15 janvier 2011

ASSEZ ! MAINTENANT IL FAUT AGIR !

Destination magique, part du rêve universel, lieu unique, Venise est en train de sombrer ! Derrière les clichés transmis depuis des lustres : les gondoles, les pigeons, le pont des soupirs il y a une réalité que peu de gens veulent voir. Devenue une étape obligée des Happy Few du monde entier, elle accueille des manifestations prestigieuses où le bling-bling peu à peu a remplacé la culture et la spiritualité. 21 millions de touristes débarquent chaque année dans Venise et de nouveaux projets comme la sublagunare, le fameux métro qui devrait relier Tessera (l'aéroport), le centre historique, Murano et le Lido ne viendra-t-il pas grossir encore ce chiffre ?
 
Pendant ce temps les vénitiens sont contraints de quitter le centre pour trouver refuge sur la terre ferme, les écoles ferment, les commerce de proximité disparaissent. Moins de 60.000 habitants - 59.800 exactement à ce jour-  en 2011, un nombre d'habitants réduit comme Venise ne l'avait jamais connu, même après les grandes épidémies de peste. Mais le comble dans ce paradoxe : ce que viennent admirer les troupeaux de visiteurs, ces «hordes barbares» et inconscientes qui restent de moins en moins longtemps et s'agglutinent (heureusement finalement) toujours aux mêmes endroits, est en train de s'écrouler, de disparaître sans que rien ne soit fait vraiment.

Non pas que Venise soit physiquement en train de sombrer dans les eaux saumâtres de la lagune, la catastrophe maintes fois annoncée n'est pas à priori pour demain, mais la démultiplication de ces petits maux, ses plaies plus ou moins voyantes qui semblent ajouter au pittoresque pour les regards distraits, mais qui feraient grimacer de dégoût dans n'importe quelle autre ville d'Occident, devient ici un décor apprécié ; l'immobilisme des autorités et l'incompétence des fonctionnaires de Rome, tout concourt à la catastrophe imminente. Car c'est par bribes que Venise s'effondre, au propre comme au figuré. 
 
Les photos de Marco Zanon qui illustrent ce billet d'humeur le prouvent. Bâtiments qui pour leur malheur n'ont d'autre valeur que d'être les témoins d'un passé humble ou monuments grandioses qui se délitent à une vitesse accélérée depuis quelques années, partout il faudrait agir et entreprendre des restaurations urgentes. Mais l'argent public manque et les fonds privés vont davantage au spectaculaire publicitairement efficace.
 
Mais même là les choses vont mal. Ne dit-on pas que le Palazzo Grassi est en vente ? Rumeur idiote, puisque l'édifice appartient à la ville de Venise et non pas au millairdaire français... Ne vient-on pas d'apprendre que Monsieur Pinault ferme les salles de la Punta della Dogana pendant plusieurs mois ? Finalement, les mauvaises langues n'avaient pas forcément tort qui disaient que toute cette opération n'avait pour but que de faire parler du milliardaire, faire enrager Paris et le ministère français de la Culture, et permettre au collectionneur de disposer d'un vaste entrepôt qui lui rapporte loin de l'administration française ?

Quant aux projets pharaoniques comme le M.O.S.E., ils demeurent le fait d'apprentis-sorciers qui jouent chaque jour avec l'avenir de la lagune. C'est désormais une question de vie ou de mort dont il s'agit. Personne ne peut le nier. 
 
Creuser le sous-sol de la lagune sans que personne soit capable de maîtriser les risques, n'est-ce pas prendre le risque d'accélérer la destruction d'un écosystème déjà moribond ? Et pour quel impérieux motif ? Permettre aux habitants de se rendre dans divers points de la lagune plus rapidement ou bien faire affluer quatre à cinq millions de touristes supplémentaires chaque année dans le centre historique et dans les îles déjà submergées par les hordes de visiteurs ? Et pourquoi pas, comme nous en plaisantions il y a quelques années, une station de métro un jour sous la Piazza ? « Le progrès, mon bon monsieur, le progrès ne s'arrête pas ! » 
 
Venise est en danger comme jamais elle ne l'a été au cours des siècles. Les ravages de la pollution, les travaux ruineux qui sont projetés, l'exode massif qui s'accélère et les commerces qui disparaissent remplacés par des vendeurs de pacotille chinois, tout s'inscrit dans la même logique. celle du pognon. Ce peuple de commerçants et de boutiquiers périra-t-il par là où il a pêché ? La différence aujourd'hui n'est pas des moindres. Quand Venise s'emparait d'un territoire ennemi, elle l'asservissait, lui imposait sa loi et son système économique et politique. Le commerce reprenait vite le dessus et les échanges avec le nouveau suzerain souvent consacrait l'enrichissement des vassaux nouvellement inféodés. 
 
Athènes, Sparte et Rome ne procédèrent jamais autrement. Aujourd'hui, les puissances d'argent, ces fameux Marchés, aveugles et à l'honnêteté toute particulière, font fi des existences humaines, de la qualité de l'eau et de l'air. Venise écroulée, il se trouvera des petits malins pour exploiter les vestiges et les ruines et faire beaucoup d'argent avec ce qui restera d'une civilisation. Après tout, elles meurent toutes un jour.
 
La mort de Venise, Mesdames et Messieurs, est programmée. Inéluctablement. Le compte-à-rebours est commencé. Sauf miracle, les jeux sont faits. J'ai lu récemment un roman épique qui se déroule dans un proche avenir. La ville a été évacuée par les forces de sécurité internationales. Quelques irréductibles résistent, se cachent dans les méandres de la ville ruinée... Plaise à Dieu qu'il ne s'agisse jamais que de fiction. 
 
Dans le cas contraire, nous serons un certain nombre à choisir de sombrer avec elle car sa disparition signera aussi la chute de la civilisation. Le coup de grâce sera donné par ceux qui ne peuvent envisager d'autre cheminement intellectuel que le progrès, la croissance, le matérialisme exacerbé de notre temps et la course désespérée à toujours davantage d'argent, ce sont finalement les facettes de la même ineptie suicidaire. Mais, ne baissons pas les bras. Il ne faut pas se résoudre à cet inéluctable-là. Il faut alerter l'opinion, réagir, bouger, râler, soutenir toutes les actions même symboliques qui ont pour but de sauver Venise. Celle des vénitiens. Celle des arts et de la culture, de l'Histoire.


Crédit photographique © Marco Zanon

22 commentaires:

dominique a dit…

noooooooooooooooooooooooo
et alors que proposez-vous ?

Nathalie a dit…

Je suis certaine, Lorenzo, que tous vos lecteurs seraient prêts à faire quelque chose pour cette ville qu'ils aiment tous, et que nous, les habitués de Venise depuis longtemps, voyons le coeur serré se dégrader d'année en année. Mais quoi faire? Avez-vous une idée de ce que nous pourrions entreprendre pour sauver ce qui peut encore l'être? Comment faire entendre notre voix et surtou,t faire pression? Il doit bien y avoir un moyen: Venise n'appartient pas exclusivement aux italiens et pas exclusivement non plus aux hommes d'argent.Mais lequel?
Amitiés

michel78 a dit…

Comment ne pas partager ce cri du coeur et de colère.
Tout évolue et doit évoluer, c'est ainsi, mais ce qui se passe depuis un certain temps là-haut n'a rien à voir avec une évolution normale.
que faire à notre niveau ? appuyer toutes les actions des amis vénitiens (comme ceux de venessia.com) pour que VeniceLand ne voie jamais le jour ?
Merci Lorenzo
Amitiés

Danielle a dit…

Je comprends votre cri d'alarme, voilà quelques années déjà que je dis la même chose sur la chute de Venise. Le palazzo Grassi appartient à la ville, Pinault n'en est que locataire... Un métro sous la lagune, c'est impensable...c'est vrai Venise se dégrade de partout et ses habitants qui louent leurs maisons aux touristes, quittent la ville...

Mais l'Italie ne délaisse pas seulement Venise, des milliers de fermes sont abandonnées dans le pays, la désertification des campagnes est en oeuvre, depuis de longues années, Pompéi tombe en ruine sans que rien ne soit fait... On pourrait faire la liste...

Je n'ai pas de solution à proposer, il y a trop d'intérêts en jeu sur cette ville.

Je me posais la question d'un prochain voyage à Venise, cet été, mais je n'ai presque plus envie d'y retourner...(J'y vais depuis plus de 10 ans)

Quel avenir pour cette ville ? vraiment je n'en sais rien...

Amicalement.

Anonyme a dit…

Il ne suffit pas de s indigner...Encore faut il un plan d actions...Venise c est en Italie, L italie c est la corruption a tous les etages .....Y a du pain sur la planche!

Anonyme a dit…

Venise va disparaitre...Vite mettez la en vitrines
http://petitepropriete.canalblog.com/

quel talent!
A part cela Lorenzo, tres beau blog.Continuez ...Y en a bien encore pour 50 ans...

Anonyme a dit…

Cmment rejoindre une association de Vénitiens voulant protéger leur ville en lui conservant sa beauté naturelle,??
Quelles personnalités françaises et européennes influentes sont prêtes à y participer?

Il faut AGIR mais comment? avec qui?

FRANCOIS a dit…

Cmment rejoindre une association de Vénitiens voulant protéger leur ville en lui conservant sa beauté naturelle,??
Quelles personnalités françaises et européennes influentes sont prêtes à y participer?

Il faut AGIR mais comment? avec qui?

Anonyme a dit…

Moi qui me faisais une joie de la réouverture de la Douane de Mer que je n'ai jamais vue que fermée depuis que j'ai découvert Venise !!
Que faire Lorenzo ? Nous sommes prêts vous le voyez bien à défendre Venise.
J'ai déjà commencé à diffuser votre coup de G... en expliquant que les vrais amoureux de Venise, devaient aussi voir Venise dans cet état là, car de même que l'on aime l'être aimé même dans la maladie, on aime Venise même dans ce qui la défigure, pour la défendre.
Venise86

Anonyme a dit…

Rien n'est encore irréversible et je crois déjà que 40xVenezia et Venessia.com abattent déjà une besogne énorme, mais bien en-dessous du seuil critique nécessaire pour forcer les acteurs publics à enrayer la course effrénée au tout-au-tourisme-de-masse, la perte de sens de la ville, la dépendance accrue vis-à-vis de la terre ferme, de l'arrière comme de l'avant-pays, du pays. Venise a besoin de stabilité et de sérénité pour trancher des questions environnementales qui l'engagent sur plusieurs décennies voire des siècles dans un monde qui est profondément instable. Lorenzo a souvent souligné avec raison que le sort de Venise préfigure celui du reste de la planète. Les qualités scénaristiques du roman de Valérie Bettencourt qu'il évoque sont plus grandes que le volet littéraire et la première partie de l'épure mieux réussie que la seconde : c'est une idée qu'il aurait fallu creuser encore un peu plus à mon goût.
Mais Venise n'est pas encore perdue...
Condorcet

Lorenzo a dit…

Non Venise n'est pas encore perdue et des milliers de gens chaque jour travaillent aux solutions pour qu'elle survive ou simplement qu'elle vive, et avec elle ses habitants.
Que faire ? En parler, relayer les informations alarmantes, faire connaître les problèmes à ceux qui vont à Venise et ne se doutent pas, inonder les organismes responsables de pétitions, de courriels, de lettres...
Soutenir aussi les associations qui sont au travail.
Mais, soyons honnêtes en même temps : avec cette Venise décatie si poétique, si romantique, si pittoresque dans ses lambeaux et sa mélancolie, ne trouvons-nous pas aussi parfois un peu notre compte ? Les villes comme les civilisations vivent et meurent inexorablement. Notre époque qui fait l'homme épris de nouveauté, de vitesse, de technique prétend aussi beaucoup à la pérennité des choses. La mort fait partie de la vie, même pour les villes. Ce qui est inacceptable c'est que Venise souffre depuis trente ans de petites morts permanentes qui sont d'autant moins tolérables que nos techniques, nos savoirs, nos moyens permettraient de les éviter et de prolonger ainsi, et pas de manière artificielle, Venise en vie !

Anonyme a dit…

Il faudrait évidemment des décisions politiques et environnementales, locales et (inter)nationales, pour entretenir la ville, la protéger, limiter le tourisme « sale ». Mais est-ce qu’un début de solution ne serait pas dans une grève de tous les amoureux de Venise, d’une Venise en vie. Si nous n’y allons pas pendant quelques années, les appartements ne seront plus loués aux touristes, les prix baisseront, les Vénitiens reviendront… Gros sacrifice auquel je pense depuis longtemps. Un peu simpliste il est vrai, mais nous participons tous au phénomène, tout autant que les touristes déversés par les paquebots. Et il est universel, ce phénomène, Venise n’est pas la seule touchée, elle subit juste avec plus d’acuité ce que les lieux les plus beaux du monde connaissent.

Anonyme a dit…

Voila l'article que j'ai écrit sur le Post pour diffuser :
http://www.lepost.fr/article/2011/01/19/2375852_coup-de-gueule-assez-maintenant-il-faut-agir_0_5135046.html#reaction_5134460
Il y a des idées à prendre dans les commentaires peut-être.
Venise86

Anonyme a dit…

Hélas ! Ce n'est pas de gaîté de coeur que j'envisage la mort de Venise, Venise ville fantome, Venise morte, Venise victime de son succès...

Beaucoup de site très visités dans le monde périssent de leur gloire...

Venise devient une ville sandwiches/ bed and breakfast. La Dogana est vide la plupart du temps c'est vrai, Venise ne correspond pas à la nouvelle image que l'on veut lui attribuer : Venise ville de l'art contemporain. Les visiteurs viennent voir de l'histoire ancienne... On peut le regretter, mais c'est comme ça.

Les habitants, les commerçants de proximité s'en vont, on ne peut plus vivre à Venise de façon ordinaire, tout le monde le sait.

Le rouleau compresseur de l’investissement rentable est passé par-là, 22 millions de touristes ça fait beaucoup, beaucoup d'argent...

Râler, bouger, hurler, réagir, soutenir des actions mais lesquelles ?

Amicalement.

Gérard a dit…

Quelle est la différence entre F. Pinault et Léonce Rosenberg ? Ce dernier fit décorer sa suite à Paris par Chirico ( et quelle décoration , je l'ai vue ! ) au même titre que jadis le Labia par Tiepolo . C'est toute la différence . L'attachement profond . C'est ce qui relie pour toujours les éléments éternels du tryptique géniteur des rêves les plus fous : un lieu , un possédant , un virtuose . Un enracinement définitif ! L'éphémère culture n'a d'éphémère que ce côté magnifique de sa sauvagerie paysanne de survie ! Magnifique ! Vive Venise à tout jamais !

Nathanaëlle a dit…

Triste constat, une si merveilleuse ville que l'on laisse aller à la décrépitude, il y a urgence, comment sensibiliser les pouvoirs internationaux ? Il y a bien un bureau de l'Unesco à Venise ?
Que vive la Sérénissime !

Lorenzo a dit…

Bien entendu, il se passe des choses et énormément d'initiatives privées locales et internationales se mettent en place depuis des années. Le danger existe et la sonnette d'alarme a été tirée depuis bien longtemps. Ce billet en forçant un peu le ton, n'avait pour but que de nous secouer tous, nous les Fous de Venise, pour éviter de nous habituer. Pour que nous ne nous laissions jamais enfermer dans nos délices d'amoureux transis. Pour que nous ayons bien conscience que toutes ces merveilles peuvent nous être enlevées et que nous en sommes tous responsables. Hauts les coeurs, nous la sauverons cette Venise que nous aimons !

Veneziamia a dit…

Ce qui, à mon avis, manque c'est une volonté politique pour entreprendre ce qui doit l'être pour sauver cette ville unique et permettre à ceux qui souhaitent y vivre de pouvoir le faire. Où est passé l'argent de l'Unesco ? Trop de corruption, d'intérêts pécuniaires immédiats ? Mais ne perdons pas courage, ceux qui veulent sauver Venise existent et l'union fait la force ...alors unissons-nous et parlons-en.
Merci Lorenzo pour vos coups de gueule. Ils sont utiles.

Gérard HENRY a dit…

Sur PINAULT :

J'avais lu que deux nouvelles expositions étaient en préparation :
A la punta della dogana :Eloge du doute à partir du 10 avril 2011
Au palazzo Grassi : Le monde vous appartient à partir du 4 juin 2011.
Est-ce inexact ?

douille a dit…

"Que faire ? En parler, relayer les informations alarmantes, faire connaître les problèmes à ceux qui vont à Venise et ne se doutent pas, inonder les organismes responsables de pétitions, de courriels, de lettres..."

Ben, non... Si on veut sauver Venise (enfin si c'est possible) je pense qu'il faut faire l'inverse...

Tietie007 a dit…

Comment Venise gérera le réchauffement climatique et la montée des eaux ?

Lorenzo a dit…

Plusieurs organismes travaillent à la question depuis de nombreuses années et leurs travaux scientifiques font de Venise (cela devrait être son rôle et sa vocation !), un laboratoire de pointe dans la recherche. Les travaux de surélévation de la ville, ceux (que l'on peut critiquer car on n'a encore aucune idée du résultat) du M.O.se, les études sur les matériaux à employer, tout participe de ce combat pour la survie de la cité lacustre et de sa lagune. Mais bien des points nous échappent de toute manière. Si la montée est effectivement telle qu'on la présente aujourd'hui, nous avons tous intérêt à apprendre la plongée sous-marine ! Mais Venise a toujours survécu en s'adaptant...

12 janvier 2011

Mer & montagne, deux passions à Venise

© Alessandra Bonesini



3 commentaires:

dominique a dit…
tanto bello ! grazie !
Anonyme a dit…
bellissimo ! merci Lorenzo !
Jacques
Enitram a dit…
Et c'est reparti ! I hope you a perfect year !!!!

10 janvier 2011

The perfect year


La terrible nostalgie des dimanches soirs - surtout l'hiver quand le soleil disparaît trop vite et que le ciel s'assombrit alors que la tasse de thé est encore fumante sur le plateau - et qui s'aggrave ce soir du départ des enfants venus fêter les rois avec moi. Alix partait à l'aéroport chercher une nouvelle étudiante qui logera pendant les prochains mois chez leur mère, Jean devait peaufiner ses fiches, en prévision d'un bac blanc de philo demain matin à Montaigne. Margot à Montréal doit déjeuner avec des amis, skype est resté désespérément muet. Il reste Constance, la dernière, qui demeure le plus souvent avec moi. Elle est en train de finir ses devoirs et travaille son clavecin. Même les chats semblent mélancoliques ce soir. Il va falloir défaire le sapin, ranger les guirlandes. La crèche et les santons vont retrouver leur boîte, bien emballés dans le papier de soie jaune, le même depuis toujours... L'après-midi fut radieuse, douce et drôle, un de ces moments tranquilles qui font chaud au cœur mais le temps, comme toujours a passé trop vite. Les uns après les autres, ils sont partis et nous restons là, les chats et moi devant le sapin... Tout passe tellement vite... Le plateau avec les tasses et la théière vide, les miettes sur le tapis et dehors la nuit. Le silence de la rue. Un dimanche soir pareil à des centaines d'autres dimanches. Un livre oublié, un morceau de brioché abandonné, les dernières truffes maison dans le bol Monet... 
Demain, la vie courante va reprendre avec ses obligations et ses rites... Quand reviendront-ils ? Quand nous retrouverons-nous tous ensemble, comme avant ? Je ne sais pas vous, mais chez moi, la dernière partie des dimanches après-midi a toujours été fatale à mon moral. Autrefois c'était la triste perspective de la semaine d'école, les leçons, jamais assez bien sues, les obligations, la discipline, les horaires à respecter. Puis, jeune adulte, l'idée de reprendre le chemin du bureau, refaire les mêmes gestes obligés, faire semblant de trouver de l'intérêt à cette vie sociale pleine de préjugés et de faux-semblants. Faire comme les autres, écouter les conversations sans intérêt, s'indigner ou s'amuser de leurs propos et attendre. 
Attendre que la matinée passe pour profiter d'un rayon de soleil pendant la pause déjeuner, marcher un peu, rêver, puis attendre la fin de la journée, la tasse de thé, le canapé, le chat sur les genoux, le livre retrouvé, attendre la fin de la semaine pour les rites heureux des promenades en famille, de la musique, du bricolage au son (ah notre chère BBC)... Maintenant, la mélancolie du soir dans la solitude, quand les enfants ont regagné la maison de leur mère où ils vivent depuis cinq ans maintenant. Cette impression d'être floué, dépouillé d'une part de moi-même. Et ce silence qu'aucune musique ne parvient vraiment à remplir. Heureusement, il y a l'écriture. cette magie qui me permet de recréer sans cesse l'univers idéal. celui où les enfants, leur mère et moi, sommes toujours et tout le temps ensemble, dans la joie et la paix... 
L'écriture, la seule chose que je sache faire et qui ne me coûte pas. Les chats se sont endormis au pied du sapin, comme s'ils voulaient le protéger. Nous ne rangerons les décorations que la semaine prochaine, il y a encore dimanche prochain la visite de mon filleul Félix avec sa sœur et ses parents. Nous tirerons à nouveau les rois. Les enfants seront peut-être là et Margot nous appellera depuis Montréal...
Seule Venise parvient à dissoudre cette mélancolie du dimanche soir. Il y a bien la tristesse des départs, quand on raccompagne les amis à la gare ou qu'à notre tour nous devons quitter la ville pour retrouver le monde et notre quotidien obligé. Mais Venise n'est hélas qu'un moment dans nos vies. Peut-être faudrait-il laisser ma vie d'ici et partir avec les chats, mes livres et rebâtir là-bas ce que par bribes nous avons construit. La nuit est vraiment là maintenant. Un joli clair de lune brille dans le ciel. Il fait froid de nouveau. Petula Clark chante "The perfect year". La vaisselle est faite, le salon rangé, les chats ont dîné et sont allés se coucher. A mon tour je vais rejoindre Morphée. Bonne nuit à tous et bonne semaine !

 

20 commentaires:

anita a dit…
....Bonjour Lorenzo ! .... Just hello ! ... j'ai changé de vie pour être tout proche de ma fille et ses jeunes enfants car mes dimanches soirs devenaient trop nostalgiques ...je vous comprends ... ...et puis demain c'est déjà mardi et vous vous rapprochez du prochain week-end ...  
Amicalement Anita
Maïté a dit…
Et si vous la preniez cette décision de partir...une idée qui vous taraude depuis combien d'années???? J'ai toujours eu horreur des dimanches mais depuis que je ne travaille plus, je les apprécie ; c'est le jour où je ne pense qu'à moi ! Un jour viendra où vous apprécierez tous les jours de la semaine.  
Bonne semaine en attendant le prochain week-end. 
A presto !
Les Idées Heureuses a dit…
De la malinconia. Je n'aimais pas les dimanches adolescente, j'avais l'impression qu'il ne se passait rien ce jour-là. Pas souvent des invités dans la maison familiale, le calme, l'inaction, le silence. Par la suite c'est devenu le jour du rangement, de la petite lessive à la main des jupes courtes et des petits débardeurs. Enfin les sorties autorisées entre amis, qui rythment cette belle jeunesse que nous avons tous vécue où on se libère de la famille et où tout semble si léger. Après mon mariage, puis avec la venue des enfants le dimanche s'est transformé en une journée de retrouvailles familiales après des journées bien remplies, samedi compris, par le travail dense et l'organisation des activités et de l'école.  

Comme il se devait, ces mêmes enfants adorés ont quitté le nid pour construire par eux même leur avenir. Que sont leur dimanche lorsqu'on ne les voit pas? Mais il reste le compagnon toujours fidèle et encore plein de choses à échanger... c'est une chance énorme que j'apprécie consciemment chaque jour, dans ces temps si difficiles où le règne de l'instabilité et du changement frappe à nos portes quotidiennement. Je comprends votre désarroi devant cette solitude sachant que le lendemain sera fait de ce sempiternel mouvement qui vous pèse.  

Décider de partir...

Venise serait elle la solution?  

On le lit souvent dans vos écrits, on sent bien de par votre sensibilité et vos émotions qu'il ne faudrait pas grand chose pour que vous franchissiez le pas...

Il faut du courage pour tourner la page, construire ailleurs sans rien effacer, sans rien oublier.  

Vous vous êtes sans doute déjà posé la question: -"Comment seraient mes dimanches là-bas?...."
venise a dit…
et puis parfois, le blues du dimanche soir s'étale sur toute la semaine... écrire fait du bien, coucher sur le papier ou sur l'écran sa peine la soulage un peu bien à vous, lorenzo
Lorenzo a dit…
Comme vous l'exprimez tous à votre manière, les dimanches passent, arrive la semaine et son cortège de découvertes, et de joies, et de peines parfois. La nostalgie s'efface devant le quotidien et l'action. Bonne semaine donc !

Lorenzo a dit…
Une belle illustration de tous vos commentaires : l'excellent film "Another year" que je vous recommande chaleureusement (en V.O.)
dominique a dit…
mais oui ! partez ..... à Venise ....
Michelaise a dit…
Un moment d'abandon, qui nous vaut une belle page, très émouvante. Pour partager un sentiment que nous avons tous, peu ou prou, plus ou moins souvent, déjà éprouvé. On se reconnait dans vos mots, et on peut lire entre les lignes. J'ai pensé à Another Year, dès le titre, mais finalement le couple du film, par la force de leur complicité, évite cette nostalgie, ou la transforme en une douceur qui, face à la solitude des amis qu'ils accueillent, est un refuge. Ils ont quitté les rêves insensés de la jeunesse et positivent la lenteur des jours, quand elle s'assortit d'une confiance affective solide.


Lorenzo a dit…
Mais vous me chassez Dominique !Haha ! 
Cela n'est pas aussi simple administrativement, financièrement, socialement, familialement...
Anne a dit…
Ne crée-t-on pas mieux à partir de ce qui est partiellement inaccessible? Si une part de réel est nécessaire à la construction du rêve, une part d'éloignement - provisoire - impulse la force profonde et légère à la fois qui apparaîtra dans l’œuvre d'une vie. Enfin, je le suppose... Anne
J F F chemincompostelle a dit…
Ce n'est pas le dimanche qu'il faut craindre. Ce sont ces dimanches d'hiver, où la nuit tombe trop tôt et le temps est trop triste. La nature ? De loin elle semble au diapason. Bravo d'avoir écrit cette belle page pour en sortir. Un moyen d'échapper au marasme : Observer que les jours rallongent, compter les minutes de lumière en plus, et constater qu'à peine la neige fondue la moindre brindille relève la tête.  
Bonne semaine !
Anonyme a dit…
Divorce depuis 5 ans....et toujours dans le regret de l'avant. Ressasser ...Très indigeste.
 
Lorenzo a dit…
Allons, Hauts les cœurs : Sursum corda ! C'est vrai que les jours rallongent et que la lumière se fait plus belle, plus fine aussi.
dominique a dit…
je ne vous chasse pas ...... je me projette peut-être ds ce qui est mon rêve .......
VenetiaMicio a dit…
Le dimanche soir, l'hiver, après les fêtes...tous ces moments un peu éteints, sont des pages qui laissent un goût d'abandon, de mélancolie, de morosité. Heureusement que vous avez l'écriture et que vous nous faîtes partager ces autres instants émouvants que vous savez si bien nous raconter. Mais bientôt le printemps va pointer son nez, et l'humeur refleurira avec elle, j'en suis persuadée, vous savez si bien parler de la Primavera, peut-être un petit séjour à Venise que vous aimez tant à cette saison...  
à bientôt Lorenzo  
Danielle

Lorenzo a dit…
Dominique : ce sont nos rêves qui nous portent en avant. Je plaisantais, vous avez deviné qu'il m'en faut peu pour que je sois poussé vers mon Ithaque ! 
Je vois que je ne suis pas le seul !
Les Idées Heureuses a dit…
Mercredi, journée bien remplie où la mélancolie n'a plus de place!!!!! Intéressant toutes ces commentaires...
Les Idées Heureuses a dit…
"tous ces commentaires"
dominique a dit…
Rassurez-vous .... je l'avais compris ...... dès que je trouve un vaisseau ..... je vous fais signe
Anonyme a dit…
C'est par hasard que j'ai ouvert cette page, en voyageant de blog en blog. Le doigt sur la souris, je m'apprêtais à cliquer pour m'échapper comme je le fais habituellement quand, à la troisième ligne, mon intérêt n'est pas éveillé, et là, je suis restée, les yeux fixés sur l'écran, ne voyant plus le texte mais la scène que vous décriviez. J'y étais! J'étais dans votre salon, je sentais précisément ce que vous ressentiez.La fluidité des phrases coulait comme l'enchaînement des gestes familiers, les mots simples, sans artifices,traduisaient l'émotion spontanée du vécu. C'était exactement cela, c'était du vrai.Je n'ai rien lu d'autre de vous. Je ne sais rien de plus mais ça, j'ai aimé. Lyre.

09 janvier 2011

La Venise authentique



________
4 commentaires:
Yvonne a dit…
That was so enjoyable, I will watch it many times. Thank you
Lorenzo a dit…
you're welcome.
VenetiaMicio a dit…
Très nostalgique Lorenzo ? Venise vous manque c'est certain ! à bientôt Danielle
Venissima a dit…
super montage, images et musique superbe