25 avril 2011

Risi Bisi, la recette du 25 avril




Savez-vous qu'au XIXe siècle, le slogan "RISI BISI E FRAGOLE" (allusion aux trois couleurs du drapeau), fut à Venise l'équivalent du "VIVA V.E.R.D.I." (qui tout en fêtant le compositeur, signifiait Vittorio Emmanuele Re d'Italia), cri d'hostilité souvent poussé contre les occupants autrichiens qui ont mis bien du temps à comprendre. Mais laissons-là l'histoire et passons à la recette familiale de ce plat divin.  

Ingrédients : Il va vous falloir 400 gr.de riz vialone pour 500 gr. de petits pois frais, 100 gr. de pancetta taillée en dés, un oignon et du persil hachés, du beurre frais, de l'huile d'olive, 2 litres de bouillon de légumes, du parmesan fraîchement râpé, bicarbonate de soude, sel et poivre.

Faire un bouillon de légumes avec les cosses des petits pois, un poireau, un navet, une carotte, un brin de cerfeuil, des herbes et si vous en avez un os de jambon. Réservez. 

Faire revenir la pancetta et l'oignon dans du beurre et de l'huile, ajouter les petits pois quand l'oignon commence à devenir transparent, saupoudrer les pois d'un peu de bicarbonate (environ une cuillère à café), puis recouvrir de bouillon. Laisser cuire à petit feu environ 20 minutes. 

Ajouter le bouillon restant. Remuer jusqu'à reprise de l'ébullition et verser le riz. Ne pas arrêter de remuer avec une cuillère en bois. Saler et poivrer selon votre goût. Quand le riz est cuit, ajouter le parmesan râpé, une grosse noix de beurre et le persil. Servir aussitôt. 

Délicieux avec un vin blanc sec. Chez nous, il est accompagné de tranches de jambon de Parme finement coupées, de salami et d'autres délices de la charcuterie locale. Il y a des variantes sans pancetta, avec moins de bouillon ou davantage. Notre recette ressemble un peu à un risotto très onctueux mais jamais pâteux. Chez mes tantes, il s'agissait davantage d'une sorte de potage semi-liquide. Servir et déguster aussitôt !

B on 25 avril à tous ! buon 25 aprile a tutti !

Venise fête le 25 avril en grande pompe et gourmandise


Cette journée du 25 avril a pour les vénitiens une signification particulière. Outre la commémoration de la Libération de l'Italie, journée de la mémoire où les hommes de tous âges offrent à leurs épouses, leurs mères, leurs amies, un bouton de rose, c'est le jour où la ville fête Saint Marc, son saint patron. Au menu, outre les hommages aux morts, les gerbes de fleurs et les défilés militaires, la dégustation du traditionnel "Risi Bisi", la Régate des Traghetti et de nombreux "brindisi" .
La journée commencera à 9 heures 30, Piazza San Marco où les couleurs seront hissées sur les trois grands mâts de bois sculpté qui portaient autrefois, du temps de la République, les oriflammes des colonies soumises à Venise. Les honneurs seront rendus par des soldats des trois armes en présence des autorités civiles et religieuses. Ce sera ensuite la minute de silence et le dépôt de la traditionnelle couronne de lauriers au monument aux morts du Campo S. Margherita, à 10 heures 30. Commencera alors le Percorso della Memoria (parcours de la mémoire) en compagnie du Choeur "25 Aprile"au départ du campo S. Canciano où sera honorée la mémoire du partisan Bruno Crovato, puis sur le Ponte dei Sartori, celle de Luigi Borgato, Calle Priuli (Strada Nova), les vénitiens se souviendront de Giuseppe Tramontin, Fondamenta S. Felice, de Ubaldo Belli, et de Piero Favretti dans la Calle Colombina, Campiello del Magazin, Augusto Picutti, et Corte Correra, Manfredi Azzarita. Le parcours se concluera à midi sur le campo du Ghetto, devant le monument à l'Holocauste création d'Arbit Blatas dont on peut voir la réplique à Paris dans le Marais, à Genève et à New York, devant les locaux de l'ONU
Les honneurs seront rendus par les détachements militaires. Le laboratoire de création acoustique Suono Improvviso présentera une création musicale "Il nero e il bianco". Les cérémonies reprendront en fin d'après-midi, avec un dépôt de couronne de laurier sur la Riva Sette Martiri, au magnifique monument d'Augusto Mürer dédié aux partisanes martyres. Encore du laurier à la Giudecca, au monument aux morts tombés pour la Liberté. 
Les commémorations de la Fête nationale se termineront à 19 heures sur la Piazza, par les honneurs rendus par les Forces Armées quand seront amenés les étendards.
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Pax tibi Marce, Evangelista meus.
Saint Marc sera honoré par une procession réunissant religieux et autorités civiles à la population. Une messe solennelle à la basilique sera ensuite présidée par le Patriarche de Venise, le Cardinal Angelo Scola, qui souligne sur son site que cette année, la solennité de Saint Marc tombait le lundi de Pâques, en plein temps pascal, rendant l'évènement encore plus fort pour les vénitiens qui se préparent à accueillir dans quelques jours le Saint Père en visite pastorale. Dans une nef pleine à craquer où se sont retrouvés avec les autorités civiles, religieuses, militaires et diplomatiques, la plupart des descendants des grandes familles patriciennes à l'origine de Venise et de sa splendeur et de très nombreux vénitiens, la cérémonie était solennelle et très recueillie. L'occasion de retrouver la basilique dans toute sa splendeur que le brouhaha permanent et la foule qu'on y rencontre aux heures des visites touristiques empêche de ressentir. Fumées d'encens et musique céleste, de quoi porter les plus endurcis vers la prière et le recueillement.
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Régate et régals.
Fêter l'Évangéliste patron de la Sérénissime, c'est aussi suivre la traditionnelle Regata des Traghetti qui commence à 9 heures 30. Neuf équipages de gondoliers sur des gondoles à quatre rames partiront de l'Arsenal et suivrons un parcours qui les mènera par le Grand Canal jusqu'à la Riva di Biasio, puis retour jusqu'à l'arrivée qui aura lieu au Rialto. Les vainqueurs recevront leurs prix sous les portique de la Pescheria où sera offert aux participants et à la population des rafraîchissements et des spécialités traditionnelles vénitiennes. Cette régate est très suivie par les vénitiens et c'est un des évènements publics les moins touristiques mais pour combien de temps ?
Autre tradition pour la San Marco, le délicieux risi bisi qui était servi ce jour-là à la table du doge et que toute famille vénitienne respectueuse des traditions déguste en perpétuant un débat qui n'en finit pas : est-ce un risotto ou una minestra (une soupe) ? En réalité, le plat est réussi quand il est ni trop liquide ni trop sec. Un coup de main que les cuisinières vénitiennes possèdent toutes ! Mais point de polémique. Une fois le plat servi - il s'agit d'une recette simplissime mais différente selon les familles - tout le monde se réconcilie et le pinot grigio (ou un bon Soave) coule à flot.

Je confirme que c'est un plat délicieux surtout si on en suit bien les principes, notamment la réalisation du bouillon avec les cosses des petits pois frais. La variété de pois compte aussi beaucoup. Les puristes emploieront une variété de pois extra-fins et très verts qui sont produits dans les jardins de la lagune. Sur la Terre Ferme, on préfèrera une variété plus rustique et certainement plus ancienne, très farineuse mais vraiment goûteuse aussi qui rappelle les délicieux pois anglais (ceux qui poussent en terre dans les campagnes, pas ceux qu'on vous sert juste sortis et égouttés d'une boite de conserve). Comme ces pois anglais, ils restent très verts et sont un plaisir pour les yeux. Evviva San Marco !

21 avril 2011

San Salvador : vues










Itinéraires : L'église San Salvador.

C'était dimanche dernier la fête des Rameaux. Belle messe au couvent des Dominicains. Longue procession sous un soleil ardent. Beaucoup d'enfants et de jeunes. Une impression de profonde sérénité. Joie d'entendre ce beau choral de Johan Sebastian Bach. La fin du Carême et le début de la La Semaine Sainte. Le rideau s'entrouvre sur la joie de Pâques. Le triduum pascal. Mais avant de fêter la résurrection du Christ, il y a le temps de la Passion. 

La tradition à Venise veut que l'on accomplisse, l'après-midi du vendredi saint une visite aux sept sépulcres. La foule des fidèles vient se recueillir devant les sépulcres éclairés par une forêt de cierges et ornés de gigantesques gerbes de fleurs dressées en forme de croix posées sur le marbre des sept églises, dans un nuage d'encens : les Frari, Sta Maria Mater Domini, S. Giovanni Crisostomo, Sto Stefano et San Barnaba. Le célèbre roman de Pasinetti, Rouge vénitien, s'ouvre sur une description de cette habitude partiellement tombée en désuétude aujourd'hui à Venise, mais encore suivie dans certaines régions d'Italie. Ce souvenir me fait penser à une église que peu de gens connaissent - bien que tout le monde passe devant sa façade aux Mercerie, à deux pas de la Piazza et qui est pourtant un des lieux de culte les plus intéressants de Venise et ce pour plusieurs raisons : l'église San Salvador (l'église du Saint Sauveur). 

Venez-donc la visiter avec TraMeZziniMag
L'église remonte au début du VII° siècle. Entièrement reconstruite au Moyen-Age, restructurée à la Renaissance, elle constitue l'exemple le plus abouti de cette période à Venise. La façade, reconstruite au XVII° siècle, est due à Bernardo Falcone. Elle remplace la façade romane à portique qui était couverte de mosaïques dont on dit qu'elle abrita le pape Alexandre III qui s'y reposa. 

L'église renferme des trésors peu vus des touristes. Les cendres de Saint Théodore, premier patron protecteur de la ville, se trouvent dans l'abside droite. Sur le maître-autel se dresse un superbe retable d'argent, ciselé par des orfèvres vénitiens en 1290, et que l'on dévoile aux fidèles à l'occasion de certaines fêtes, notamment pour le 15 août. Les quatre évangélistes entourent le donateur dont on ne sait rien, la scène de la Transfiguration est entourée de dix saints dans des petites niches, puis, dans la partie la plus abîmée, la vierge trône entre deux anges. C'est un très beau travail. Au-dessus de l'autel, la Transfiguration du Titien. Très belle œuvre réalisée en même temps que l'Annonciation, haute de quatre mètres, transcription d'une vision où l'Archange Gabriel fait sa révélation à la Vierge dans une grande nuée d'angelots. 

On trouve aussi dans l'église de très beaux monuments funéraires dont une très belle réalisation de Sansovino, (sépulture du Doge Francesco Venier). Des marbres de plusieurs couleurs en accentuent la préciosité. La tribune de la cantoria édifiée en 1530, est aussi de lui. Les statues dans les niches sont dues à des disciples du grand maître : le saint Laurent est de Jacopo Colonna et le saint Jérôme de Danese Cattaneo. Les frères Lorenzo et Girolamo Priuli (tous deux doges à l'époque de la guerre avec les turcs), les ont fait édifier en l'honneur de leur saint-patron respectif. On trouve aussi dans cette église la sépulture de Caterina Cornaro, Reine de Chypre. 

Les amateurs de musique ancienne pourront admirer à loisir le grand orgue, dû au maestro allemand Ahrend Jürgen, l'un des plus grands facteurs d'orgue contemporains qui possède à son actif la restauration comme la création de certains des plus beaux instruments de par le monde (pour la petite histoire, c'est lui qui a construit l'orgue de Taizé en 1974, à la demande de Frère Robert et de Frère Roger. Retraité depuis 2005, c'est son fils Hendrik qui a repris l'entreprise paternelle et qui a mené à bien la construction conçue par son père, en étroite collaboration avec l'actuel titulaire, Francesco Zanin. L'instrument a pris place en haut de la cantoria, tribune réservée aux musiciens et chanteurs qui a été entièrement restaurée et a ainsi dévoilé des trésors que des siècles de crasse et d'usure avaient camouflés. Il a été conçu en partant des relevés qui ont été faits sur l'ancienne caisse. Les éléments d'origine qui ont pu être conservés constituent l'encadrement du nouvel instrument. Les matériaux utilisés ont été choisis pour correspondre le mieux possible à l'esprit de l'orgue d'origine : bois de noyer, de cèdre et de sapin, tuyaux en plomb et en étain. Cela donne un ensemble de très grande qualité esthétique. "Du neuf dans de l'ancien", selon les vœux de la direction des affaires culturelles, formule qui s'applique aussi à l'impeccable insertion acoustique du nouvel instrument dans l'église.

Venise possède désormais un instrument de grande tenue qui permet d'exécuter dans des conditions qu'on peut imaginer proches du rendu originel, la vaste littérature de l'école vénitienne de la Renaissance. Pour ceux que cela intéresse, on peut voir dans la sacristie les éléments conservés de l'ancien instrument trop incomplet pour être restauré en l'état. Parmi les célèbres organistes qui furent titulaires de cet orgue, il faut citer le compositeur Francesco Usper, contemporain de Monteverdi avec qui il travailla à San Marco. La paroisse animée depuis quelques années par son curé, Don Natalino Bonazza, est très dynamique. Le site du secteur paroissial, très complet, en est la preuve. La vidéo ci-dessous en est extraite :


L'église a été fondée au VIIe siècle sur une légende : Le Christ serait apparu en songe à l'évêque Saint Magne pour lui indiquer le lieu - au centre de la future ville de Venise - où ériger une église qui Lui serait consacrée, Jésus Sauveur du monde. Au XIIe siècle, un couvent est ajouté à l'église romane qui à partir de ce moment va connaître de nombreuses modifications et ajouts. En 1506, le prieur de la communauté des Augustins, Antonio Contarini décide d'une reconstruction complète de l'édifice. Église, couvent et bâtiments adjacents sont démolis. La première tranche des travaux fut dirigée par Giorgio Spavento qui mourra en 1508 et sera remplacé par les frères Tullio et Pietro Lombardo auxquels succèdera Jacopo Sansovino. On possède des archives qui donnent avec précision l'avancée des travaux : en 1520 l'abside était achevée, en 1530 c'est au tour de la cantoria dont les récents restaurations ont permis la mise à jour de sculptures et d'inscriptions jusque là ignorées. 

En 1532, la porte latérale qui ouvre sur les Mercerie a été inaugurée et en 1534 c'est au tour du maître-autel sur lequel est posé en grande pompe la statue du Sauveur. Il fallut attendre presque 130 ans pour que la façade soit achevée ! Inaugurée en 1663, elle est l'œuvre de Giuseppe Sardi. Le campanile date du XIVe siècle mais ne fut achevé qu'à la fin du XIXe pendant l'occupation autrichienne, avec les deniers de l'archiduc Salvator d'Autriche, grand ami de Venise. A côté de l'église se dresse la Scuola di san Todoro. Un riche marchand, Jacopo Galli offrit 30.000 ducats d'or pour la réalisation de sa façade, baroquerie flamboyante qui n'est pas du meilleur effet et passa longtemps pour un exemple de la décadence architecturale de cette fin du XVIIe siècle - la querelle des anciens et des modernes faisait rage déjà - surtout quand on considère le peu de recul qu'on a pour prendre la mesure de cette pesante façade érigée d'après les dessins de Giuseppe Sardi (à qui l'on doit notamment l'église San Lazzaro dei Mendicanti, près de San Giovanni e Paolo) surmontée de statues réalisées par Bernardo Falcon


Non loin de là, en prenant la calle Lovo, on arrive au petit ponte Lovo d'où on a un point de vue superbe sur la campanile de San Marco (avis aux amateurs de photos). Ce nom est une déformation du mot lupo (loup) qui était celui d'une riche famille installée dans le quartier. On trouve d'ailleurs leur blason sur une stèle dans la nef de l'église qui marque certainement d'après l'historien vénitien Tassini, la tombe des frères Matteo, Marco et Michele Lovo

TraMeZziniMag vous recommande l'opuscule écrit en 2007 à l'occasion du 500e anniversaire de l'église qui est en vente à l'accueil et à la librairie Filippi

La chiesa di San Salvador a Venezia. 
Storia Arte Teologia, 
par Gianmario Guidarelli, 
Il Prato - Marcianum Press, Padova - Venezia 
2009, pp. 192.


15 avril 2011

La magie d'une fin de voyage. Les derniers kilomètres.


Le train a franchi la lagune, glissant sur le pont, interminables dernières minutes de voyage. Les vestiges des usines de Marghera qui brillent au soleil comme de l'acier, le parfum de l'eau, plus tout à fait celui d'un fleuve et pas encore celui de la mer. Indéfinissable senteur. Pourtant quelque chose se répand dans l'air qui appelle au large. Le train va bientôt entrer en gare et les voyageurs ont la sensation de commencer leur voyage. Un mirifique voyage dont on attend mille découvertes. Le train siffle et ralentit. C'est l'entrée en gare. Venezia-Santa-Lucia. Terminus. A la lumière pimpante des abords de la ville succèdent les sombres allées couvertes qui mènent vers le hall. Au fond de cette immense salle pavée de marbre, la lumière de nouveau. Et l'aventure, la découverte à chaque fois renouvelée de Venise et de sa magie. Snow Patrol interprète Chasing cars qui rythma les derniers mètres d'un de mes récents voyages.

14 avril 2011

Rien de bien passionnant mais le soleil brille

"She's leaving home" chantent les Beatles sur BBC Radio 2, une de mes chansons préférées. Je suis loin de Venise mais la lumière qui envahit mon bureau, ce soleil ardent d'avril, cette musique, la tasse de thé fumante avec les biscuits sablés sans lesquels mon builder's tea ne ressemble à rien, et la carte postale de mon filleul Félix où, avec son écriture un peu malhabile de petit garçon, il me raconte sa découverte de Venise (qu'il écrit joliment avec un "z"), postée de Bologne, tout pourrait être transposé là-bas. Comme à Venise, le rayon de soleil qui éclaire la table de bois ciré fait danser des milliers de petits grains de poussière, la chope bleue remplie de ce délicieux liquide couleur caramel (le builder's tea est un mélange de Ceylan, Kenya et Assam je crois, qui se boit très fort avec du lait et du sucre) est la même que celle que j'utilise quand je suis vénitien et les livres qui m'entourent ici parlent tous de la Sérénissime... Le bonheur de se pencher sur un nouveau sujet, de rechercher les informations un peu partout dans mes livres, mes dossiers, choisir les documents qui vont illustrer l'article... Le chat ronronne à côté de moi. Il est resté un long moment étendu au soleil, son pelage est brûlant. Il s'est installé sur le scanneur, histoire de me rappeler qu'il est là et que je lui dois un peu d'attention et quelques caresses. Les enfants sont en vacances. ils se sont éparpillés un peu partout, avec leurs amis, je ne les verrai pas beaucoup. Nous ne partons pas cette année. La vieille maison sur la plage restera silencieuse. Trop de choses à faire, pas assez de temps. Hélas. Nous irons peut-être pour le week-end de Pâques. Quant à Venise, ce sera en Juin ou en juillet. Un projet de documentaire sonore à travailler et la tournée des agences pour tenter de trouver enfin un nouveau lieu de vie quelque part où nous pourrons poser nos valises et nous sentir de nouveau chez nous. Dieu voulant, comme on dit chez moi. Mais il y a tellement d'autres priorités et les temps ne semblent pas vraiment propices. Billy Bragg chante "A new England" à la radio. Je sors faire un tour sur le bord de l'eau.

De Venise, les nouvelles n'apportent rien de nouveau. Le temps est couvert, la vieille dame qui servit longtemps chez mes tantes est partie en maison de retraite près de sa fille à Gorizia ; une balustre de marbre s'est détachée du pont du Rialto sur la fondamenta près du palais des Camerlingues. Ce n'est pas la première fois. Ce qui est tristement cocasse, c'est que le groupement des artisans restaurateurs vénitiens a déjà proposé de restaurer le pont gratuitement mais tout est bloqué car l'administration n'a jamais répondu aux interrogations du syndicat et de la municipalité concernant la TVA : aberration de notre époque, bien que les entreprises qui proposent les travaux n'encaisseront pas un centime, elles devront payer de la TVA... Personne n'est capable de modifier cela... Deux nouveaux commerces viennent de fermer. L'un va être transformé en appartement et l'autre sera une boutique de masques. Une de plus. La Ca'Foscari a organisé une soirée au bénéfice du Japon qui a fait venir beaucoup de monde. Les touristes arrivent par vague massive en ces derniers jours du Carême. Il y aura du monde pour Pâques. Le chat vient de changer de place. Il s'est installé entre le clavier et moi. Signe qu'il faut que je m'occupe de remplir sa gamelle. Le ciel est très bleu, il fait très doux. Encore une belle et bonne journée...

Promenade

 
Voir Venise depuis un bateau, quand le temps se fait doux et la lumière radieuse...
Crédits photographiques © Anna Cesca 

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04 avril 2011

COUPS DE CŒUR N°43

Andreas Scholl
Deutsche Barocklieder

Label Harmonia Mundi
HMG501505

Paru en 1995, ce disque est une pure merveille. Il reparait sous une nouvelle couverture, avec un livret très bien documenté et un long préambule d'Elisabeth Scholl sur le lied. La voix est celle que nous avons tous adoré dans le Stabat mater ou le Nisi Dominus de Vivaldi (même si à mon avis, l'allemand n'égale pas dans cette dernière pièce l'élégantissime James Bowman). On le sent parfaitement à l'aise dans cette musique allemande et c'est un vrai régal. Attention danger : difficile de redescendre sur terre après l'avoir écouté, même une seule fois. L'une des plus grandes découvertes musicales de ces vingt dernières années. Et le personnage est sympathique en plus. Ruez-vous chez votre disquaire si vous ne l'avez pas encore dans votre discothèque !

Christian Bobin
L'homme qui marche
Récit
Ed. Le Temps qu'il fait. 2010
ISBN
978.2.86853.233.6
"Quelque chose avant sa venue le pressent. Quelque chose après sa venue se souvient de lui. La beauté sur la terre est ce quelque chose. La beauté du visible est faite de l'invisible tremblement des atomes déplacés par son corps." Paru en 1995, le livre était épuisé. Je l'avais découvert cette année-là juste avant de partir à Venise. Le petit livre à la jolie couverture avait rejoint la provision de livres que j'amène toujours avec moi dans mes séjours vénitiens. Et c'est ainsi qu'installé à la terrasse de ce petit café que j'aime bien, sous une treille, à deux pas de la Salute, avec un délicieux Soave bien frappé, je suis rentré dans la magie du verbe de Bobin. Cet auteur que certains trouvent de bon ton de décrier, m'a toujours apporté beaucoup de plaisir et de joie, et ce avec chacun de ses livres. Nouvellement réédité, je viens de le relire : le charme est intact, certes lié au souvenir de ces moments de paix intérieure à la terrasse d'un petit café tranquille de Dorsoduro, mais bien plus encore par la magie des mots qui confirment le grand talent de l'auteur.

Fiorella Giovanni 
Un chat à Venise
Ed Art-Access. 2010
ISBN 978.2.36185.012.8
Fiorella Giovanni est à la fois écrivain et photographe. Elle enseigne l'italien et aime les chats qu'elle fait parler avec maestria dans ce petit livre sympathique. C'est l'histoire de Charles, un chat parisien. assez exceptionnel qui va découvrir Venise et en tomber amoureux. Au fil des pages, le matou distingué promène son regard sur la ville. Il dialogue avec des vénitiens et bien sûr va rencontrer d’autres chats. Il va même participer au Carnaval à San Marco. Le lecteur va ainsi par les calli, suivant ce chat peu ordinaire dans ses nombreuses pérégrinations. A la fois conte fantastique et guide culturel, ce petit livre est à la fois pour les amoureux de Venise et pour les amoureux des chats ! on le trouve facilement sur le site de la Fnac.
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Recette :
Vincigrassi 
ou Lasagne alla Marchesina
C'est une antique recette que mes amis aiment bien. Le nom bizarre proviendrait d'une déformation du nom du général Windischgratz qui commandait les troupes autrichiennes de la région avant l'indépendance. C'est un plat délicieux, facile à réaliser. Si vous faites le choix des pâtes maison, la préparation sera bien évidemment plus longue. Personnellement, par paresse, j'ai renoncé à fabriquer mes lasagnes moi-même, et j'en achète des toutes prêtes. A Venise, je connais un fabricant chez qui elles sont excellentes. Mais on trouve des feuilles de lasagnes chez les fabricants industriels. Celles de Barilla par exemple, ou celles de De Cecco, de Voiello. Toutes excellentes. Mais les meilleures à mon goût, sont les lasagnes Bio Idea d'Angelo Barbagallo, fabriquées depuis 1911 à Fiumefreddo, un petit village au pied de l'Etna. On les trouve dans toute bonne épicerie bio.

Pour 6 convives il vous faut : 350 g de bœuf haché, 350 g de ris de veau, 100 g de jambon cru, 4 belles tomates bien mûres, 150 g de parmesan, 75 g de mozzarella (de la vraie), 450 g de farine, 150 g de semoule de blé, 4 œufs frais, 50 g de saindoux, 1 gros oignon, 1 gousse d'ail, de l'huile d'olive, 150 g beurre, muscade, sel et poivre.

Faire chauffer l'huile dans une sauteuse aux parois assez hautes, ajouter le beurre et faire dorer l'oignon. Quand il a fondu (sans caraméliser), ajouter la viande hachée et le jambon coupé en dés. Faire revenir dix bonnes minutes en écrasant la viande à la fourchette. Mouiller avec un verre de vin blanc, ajouter les tomates pelées et coupées, de la noix muscade, du sel et du poivre. Couvrir et laisser mijoter environ 1 heure.

Pendant ce temps, plonger les ris de veau dans une casserole d'eau froide, porter doucement à ébullition et laisser alors frémir environ 10 minutes. Sortir les ris du feu, les rafraîchir, les égoutter, enlever les déchets éventuels et les découper en cubes. réserver au chaud.

Pour la pâte : battre les œufs dans un grand bol. Tamiser 400 g de farine dans une jatte, ajouter la semoule et le sel. Faire un puits et y mettre le saindoux découpé en petits morceaux de la taille d'une noisette. Ajouter les œufs battus et 4 cuillères à soupe de vin blanc. Travailler avec les doigts jusqu'à obtenir une pâte lisse. La rouler en boule et laisser reposer au moins 30 minutes puis mettre à chauffer de l'eau salée dans une grande casserole. Fariner un marbre ou votre plan de travail avec ce qui reste de farine, puis abaisser la pâte au rouleau à pâtisserie le plus finement possible. La découper en rectangles de 1o cm de long sur 5 cm de large environ. Plonger les lasagnes délicatement dans l'eau bouillante et laisser cuire 5 à 6 minutes, jusqu'à ce qu'elles soient al dente. Les égoutter soigneusement et les poser sur un linge humide.

Ajouter les ris de veau au ragoût et laisser mijoter environ 5 mn.

Allumer le four à 200° (th. 6). faire fondre 50 g de beurre dans une petite casserole à feu doux, et préserver au chaud découper la mozzarella en tranches fines. Enduire un plat à gratin à bords hauts avec le reste du beurre et tapisser le fond du plat avec une première couche de lasagne. Napper celle-ci de ragoût, puis saupoudrez de parmesan râpé et recouvrir de tranches de mozzarella. Répéter l'opération jusqu'à tout mettre dans le plat. Recouvrir le tout de mozzarella et de parmesan râpé.

Arroser les vincigrassi avec le beurre fondu et enfourner pendant au moins 20 mn. Les lasagne doivent dorer dessus dans prendre un couleur trop sombre. En dépit de tous les codes, on sert les lasagnes dans le plat de cuisson. Vous m'en direz des nouvelles !


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4 commentaires:
JMT a dit…
Riche idée que vous avez là d'évoquer C.Bobin, infatigable magicien des mots. Rassurez-vous, il reste beaucoup lu. Félicitations pour votre travail que je suis avec assiduité.
Anonyme a dit…
Ah la gastronomie italienne... Je ne m'en lasse pas... Connaissez-vous ces guides gratuits sur le site PartirDemain ? Il y a justement un chapitre consacré à la cuisine dans celui sur Venise : http://www.partirdemain.com/cuisine-venise.htm#food24 Bonne visite Lorenza
Enitram a dit…
J'aime vos trois coups de cœur ! Bonne journée!
Anonyme a dit…
J'en salive !!
Plein d'autres spécialités sur ce guide: http://www.partirdemain.com/cuisine-venise.htm#food24
Martin

23 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 15) : Connaissez-vous l'écrivain Boris Pahor ?

Boris Pahor vient d'être fait Commandeur des Arts et des Lettres lors d'une émouvante cérémonie à Ljubljana, dans les salons de la Résidence de France Cet homme de 97 ans est l’écrivain slovène le plus traduit et publié en France comme en Italie, sa patrie d'adoption. Né sujet autrichien à Trieste en 1913, il y vit toujours après de longues vicissitudes et de nombreux livres. Il sera demain, jeudi 24 février, à Mestre au Centre Culturel Candiani.
..
Son œuvre très riche retrace avant tout cette période douloureuse de sa vie où, entré très tôt en résistance, il fut arrêté et déporté après l'invasion nazie. En 1920 il assista à l'incendie de la maison "Narodni dom" (Maison du peuple), maison de la Culture slovène, par les fascistes. Quand les nazis prirent le contrôle de la région en 1944, il rejoignit les rangs de l 'armée de libération yougoslave. Arrêté, il fut déporté au camp de Natzweiler-Struthof, en Alsace, puis à Dachau et à Bergen-Belsen. La plupart de ses romans ont leur source dans cette épreuve. Son séjour forcé en France lui permit de parfaire sa connaissance de notre langue. Revenu à Trieste après la guerre, il s'est particulièrement investi dans des associations sociales et culturelles. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains slovènes les plus importants de son époque. Il est révélé aux lecteurs de langue française par son récit majeur Nekropola (Le Pèlerin parmi les ombres), où il narre son expérience des camps de la mort, puis par son roman Printemps difficile. Il a été candidat aux élections européennes de 2009.
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"Pèlerin parmi les hommes" (Nekropola)
est son roman le plus important. Souvent rapproché du livre de Primo Levi, "Si c'est un homme". Comme l'a dit notre Ambassadeur en Slovénie, Nicole Michelangeli : "Ce livre restera comme un témoignage littéraire majeur sur la déportation et l’horreur nazie". Dans son discours l'ambassadeur a rappelé que Boris Pahor avait été élu "Homme de l’année 2010" par le plus grand quotidien slovène Delo. L'écrivain a répondu en français pour remercier Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, de l'honneur qui lui était fait. Bien conscient que cette décoration était adressée à sa personne, l'écrivain a déclaré qu’il préférait la considérer comme un hommage fait à sa langue, la langue slovène, interdite à Trieste pendant la période du fascisme italien. Le communiqué de presse de l'Ambassade souligne : "En décorant cet ardent défenseur de la diversité linguistique et culturelle européenne, présent depuis de nombreuses années sur la liste des nobélisables, la France a ainsi rappelé son attachement à la culture et aux valeurs humanistes".
 
Cette distinction est aussi un hommage rendu à une personnalité hors du commun, ami de la France avec laquelle il entretient toujours des relations étroites. On a parlé de lui à plusieurs reprises pour le Prix Nobel. Il est demain l'invité du Centro Candiani à Mestre, profitant de sa venue pour rencontrer les jeunes des écoles et des collèges de Venise afin de témoigner de ces terribles années de plomb qu'il faut espérer ne jamais plus revoir.
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Son œuvre en grande partie traduite en français (et en Italie) a été longtemps interdite en Yougoslavie, bien que Boris Pahor soit rédacteur en chef de "Zaliv" (Golfe) une revue littéraire réputée. Suite à la publication en 1975, en collaboration avec l'écrivain Alojz Rebula, d'une biographie du poète dissident Edvard Kocbek, qui lui valut les foudres du régime. Ses œuvres furent prohibées en République de Slovénie et on lui interdit dès lors l'entrée en Yougoslavie. Par ses postures morales et esthétiques, Boris Pahor est devenu l'un des auteurs les plus importants de son pays. très lu et apprécié par la jeune génération des écrivains slovènes, comme Drago Jančar, un des plus brillants auteurs d'aujourd'hui qui le considère comme son maître. Il a été décoré de la Légion d'Honneur en 2007.

Le pélerin parmi les ombres
Roman
Coll. La petite vermillon
La Table ronde, 1990


Printemps difficile
Roman
Phébus, 1995



"C'est étrange, il me semble que les touristes qui regagnent leurs véhicules m'observent comme si, soudain, une veste rayée recouvrait mes épaules, comme si mes galoches écrasaient encore les cailloux du chemin. Car si nous ne savons pas comment s'établit en nous le contact entre passé et présent, il n'en est pas moins vrai qu'un fluide imperceptible et puissant nous traverse parfois et que la proximité de cette atmosphère inhabituelle, insolite, fait tressaillir les autres comme une barque sur une vague soudaine. Il est peut-être resté sur moi quelque chose des jours d'autrefois. J'essaie de me concentrer sur cette idée en marchant bien que je sois gêné parce que mon pas est tellement plus souple avec mes sandales légères qu'avec mes chaussures de toile à grosses semelles de bois..." [...] "Quoi qu'il en soit, nous sommes semblables en cela aux Juifs et aux Tsiganes; comme ces deux peuples, le nôtre (slovène) a, durant toute l'histoire, résisté à l'assimilation."
(Le pèlerin parmi les ombres)

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2 commentaires:

Nathalie a dit…

Grande lectrice de Primo Levi, je ne connais pas, en revanche, Boris Pahor. Merci Lorenzo, de corriger ce qui, à la lecture de votre article, apparait comme une véritable lacune. Je compte bien le lire à la première occasion.

Virginie Lou-Nony a dit…

Moi non plus, honte sur moi, je ne connaissais pas. Dès demain à la médiathèque! Merci Lorenzo

02 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 14) :Un coup de foudre partagé : Agnès Obel

Un ami vénitien me faisait découvrir il y a quelques semaines via Facebook, la merveilleuse musicienne danoise Agnès Obel. Elle n'a pas trente ans, connait la musique (elle est pianiste de formation), une voix qu'on croit tout d'abord façonnée sur le mode de toutes ces jeunes chanteuses anglo-saxonnes actuelles un peu jazzy, à la mélancolie un peu rétro. Mais dès les premières secondes, quelque chose se passe qui nous titille l'oreille et remplit le cœur d'une agréable sensation. Agnès Obel est danoise, elle est belle, totalement musicienne, intelligente et sa musique est à son image. Je venais de télécharger plusieurs vidéos afin de choisir celle que je voulais présenter aux lecteurs de Tramezzinimag, quand le facteur m'a apporté Télérama... En couverture le visage délicieux de la chanteuse, avec des yeux bleus à se damner et un titre bien gênant pour votre serviteur : «La chanteuse Agnès Obel, Coup de foudre». Inutile de me lancer dans des commentaires sur la musique et sur la dame en question. Écoutez-là chanter et si vous en avez l'occasion, lisez l'excellent article qui lui est consacré par Hugo Cassavetti que je salue au passage que vous connaissez certainement (in-les Enfants du Rock) et qui tient aussi une chronique dans l'émission de Bernard Lenoir sur France Inter). Elle est bientôt en tournée en France.