24 septembre 2012

Un lundi sans histoire


La Ve Variation dans le style italien de Johan Sebastian Bach résonne dans l'escalier. Un ritornello guilleret, qui n'est pas sans rappeler Antonio Vivaldi, accompagne le soleil de cette matinée. Le premier jour de la semaine. Pallier le manque d'entrain après un dimanche trop court, d'heureux moments trop vite passés, par la joie du renouveau, la liberté d'une page blanche. Passer l'aspirateur, faire un brin de poussière - elle revient tellement vite - sortir la planche à repasser et le panier de linge pour ne plus remettre à plus tard l'inévitable corvée. La liste des courses qu'on aurait dû faire samedi. Il faisait tellement beau, l'air était chaud comme au beau milieu de l'été. Le ciel pourtant n'est plus tout à fait le même. Le bleu s'est fait plus clair, des nuages se rapprochent. Il pleuvra sûrement aux alentours de midi. En attendant, par les fenêtres ouvertes, le vent nous porte les bruits familiers, le chant des oiseaux, le roucoulement d'une colombe, le bruissement des feuilles, le bavardage des ménagères en bas dans la rue, le cri du facchino qui pousse son lourd chariot rempli de victuailles... 
 
 
Le son des cloches du campanile voisin rappelle à l'ordre. Le temps passe et nous sommes en Automne. J'aime le terme utilisé par les américains, the Fall qui est toujours associé dans mon esprit à la beauté de New York quand les feuilles jaunissent et que la lumière devient plus douce, enrobant toute la ville de faisceaux dorés que la pluie renforce et embellit. Le paysage urbain qui s'offre à la vue des passants devient comme une laque précieuse. Mais je suppose qu'on peut dire cela de toute ville en automne. 

A Venise, la lumière est belle chaque jour. Avant l'orage quand tout devient orangé et métallique, sous la pluie, les couleurs se diluent et c'est presque une vision monochrome qui nous apparait. Quand il neige, le silence amplifie l'aspect magique des formes immaculées qu'une silhouette sombre fait irradier par contraste. Il est tellement difficile de décrire la ville quand on n'est pas peintre soi-même, ou simplement photographe. C'est vrai qu'ici tout devient différent à cause du silence. Non pas que Venise puisse être considérée comme une ville sans bruit. Bien au contraire, mais l'absence de véhicule dans les rues modifie notre perception de l'espace. Seul parfois, le grand canal et son trafic peut rappeler la ville moderne avec ces nombreux bateaux de toute taille et de toute sorte qui vont tous à une allure différente. Car les gondoles ont exactement l'allure et le rythme des gens qui marchent.  Je ne crois pas qu'il existe au monde une autre ville dont la vie s'écoule à ce point à une allure unique. Ce rythme commun à tous influe forcément sur le regard que nous posons sur la ville elle-même. Cela dérange parfois et je connais de nombreux esthètes qui préfèrent à Venise l'effervescence de Trieste ou de Florence. Rome, c'est encore autre chose qui parfois selon moi s'assomiglia à la Sérénissime.


..Le ménage se ralentit. Une altercation en bas dans la rue entre un gondolier et un livreur. Je ne sais pas le motif de leur dispute, mais cela semble fondamental puisque tout le monde s'en mêle. A chaque fenêtre, une tête se penche, parfois quelques uns se mêlent au débat. Les cris ne durent qu'un moment. Le calme revenu, on entend de nouveau le chant des oiseaux et le souffle du vent dans les arbres du jardin. Nous irons déjeuner à la Rosticceria San Bartolomeo, cette tavola calda où j'ai mes habitudes depuis le temps où j'étais étudiant ici. Leurs polpette sont divines. un plat de lasagne et un verre de vin blanc, nous irons ensuite prendre un café sur le campo Santa Maria Formosa, délice toujours renouvelé d'un macchiato pris tranquillement sur la terrasse, si la pluie, bonne fille, veut bien attendre encore un peu. Sinon nous le boirons debout au comptoir ce café. Et si on se laissait tenter par leur grappa. Nous la boirons en l'honneur du vainqueur de Lépante qui vivait là, quelque part au-dessus du bar. 

Nous irons ensuite farfouiller dans quelques librairies, mais le meilleur de l'après-midi sera le temps passé à la bibliothèque de Querini Stampalia. L'atmosphère unique de ces lieux si calmes, remplis d'un silence plein de vie. Cette sensation de plénitude, on la ressent bien davantage encore les soirs d'automne, quand la nuit recouvre la ville et que, par les fenêtres ouvertes les odeurs du jardin se répandent dans les grandes salles, se mêlant à l'odeur des livres et au parfum de la cire qui fait briller les sols et les meubles.


L'art et la beauté sont partout ici. Le dire une fois de plus après les plus grands poètes semble incongru. Même la laideur de certaines façades abandonnées, les plus ordinaires bribes de vie prennent une dimension esthétique que l’œil ne peut manquer de remarquer. Mes lecteurs le savent bien qui me lisent  souvent et savent combien je me régale de tant de petits riens, parfois drôles, parfois sordides que la lumière, l'air, le silence ou les bruits de la ville magnifient. Un couple qui marche dans une ruelle tranquille éveille en moi le souvenir d'un tableau de Guardi. La tâche rouge du vêtement de la femme en est certainement l'élément déclencheur. on trouve souvent dans les petits tableaux que le védutiste réalisait dans son atelier, pour les touristes de son époque, une tâche rouge qui donne vie à toute la composition et met en valeur le reste du décor, fait de bruns, de jaunes et de verts. La cape d'un passant ou le store pourpre qui pend d'une fenêtre et un joli ciel d'azur nimbé de petits nuages pommelés se retrouvent souvent. 
 
 
Penser à Guardi un lundi matin, avec la musique italienne de Bach fait vagabonder mon esprit. je ne suis plus dans cet appartement moderne où peu d'objets rappellent la grande époque de l'art de vivre vénitien. Pourtant, je m'imagine bien vite dans un salotto du settecento aux parois tendues de velours de soie - l'annonce d'un certain XIXe avec son goût pour le chaleureux et l'intime - de grandes fenêtres ornées de ce verre soufflé en forme de cul de bouteille qui renvoie avec la lumière de fascinants rayons de toutes les couleurs. De gros meubles en marqueterie, un miroir peint. Et, près de la cheminée, devant un guéridon d'acajou, une jolie jeune patricienne qui joue aux cartes avec un vieil abbé ami de la famille. La jeunette songe au garçon bien fait qui lui fait un brin de cour à la messe... Là encore, d'autres ont bien mieux que moi su décrire ces scènes qui s'éveillent en rêves dans nos cœurs rendus fantasques par l'air qu'on respire à Venise.
 

 

10 commentaires:

14 septembre 2012

Qui saura dire où a été prise cette photo ?


Un cadeau surprise pour la première personne qui saura retrouver le nom et l'emplacement des lieux photographiés ici.

6 commentaires:  

  Malheureusement non retrouvés au moment de la republication de ce billet 

12 septembre 2012

Touristes solidaires : Signez la pétition contre les grands navires à Venise !

Amis lecteurs, c'est la guerre et nul ne peut se voiler la face : Venise est vraiment totalement et à chaque instant menacée et nous devons tous réagir avant qu'il ne soit trop tard. J'invite tous ceux qui seront à Venise le 16 septembre à se regrouper à la pointe de la Douane et aux Zattere pour participer à la grande manifestation organisée par le peuple de Venise contre les navires de croisière qui circulent chaque jour par dizaines désormais dans les eaux de la lagune représentant un facteur de pollution énorme et un danger pour les monuments comme pour les populations. 

La Régate Historique à peine achevée, les premiers paquebots se présentaient devant la place Saint Marc, avançant au milieu des frêles esquifs des vénitiens venus participer à la fête, au risque de faire chavirer ou couler une des barques. Forts du laxisme des pouvoirs publics, de la protection qu'ils reçoivent des institutions financières régionales et du gouvernement italien (propriétaire du port et des eaux lagunaires), les compagnies maritimes concernées affichent un mépris scandaleux pour la protection de la cité des doges, de son environnement et de sa population.
 
On ne sait pas assez que ces vendeurs de rêve ne respectent rien, à commencer par les règles élémentaires de navigation (on l'a vu avec le naufrage du Costa machin), du sauvetage en mer (quand un passager tombe à l'eau, le navire continue sa route sans même ralentir se contentant d'avertir les autorités portuaires les plus proches de l'accident). Il suffirait d'une avarie technique au moment des manœuvres à l'entrée du canal de la Giudecca pour qu'un bateau s'échoue au milieu des immeubles des Zattere, voire même chavire sur la façade du palais des doges. Les fumées que ces navires produisent polluent autant que les cheminées des raffineries de Marghera heureusement presque toutes disparues aujourd'hui.


Peu à peu le monde entier se rend compte du danger que ces navires gigantesques font courir à la Sérénissime. Partout des articles fleurissent qui dénoncent l'immobilisme des autorités italiennes. On en parle même dans le couloirs de l'ONU Dit-on ! Une pétition internationale (ICI) circule sur le net depuis plusieurs mois, elle est adressée au gouvernement propriétaire et responsable du port de Venise et des eaux lagunaires. L'initiative récente d'un parlementaire italien, Felice Casson qui a déposé un projet de loi permettant à la cité de Venise de retrouver la pleine jouissance et gouvernance des eaux de la lagune et la propriété de son port, si elle aboutissait permettrait de revoir cette situation pericolosa. Encore faudrait-il que les édiles locaux aient une réelle volonté d'agir contre ces sociétés de navigation qui sont la honte de la profession, gigantesques machines à pognon pour qui le client importe autant qu'une huître au milieu de l'Adriatique. A Venise comme ailleurs, la dégénérescence des esprits et l'opportunisme des politiciens au pouvoir assujettis la plupart à ce délirant et abject lucrum infinitum, déjà dénoncé au moyen-âge - la poursuite indéfinie du gain sans raison morale et «absorbant toute l'activité des facultés humaines» comme l'écrivait un éminent historien de l'économie - qui est hélas devenu le leitmotiv absolu de notre monde. Chacun à notre niveau, agissons et agissons vite ! 
 

2 commentaires: 

 Veneziamia a dit :C'est David contre Goliath, mais finalement qui a gagné ? Il faut espérer que le trop court reportage aux JT de TF1 fassent réagir et que les choses changent rapidement. Je serai à Venise lundi, hélas trop tard pour manifester avec les vénitiens et j'espère aussi les touristes présents. J'ai bien sûr signé la pétition et l'ai fait signer à mes connaissances. Contre les puissances de l'argent, de l'inconscience et de la bêtise nous ne serons jamais trop actifs.

13 septembre, 2012

Veneziamia a dit : gelinotte : essayez par ce biaishttp://www.petitionenligne.fr/petition/petition-populaire-hors-de-la-lagune-les-navires-incompatibles/251213 septembre, 2012


10 septembre 2012

E finità la Mostra... Qui s'en est rendu compte ?

Peu d'éclat décidément dans cette 69e Mostra du cinéma. Les derniers projecteurs éteints, le tapis rouge enlevé, il ne restera pas grand chose de ce cru médiocre. Est-ce la faute au temps ? à la crise ? au monde qui change trop vite pour le doyen des festivals de cinéma. Le cœur semble avoir manqué aux festivaliers, même si les médias nous ont inondé de photographies de stars tous sourires et que les échos de certaines projections laissèrent à penser qu'il y avait du bon, du vraiment très bon. 

Mais ne soyons pas grincheux. La période est morose certes, mais l'espoir d'une sortie prochaine de la crise voire l'imminence d'un sursaut d'inventivité et de créativité dans tous les domaines ne doivent pas être exclues. L'homme a toujours été capable du meilleur autant que du pire. Et puis il y a eu de bonnes choses au Lido durant ce festival. Beaucoup d'artistes avaient répondu présent et le cinéma français était là, comme toujours, moins vif et ardent que dans les années 80, mais l'industrie cinématographique française tient son rang avec des acteurs vieillissants mais toujours valeurs sûres, même si cela n'a plus rien à voir avec la grande période Unifrance avec Daniel Toscan du Plantier et Jack Lang !

Le Lion d'Or décerné au sud-coréen Kim Ki-Duk est un bon choix. Le réalisateur du magnifique «Printemps, été, automne, hiver... et printemps» a présenté à la Mostra son magnifique « Pietà » qui a été très bien reçu par le public. A Venise, en dépit de la peopolisation de la manifestation, le public lambda qui peut voir les films pratiquement en même temps que les invités, les journalistes et le jury, se trompe rarement dans ses choix. Film dur que ce Lion d'Or 2012, histoire passionnelle d'amour et de vengeance filmé avec une grande maîtrise et beaucoup d'inventivité. Le coréen avait déjà reçu un lion d'argent en 2004, pour «Locataires», un autre très beau long-métrage. Mais le film qui a marqué les esprits restera «The Master» de Hoffman.

La venue de Gérard Depardieu pour le film «L'homme qui rit», m'a rappelé cette Mostra où Maurice Pialat présentait «Police». L'acteur était venu en compagnie de son fils Guillaume, à peine âgé de quinze ans, aujourd'hui disparu hélas.


Pour ceux qui ne seraient pas au courant du palmarès, parmi les 18 films en compétition, le jury, présidé par Michael Mann, a décerné les prix suivants :
  • Le Lion d'Or : Pieta, du réalisateur sud-coréen Kim Ki-Duk.
  • Le Lon d'Argent du Meilleur Réalisateur : Paul Thomas Hoffman pour son film The Master.
  • Prix du Meilleur Scénario : Olivier Assayas avec le film  Après-Mai.
  • La Coupe Volpi du Meilleur Acteur : ex-aequo Joaquin Phoenix et Philip Seymor Hoffman, pour leur rôle respectif dans The Master.
  • La Coupe Volpi de la Meilleure Actrice : Hadas Yaron pour Fill the Void.
  • Prix spécial du Jury : Ulrich Seidl pour Paradis : Amour.
  • Prix Marcello Mastroianni du Meilleur Espoir : Fabrizio Falco pour ses rôles dans La Bella Addormentata de Marco Bellochio et E' Stato il Figlio.
  • Prix de la Meilleure Composition technique : Daniele Cipri avec Mon père va me tuer.

08 septembre 2012

5072 commentaires à ce jour sur le blog !

Pour sacrifier à la mode qui porte à mettre en avant statistiques et résultats, Tramezzinimag qui fêtera au printemps prochain ses huit ans, a recueilli depuis sa création 5.072 commentaires pour un total à ce jour de 1910 billets publiés. 

 
Acerbes ou moqueurs parfois au début - le blog se mêlait alors de politique puisque c'était la triste période du référendum sur la constitution européenne, (celle-là même qui a nous a précipité dans la situation d'aujourd'hui et que les français rejetèrent en masse au grand dam de la caste dirigeante, de droite à gauche, des médias et des élites parisiennes), les commentaires arrivèrent très vite. La preuve qu'aucun des sujets abordés sur le site ne laissaient indifférents. Même la conception de l'Europe. Mais fi de la politique, contrairement à ce qu'Albert Camus prêcha dans son Discours de Stockholm, Tramezzinimag est dévolu à la beauté, à l'art, à la poésie puisque qu'il est dédié à Venise. 

Dans le monde difficile et qui change - sans que nous sachions rien encore de sa consistance à venir - dans lequel nous vivons, il est bon se réjouir plutôt que de se lamenter. Alors, réjouissons-nous de tous ces blogs, frères ou cousins de Tramezzinimag, éclos au fil des années et qui tous expriment le même amour pour la Sérénissime. Mais, chers lecteurs, ne vous méprenez pas, je ne revendique aucunement la première place avec ce blog. Je voudrais simplement souligner que sa naissance en 2005 a été suivie de l'arrivée de bon nombre de sites originaux, tous différents et parfaitement complémentaires, qui donnent aux Fous de Venise que nous sommes de quoi alimenter notre passion. Si ce blog a vraiment donné à d'autres l'envie de se lancer, c'est un grand honneur !

Avec les nouveautés du net (Facebook, Tumblr, Twitter, ...), Venise dispose ainsi de mercenaires désintéressés et totalement dévoués qui, pour la plupart, dispensent un discours durable au service de la ville et de ses habitants. Car qui aime Venise sait combien elle est en danger et combien il est urgent de participer à sa défense. Cela commence par le respect de sa spécificité, par la prise de conscience des dangers que représentent là plus qu'ailleurs les débordements de la vulgarité yankee, la pire expression de cet ultra-libéralisme qui risque d'emporter l'humanité entière et la démocratie. 

Une fois encore mille mercis à mes lecteurs et longue vie aux nombreux blogs qui nous ont rejoint depuis 2005. Evviva Venezia !

06 septembre 2012

Drôle de Redentore cette année


Un ami vénitien me disait ce matin au téléphone qu'il n'avait jamais vu une nuit du Rédempteur aussi décharnée que celle de cette année. Cette venezianità qui fait les délices des vénitiens, de sang ou de cœur - et le régal des voyageurs qui savent combien s'imprégner des us et des coutumes d'un lieu a d'importance - a été bien malmenée.
 
D'abord par notre concitoyen, le milliardaire Pinault qui avait fait interdire la Pointe de la Douane au public ce soir-là ( ! ) parce qu'une fête privée était organisée dans les locaux dévolus à sa Fondation d'Art contemporain. La Pointe de la Douane, vous imaginez ? Un lieu mythique où il est depuis toujours d'usage de s'installer pour admirer le feu d'artifice (lieu favori des enfants, comme sur le cliché de Graziano Arici ci-dessus) pour ceux qui n'ont n'a pas la chance de pouvoir passer la soirée sur une des barques décorées qui envahissent tout le Bassin de San Marco cette nuit-là. 

Les barques décorées, parlons-en aussi, car à cette aberrante confiscation de l'espace public s'ajoutait l'interdiction formelle, édictée par la Capitainerie du Port, de décorer les  embarcations à moteur et de les doter de tables. Sanctions pénales lourdes pour ceux qui utilisaient des mototopi et autres petites barques pour transporter des gens. On n'avait jamais vu autant d'interdictions pour une nuit du Rédempteur. «Scandaleux» crièrent bon nombre d'habitants de la Sérénissime. «A quand la suppression du pont votif au nom du principe de précaution ? » criait mon ami très remonté à l'autre bout de la ligne.

Heureusement, tout le monde garde le souvenir des nuits du Redentore d'autrefois, quand la fête était joyeuse, sans débordements, sans vulgarité, sans incidents et sans restrictions. Mais les temps changent et la barbarie s'immisce partout.

© Photographie de Graziano Arici

11 commentaires :

05 septembre 2012

Petit jardin à Venise

On dit souvent que Venise est une ville très minérale où les espaces verts sont peu nombreux. Quelques jardins publics,  d'autres privés le plus souvent cachés aux regards des passants, des arbres sur les campi et des pots de fleurs sur le rebord des fenêtres. Depuis quelques années, les vénitiens ont pris l'habitude d'orner les entrées de maison de plantes. Il suffit de quelques pots de géranium, d'un arbuste ou deux, pour rendre un cortile accueillant et transformer une simple cour en jardin comme celle-ci.

03 septembre 2012

Regata Storica 2012 : un Grand Cru !

Encore eux ! Pour la 11e fois, les cousins Vignotto, vénitiens de San Erasmo ont défrayé la chronique de la traditionnelle Regata storica. Une nouvelle victoire après un suspense digne des films américains assortie d'une énième polémique comme ils nous y ont habitué depuis longtemps. Pas de bagarre, une poignée de main au contraire au sortir de la course, quand les équipages, encore essoufflés se rapprochaient de la Macchina, le ponton d'honneur où devait leur être remis les bandiere, ces fanions de couleurs qui sont à la régate vénitienne ce que furent les couronnes de laurier aux athlètes d'Olympie.  "On ne peut pas régater de cette manière" a déclaré l'un des vainqueurs, "Tout le monde sait que celui qui est le plus près du piquet doit tourner en premier. Ils ont voulu nous pousser, et finalement nous avons passé le virage en second !" Mais passée cette attaque directe aux méthodes de l'équipage de Gianpaolo d'Este avec qui le duel fut rude et magnifique, ces deux-là, s'ils sont de vrais râleurs - comme leurs deux challengers - ont un coeur d'or et c'est avec de l'émotion dans la voix qu'ils sont dédié leur victoire à Michele Bozzato, le gondolier chantant, disparu le 23 août dernier d'une maladie fulgurante, devenu ces dernières années une véritable institution et dont la mort a vraiment affligé tout le monde à Venise.
Regata Storica di Venezia 2012: vincitori e risultati




Belle journée donc, qui fait dire à certains chroniqueurs vénitiens que la Sérénissime a vécu un pur et grand moment de venezianità, se prouvant - et prouvant au monde qu'elle n'est pas un musée ou un parc de loisirs, mais bien un lieu de vie et d'innovation. La Régate historique n'est pas une des ces inventions folkloriques artificielles pour gogos en mal d'émotion. C'est  un évènement culturel lié à la tradition historique mais aussi très implantée dans le quotidien des vénitiens d'aujourd'hui. Cette course fait le lien entre un passé extraordinairement riche (le succès du défilé historique dépasse le pittoresque des costumes en faisant découvrir des métiers et des usages oubliés) et les vénitiens du XXIe siècle. Chacun a ses favoris et nombreux parmi le public local sont ceux qui pratique la remiera dans un des nombreux clubs de la lagune.


Avec un ciel redevenu clément, sans les pluies que tout le monde redoutait, Venise s'est contemplée sans faux-semblants, telle qu'elle est vraiment :  attirante et authentique. Parmi les milliers de visiteurs qui avaient envahi le centro storico, beaucoup étaient vénitiens, Venus de toute la lagune, des îles comme de terraferma, ils ont rappelé au monde leur attachement à la Sérénissime. L'évènement s'ajoutant à la Biennale d'architecture et à la Mostra du Cinéma, qui se déroulent en ce moment, faisant de Venise la capitale culturelle de l'Italie. Des journalistes parlaient même de capitale politique ce dimanche, puisque on notait la présence d'un nombre impressionnant de membres du gouvernement et de parlementaires dans la tribune d'honneur, la Machina, simplifiée cette année, avec un accès central bien plus pratique, qui accueillait autour du Patriarche de Venise et du Maire Orsoni, près de 800 invités.


Commencée à 16 heures avec le cortège historique, traditionnel défilé de bateaux reproduisant l'entrée triomphale organisée par la Sérénissime pour le retour de Caterina Cornaro, avec à sa tête le doge et  dans le rôle de la fameuse reine de Chypre, la splendide Margot Groia, de Mestre qui remplace dans le rôle une autre vénitienne partie faire ses études en Angleterre. Toutes les embarcations étaient là, parmi lesquellles la Bissone, la Dogaressa, la Serenissima. Il ne manquait que la Bisantina et Neptuno qui sont cette année en restauration. Manquait aussi le Bucentaure dont on devrait voir flotter d'ici quelques années la réplique exacte. Puis après le long cérémonial du défilé nautique, ce fut le début des compétitions.


Quatre régates au total, celle des giovanissimi (catégorie des plus jeunes rameurs) sur des pupparin, remportée cette année par les brillants Nicolà Ballarin et Andrea Rosada, puis le mascarete réservées aux filles, remportées par Risultati Regata storica Venezia 2012, i vincitori
Luisella Schiavon
et Giorgia Ragazzi, celle des caorline (barques à six rames) gagnée par l'équipage de Burano en 37'48"08, et la course la plus attendue, celle des gondolini. Celle où se défiaient une fois de plus les cousins Vignotto et Gianpaolo d'Este et son équipier Ivo Redolfi Tezzat, les vainqueurs de 2011 qui ne sont arrivés que troisième, devancés par deux plus jeuens gondoliers, Roberto Angelin et Fabio Barzaghi. Bataille et résultats très commentés par le public.


D'autres évènements contribuèrent à l'extraordinaire animation de cette journée avec la régate des bisse du Lac de Garda, course traditionnelle véronèse, des maciarelle, celle des Atenei Veneti, réservée aux étudiants - vénitiens et étrangers- et la compétition des 8-14 ans, espoirs du nautisme vénitien. L'occasion de rappeler à nos lecteurs que le mot régate est un mot d'origine vénitienne qui est utilisé dans le monde entier et qui dérive du vénitien regatar (mettre en ligne). Au moment du départ, les embarcations sont toutes regroupées côte à côte sur une même ligne pour ne faire qu'un bloc et retenues par un câble appelé spageto attaché à la poupe de chaque embarcation.



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02 septembre 2012

Regata storica : c'est aujourd'hui et en ce moment !


Le miracle de la technique : presque comme en vrai, j'assiste via Skype, à la 116e régate historique depuis une embarcation amarrée près de la Ca'Farsetti, la mairie. Les barques se succèdent : bleu, violet, rose, orange rouge. Et toujours les violons de Vivaldi, et la foule joyeuse. Quel grand et beau moment que cette régate qu'on appelait Regata Reale autrefois. ..En dépit de la chute de la République en 1797, les régates n'ont pratiquement jamais été interrompues à Venise. Les français quand ils occupèrent la Sérénissime organisèrent même des courses spéciales, notamment pour fêter le 14 juillet puis une autre en l'honneur de Joséphine de Beauharnais, devenue l'épouse de Buonaparte qui n'était encore qu'un général ambitieux. Dix ans plus tard, une autre grande régate fut organisée pour le corse devenu empereur. En 1815, quand la ville devint autrichienne, on fit de même pour l'empereur d'Autriche. L'occupant eut l'intelligence de comprendre l'importance de ces régates pour la population et tout fut mis en place pour qu'elles se déroulent régulièrement. C'est à partir de 1841 que la Regata telle que nous la connaissons a pris forme. Interrompue par la révolution de 1848, elle ne reprendra qu'en 1866, l'année même où Venise fut annexée au nouveau Royaume d'Italie et, en 1899, suite à la proposition du maire de l'époque, Filippo Grimani, la régate royale prit le nom de régate historique.

Pendant que j'écris sur l'histoire de la manifestation, la compétition fait rage entre les cousins Rudi et Igor Vignotto (gondoliers qui font partie de l'équipe du traghetto de la Pescheria) qui sur leur gondolino bleu profitent de leur position à l'intérieur de la boucle du grand canal pour dépasser les autres favoris, les vainqueurs de l'année précédente, Ivo Rodolfi Tezzat et Gianpaolo d'Este (ceux du traghetto de la Riva del Carbon) sur la barque rouge. Le gondolino jaune dont l'un des équipiers, Luca Ballarin est le plus jeune de la course, vient d'arrêter suite à un incident inattendu. La foule est au comble de l'excitation. c'est le moment le plus important de la régate. Les deux équipes favorites sont au coude à coude. Partout les tifosi brandissent des ballons aux couleurs de leur équipe. C'est magique, même à distance !


Impressionnante cette course comme chaque année, avec ces athlètes d'une force incroyable, grands  -Gianpaolo d'Este mesure deux mètres ! - et musclés, ils démontrent une incroyable endurance et leur course est vraiment le clou de la manifestation. Mais quelle surprise, la barque violette, de Roberto Angelin et Fabio Barzaghi semble en première position, largement devant les deux équipes favorites. Quel suspense ! Les Vignotto dépassent le gondolino violet, bloquant les rouges. Beaucoup de mains levées, ce qui annonce pas mal de discussions et de débats avec les juges à l'arrivée. Le cri des tifosi se fait hurlements de joie : L'équipage celeste (bleu ciel) des Vignotto est le vainqueur de la 116e Régate Historique devant l'équipe de la terraferma (une première), la barque violette d'Angelin et Barzaghi de la Remiera Mestrina, avec qui il faudra désormais compter. Evviva Venezia !

  

Le retour

Un mois, un long mois de farniente sans internet, sans les bruits de la ville, sans la pollution et le stress d'un quotidien trop souvent déterminé malgré soi. Un mois pour appliquer un vrai "lâcher prise" et rester en dehors des tensions et des préoccupations du monde. Promenades dans les dunes, baignades dans les énormes rouleaux des grandes marées, balades à vélo dans les chemins creux à l'ombre des noisetiers, mais aussi longues heures passées dans le jardin, parmi les hortensias et les rosiers, à lire... Un rythme paisible partagé en famille, loin du monde, du petit-déjeuner préparé et pris en commun jusqu'au dernier verre devant un feu de cheminée. Tout cela est terminé et déjà la rentrée est là. Sans regret ni nostalgie, une page se tourne. Dès demain, les plus jeunes reprendront le chemin de l'école... La douceur de l'air, la lumière rendent la transition plus douce. J'aime cette période de l'année, ou aux étals des boutiques, pêches, melons et abricots se mêlent aux poires, prunes et raisins et qu'on traîne encore volontiers le soir dans la douceur du couchant. 
C'est aujourd'hui dimanche, le premier en ville depuis plus d'un mois. Les rues inondées de soleil sont encore presque vides. Au loin, une cloche sonne qui rappelle Venise. Les odeurs marines de la rivière voisine qui se faufilent par la fenêtre ouverte porteraient-elles à nos oreilles la musique de Vivaldi qui à cette heure inonde le Grand Canal à l'occasion de la 116e Regata Storica ? Pas de miracle sinon celui de la technique : des amis vénitiens ont branché la caméra de leur ordinateur et grâce à Skype, je suis un peu avec eux. Si j'entends les applaudissements (ils sont fournis au passage du Corteo historique) et la musique, il manque la chaleureuse ambiance de la barque, le vin blanc frais et les ciccheti. Être à Venise ce premier dimanche de septembre sera pour une prochaine fois, quand les enfants seront grands. Dieu voulant ! Bonne rentrée à tous.


28 juillet 2012

Tramezzinimag prend quelques jours de vacances

 
Vous l'aurez remarqué, ça ne turbine plus beaucoup à TraMeZziniMag. Cela sent les vacances ! En effet, votre serviteur prend quelques semaines de repos (mérité) sur ses lointaines terres normandes. Le temps de s'oxygéner et de retrouver un rythme paisible et bienheureux : promenades en famille dans les dunes, balades en vélo, confitures et pâtisseries comme autrefois, lectures et farniente dans le jardin ou sur la plage si le temps le permet, ou devant la grande vieille cheminée (c'est Cotentin avec le climat qui va avec !). Le temps de reprendre des forces pour affronter la rentrée, l'automne puis l'hiver. Bonnes vacances à tous nos lecteurs et à bientôt.

19 juillet 2012

Fête de San Giacomo dell'Orio : A Venexia se divertimo ancora cussì...



Pour ceux qui sont à Venise en ce moment, touristes ou vénitiens, une manifestation devenue une tradition, se déroule jusqu'au 21 juillet : c'est la fête de San Giacomo dell’Orio. Pendant dix jours, le campo accueille chaque soir des stands gastronomiques et des concerts. La fête comme on sait la faire à Venise. Musique et bal comme autrefois, avec une musique d'aujourd'hui. Sur la scène se succéderont des groupes vénitiens dont certains commencent à se tailler une bonne réputation comme par exemple le groupe Ska-J, les Pitura Stail pour les amateurs de reggae et la Salsa du groupe Batisto Coco, rythme des Balkans avec le Rimmonnim Klezmer Band, on pourra aussi entendre La Ghenga Fuoriposto de Marghera. Toutes les informations ICI.

17 juillet 2012

Les chats de Venise : quelques rescapés




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Un grand remerciement aux auteurs de ces superbes photos
 et aux chats qui acceptent que leur image soit diffusée.
 

Délices à la vénitienne : la poêlée d'anguilles

 "Magna e bevi che la vita xe un lampo" ..

 Quand vient l'été, le temps des vacances et du farniente, on a souvent envie de changer un peu ses habitudes. Le train-train quotidien, qui laisse peu de place à la fantaisie, est loin derrière nous pour de longues semaines. C'est souvent le désarroi au début. On ne sait plus très bien où on en est. Autre rythme, autres lieux, il faut tout réinventer mais bien vite le corps et l'esprit s'adaptent au nouveau décor. Finies les contraintes, les coups d’œil nerveux à la montre, le stress. C'est enfin le temps pour soi, pour ceux qu'on aime. L'occasion de concocter de bons petits plats et de les savourer. Bien que le temps jusqu'ici n'est pas été des plus cléments, un repas en famille sous la tonnelle, dans le jardin ou un pique-nique sur la plage, quoi de plus sympathique ? Pour nous ce soir, c'était un festin de doge. Jugez vous-même : un gargantuesque plat de polenta fumante couverte d'une épaisse couche de bon beurre fondu et de parmesan frais pour accompagner des Bisati in teglia(anguilles à la poêle) comme on les savourait déjà du temps de Casanova. La recette - qui diverge un peu de la mienne - est d'ailleurs citée dans l'excellent ouvrage "Casanova, un Vénitien gourmand".
 

Il vous faut : 1 kg d'anguilles préparées et coupées en tranches, des gousses d'ail, un bouquet de ciboulette et un de persil, du romarin frais, et de la sauge (fraîche aussi), huile d'olive, beurre frais, vin blanc, sel et poivre, polenta.

Bien nettoyer les tronçons de poisson, les faire dorer à feu vif dans l'huile d'olive mélangée au beurre. Ajouter ensuite l'ail et les herbes finement ciselées et après avoir bien mélangé le tout, ajouter les feuilles de sauge. Remuer puis ajouter peu à peu le vin blanc en prenant soin de déglacer complètement la poêle pour avoir une sauce très dense. Saler et poivrer. Servir aussitôt sur de la polenta fumante couverte de beurre et de parmesan. Une autre possibilité est de servir les anguilles avec des grandes tranches pain blanc, genre Ciabatta (à faire à la maison, c'est meilleur) que l'on imbibera de sauce. C'est un plat divin.
..Comme je disposais d'oignons et de poireaux frais coupés du jardin des voisins, j'avais garni les assiettes avec une fondue de poireaux et d'oignons cuite doucement avec du poivre dans de l'huile d'olive et du beurre avec un peu d'ail haché . Cette compotée allége parfaitement la polenta et les anguilles couvertes de leur onctueuse sauce. N'ayant plus de polenta sous la main, j'ai servi cette poêlée avec des pâtes simplement juste agrémentées de jeunes tomates bien mûres, d'ail et de romarin frais du jardin. Un délice.

11 juillet 2012

Venise, le sénateur et les paquebots géants


Il est réjouissant de voir que parfois certains de nos combats, ces coups de gueule qui agacent plus d'un lecteur, en rapport avec des faits qui nous désolent tous, sont repris par les grands médias internationaux et peuvent ainsi atteindre enfin le grand public. C'est le cas de l'actuelle polémique sur les Grandi Navi, dont Tramezzinimag dénonce les dangers depuis longtemps et qui fait l'objet d'un excellent article dans Le Monde daté du mardi 10 juillet. Avec pertinence, le papier d'Evelyne Evin expose les faits et donne l'essentiel des éléments qui manquent la plupart du temps aux commentaires sur l'actualité de la Sérénissime. Cela nous réjouit et nous félicitons l'envoyée spéciale du journal pour avoir su traduire avec exactitude et précision la situation actuelle à venise ! 
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Un sénateur italien veut mettre Venise et sa lagune à l'abri des paquebots géants  par Florence Evin
 
Le trafic aux abords de la cité des Doges est de plus en plus intense en dépit d'interdictions prises par le gouvernement
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Lundi 9 juillet, Felice Casson, sénateur de Venise, devait présenter son projet de loi "Pour la sauvegarde de Venise et sa lagune" aux habitants de la cité. Ce projet, actuellement en discussion devant la Commission pour l'environnement du Sénat, prévoit de confier au maire de Venise la pleine autorité sur la gestion de la ville et de sa lagune. Et représente, s'il est adopté, l'espoir d'un vrai changement. Car si, au lendemain du naufrage du Costa Concordia sur l'île de Giglio, l'injonction de l'Unesco visant à interdire l'accès du bassin de Saint-Marc et du canal de la Giudecca aux grands paquebots a été entendue par l’État italien, rien n'a changé sur le terrain. L'arrêté ministériel pris le 2 mars interdit bien aux navires de plus de 40 000 tonneaux de croiser au plus près du palais des Doges... Mais il ne sera appliqué qu'après la mise en place d'une solution alternative. "Toutes les autorités, aux compétences très variées, se renvoient la balle, précise le sénateur Casson, ancien procureur de la République à Venise, la capitainerie du port, le ministère des travaux publics, l'autorité portuaire, la province, la commune, le magistrat des eaux, organisme créé au XVIe siècle et qui aujourd'hui dépend de l’État..."
 
Comme le résume avec humour Francesco Bandarin, directeur général de la culture à l'Unesco, vénitien lui-même, "la situation est "pilatesque". Tous se lavent les mains. Et le problème du stationnement de ces monstres des mers tarde à être résolu : ils sont de plus en plus nombreux à mouiller dans le port de Venise, à l'extrémité du Grand Canal. "Les deux ou trois grandes compagnies de croisières qui contrôlent le trafic mondial ont une puissance de feu remarquable. C'est le business le plus spectaculaire de la planète" constate M. Bandarin.
 
Ainsi, le Divina de la compagnie MSC Croisières, baptisé le 26 mai à Marseille avec Sofia Loren pour marraine - 333 mètres de long, 67 de haut, 38 de large, 18 ponts, 4.365 passagers, jaugeant 140.000 tonneaux - programme toutes ses croisières au départ de Venise. Ces paquebots de luxe, trois fois plus hauts que les édifices multicentenaires, font des ronds dans l'eau jusqu'à frôler l'île. Une vision qui pétrifie, tant leur masse impressionne.
 
Le maire de Venise, Giorgio Orsoni s'inquiète "des dégâts provoqués sur les fondations de la cité par le passage des bateaux dans le canal de la Giudecca, profond de dix mètres seulement. Leur déplacement sous l'eau a un effet de pompe sur les vases, jusqu'à faire trembler la basilique Saint-Marc". Sans compter l'air vicié : "En une seule journée, chaque paquebot libère une pollution égale à 14.000 voitures", prévient le comité No Grandi Navi Venezia, qui ne rate pas une occasion de protester à bord de barques traditionnelles.
 
Désabusé, le maire enfonce le clou : "nous sommes victimes de l’État. Le bassin de Saint-Marc, la grande place d'eau de la ville, appartient à l’État. C'est comme si le maire de Paris n'avait pas son mot à dire sur la place Vendôme. Les grands paquebots traitent avec les autorités portuaires qui dépendent de l’État. Ils versent 40.000 euros à chaque mouillage. Il y a 3 500 passages par an. Cela ne rapporte rien à Venise. Les deux millions de passagers qui débarquent ne dépensent rien, tout juste une boisson".
 
La fragilité de la lagune inquiète. "Les vagues profondes créées par le passage des bateaux creusent les fonds et transforment peu à peu la lagune en bras de la mer Adriatique. Ce phénomène d'érosion est particulièrement grave dans sa partie sud", précise le professeur Angelo Marzollo, auteur pour l'Unesco du rapport "Écosystème lagunaire vénitien". Quelle option retenir ? Le sénateur Casson se montre radical : "Il faut positionner les bateaux de plus de 30.000 tonneaux hors de la lagune. Soit au port de Malamocco, soit dans un port offshore créé exprès près du MOSE, (système d'écluses, en chantier, qui fermera la lagune pendant les hautes eaux). Et en attendant, le port de Marghera, desservi dans la lagune par l'ancien canal des pétroliers, pourrait faire l'affaire". 
 
Au final, c'est la sauvegarde de Venise, patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1987 et lieu de vie, qui est en jeu. "Les Vénitiens n'habitent plus Venise, devenue trop chère, déplore le sénateur. Les canaux sont bouchés, il faut les nettoyer et ne pas réserver les financements disponibles à la seule construction du MOSE. Le tissu urbain est très délicat. 60 000 habitants ne peuvent accepter vingt millions de touristes par an" sur six kilomètres carrés. Il faut favoriser "un tourisme intelligent."
 
"Le point de vue doit être patrimonial avant tout, résume Francesco Bandarin. La ville est une icône, elle doit l'assumer complètement. Il faut avoir une vision stratégique pour les dix ans à venir." La loi Casson, si elle est votée, devrait donner à Venise les clefs de son propre destin.
Florence Evin
© Journal Le Monde
Pour lire l'article sur le site du journal, cliquer ICI

10 juillet 2012

Un chat par un après-midi d'été à Venise...

 
Ne serait le décor et les accessoires qui montrent bien combien notre époque est dénuée de sens esthétique, favorisant depuis des lustres le pratique plutôt que la beauté, cette image pourrait être de tout temps. Un chat, au soleil, sur le rebord de sa fenêtre qui observe des moineaux sur le toit voisin. L'ocre de la façade, l'intensité du soleil et la douceur de l'air, tout cela respire la sérénité d'un jour de juillet quand le vent ne souffle pas encore les étouffantes effluves qu'il ramène des lointaines contrées africaines...

02 juillet 2012

Venise et les peintres (I)

Venise et les peintres... Une longue histoire d'amour. un peu de hargne aussi parfois. Comment résister à cette lumière, à ces couleurs, à la magie des reflets... 

Ce miroitement qu'il est tellement difficile de traduire. Et les perspectives, la beauté altière des palais, la fascinante profondeur des ciels changeants... Beaucoup ont échoué à traduire ce miracle de beauté. Certains y parviennent à tel point que leur œuvre est définitivement associée à tout cela qui fait Venise et le regard qu'on pose sur elle, même à distance.





J'aime depuis longtemps partir à la recherche de ces vues de Venise, ces portraits de la Sérénissime nés un jour de la fascination d'un artiste, connu ou inconnu, professionnel ou amateur depuis le XIXe siècle. La galerie TramezziniMag vous en présente ici quelques uns, glanés au fil des ans, des expositions, des ventes et des lectures. Eugène Boudin aimait particulièrement la lumière sur les façades et leur reflet dans l'eau des canaux, comme le montrent les deux huiles présentées ci-dessus. 

Bon nombre de voyageurs ont avec eux un carnet à dessin où ils tentent d'immortaliser toute la beauté des lieux qu'ils arpentent. Simples ébauches, dessins achevés, crayon, encre, aquarelle, ces croquis ont toujours une âme et sont la plupart du temps remplis de poésie. Ils traduisent, parfois maladroitement l'amour de leurs auteurs pour Venise.



01 juillet 2012

Premier dimanche de juillet, l'été enfin !


That sunday, that summer chante Nat King Cole. Cette belle chanson rythme ce premier et délicieux dimanche de juillet. Il fait vraiment beau, l'air est doux, parfumé encore des senteurs printanières qui ont tant tardé à se répandre, qu'une brise légère comme dans un film de Jacques Demy, répand dans la maison. Constance termine la préparation de son sublime fondant au chocolat. Tout à l'heure nous irons à la messe, comme chaque dimanche chez les dominicains, dont la magnifique liturgie retient et séduit les plus rétifs de mes enfants tellement tentés par l'attrait des fureurs du monde moderne et qui retrouvent dans ces moments tout ce pourquoi l'office dominical a été créé et qui en est peut-être le principal Mystère. Arrivant tous avec le poids de nos faiblesses, de nos doutes, notre mauvaise humeur et nos ressentiments, l'heure d'abandon au milieu des volutes d'aloès et de myrrhe, portés par le chant des moines sous la splendeur baroque de ce temple, fait fondre nos carapaces et tomber nos haillons. Je remarque à chaque fois l'atmosphère joyeuse et légère de la sortie, quand sur le parvis les fidèles se mêlent aux frères. 

C'est à chaque fois comme le deuxième allegro du concerto en La mineur de Vivaldi (RV418) dont on retrouva une copie dans l'ancien monastère de Cosmo e Damiano, à la Giudecca, ce bel édifice encore debout aujourd'hui et qui fut tour à tour un entrepôt, une usine de textiles, un hospice pour déshérités. L'église y abritait des trésors dont certains sont aujourd'hui conservés à l'Accademia. Mes lecteurs vont finir par penser que cela tourne à l'obsession pathologique, mais je ne sais aborder un sujet sans évoquer rapidement le lien qui se fait en moi avec la Sérénissime. Mais si c'est de démence dont il s'agit, je veux bien m'y vautrer avec joie et détermination Et à tout jamais ! Bon dimanche à tous.