01 janvier 2012

Vivere a Venezia per secoli dei secoli*...


Les vénitiens et les amoureux de Venise sont mobilisés depuis des années pour éviter que leur ville ne disparaisse ou - et ce serait peut-être pire - ne devienne un simulacre, triste et mélancolique, d'elle-même. C'est pourquoi toutes les initiatives doivent être saluées avec enthousiasme. C'est de résistance dont il s'agit. D'indignation aussi, puisque le mot est fort heureusement à la mode. Mais c'est aussi une affaire d'éducation. Il y a des années, aux alentours de l'effervescence soixante-huitarde, les occitans, les basques et les bretons décidèrent de prendre en main la sauvegarde de leur patrimoine culturel en apprenant aux enfants la langue de leur païs. Dans la Venise actuelle, parents, enseignants, associations, s'organisent pour inculquer aux nouvelles générations l'amour de la Sérénissime, de ses traditions les plus authentiques et, vecteur fondamental qui soutient tout, de leur langue. Tous la parlent, à tous les niveaux de l'échelle sociale, et c'est bien.
Tout est question d'amour, en fait : la continuité ou non de ce mode de vie particulier et singulier qui a jusqu'ici distingué et caractérisé Venise. Sans ses rites et son organisation, même une fois sa survie physique assurée, son économie prospère et florissante comme jamais auparavant, la Sérénissime ne serait plus la splendide cité que nous connaissons. Tous ceux qui l'aiment la désirent vivante et non pas muséifiée. Fiers de leur histoire, conscients de la valeur et de la rareté de leur patrimoine, de plus en plus de jeunes vénitiens revendiquent leur appartenance à une communauté historique mais bien vivante, ancrée dans le monde moderne tout en demeurant fidèle à ce qu'elle est vraiment.
Il nous faut donc espérer que les louables efforts de tous prévalent - et ce n'est hélas pas encore gagné - sur les séduisantes sirènes de la modernité aseptisée, qui ont déjà causé à Venise bien de trop nombreux dégâts. Comme le soulignait un de mes vieux amis de San Alvise : "tant que les jeunes préfèreront tramezzini, polpette et birrino aux hamburgers et coca-cola, tout n'est pas encore perdu !" Qu'en ce début d'année, le ciel l'entende !


(*) - Vivre à Venise pour les siècles des siècles.Peinture de Henderson

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7 commentaires:

Anonyme a dit…
Tout n'est pas encore perdu ? Faisons que le ciel l'entende, mais ne rêvons pas... Tout est perdu à Venise.

Lorenzo a dit…
A suivre mon lecteur anonyme, tout est perdu pour la civilisation, la culture et donc la liberté... Quel pessimisme lecteur ! Pour ma part je me refuse à croire à cette fin proche. la bêtise des hommes certes est grande, l'appât du gain, l'amour et la fascination pour l'argent de plus en plus répandus et transformés en religion... Mais le goût du beau, la soif d'authenticité, l'amour tout simplement, ont de tout temps emporté sur la bêtise et les esprits étroits ! Ne renonçons pas ! Si Venise s'effondre, l'humanité suivra. Cela ne se peut. au nom de nos enfants et des enfants qu'ils auront !
Lorenzo a dit…
Et pour compléter ma pensée et faire un peu d'explication de texte, je vous renvoie, lecteur anonyme, à ce mien billet de novembre 2009 : http://tramezzinimag.blogspot.com/2009/11/question-de-choix.html
Veneziamia a dit…
Quelle expérience négative a bien pu vivre cet auteur "Anonyme" pour distiller une telle vue pessimiste ? Il est vrai que les forces de l'argent sont actuellement puissantes partout et Venise n'y échappe pas. Mais, bien que fragile, Venise est dans le cœur de ceux qui l'aiment et ils sont suffisamment nombreux et conscients pour ne pas laisser périr une telle merveille. Gardons espoir et comme vous le dites si bien, Lorenzo "Mais le goût du beau, la soif d'authenticité, l'amour tout simplement, ont de tout temps emporté sur la bêtise et les esprits étroits". A chacun de choisir son chemin ! Françoise
Anonyme a dit…
Sur un cahier reçu pour Noël, ces mots : "Dans veines, il y a Venise" ; j'ajouterai : "Venise est dans nos veines". Et tant que cette sève coulera, rien ne mourra. Mes petits enfants apprennent le breton et je connais bien des enfants qui parlent le vénitien. Et comme le disait si bien Lavoisier : "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme." Faisons confiance à la nouvelle génération. Bonne année 2012 pleine de séjours vénitiens (pour ma part, dans 2 semaines).  Gabriella
Antoine Lalanne Desmet a dit…
Article très juste. Un reportage radiophonique brillant diffusé dans sur les Docks l'année dernière qui illustre à merveille votre propos. http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-10-11-le-basque-une-langue-dans-la-course-%E2%80%93-ttipi-ttapa-ko-rri-ka-2011-07-13
Association L.76 a dit…
Agur Jaouna ! La Korrika, un super évènement, festif et émouvant qui mobilise tout le Pays Basque !

Bonne Année 2012 !


Bonne Année 2012
à tous les Lecteurs et Amis Fidèles
de TraMezziniMag

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7 commentaires:

J@M a dit…
Buon 2012 !
Lorenzo a dit…
Grazie mille !
Nathanaëlle a dit…
Très belle et douce année à vous et mille mercis pour ce passionnant blog.
Les Idées Heureuses a dit…
Meilleurs Vœux Lorenzo pour cette nouvelle année qui risque de nous faire trembler.... Souhaitons espérance et sérénité, cultivons la Connaissance afin de maintenir et de construire un monde en pleine mutation. Que la passion de Venessia, pour notre part, nous aide à tenir le cap! Martine de Sclos
Condorcet a dit…
Tanti Auguri, Lorenzo !
Gérard a dit…
Bonne année 2012 à ce journal merveilleux . S'il en sort de l'acier rouge , c'est qu'il y a des mains d'or . Tous mes voeux , pour tout !
Tietie007 a dit…
Venise se vide de ses habitants ...C'est triste.

31 décembre 2011

Le royaume de France en gloire résonne encore à la Madonna dell'Orto

La belle église de la Madonna dell'Orto, sur le joli campo qui porte son nom est surtout connue pour abriter, dans la chapelle à droite du chœur, la dépouille du Tintoret et de deux de ses enfants, Marietta, la fille adorée, morte en couche et Domenico. Tous deux peintres et musiciens.  

L'édifice un peu en retrait, situé dans un quartier pittoresque sans rien de somptueux est pratiquement le seul monument des environs et n'en impose pas. Datant d'une époque où Venise dominait une partie du monde, ou du moins des mers du monde, elle devrait être chère au cœur des français. En effet, ce fut jusqu'à la chute de la République, la paroisse de l'ambassade de France. Les bancs d'honneur réservés au ministre du roi que l'on drapait selon l'usage à Venise de somptueuses parures de soie damassée de lys d'or étaient lors des offices un peu des bribes du royaume. 

Ce temple (comme d'ailleurs San Giobbe où est enterré un ambassadeur de Louis XIV, voir le billet s'y référant ICI) a vu de nombreuses cérémonies organisées pour fêter les évènements importants de la monarchie : naissances et mariages princiers, décès de nos rois, leurs couronnements, tout donnait matière à des messes ou des Te Deum (dont un qui fut composé par Vivaldi et dont on n'a pas retrouvé à ce jour la partition). Les ambassadeurs, au nom du roi, commandaient aux plus grands musiciens des œuvres spécialement pour ces moments où la France devait célébrer sa grandeur et montrer à Venise son importance. Longtemps ces manifestations ostentatoires furent des actes de politique. Avec la perte d'influence internationale de Venise, les évènements se réduisirent peu à peu. Les visites princières officielles, dûment mandatées par le roi cessèrent et seul le train de vie de l'ambassadeur et la somptuosité de ses réceptions rappelèrent la puissance et la grandeur du royaume. 

Un jour sombre de 1797, le général Buonaparte, mal mis comme à son habitude, ses cheveux noirs sales et décoiffés, suivi de toute une cohorte de va-nu-pieds devenus par leur bravoure de brillants officiers, tout aussi dépenaillés que leur chef, vinrent visiter l'église. Une messe y était dite, organisée par les français de Venise et les amis de la France, pour célébrer la grandeur retrouvée de la France et sa victoire contre le despotisme autrichien. Buonaparte pas plus que ses officiers n'étaient croyants, pourtant leur éducation, la tradition chrétienne qui dominait la pensée et les actions des hommes de cette époque, les fit s'agenouiller là-même où des rois et des princes s'agenouillèrent. A peine modifiés, les mots employés dans le rituel, priaient pour la république et ses héros là où elle priait peu avant encore pour la santé et la longue vie du roi. 

On m'a raconté qu'un jeune séminariste dont le père était employé aux écritures à l'ambassade, pria à haute voix pour l'infortuné Louis XVI mort quatre ans plus tôt... Le jeune chef de l'Armée d'Italie ne broncha pas. La révolution, sûre d'elle ne craignait plus la dissidence ni l'ombre du roi assassiné. Après cette ultime grande cérémonie où tous les ors et les parures que possédait l'ambassade furent déployés pour la dernière fois, la Madonna dell'Orto redevint une simple paroisse de quartier. La somptueuse ambassade du palazzo Surian-Bellotto sur la Fondamenta di Cannaregio, aux Tre Archi, dont les jardins s'étendaient jusqu'à la lagune, et où furent organisés de mémorables soirées musicales perdit faste et utilités. Après le passage du corse, Vnise allait devenir une bourgade colonisée par et nul besoin désormais d'une ambassade... Son histoire mériterait un billet spécial. A suivre donc. 

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Petits riens...

L'année bientôt va s'achever. Plus que quelques heures et nous découvrirons une nouvelle année. Le ciel est gris. Il fait froid. Mais nulle tristesse ne semble vouloir se répandre dans l'air en ce jour tranquille. Gérard Jarry et l'Orchestre de chambre Jean-François Paillard illumine la maison avec les concerti pour violon de Bach. Le chat ronronne près du feu. Dehors, le marché bat son plein. pourtant peu de bruits nous parviennent protégé que nous sommes du froid et des rumeurs de la ville par les fenêtres closes. Sur la table de la cuisine la pâte pour les shortbreads repose. Il y aura aussi des petits gâteaux au chocolat, crémeux et fondants. Ma tasse de thé fume à côté de moi. Il fait bon. Un de ces petits moments de bonheur simple comme je les aime, où rien d'extraordinaire ne se passe. Où rien ne se passe en fait. L'odeur des jacinthes, l'ambre sur les radiateurs, et bientôt le délicieux fumet des gâteaux qui vont cuire... Ces petits riens qui font ricaner les esprits supérieurs toujours trop occupés de grandes choses. 

C'est toujours dans ces moments-là que j'aime prendre mes carnets et noter. Souvenirs, idées, recettes, bribes de conversations partagées ou volées en passant. Je faisais ce matin une liste. Celle des choses à faire en 2012. Traditionnelles résolutions qu'on parvient rarement à tenir ? Plutôt une série de tout ce que j'ai envie de faire ou que je dois faire. Il y a notamment l'idée d'un petit livre de cuisine, des textes à peaufiner pour parler de Venise aux enfants. 

Car Venise sied bien aux enfants. L'esprit d'enfance, voilà le seul bagage indispensable pour découvrir Venise ou la savoir bien connaître. Les enfants savent d'instinct ce qui est important. Ils reconnaissent instantanément ce qui compte vraiment. Leur art spontané du temps perdu, leur capacité d'émerveillement, ces yeux neufs qu'aucun a-priori ne vient encore voiler... Avec les chats, ils sont les vrais princes de Venise. 

Leur consacrer un livre qu'illustrerait des images anciennes et des photographies d'aujourd'hui. Ci penso... Les shorbreads sont dans le four. Je les ai fait en forme de bâtonnets piqués de trou. J'ai découvert sur un site gourmand un tampon qui permet de marquer les biscuits du label fait maison. Envie soudaine d'avoir le même. Commande passée sur Amazon

Un de ces objets peu coûteux qui ajoutent au quotidien une once de plaisir supplémentaire. Le ciel est blanc. Comme s'il contenait des flocons de neige prêts à tomber et à embellir la ville. Hélas, ce ne sera que de la pluie, fine et glacée. Trop tôt encore pour la neige. En février certainement. Deux moineaux picorent les miettes déposées sur le rebord d'une des fenêtres du salon. Les violons de Bach s'harmonisent à merveille avec l'atmosphère de ce samedi matin... Dans quelques heures nous découvrirons 2012. Bonne journée à tous. 
Recette des shortbreads 
C'est tout simple, et tout est en fait dans la qualité des produits utilisés et dans la lenteur de la cuisson (trente minutes à 150°). Pour la forme, vous avez le choix : soit des bâtonnets - les "fingers" anglais - piqués à la fourchette, soit en rond à l'emporte-pièce (6cm environ), soit en grand, genre fonds de tarte, marqué en portion et piqué avant la cuisson). Autre truc pour bien les réussir : mettre les biscuits au frais avant de les enfourner. 

Il vous faut 100 g de sucre en poudre, 200 g de beurre demi-sel et 300 g de farine tamisée. Si vous n'avez pas de beurre salé, prévoir une 1/2 cuillère à café de sel fin à rajouter à votre mélange. C'est plus long à la main mais cela donne un très bon résultat et c'est bon pour les muscles des bras et des mains ! 

Mélanger le beurre ramolli (mais pas fondu !), le sucre et la farine jusqu'à l'obtention d'une belle pâte moelleuse et compacte. Préparer une feuille de papier à cuisson sur la quelle vous étalerez les biscuits de la forme que vous souhaitez, la tradition les voulant ronds et lisses ou en bâtonnets piqués à la fourchette. Mettre l'appareil ainsi préparé au frais puis mettre au four (150°) pendant 30 minutes environ. Ils doivent rester clairs. a déguster avec un bon thé anglais (mon préféré reste le mélange de thés d'Assam de l'Irish breakfast appelé aussi "Builder's tea" . mais un verre de bon lait frais ou chaud se mariera bien aussi avec ces merveilleux petits sablés écossais. 

Photo ci-dessus extraite de l'excellent blog Sucrissime 

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L'enfant et les pigeons







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28 décembre 2011

Luigi Nono au conservatoire de Venise

Fascinante oeuvre pour flûte, petit chœur et live electronics, du compositeur vénitien, sur des textes de Rainer Maria Rilke et des hymnes orphiques réunis par Massimo Cacciari créée à Florence le 30 mai 1981. En exergue de cette composition, Luigi Nono cite ce passage de L'Homme sans Qualité de Robert Musil : « S'il y a un sens du réel, il doit y avoir aussi un sens du possible. C'est la réalité qui éveille les possibilités... Néanmoins, dans l'ensemble et en moyenne, ce seront toujours les mêmes possibilités qui se répéteront, jusqu'à ce que vienne un homme pour qui une chose réelle n'a pas plus d'importance qu'une chose pensée. C'est celui-là qui, pour la première fois, donne aux possibilités nouvelles leur sens et leur destination, c'est celui-là qui les éveille. »  

Les Brèves

Bonne nouvelle pour nos amis belges : 
Vol quotidien low-cost Bruxelles-Venise 
La compagnie aérienne Air One a annoncé la prochaine ouverture (prévue le 4 mai prochain) d'une base à Venise, sa troisième en Italie après Milan et Pise. A la clé le lancement de onze nouvelles liaisons. La filiale low cost d’Alitalia va ainsi baser deux Airbus A320 sur l’aéroport de Venise -Marco Polo, et y lancera ses quatre premières routes. Bruxelles sera desservie quotidiennement avec un départ de Venise à 7h50 et un retour de Belgique à 10h25. ligne créée pour concurrencer la compagnie Brussels Airlines. Air One desservira aussi Barcelone chaque jour. Venise sera également reliée à Prague et à Tirana. Enfin, dès le 15 juin 2012, la low cost lancera d'autres lignes : Athènes, Bucarest, Istanbul, Sofia et Varsovie. Venise sera ensuite reliée à Mahon dans l’île de Minorque et Palma de Majorque, faisant de l'aéroport de Venise une véritable plate-forme européenne. Cela voudra dire encore plus de visiteurs sur la lagune, mais permettra aussi à l'aéroport Marco Polo de devenir une place de transit ce qui présente de nombreux avantages. A noter que la France n'est pas desservie par cette compagnie. . 

La saint Sylvestre 2012 
sous haute surveillance à Venise 
La mode est au sécuritaire même à Venise. Cette année, prévoyant que le traditionnel Love kiss de minuit au pîed du campanile de San Marco animé par la charmante Betty Senatore, attirera du monde, le Commandant Marini, chef de la police municipale a pris des mesures draconiennes. Les habitants sont prévenus que la circulation pédestre pourra être déviée si besoin et que certains axes seront à sens unique. En cas d'une affluence trop massive de véhicules, le stationnement sera interdit Piazzale Roma et les automobilistes déviés vers le Tronchetto. Cela ne devrait pas décourager les 100.000 personnes attendues sur la piazza où sont prévues cette année encore de nombreuses attractions : concerts, théâtre, bal avec le célèbre DJ vénitien Maci, et brindisi avec le Bellini dans sa fameuse bouteille rose et argent de la société Canella, en attendant le compte à rebours et le feu d'artifice sur le Bacino di san Marco. Bonne soirée à tous ceux qui se rendront sur la piazza le 31 décembre ! . 

Vous aimerez peut-être: Venise au quotidien Bucolique et tranquille, le printemps fait le reste. Qui Le vol d'Isard  

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27 décembre 2011

Concert de Noël : le Gloria de Vivaldi

Ceux qui ont lu mon livre où sont fidèles à mon blog savent combien le Gloria de Vivaldi est une de mes musiques favorites liées depuis plus de trente ans maintenant à ma vie vénitienne. C'est avec le Magnificat, le morceau qui m'accompagnait le plus souvent dans mes promenades nocturnes à travers la ville, c'est aussi ce que j'écoutais quand je travaillais à la bibliothèque de la Querini-Stampalia. Les trompettes du Gloria ont souvent résonné sous les voûtes de la galerie de Bobbo ferruzzi à San Vio... Voici une vidéo d'un concert de Noël donné en 2008 à Pescara, par le choeur et l'orchestre de l'Université Gabriele D'Annunzio de Chieti. Joyeuses Fêtes de Noël a tutti ! 



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Ombre et lumière : Ponte dei Pugni, San Barnabà.



© Giuseppe Crimi, 2011 - Tous Droits Réservés.

15 novembre 2011

L'abat-jour était rose. Récit. (Work in Progress)

,,Il ne voulait pas être là. Tout en lui l'avait poussé à renoncer. Le temps qui venait de se mettre au froid, la lumière qui baissait et la nuit qui trop vite recouvrait tout d'un manteau de mystère. Encore un pont, puis la fondamenta, le passage étroit avec la jolie figure de la vierge dans son petit autel toujours fleuri. Il avançait machinalement, serrant nerveusement les poings dans ses poches. Il aurait dû mettre un autre pull. Il marchait en regardant ses pieds. Peu de monde dans les rues. Le silence de Venise soudain lui pesait. Pourquoi accepter ce rendez-vous ? Il savait bien que la silhouette jaune qui irradiait les couloirs du musée quand il l'avait vu pour la première fois, son rire chatoyant, la blancheur de ses dents, rien jamais plus d'elle ne pourrait être à lui. Il y a longtemps... Elle s'était abandonnée, prête et soumise à leur destin. D'un geste il avait balayé toutes les promesses de bonheur qui soudain s'offraient à lui. Trop imprégné encore de chimères bien trop lourdes pour son jeune cœur, il resta fermé à tout ce qu'elle s'apprêtait à représenter pour lui. L'autre, devenant chaque jour une vision un peu floue, attendait quelque part, loin d'ici. Il s'en persuadait, désirant avec force qu'il n'en soit rien. Il croyait être pur et agir comme un saint en ne cédant pas à celle qui déjà lui cédait. Peut-être préférait-il souffrir ? 
,,Elle était revenue. Son rire à l'autre bout du fil avait ranimé en un instant mille sensations qu'il croyait oubliées : - 19 heures 30, au Vapore. Les abats-jours sont-ils toujours aussi délicieusement roses ? Sois-bien à l'heure. Je t'embrasse. Le petit accent traînant, les roulades qu'il ne pouvait plus entendre depuis sa rencontre avec Luisa, sans voir sa chevelure brune, ses yeux verts, sa peau délicate et tremblante, tout resurgit et le troubla comme avant. Quel était ce mystère qui le renvoyait en quelques secondes à une vie qu'il croyait disparue, comme un rêve envolé ? Deux jours étaient passés. Maintenant, il fallait se décider. Luisa serait au restaurant, dans la petite salle du fond, près des grands miroirs. Sur la table damassée, la lampe avec l'abat-jour un peu mièvre répandrait sur son visage une douce lumière. 

,,Quelques années plus tôt, au même endroit, ils avaient prononcé la même phrase, avec la même intensité et le même désir. Son "que tu es belle" avait résonné en même temps que son joli "qué tou es beau". Il avaient ri tellement fort que tout le monde un court instant avait cessé de parler. La soirée fut merveilleuse. Elle le suivit chez lui. Quand elle s'étendit sur le lit étroit, il pensa à l'autre, l'élue, celle qui l'attendait dans sa vie d'avant. Il prit la main de Luisa, l'embrassa avec fougue puis, hésitant, les yeux dans le vague, il se détacha d'elle et lui proposa de la raccompagner à son hôtel. Elle eut un sourire incroyablement bon. Elle se leva. Il crut apercevoir dans l'ombre de la chambre mal éclairée, une larme sur son visage qu'elle essuya du revers de la main. Discrètement... Ils marchèrent main dans la main jusqu'au petit hôtel, près du traghetto. Elle devait partir pour Malaga le lendemain... Il ne la revit plus. Les années passèrent. Leurs vies... 

,,Et ce soir, elle était revenue. Enfin. Hélas. Qu'allaient-ils se dire ? Qu'avaient-ils à se dire ? Il ne voulait pas être là. Le quartier lui semblait laid. La ville, le ciel bas, le froid, il avait tout en horreur. Pourtant, il poussa la porte du restaurant, accueilli par Carlo, le serveur, qui ne semblait pas surpris de le voir surgir là après tant d'années : - La signorina vous attend, Monsieur, la table sous le miroir. Celle qui a l'abat-jour rose...


Work in Progress : 
Inédit extrait d'un récit à paraître, 
déjà initié sur Tramezzinimag en 2009. 

01 octobre 2011

Le Spanglish sandwich (Keller sandwich)

Les pauvres malheureux pour qui le sandwich s'arrête au simple jambon-beurre ou au pâté-cornichon n'ont pas idée des merveilles gastronomiques, époustouflantes trouvailles pour les papilles qu'on trouve autour de la planète ! Il y a tout d'abord les tramezzini - Tramezzinimag, vous le savez, se veut depuis 2005 l'infatigable zélateur de cette merveilleuse invention ; Il y a le Club Sandwich dont la version la plus aboutie est celle d'Arrigo Cipriani, toujours servi au Harry's bar et au Harry's Dolce...

Et puis, il y a tous ceux que d'émérites chefs inventent. Le spanglish sandwich est un des plus grands. On lui donne le plus souvent ce nom car sa préparation figure dans une scène mémorable du film de James L. Brooks, Spanglish, sorti en 2005 avec Adam Sandler, la ravissante Tea Leoni et la non moins superbe Paz Vega
 
Peut-être certains d'entre vous s'en souviennent. cette comédie typiquement américaine raconte l'histoire d'une jeune femme mexicaine qui s'installe à Los Angeles avec sa fille et qui rentre au service d'une famille américaine dont le mari est un célèbre restaurateur. Dans une scène mémorable du film, le personnage principal revenant de son service au restaurant, se prépare avec amour ce fameux sandwich. Rien que de le voir à l'écran donne faim ! Il a en fait été créé par un célèbre Chef californien (mais oui, il y en a), un certain Thomas Keller, ancien de chez Taillevent. Reconnu aujourd'hui comme un des meilleurs cuisiniers du monde, il officie depuis 1994 au French Laundry, l'un des plus fameux restaurants de la Napa valley,
 
Les ingrédients (pour une personne) : 3 ou 4 tranches de bacon / 2 tranches de Monterey Jack (fromage californien créé par les franciscains au début du XVIIIe et qui ressemble un peu au cheddar blanc très frais) / 2 tranches de pain de campagne ou 2 tranches de pain de mie anglais complet / 1 cuillère à soupe de mayonnaise / 4 tranches de tomates bien mûres / 2 feuilles de laitue / beurre / 1 œuf frais.

3 commentaires: (Archives Google)

ytaba36 a dit…
Ho fame!
Yvonne
Michelaise a dit…
Thierry Marx, du temps où il était encore "par chez nous" avait accepté de parrainer une formation avec pôle emploi (qui ne s'appelait pas encore ainsi !) pour de la cuisine rapide de qualité !! De jeunes bordelais avaient ainsi acquis une qualification en suivant un cursus de 6 mois je crois et avaient appris à faire du "à consommer rapide" mais original, attrayant etc... j'avais trouvé l'idée sympa
Lorenzo a dit…
Effectivement. Il serait intéressant de savoir ce qu'ils sont devenus et ce qu'ils en ont retiré. Quant à la cuisine moléculaire... je trouve l'idée moins sympa, mais je dois tourner au vieux machin réactionnaire...

24 septembre 2011

L'union entre l'eau et l'écriture

Souvent celui qui écrit sur Venise et qui en a fait sa patrie d'élection - ils sont nombreux - n'est lié à cette ville que par la nécessité vitale et littéraire de se "réfléchir" en elle. Cette analogie, si gratuite puisse-t-elle paraître, n'en est pas moins fondatrice : elle est l'anneau qui scelle l'union entre l'eau et l'écriture, et qui relie Venise à la quête biographique et artistique. (Noté d'après un texte de Nicoletta Salomon à propos d'Ezra Pound).

2 commentaires:

ladivinecomédie a dit…
Il est magnifique ce coucher de soleil entre le squero san trovaso et les Zattere !
Avez-vous déjà envoyé votre recueil de textes aux souscripteurs ?

Anonyme a dit…
Nous avons quitté la petite terrasse sur le toit de la maison à droite le 23 septembre ! cette photo est magnifique et je viens de réserver un séjour en février dans cette même maison avant de venir "visiter" TraMeZziniMag, quel bel hasard.

23 septembre 2011

Echauffourée entre les manifestants anti fascistes et la police à Venise


La manifestation organisée par les élus municipaux du groupe des Centri sociali (regroupant divers mouvements de gauche) pour dénoncer les dérives fascisantes, racistes et sinistres de la Ligue du Nord de Bosi, s'est transformée en une véritable rixe avec plusieurs blessés, dont le conseiller municipal Bepe Caccia, et des policiers. Les manifestants, après avoir bloqué les arrivées des trains à Santa Lucia, se sont heurtés aux force de l'ordre qui barraient les marches du pont des Scalzi, près de la gare, Très vite il y a eu des échanges de coups, des grenades lacrymogènes ont explosé au milieu du cortège formé de près de 500 personnes, essentiellement des jeunes, étudiants, militants écologistes ou contre le racisme. Tout avait pourtant commencé padaniens. Puis tout a basculé. 

Venise n'avait pas vu cela depuis de nombreuses années. La tension qui s'est mise soudain à régner, montre bien le degré d'exaspération de la population face à la montée de la xénophobie et du racisme de la ligue, devant la gabegie ultra-libérale de l'arrogant Berlusconi et de l'absence d'une alternative solide et d'homme d'état courageux et probes. Décidément, comment ne pas penser que nos sociétés arrivent à un point de non retour et qu'il va bien falloir avoir le courage de tourner la page, quant on voit que même dans la paisible Venise, le peuple gronde de plus en plus fort...
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ytaba36 a dit…
That is not a scene I expected to see enacted in Venice!

Lorenzo a dit…
it's unfortunately the same everywhere in the world.
douille a dit…
C'est au moins la preuve que tout n'est pas perdu pour Venise...

Les hordes ne sont pas responsables

Mon amie Claire, qui séjourne à Venise comme elle le fait plusieurs fois dans l'année pour ses affaires, vient de m'adresser un texto pour le moins inhabituel. D'ordinaire mesurée, elle a rarement un mot plus haut que l'autre et le respect qu'elle manifeste en toutes circonstances pour les autres, est bien connu de son entourage. Pourtant, cette fois, ses mots expriment un désarroi qu'hélas nous sommes nombreux aujourd'hui à partager : "Je suis écœurée par cette marée de touristes déversée chaque jour par d'énormes navires. Impossible de reconnaître la Venise des années 70-80 que nous avons connu et où il faisait si bon vivre." Inquiète de virer à la vieille ronchon, elle me dit son bonheur de se réfugier à Murano où ses activités l'appellent. La foule y est moins dense et moins longtemps.

Bien sur ces hordes de touristes sont faites d'individus qui ont comme nous tous le droit de venir admirer les beautés incroyables de la Sérénissime ; et il faut se réjouir bien sur de la démocratisation des voyages. Nous ne pouvons qu'apprécier les facilités d'aujourd'hui qui permettent de visiter le monde à peu de frais. Mais Venise est en train de sombrer sous ce flot ininterrompu de visiteurs. 21 millions de personnes qui envahissent chaque année des lieux rendus fragiles par le temps, la pollution et où ne vivent plus qu'un peu plus de 50.000 habitants... Le mal est sans issue. On ne peut interdire le tourisme, il est impossible de réguler ces flux à la croissance exponentielle et les pires conclusions apparaissent ça et là dans les rapports officiels. La récente initiative de Venessia.com qui organisa avec un humour grinçant l'inauguration de Veniceland, vaste parc d'attractions sur le modèle de Dysneyland. On n'avait jamais été aussi près de la réalité qui semble attendre Venise et les vénitiens et le cauchemar revient souvent qui montre un vénitien - le dernier - ouvrir le matin et fermer le soir les portes de la cité-lunapark... 
 
Les élus planchent depuis trente ans maintenant sur les moyens de sauver la ville et ses habitants. Toutes tendances politiques confondues, personne à ce jour n'a trouvé la solution : taxe de séjour, numerus clausus quotidien, nouveaux itinéraires, blocage des autorisations d'ouverture de commerces touristiques et de création de nouveaux hébergements... Rien n'y fait. Les vénitiens continuent de fuir le centre historique pour les banlieues modernes et équipées, les commerces de proximité disparaissent les uns après les autres, les écoles et les dispensaires ferment leurs portes. A chacun de nos séjours, nous constatons la disparition d'un commerce, l'ouverture d'une boutique ou d'un bar à touristes, des immeubles entiers sont vides et il y a moins de linge aux fenêtres, moins d'enfants sur les campi à la sortie des écoles et dans les églises, les rares paroissiens s'excusent presque d'occuper les lieux pour rendre grâce au Seigneur empêchant ainsi les visites...

Pourtant la magie des lieux reste entière, fascinante qui suffoque à chaque fois comme à la première fois. Mais combien de temps encore pourrons-nous profiter tous autant que nous sommes, de ce trésor unique ? Pourtant la Venise vivante est toujours là, à quelques pas de la foule. En faisant l'effort de sortir des circuits touristiques, on se retrouve assez vite dans des lieux paisibles où le bruit de la foule n'est plus que lointaine rumeur. Mais si ces lieux sont tranquilles, ils sont aussi de plus en plus dénués de vie : tel marchand de fruits et légumes qui se dressait sur cette petite place, a disparu. Plus loin, la petite école maternelle a fermé ses portes, là le droguiste qui vendait aussi des bonbons est remplacé par un cyber-point... Le progrès, l'évolution des choses et des esprits me dira-t-on...

Certes, il faut aller avec son temps et aucune civilisation n'est immortelle. Les plus belles créations humaines meurent toutes un jour, mais l'agonie de Venise dont nous sommes les témoins est douloureuse pour ceux qui l'aiment avec passion. A ce point de notre raisonnement, tout est question d'état d'esprit et de mentalité. Il y a ceux qui ont décidé de serrer les poings et de ne voir que ce qu'ils aiment voir à Venise, les reflets, la lumière, les milliers de sollicitations esthétiques qui semblent échapper aux outrages du temps. Ils vont à travers la ville, le visage marqué d'un sourire béat et les yeux tout imbibés d'émotion. Ils vibrent au même rythme que l'histoire de la ville. La foule ne les encombre pas, ces bienheureux ne la voient pas. Ils passent (le plus souvent possible) quelques jours au milieu de l'histoire, de la beauté et du calme. 
 
Venise est pour eux comme une princesse assoupie qui bouge juste assez encore pour les accueillir et ils en sont chaque fois très émus. Il y en a d'autres qui évoluent aussi dans les méandres de la ville, fascinés eux aussi mais indifférents à la foule qu'ils y ont toujours connu. Ils ont souvent la chance d'être propriétaires et peu à peu, ils ont l'illusion de devenir vénitiens, comme les vacanciers du Cap Ferret se sentent arcachonnais ou ceux de l'ïle de Ré se pensent rétais... N'avoir que quelques fournisseurs attitrés pour remplir leur frigo ne les surprend pas, ils vont au restaurant. ils ignorent les centaines de boutiques qui existaient là auparavant et la foule très dense de vénitiens qu'on croisait avant les matins au marché, vaut pour eux celle qui joue les figurants désormais... Leur béatitude masque les problèmes mais eux au moins - dans leur grande majorité - respectent la ville et son art de vivre. Ils seront peut-être un jour, et nous avec eux, les ultimes habitants de Venise sans jamais avoir été réellement vénitiens...

4 commentaires:

Condorcet a dit…
Ce que j'ai vu cette année de Venise m'inquiète beaucoup : la hausse exponentielle des hébergements touristiques n'a d'égale que la marchandisation sans cesse plus accrue des activités.

Douille a dit…
Avec le temps, je trouve tes articles de plus en plus en phase avec les opinions... En effet la foule "n'en peut rien"...
dominique a dit…
bonjour Lorenzo, tout d'abord bravo et merci pour ce blog (que je visite régulièrement) j'aime particulièrement le ton de votre billet d'aujourd'hui d'autant plus que j'ai eu le bonheur de visiter Venise en plein hiver (janvier 2006).J'étais venue chercher les brumes des aquarelles de Turner, donc je ne sais pas ce que sont les hordes de touristes, j'ai de magnifiques photos de la pace San Marco vide. J'ai même eu la chance d'avoir un peu de neige.
Mais ce qui me pousse à vous faire ce petit clin d'oeuil est votre remarque sur les touristes ferretcapiens qui se prennent pour des arcachonnais !!! rien à voir mon bon Monsieur! Temoin privilégiée puisque j'habite Andernos puis maintenant Cassy depuis 22 ans, je compte les points entre les 4 populations: le sud du Bassin, le fond du Bassin, la presqui'île du Ferret et les touristes. Et je peux vous dire que c'est du sport, les enjeux entre projets d'aménagements et protection du milieu naturel fagile donnent lieu à de vifs échanges parfois cocasses voire houleux lors de réunions publiques.Le Bassin d'Arcachon aussi est une lagune, où les modestes pignots se prennent pour des palines.
a binetôt
cordialement
Dominique

Michelaise a dit…
oui oui, belle analyse et ???? car comment sortir de l'impasse dont le tourisme de masse n'a fait que révéler le manque définitif d'issue ???