela. Plus tard, à la lecture du festin que l'Ami Fritz organise pour ses amis dans le roman d'Erkmann-Chatrian, je ressentais le même plaisir, cette sensation qui vous prend tout entier, réchauffe et apaise. Ces petits riens qui font la vie bonne et le bonheur tranquille. Mais il serait cruel de vous parler de ces plats délicieux sans vous en communiquer la recette. C'est aujourd'hui dimanche, jour où l'on peut s'arrêter un peu et laisser de côté les préoccupations qui nous assaillent et nous empêchent de vivre. Alors, aux fourneaux ! 

Guazzetto de ma grand-mère 
Ce plat est très ancien. A l'origine, il était mijoté dans les familles modestes pour utiliser les foies de volailles qui se perdent vite. A l'automne, on utilise les funghi porcini qu'on trouve dans les forêts de Vénétie, il en existe plusieurs variétés toutes très parfumées. Peu à peu, ce plat s'est ennobli, on trouve même des recettes utilisant des truffes blanches, autre produit des forêts de la Sérénissime. Je sers ce plat avec de la polenta. Avant la découverte du maïs, on faisait de la bouillie d'épeautre, de millet ou de pois chiche pour aller avec. 

Il faut : 4 à 6 foies de volaille (canard ou autre), 1 gros oignon, 250 à 300 grammes. de cèpes frais ou séchés), 1 gousse d'ail, du persil, du sel et du poivre et de l'huile d'olive et du beurre frais. 

Préparer la polenta, la réservez au chaud. Hacher l'ail et le persil. Tailler les champignons en lamelles au couteau, les faire revenir pendant 5 minutes à la poêle préalablement nappée d'une à deux cuillères d'huile d'olive avec l'ail et le persil. Saler et poivrer. Il faut veiller à ce que les cèpes n'attachent pas et puissent dorer tout en restant mous. Couvrir et réserver au chaud. Découper les foies en lamelles assez fines. Éplucher un oignon. Le mettre à fondre dans une poêle avec un mélange d'huile et de beurre, puis ajouter les lamelles de foie. Saler et poivrer. Bien surveiller, et remuer souvent, pour que obtenir un mélange rissolé et non pas grillé. Ajouter ensuite les foies rissolées avec les oignons dans la poêle des cèpes en mélangeant jusqu'à obtenir un ensemble homogène. vérifier la température et s'il le faut remettre à chauffer à feu doux tout en remuant. Le mélange doit être crémeux avec de la sauce. Vérifier l'assaisonnement et servir sur un lit de polenta en purée. décorer avec le reste de persil et d'ail haché. On peut aussi présenter le plat d'une manière plus rustique avec des losanges ou des lanières de polenta grillée et le ragoût à côté. J'ai parfois ajouté de la grappa ou du cognac dans la cuisson des foies, cela donne bien mais ce n'est plus le guazzetto traditionnel. 

Bigoli au ragoût de canard 
C'est un des plats les plus raffinés qu'il m'est été donné de goûter à Venise. A ma connaissance un seul restaurant (clandestin ou privé devrais-je dire) le réalisait il y a encore quelques années comme on le faisait chez moi. D'abord parce qu'il faut de l'anatra, la femelle du canard sauvage, à la chair plus tendre que celle du papero, le mâle, toujours plus gras, et que ce gibier se fait plus rare. Et puis parce que les bigoli, cette sorte de spaghetti plus petits et plus épais, ne sont vraiment bons que fabriqués à la maison. Ce sont des pâtes à base d'œuf contrairement aux véritables spaghetti. Pour 700 g de farine, il faut deux œufs, du sel et 10 cl d'eau de source. Comme à Venise, j'utilise pour les fabriquer un torchio, appelé aussi communément bigolaro. C'est une sorte d'emporte-pièce muni d'un poussoir-manivelle en bois. Une machine à pâtes pourra faire l'affaire mais la taille sera différente. Autrefois à Venise comme dans les campagnes, tout le monde ne possédait pas cet engin. Les femmes se réunissaient alors chez l'heureux propriétaire de la machine et tout se terminait par un repas festif pris en commun. C'est pour cela que chez les très vieux vénitiens (il en reste encore), les bigoli sont toujours comme un appel à la fête. 

Il faut : (pour six à huit personnes), un canard, 1 kg de bigoli, ,2 oignons, 2 gousses d'ail, du romarin frais, du laurier, du persil, du parmesan fraîchement râpé, 25 cl de bon vin blanc, de l'huile d'olive, du sel et du poivre. 

Il faut tout d'abord préparer le canard. On ne conserve ni la peau ni le gras. Ouvrir dans la longueur par le ventre et détacher la chair de la carcasse. Tailler les morceaux obtenus en petits dés (environ 5 mm de côté). Hacher l'ail, l'oignon, le romarin et le persil. Faire chauffer deux bonnes cuillères à soupe d'huile d'olive, ajouter le hachis ail-oignon-persil. Faire fondre puis ajouter le romarin haché. Mélanger et laisser revenir. Quand le mélange est vert transparent, ajouter les dés de viande et faire revenir en remuant souvent pendant un quart d'heure. Il ne doit plus y avoir de liquide. Quand la viande a pris une jolie couleur , ajouter le vin blanc. Saler et poivrer au moulin. Laisser mijoter quelques minutes en remuant. On reconnaît que le mélange est prêt à la délicieuse odeur qui se répand dans la cuisine. Réservez au chaud. Mettre les bigoli dans un grand faitout d'eau bouillante salée. laisser cuire 10 minutes environ. Prélever les pâtes sans trop les égoutter et les ajouter au ragoût. Mélanger. Ajouter le parmesan râpé et servir aussitôt. Ce plat se mange très chaud. 

Anguilles marinées 
Voilà un autre plat typique de la lagune qui se retrouve aujourd'hui sur les meilleures tables de Vénétie. C'est je crois l'un des premiers poissons que j'ai goûté à Venise. Auparavant, je ne connaissais que les truites des Pyrénées (encore le souvenir de Fritz Kobus), les soles des Noailles ou Dubern de mon enfance à Bordeaux. Le souvenir de la mort de ces pauvres bêtes m'horrifiait car elles possèdent une grande force et sont capables de sauter hors du panier toutes seules et continuent longtemps de s'agiter même quand on leur a tranché la tête. Car l'anguille ne se conserve pas plus de 24 heures et elle n'est vraiment délicieuse que cuisinée aussitôt après sa mort. Pauvres bêtes, elles sont tellement délicieuses que leur sacrifice est vite oublié. 

Il faut : 1 kg d'anguilles vivantes, une branche de céleri, une gousse d'ail, des oignons, du laurier, 500 g de tomates bien mûres, du vin blanc, de l'huile d'olive, sel et poivre. 

La veille de la préparation, enlever la peau des anguilles, les couper en tronçons de 6 à 8 centimètres de long. mettre à mariner le poisson dans un plat creux avec le céleri taillé en bâtonnets, un oignon, l'ail en lamelles, des grains de poivres noir et du vin blanc. Laisser au frais pendant 24 heures. Le lendemain, saler les morceaux et les mettre à dorer dans une grande poêle avec de l'huile d'olive très chaude. Compter environ 10 à 15 minutes. Couvrir et réserver au chaud. Faire revenir ensuite les oignons hachés à feu très vif avec les tomates coupées en lanières et les feuilles de laurier. Bien remuer pour éviter que le mélange n'attache. Délayer avec un peu d'eau et une cuillère à soupe de vin blanc. Saler et poivrer. Laisser cuire à feu moyen pendant 5 minutes. Passer la sauce au chinois. Disposer dans un plat creux la purée de tomates ainsi obtenue sur le plat, déposer dessus les morceaux d'anguilles, garnir les côtés de carrés ou losanges de polenta bien chaude couverte de beurre et de parmesan râpé, arroser avec la sauce. Un délice ! 

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2 commentaires (archivés par Google sur Tramezzinimag I) :
VenetiaMicio a dit…
J'ai connu la balade dans la lagune à bord du Sior Bépi, ressenti tout ce que vous savez si décrire et ce souvenir restera l'un des plus beaux de ma vie...
Merci pour les explications des recettes qui ressemblent beaucoup à celles de Corse ou ici en Provence, simples, parfumées et savoureuses.
Bon dimanche Lorenzo
a presto
Danielle

23 janvier, 2011
 

21 janvier 2011

Pora Venessia adorata !



La sagesse veut que l'on soit de son temps. La nostalgie n'apporte jamais rien de bon, sauf aux poètes qui savent en extraire une substance magique pour nous transporter au-delà des réalités. Venise n'est pas seulement un des hauts lieux de la Beauté, une vitrine géante où s'exposent quelques unes des plus belles créations esthétiques de l'homme. C'est un symbole. Quand partout ailleurs les villes par nécessité, se sont adaptées à la vie moderne, aux contingences imposées par des rythmes nouveaux, et où les vestiges du passé ne sont plus que des vestiges plus ou moins respectés, entretenus ou mis en valeur, Venise a gardé l'infrastructure, l'organisation, l'environnement d'il y a deux cents, trois cents ou cinq cents ans. C'est l'homme urbain - et le visiteur - qui jusqu'à présent s'est adapté à la ville et non pas le contraire. 
 
Ce qui fascine à Venise, ce n'est pas seulement ce qu'elle est physiquement, ses canaux à la place des rues, ses bateaux à la place des voitures. C'est qu'on s'y retrouve comme propulsé dans le passé. Non pas dans un univers révolu et figé. Bien au contraire. On y vit comme cinq ou dix générations avant nous on y vivait. D'autres ont bien mieux dit cela que moi. Des peintres, des poètes, des architectes - et pas des moindres. Ce rythme unique qu'impose au passant les ponts et les méandres des ruelles, cette lenteur qui vient de la proximité de l'eau calme des canaux, cet environnement sonore qui n'est jamais stressant comme ailleurs à Paris, New York, Berlin ou Milan. On y respire comme à la campagne et cette vie de village est additionnée en permanence d'une vie sociale très internationale. Venise depuis toujours mélange les genres, les mondes, les milieux, les cultures et les spiritualités. Ce fut son fonds de commerce en quelque sorte. Tout cela fascine et attire, et c'est bien. 
 
Malheureusement l'essentiel aujourd'hui tend à disparaître : la vie quotidienne n'est pratiquement plus rythmée que par le continuel va et vient des hordes de touristes. Le vénitien, suite à un tas de difficultés dont nous avons souvent parlé, s'exile. Les entreprises qui avaient leur siège dans le centre historique déménagent et il n'y a pratiquement plus d'emploi qui ne soit dévolu au tourisme. Pourquoi pas ? Mais quitte à passer pour un indécrottable râleur, je ne pourrais jamais me faire à ces comportements bouffis d'incivilité qui déjà quand j'étais étudiant horripilaient les vénitiens et qui nous faisaient préciser partout où nous allions «NON SONO UN FORESTIERO, VIVO QUÀ» sono un forestiero, vivo quà» (je ne suis pas un étranger, je vis ici !). Quelques exemples récents et flagrants :
 
 
Doit-on se plaindre qu'à Venise aussi la déliquescence des mœurs, la décadence et la vulgarité prennent le pas sur le respect et la bonne éducation ? J'avoue ne plus trop savoir. Le maire Orsoni effaré par les comportement de moins en moins respectueux des visiteurs réclame davantage de policiers sur la Piazza... Un vieil arrêté municipal interdit tout véhicule à roue à San Marco sous peine d'amende... Y pique-niquer comme désormais nourrir les pigeons sont interdits. Mais rien ne semble fait pour remettre un peu d'ordre . Le touriste a tous les droits. Et je défie quiconque de me contredire quand je décris le ras-le-bol des vénitiens dont les enfants ne peuvent jouer au ballon ou s'amuser avec leurs petits vélos sur les campi sans se faire gourmander par les policiers... Mais c'est certainement ringard et trop politiquement incorrect que de refuser que la plus belle ville du monde souffre ainsi. Peu importe, il faut continuer là-aussi de s'indigner !
 
Pourtant, il faut rester optimiste. A force d'éducation, de messages et d'information, les barbares se civilisent toujours. La beauté de Venise transforme et sidère. Ne minimisons pas le pouvoir de la beauté. N'est-ce pas elle qui sauvera le monde ?
 
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