23 juin 2012

L'Amerigo Vespucci mouillait à Venise

Le fringant voilier de la marine italienne était à Venise il y a quelques semaines. C'était à l'occasion du 151e anniversaire de la Regia Marina (la Royale italienne). Ce magnifique navire-école à la coque noire rayée de blanc est très reconnaissable, avec sa luxueuse proue dorée. Sa masse élégantissime sied bien au décor unique du Bacino di San Marco ne trouvez-vous pas ? Né sous le fascisme, il est la réplique avec son sistership, le Cristoforo Colombo (cédé aux soviétiques en 1948 et devenu le Dunaj, détruit en 1971) d'une frégate du XIXe siècle. Si vous avez pris des photos du navire et de ses visiteurs, n'hésitez-pas à nous les envoyer, nous les publierons dans ces colonnes.

22 juin 2012

La Casa Zuliani


"Signor Lorenzo, signor Lorenzo, aiuto !" C'est avec ces paroles inquiétantes hurlées plutôt que prononcées par la vieille dame du second, au moment où j'allais ouvrir les volets de la galerie Ferruzzi, au 710 de la Fondamenta Venier, à San Vio, dont j'étais depuis quelques mois le responsable, que commença ma journée. 
 
C'était un matin de printemps, l'air était doux, la lumière diaphane. Le quartier étai encore silencieux. Seul le petit bar de l'autre côté du rio delle Torreselle était déjà ouvert, diffusant la délicieuse odeur du café fraîchement moulu. Les cris venaient d'une des fenêtres au-dessus de la galerie. La voisine échevelée penchait la tête et gesticulait, visiblement en prise à une certaine panique. j'imaginais déjà un incendie ou je ne sais quel horrible accident.
 
La porte du 709 était ouverte, je grimpais l'escalier quatre à quatre. Arrivé sur le palier du deuxième étage, la première porte était entrouverte. La Signora était littéralement agenouillée, la tête inclinée devant une banquette. Elle en soulevait d'une main les franges et de l'autre essayait d’attraper quelque chose. On entendait des feulements. Échevelée, la vieille dame d'habitude toujours très élégante, était méconnaissable. Vêtue d'un peignoir parme et en pantoufles, elle semblait désorientée. Sous le divan, sa chatte Melia, belle petite siamoise d'un an, était en train d'accoucher pour la première fois. Et cela ne se passait visiblement pas très bien. L'animal miaulait de terreur et la vieille dame gémissait et hurlait.


Je me penchais à mon tour. Le spectacle était assez effrayant : la petite chatte, certainement terrorisée par les douleurs de l'enfantement, coincée entre les ressorts et les lattes du sommier, ne parvenait plus se dégager. Le travail avait commencé, et un chaton pendait lamentablement, une patte accrochée à un bout de ressort métallique. La chatte miaulait désespérément, et la vieille dame se lamentait de plus belle. 
 
Ma salive ravalée, j'entrepris de soulever le divan. C'était un de ces gros meubles en bois sombre comme on en trouve beaucoup à Venise, vestige des décors très en vogue du temps des autrichiens. Il était aussi lourd qu'un bahut breton. La chatte, comprenant qu'on venait à son secours s'était mise à ronronner. Le petit, suspendu au sommier, tout dégoulinant et poisseux, remuait ses petites pattes comme s'il cherchait à se sortir de cette position, peu naturelle pour un nouveau-né. Le divan soulevé et le dosseret posé sur le sol, je réussis à écarter deux énormes ressorts, libérant la pauvre bête et son petit. La vieille dame vida une boite à ouvrage matelassée qui se trouvait à portée. elle la garnit d'un coussin et le recouvrit d'une serviette. On y déposa enfin la jeune maman. Dans les minutes qui suivirent, trois petits vinrent rejoindre leur aîné revenu de loin et qui déjà tétait goulûment. 
 
Soulagée, la Signora me proposa un café. Elle disparut quelques minutes dans sa chambre et revint coiffée et pomponnée. Son visage avait repris des couleurs, et un large sourire éclairait son regard. Le divan remis en place et les traces de l'accident effacées, le salon avait retrouvé son atmosphère paisible. Situé exactement au-dessus de l'entrée de la galerie, il était rempli de meubles en acajou. Le pavimento me sembla assez ancien, jaune et blanc, il était recouvert d'un tapis de laine. Aux murs plusieurs vues anciennes et des broderies comme on en réalisait beaucoup à la fin du XIXe. "Savez-vous que cette pièce a été occupée par Henri de Régnier, le poète français ? La maison était une pension tenue par mes tantes. Il a habité ici à plusieurs reprises. Il voulait toujours une des chambres qui donnent sur le jardin, mais mes tantes disaient qu'elles étaient trop sombres". 
 

J'avais eu l'occasion à plusieurs reprises de visiter la Ca'Dario que personne alors n'habitait vraiment. Au Palais Mocenigo, la comtesse Foscari m'avait montré un vieux livre d'or où l'écrivain avait laissé un mot et sa signature, l'antiquaire du campiello Barbaro avait essayé de me vendre un encrier en papier mâché jaune très abimé, prétendant qu'il lui avait appartenu... Mais je n'avais jamais senti sa présence avec autant d'acuité. Moi qui prétendait devenir écrivain, je me trouvais soudain, par le plus grand des hasards et l'imprudence d'une jeune chatte parturiente, dans une pièce où il avait certainement écrit ou réfléchi à ses livres à venir. Des fenêtres on dominait le rio et ses deux quais, celle de San Vio où se dresse la maison, et la Fondamenta Zorzi Bragadin où on voit le jardin cachés par de hauts murs au regard des passants et le portique de pierre qui ouvre sur le campiello Sabbion avec son joli puits. Henri de Régnier décrit la maison des Sorelle Zuliani dans le premier volume de L'Altana où la Vie vénitienne
 
Quelques jours plus tard, la vieille signora vint me voir à la galerie. Mon bureau était dans la salle du fond. Voûtée, elle donne sur les jardins du palais Venier. Un grand fauteuil club recouvert de tissu peint à larges rayures par Ferruzzi accueillit la dame un peu plantureuse. "Mes tantes n'aimaient pas ce jardin, il faisait trop d'ombre dans la maison et amenait les moustiques". Détail déjà noté par Régnier. Elle était venue me remercier, et posa un petit paquet sur mon bureau. Dans le papier de soie mauve, je découvris deux petits miroirs ovale au tain un peu passé encadrés par de jolis volutes en stuc noir à l'imitation de l'ébène. "Ils ont toujours été dans la maison et j'ai pensé que cela vous plairait de les avoir". Je les vois chaque matin quand je me lève, et je pense alors à la vieille Signora, aux sœurs Zuliani, à Henri de Régnier dont ils ont certainement réfléchi l'image, du temps où il vivait au 709 de la Fondamenta Venier.

COUPS DE COEUR (HORS-SERIE 30) : Aller écrire à Venise avec Virgine Lou-Nony

Vous aimez Venise, vous aimez écrire mais vous n'osez pas vous lancer ? Tramezzinimag ne pouvait pas ne pas signaler l'Atelier d'écriture qu'il vous faut, celui de Virginie Lou-Nony. Vénitienne de cœur et écrivain reconnu(Actes Sud, Gallimard), elle est une des fondatrices du fameux Atelier Aleph, le nec plus ultra en la matière. Virginie que nous sommes fiers de compter parmi nos lectrices assidues organise en effet un stage cet été à Venise comme elle le fait depuis plusieurs années. Et la dame connait son affaire puisqu'elle conduit des ateliers d'écriture depuis un quart de siècle !

Après avoir participé à la création de l'Aleph, elle a développé une formule d'ateliers d'écriture bien à elle, enracinée dans son propre travail d'écrivain. Avec Joseph Périgot, lui aussi écrivain et fin cuistot, comme elle amoureux de l'Italie, le stage d'écriture qu'elle propose se déroule en pension complète, un huis-clos confortable du côté de la Misericordia, quartier paisible et pittoresque, avec une cuisine all'italiana. De quoi entrer en écriture avec joie et détermination ! Le stage aura lieu du 14 au 21juillet 2012. Mais dépêchez-vous, le nombre de places est réduit. 

Je vous renvoie à sa page : http://atelier-ecriture.net/ateliers-voyage/venise

18 juin 2012

"I Writers"... de drôles d'écrivains à Venise

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Venise, trésor historique et fragile, n'est pas épargnée par les tags et les graffitis qui fleurissent depuis des années aux quatre coins du monde. Un groupe de vénitiens vient de réaliser la cartographie de ces actes gratuits de vandalisme. Tramezzinimag s'est souvent fait l'écho de cette vérole qui peu à peu défigure la Sérénissime. Monuments célèbres, colonnes antiques de marbre, margelles de puits, murs de maisons dans les coins les plus retirés de la ville, sont continuellement souillées par des écrits tracés à l'encre indélébile à l'aide de ces peintures en spray que l'on retrouve souvent par terre, vides et abandonnés par les auteurs de ces souillures. Pont du Rialto, Piazza San Marco, Santa Maria dei Miracoli, Lions de l'Arsenal, et des tas d'autres lieux symboliques de la cité des doges, pas un monument qui soit épargné.
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D'après les enquêtes effectuées par la police locale, il semblerait que ces actes de vandalisme caractérisé soient le fait de bandes venant de l'extérieur de la ville. Il s'agirait d'une sorte de défi qui pousserait ceux qu'on nomme désormais - avec un sens de la dérision qui n'appartient qu'aux vénitiens - i Writers  à se rendre à Venise pour laisser un signe dans les endroits les plus visibles possibles. A ce jour, l'administration municipale n'a pas réussi à juguler ce phénomène. Le manque de surveillance nocturne laisse toute latitude à ces voyous pour agir sans risquer de se faire prendre. Il y a encore vingt ans, les vigiles chargés de surveiller les commerces arpentaient chaque nuit la ville. Nombreux, ils n'auraient jamais permis que cette lèpre se développe. Personnellement, je ne crois pas qu'il ne s'agisse que de gens venant de la terraferma ou de l'étranger car pour circuler vite et sans être vu à Venise, même avec peu de patrouilles nocturnes, il faut parfaitement connaître le réseau de calle et de campi...
Heureusement, les vénitiens qui n'en peuvent plus, sont décidés à ne pas rester sans rien faire. Le mouvement Venessia.com auquel TraMeZziniMag est fier d'appartenir a déjà médiatisé sa réaction, non pas en couvrant de la même peinture qu'ils utilisent (je prônerai davantage le goudron et les plumes ce serait encore mieux !), mais en organisant une séance très médiatisée de restauration : de nuit, armés de brosses et de peinture blanche, ils ont nettoyé un des lieux symboliques souillés par ces imbéciles de writers, un mur du Fontego dei Tedeschi, au pied du Rialto. Il y a eu ensuite la création sur Facebook du groupe I Nostri Masegni Puliti e Splendenti (dalles nettoyés et resplendissantes), à l'initiative de Cecilia Tonon qui a réalisé un inventaire photographique très complet des graffitis dans le centre historique. Le groupe s'emploie depuis sa naissance à alerter l'opinion en attirant les médias nationaux et internationaux, afin de pousser l'administration à se positionner.

A ce jour, Allessandro Maggioni, l'adjoint chargé des Travaux Publics est le seul a avoir réagi. Dans une conférence de presse, l'assesseur a promis l'installation de caméra de vidéo-surveillance autour du pont du Rialto. On a aussi évoqué la possibilité de faire appel au mécénat pour financer le nettoyage des graffitis qui pullulent sur le pont. L'administration s'est engagée à nettoyer pendant les douze prochains mois les souillures qui ornent les parois des immeubles et des monuments de quatre itinéraires particulièrement touchés ( de la Piazzale Roma au Rialto en passant par l'Accademia, de San Polo au Rialto, du Rialto à la Piazza San Marco, de la Stazion eau Rialto en passant par la Strada Nova). Le coût de l'opération est estimé à un peu plus de 200.000 euros. Il faudra ajouter à cette somme le coût du nettoyage du pont du Rialto (12.000 euros à ce jour), 22.000 euros pour nettoyer l'Area Marciana, à San Marco et 6.000 pour le nettoyage de six lieux emblématiques choisis par le groupe Facebook.

L'invasion de ces writers iconoclastes ne représente certes pas une énorme dépense pour la ville mais ces sommes auraient pu être bien mieux employées. Tout le monde s'y met. Même l’Association des Guides Touristiques de Venise qui a récolté des fonds pour le nettoyage des deux colonnes de la Piazzetta.
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A la demande de plusieurs lecteurs de Tramezzinimag, nous venons de prendre contact avec la municipalité afin d'envisager le lancement d'une campagne de dons pour participer au nettoyage de ces souillures. Nous vous tiendrons au courant dès que quelque chose nous sera proposé.
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Remerciements à Gioia Tiozzio.









14 juin 2012

A Venise, l'infini prend peu de place... Adieu Hector Bianciotti !

 
Il venait d'Amérique du Sud, sa famille était originaire d'Italie, il était devenu l'un des écrivains français les plus importants de son temps, reconnu et couronné par ses pairs. L'académicien Hector Bianciotti vient de s'éteindre à l'âge de 82 ans, après des mois d'une terrible souffrance, peut-être la pire pour un auteur, quand il ne trouve plus les mots et en perd le sens même. Après avoir écrit en espagnol, après s'être intéressé à la littérature italienne qu'il fit traduire le plus souvent possible quand il était éditeur chez Gallimard, Bianciotti s'exprima en français. cela donna des ouvrages magnifiques, comme Sans la miséricorde du Christ qui lui valut en 1985, le prix Fémina en suivi par le prix de l'Académie Française, Le Traité des saisons, ou encore l'émouvant Seules les larmes seront comptées.

Le dernier texte que j'ai lu de lui, Le pas si lent de l'amour, m'avait remué. L'écrivain s'y montrait convaincu de n'avoir pas d'autre issue à sa vie que de "se perdre pour toujours" : 
"La vie est trop dissipée pour le pas si lent de l'amour ; il se fait tard ; et je n'ai pas d'Ithaque."   
Il avait compris que Venise, où l'infini prend si peu de place, pouvait être conçue comme un mythe et que si on a le bonheur de pouvoir s'y fondre réellement un jour - privilège somme toute assez rare - on y était enfin chez soi. 

Lieux secrets de Venise : la Corte Botera

La Venise secrète, si elle tend à être envahie aussi par les hordes de visiteurs, réserve tout de même à qui parvient à s'y aventurer de délicieuses découvertes. Venise cachée, rendue mythique par les aventures de Corto Maltese, l'inénarrable héros inventé par Hugo Pratt, faite de constructions pittoresques, le plus souvent rattachées à ce qu'on nomme, par facilité, l'architecture mineure, elle offre à nos esprits émerveillés bien des motifs de rêverie. 

Il en est ainsi de la Corte Sconta detta Arcana, plus officiellement Corte Botera, que les peintres employés ces temps derniers à la restauration des célèbres nizioloti, les panneaux de rue ont malencontreusement transformée en Corte Bottera (!). Un lieu magique dont le charme ne peut laisser personne indifférent. Une grande cour à laquelle on accède à la sortie du ponte dei Gonzafelzi par une petite fondamenta suspendue récemment rénovée. Une porte basse, une grille et le visiteur débouche après un sottoportego assez court sur une cour carrée dallée de masegni antiques, ces fameuses plaques de pierre qui couvraient tout Venise autrefois et qu'on a hélas peu à peu remplacé par des dalles modernes dans la plupart des rues de la ville. La margelle d'un puits de style gothique au milieu, un escalier extérieur couvert, des bâtiments très anciens pour la plupart et les vestiges d'un portail monumental de style byzantin, qui fut autrefois l'entrée principale d'une riche demeure, le palazzo Contarini della Zoggia. C'est peut-être de cette porte-là dont il s'agit dans le livre d'Hugo Pratt, le passage magique qui permet de quitter le monde quand on s'en est lassé pour rejoindre un ailleurs mirifique...

Fatigués d'avoir à nettoyer plusieurs fois par jour déchets et déjections, bouteilles de plastique et canettes abandonnées, les riverains ont fait fermer l'accès à la cour. Seule l'entrée d'eau reste accessible mais, n'étant pas encore restaurée, personne ne se risquerait à s'y aventurer de peur de glisser et de devoir prendre un bain forcé. Il y a bien un autre accès par la rue derrière, la calle delle carrozze, mais là aussi, la porte est la plupart du temps hermétiquement close. 

En sonnant au portail, vous aurez peut-être la chance d'avoir un interlocuteur bienveillant qui vous ouvrira etacceptera de vous faire visiter l'endroit. 
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Enfant, lors de mes vacances vénitiennes, je venais y jouer avec des amis de mon âge qui habitaient au deuxième ou au troisième étage sur la cour. Ce fut un terrain de jeu extraordinaire et, avant Corto Maltese, nous y avions notre univers. Combien de ballons sont partis dans le canal, combien de parties passionnées avec mes soldats Starlux et nos petites voitures. Sconte, salto biralto, cimbani... Autant de jeux typiques qui occupaient les gamins vénitiens pendant des heures et dont je garde plein de souvenirs... Une vieille dame se tenait souvent avec sa chaise au pied de l'escalier. Ai-je jamais su son nom ? Dans l'après-midi, quand l'air se faisait plus doux, d'autres la rejoignaient. Nous partions alors courir dans les rues adjacentes jusqu'à l'heure de la Merenda, (le goûter). Biscuits et Nutella qui s'appelait encore Supercrema...




 

La saison des artichauts à Venise

La saison des artichauts à Venise commence dès la fin du mois d'avril avec la récolte des  castraure, le premier germe de la plante que l'on taille pour permettre la croissance plus ferme et régulière de la plante. Petit et tendre, d'une forme allongée avec des épines au bout des feuilles, l'artichaut de Venise d'un très beau violet sombre qui rappelle le ton de certains velours précieux de Mariano Fortuny, d'où son nom de “carciofo violetto di sant’Erasmo”( artichauts violets de Sant'Erasmo), devenu depuis quelques années un label déposé qui en garantit la provenance et la qualité. L'île de Sant'Erasmo, le potager séculaire de Venise, est une terre parfaite pour la culture de l'artichaut avec un sous-sol sablonneux et crayeux qui permet à chaque pied de produire jusqu’à vingt artichauts chacun. D'autres îles en produisent aussi :  les Vignole, Lio Piccolo, Malamocco, Mazzorbo. Depuis 2004,  le Consorzio del Carciofo Violetto di Sant’Erasmo regroupe une dizaine de fermes qui participent ainsi au développement économique et agricole de l'île. 

La production traditionnelle réglementée des artichauts violet, appelés chez nous poivrade, permet de garantir au consommateur qualité et saveur. Les techniques employées sont les mêmes qu'autrefois et la chimie n'intervient pas. Ainsi, les artichauts de Sant'Erasmo sont garantis de nature biodynamique. La quantité étant naturellement  réduite, la qualité s'avère totalement au rendez-vous ! Les castraure sont une espèce végétale protégée qui fait l'objet de soins attentifs de la part des paysans du cru. Rien à voir avec cette production à grande échelle qui inonde le marché international avec des artichauts, certes du même aspect mais au goût insipide, qu'on fait pousser à coup d'engrais chimiques et qui sont conservés à l'azote avant de traverser l'Europe pour atterrir sur les marchés. 
La récolte se poursuit jusqu'à la fin du mois de juin. Son goût unique permet des alliances raffinées avec le risotto et le poisson. Les castraure se mangent aussi à la croque au sel ou, coupés en lamelles, avec un filet de citron et de l'huile d'olive. Chaque année, le deuxième ou troisième dimanche de mai, Sant'Erasmo fête l'artichaut. Un évènement à ne pas manquer. Pour plus d'informations: www.carciofosanterasmo.it

13 juin 2012

Nouveaux tarifs du Traghetto : le communiqué de presse

Nuovo ordinamento per il servizio pubblico di gondola “da parada”
"Entrerà presto in vigore il nuovo ordinamento per il servizio pubblico di gondola “da parada”: le novità consistono nella cessazione dei contributi erogati dal Comune di Venezia ai Bancali e la modifica delle tariffe, che passeranno, dal 1 gennaio 2013, dagli attuali 50 a 70 centesimi per i residenti e possessori di Imob e a 2 euro per tutti gli altri. Per rendere noti i dettagli della delibera, con la quale è stato approvato lo schema di accordo per l'applicazione del nuovo regolamento, questa mattina l'assessore comunale alla Mobilità e Traffico acqueo, Ugo Bergamo, e il presidente del Bancali, Aldo Reato, sono intervenuti in una conferenza stampa che si è tenuta a Ca' Farsetti.

Bergamo e Reato si sono detti soddisfatti dell'accordo raggiunto, in piena collaborazione e con grande disponibilità: “Quello dei traghetti è un servizio essenziale per la città – ha spiegato l'assessore Bergamo – in quanto si tratta a tutti gli effetti di un trasporto pubblico legato alle tradizioni di Venezia. Questo cambiamento rappresenta una svolta storica che si è potuta compiere grazie al grande senso di responsabilità dimostrato dalle categorie coinvolte.”

Il nuovo ordinamento prevede che il Comune non supporti più economicamente il servizio “da parada” a partire dal 1 luglio. Erogherà perciò soltanto metà dei contributi totali previsti ogni anno (quindi circa 300mila euro anziché 600mila) e porterà a termine entro il 31 dicembre 2012 la manutenzione di tutti gli stazi e di tutti i mezzi di lavoro e trasporto che, dal primo gennaio 2013 in poi, saranno a carico della costituenda società dei gondolieri titolari dei traghetti. Le nuove tariffe entreranno in vigore dal 1. gennaio 2013, mentre rimarranno invariati gli orari.

Infine è previsto che gli introiti pubblicitari delle installazioni sui pontili “da parada” vadano per il 50% al Comune e per il 50% all'Istituzione per la Conservazione della gondola e del gondoliere, e che quelli che derivano dal servizio pubblico non di linea di gondola siano trattenuti dai titolari dei traghetti."

C'est officiel : le Traghetto à 2 euros en janvier prochain !

Le traghetto est le plus ancien moyen de franchissement du Grand Canal. Du temps où seul le pont du Rialto relayait les deux rives, l'usage de la gondolina da parada permettait de traverser l'artère principale de la Cité des Doges. Aujourd'hui encore chaque jour les passeurs effectuent des centaines de voyages chaque jour. Il suffisait autrefois d'un simple appel depuis l'autre rive, et une barque venait vous chercher. Le cri de "Pope" retentissait et l'embarcation glissait sur les eaux pour vous faire franchir les eaux qu'encombraient déjà de nombreux navires de toutes les tailles, galères et gondoles, barges amenant fruits et légumes, ballots de tissus précieux, épices d'orient et barriques, sacs de farine et bois de chauffage. Le trafic n'est plus tout à fait le même, mais le service existe toujours et c'est un élément fondamental non seulement du paysage urbain, mais du fonctionnement de la cité. Aujourd'hui, cet usage millénaire s'apprête à être révolutionné par les impératifs économiques ou plutôt par la dictature du profit véhiculée par cette idéologie ultra-libérale qui gangrène nos sociétés et oblige les administrations à rogner sur ses missions fondamentales.
En effet, il a été décidé en haut lieu de doter prochainement les pontons de ces traghetti des mêmes bornes Imob qui permettent le contrôle des titres de transport aux arrêts de vaporetti et d'autobus. On pourrait sourire de ce carambolage entre un transport en commun venu de la nuit des temps et la technique sophistiquée inventée par l'homme moderne. Hélas l'affaire est grave et elle a deux facettes qui sont loin de réjouir les vénitiens et qui ne devraient pas non plus plaire aux touristes. Aujourd'hui, pour traverser le Canalazzo et faire cette brève mais superbe traversée d'un boulevard unique au monde, il faut débourser 50 centimes (ce fut longtemps 200 lire ou un jeton de téléphone - ce qui avait la même valeur). Ugo Bergamo, Adjoint chargé de la Mobilité et du Trafic lagunaire, l'a annoncé dans une conférence de presse : l'administration a décidé qu'il faudra désormais 70 centimes. 40% d'augmentation ! Pour les touristes et tous ceux qui ne disposent pas d'une carte Imob, ce sera... 2 euros ! Cette augmentation qui interviendra à partir du 1er janvier 2013, ne vient pas d'une demande des gondoliers, mais leur Consorzio qui gère ce service dit da parada va devoir assumer seul la charge de ce service, suite au désengagement de la municipalité qui ne versera bientôt plus les 600.000 euros annuels qui servaient au fonctionnement de ce service, ouvrant la route à une sorte de privatisation, puisque se constitue une société de gestion des traghetti heureusement entre les mains des seuls gondoliers.

L'ultra-libéralisme n'a honte de rien ! Depuis des mois, en réponse à la rumeur, les pouvoirs publics - et les gondoliers eux-mêmes - clamaient haut et fort que le tarif pour les vénitiens ne serait pas augmenté d'un centime ! Seuls les touristes seraient ponctionnés... Il a été annoncé aussi que les recettes des emplacements publicitaires sur les pontons seraient partagées entre les caisses de la ville et celles de  l'organisation qui veille à l'entretien et à la conservation des gondoles.
Autre volet de l'affaire qui attire les foudres des vénitiens : il faudra faire valider sa carte avant que de monter sur l'embarcation. Sans carte ce sera le prix fort. On peut comprendre la démarche dans une logique de rationalisation des transports urbains dans un univers aussi particulier que le centro storico mais ces bornes de validation sont un peu ce que la diabolique carte Monéo est à nos porte-monnaies : un outils de pistage, de contrôle de nos mouvements. Car les données enregistrées sont conservées par le services. On sait ainsi quels sont les horaires et les habitudes de déplacement des titulaires de la carte. Sous prétexte de statistiques utiles au maintien et à l'amélioration de la qualité des services proposés, on sert Big Brother sans que personne ne s'en rende vraiment compte. Les vénitiens l'ont bien compris qui se révoltent contre ce flicage qui correspond bien à la dureté et à la rigueur d'esprit de l'actuel président du Conseil, l'économiste Monti et de cette Europe technocrate qui semble n'avoir toujours rien compris et s'entête sur les chemins de la croissance à outrance pour créer l'illusion de richesses et nous enferme dans un matérialisme suicidaire. Des plaintes ont été déposées par des associations de vénitiens. On attend la suite.

La rogne qui est relayée par les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête depuis la conférence de presse semble ne pas devoir servir à grand chose. Hors la Tesserà Imob, point de salut pour votre portefeuille, et les amis vénitiens résidents que j'ai interrogé sont assez désabusés. Pareille à la trombe d'eau qui s'est abattue l'autre jour comme une tornade de Floride sur le Nord Est de Venise, la nouvelle vient s'ajouter à tous les motifs de désenchantement qui gagnent les habitants de la Sérénissime. Les vénitiens sont bouche bée à l'idée de devoir montrer leur carte IMOB pour pouvoir monter sur le traghetto s'ils ne veulent pas être contraints de payer 2 euros comme les touristes ! Comme l'écrit Alberto Toso Fei sur sa page Facebook : " Finalement, on a compris à quoi sert la carte IMOB... à monter sur le traghetto !" Décidément, nous vivons une époque moderne comme disait Philippe Meyer chaque matin sur les ondes de France Inter !