10 juin 2017

Cure de jouvence pour le Todaro

C'est en 1329, si on en croit Francesco Sansovino que fut installé en haut de la colonne occidentale de la Piazzetta la statue de Saint Théodore, Todaro en vénitien, premier protecteur de la cité avant que la dépouille de l’Évangéliste Marc soit amenée à Venise dans des circonstances pour le moins rocambolesques et devienne le saint patron de la République. Cela ne représente pas as moins de 700 ans de présence au-dessus de tous en dépit de son déclassement au bénéfice de Saint Marc dont le symbole trône sur l'autre colonne, du côté du palais ducal. Bien des hivers glacés et des étés caniculaires avaient fait souffrir la statue qu'on descendit de son majestueux piédestal quand en 1940, la guerre devenant menaçante, il fut décidé de mettre la statue à l'abri. Elle n'est jamais remontée depuis, une copie en pierre d'Istrie ayant été réalisée en 1948 pour la remplacer.

TraMeZziniMag avait émis il y a quelques années l'hypothèse que le corps enseveli dans la basilique San Marco pourrait être la dépouille d'Alexandre le Grand plutôt que celle de l'évangéliste. Ce ne sont que des suppositions et une forte propension à l'uchronie qui nous firent publier cet article. Pour Théodore, saint byzantin et valeureux guerrier de légende, il ne s'agit que d'une représentation mais elle avait ses secrets elle aussi.


On raconte que Théodore, jeune soldat des armées romains qui, comme Georges, terrassa un dragon, ne cessait de proclamer l’Évangile en prêchant partout où il se trouvait. Arrêté, il refusa de renier sa foi qu'il ne cachait pas. Il fut condamné à mort pour oser ainsi à la volonté de l’empereur Dioclétien, refus d’obtempérer bien plus grave pour ceux qui le jugèrent que l'insistance avec laquelle il proclamait sa foi et son rejet des idoles païennes. Un soldat qui s'insurge ne peut rester impuni, la sédition cela fait désordre, tout le monde en conviendra. Il fut atrocement supplicié et rendit l'âme dans la sérénité la plus totale, c'est du moins ce que disent ses hagiographes qui en ont fait l'un des trois saints-martyrs des chrétiens orientaux avec Saint Georges donc et Saint Dimitri. La statue restaurée figure un soldat en uniforme, jeune et athlétique, solidement armé, au visage jeune, noble et altier. Les travaux de restauration, minutieusement menés pendant un peu moins d'un an révélèrent des éléments en partie connus depuis 1948 mais jamais prouvés parce que jamais étudiés de près. Le splendide Todaro vénitien s'est avéré extrêmement fragile et l'intervention des spécialistes fut particulièrement délicate.

En effet, il a fallu démonter chacune des pièces qui forment l’œuvre, consolider les morceaux en pierre ou en bronze fragilisés par les siècles, les nettoyer, reconstituer les manques et protéger le tout pour l'avenir. On a pu ainsi déterminer l'origine de la statue, ouvrage hybride, dont on ne saura jamais vraiment s'il existait tel quel à Byzance ou s'il fut assemblé tel que nous l'avons toujours vu pour les commanditaires vénitiens à Venise avant de devenir le portrait du premier saint protecteur de la ville. C'est en grande partie la nature de cet assemblage qui en faisait l'extrême fragilité : la tête, le buste, les jambes, les armes et le dragon qu'il piétine sont de provenance, d'époques et de matériaux différents.

La tête, probablement de l'époque constantinienne, bien que retravaillée plus tardivement, est taillé dans un marbre blanc qui provient des carrières de Docimium, non loin d'Afyon en Turquie occidentale, a pu être identifiée avec certitude, comme le portrait de Mitridate VI Euopator, le fameux roi du Pont qui tint en respect les légions romaines pendant des décennies jusqu'à sa mort en 63 avant notre ère. La ressemblance avec les monnaies frappées à son époque portent toutes le portrait du monarque ne laisse aucun doute sur l'identité du personnage. Elle a probablement était ramenée de Constantinople.

Le torse, décoré de victoires couronnant un trophée devait appartenir à la statue en gloire d'un empereur. Probablement Hadrien. Les jambes et les bras sont taillés dans un même marbre provenant de l'île de Proconnèse - appelée aussi Ile de Marmara, la plus grande de la mer éponyme - dont les carrières de marbre blanc veiné de bleu furent renommées dans l'Antiquité. Le dragon est taillé dans le même marbre. Le bouclier, plus récent, est en pierre d'Istrie. D'autres parties du corps ont été sculptées dans du marbre de Pentélie, ce gisement qui servit à construire l'Acropole et avec lequel fut bâti le Parthénon. Quant aux  armes et à l'auréole du saint, elles ont été réalisées dans un alliage de bronze typique de l'époque médiévale.

C'est donc un extraordinaire palimpseste de l'Histoire et de la culture  millénaires de Venise qui est ainsi remis en état, un exemple flagrant de ses capacités à synthétiser,  mélanger et optimiser les gens, les arts et les civilisations grâce auxquelles Venise a pu être ce qu'elle fut, méritant vraiment ses surnoms : la Dominante, la Sérénissime.

Mais, au-delà de l'importance historique et artistique de cette restauration, la manière dont elle a été organisée et menée à bien confirme, s'il en était besoin, l'extrême habileté et l'excellente organisation des services et des entreprises qui en sont à l'origine. C'est ce qu'a tenu à souligner Mariacristina Gribaudi, l'actuelle présidente de la Fondation des Musées Civiques de Venise, en expliquant combien le partenariat mis en place a parfaitement fonctionné, permettant un travail efficace et des délais courts. La société Rigoni di Asiago (avez-vous déjà goûté leurs produits ? Notamment les confitures et la crène de noisette bio ?), mécène officiel, a pleinement joué le jeu et dont les produits et la philosophie, le succès commercial, montrent le dynamisme des entreprises vénitiennes aujourd'hui reconnues au niveau international. "Une synergie vertueuse et un bénéfice réciproque."

La présidente de la Fondation des Musées Civiques et Andrea Rigoni, Administrateur délégué de Rigoni di Asiago

09 juin 2017

Travaux sur le site !


Oups, rien pendant quelques semaines et soudain tout a changé ! 

TraMeZziniMag se refait une beauté. Un rafraîchissement complet pour mieux vous satisfaire et remplir sa mission, la même depuis sa création en 2005. 

Les pages que vous avez sous les yeux ne sont encore qu'une ébauche. , un essai.

Merci de votre indulgence, de votre patience et aussi des avis que vous voudrez bien nous adresser !

Ils étaient 200 à courir vers le petit-déjeuner ce matin !


Levés avant l'aube, deux bonnes centaines de vénitiens participaient aujourd'hui au Breakfast Run. Une course sur cinq kilomètres à travers la ville de la Strada Nova, à la piazza San Marco, en passant par le  pont de l’Accademia et, dulcis in fundo, même par celui de Calatrava, réputé terriblement glissant. Le départ était donné à 5h45, au moment où le soleil commençait paresseusement d'étirer ses rayons à l'horizon. Les runners, tous vêtus d'un rutilant maillot jaune marqué du logo de la manifestation se sont retrouvés sur le parvis de la stazione pour cette première édition vénitienne de la RDS Breakfast Run Levissima, qu'organise pendant l'été Rcs Sport



Après la ville de Trente puis Rome en mai, et avant Milan (16/06), Turin (23/06) et Vérone (30/06) et enfin Bormio (08/07), la cité lagunaire était la troisième étape. Le principe de la manifestation est plutôt sympathique : une course matutinale de cinq kilomètres à travers l'espace urbain puis à l'arrivée, un plantureux petit-déjeuner all'aperto, pris en commun pour bien commencer la journée. Il ne s'agit aucunement d'une course. La philosophie ? Une manière intelligente de faire de la communication pour des marques, mais aussi parce que l'été arrivant, redécouvrir l'espace urbain dans lequel on évolue chaque jour sans y penser le plus souvent par le biais d'un jogging organisé et rappeler l'importance nutritionnelle, physique et psychique du petit-déjeuner que les italiens, comme souvent aussi les français, ont tendance à bâcler. Détente, contemplation, socialisation et diététique. Que pourrait-on trouver à redire ? Qu'il est dommage qu'il faille organiser ce genre de manifestation pour que les gens se sentent bien, redécouvrent leur ville au lever du soleil, se rencontrent et réapprennent les vertus de ce repas sur lequel nos mères étaient intraitables. "Finis ton chocolat", "Mange tes tartines", "Prends un fruit", "Ne pars pas sans manger"... Ces mots ne résonnent-ils pas dans vos oreilles ?

On peut davantage parler de parcours de santé, d'une promenade sportive à travers les rues et les campi de la Sérénissime, une passeggiata de bon matin dans une Venise tranquille, tellement différente de celle qui quelques heures plus tard s'est remplie de touristes. "C'était important de le faire ici, parce que Venise est unique - expliquait à la presse Andrea Trabuio, le directeur des Grandes manifestations de Rcs Sport, milanais d'adoption mais vénitien de naissance - cette manifestation prendra de l'ampleur et attirera non seulement les vénitiens passionnés par leur ville mais aussi ceux parmi les touristes qui recherchent l'authenticité de la ville."  


Joyeux moment donc, sans ampoules ni essoufflement, sans perdant et tous gagnants, mais moment qui a tout de même coûté à chaque participant la somme de 14€, comprenant le droit de participer, le t-shirt et le petit-déjeuner. Après tout, on n'a rien sans rien et la colazione fut très appréciée et le plaisir d'arpenter au petit matin les rues encore vides et silencieuses de la Cité des Doges est un bonheur sans prix !



06 mai 2017

Matisse photographié par Walter Carone




Henri Matisse dans son lit qui dessine sur un mur... Ces mots ont le rythme d'une comptine. L'image a été prise le 15 avril 1950, quelques années avant la mort du peintre. Alité suite à une paralysie, il dessine dans sa chambre-atelier de l'ancien hôtel Régina, sur la colline de Cimiez, à Nice, les motifs destinés à orner la chapelle de Saint-Paul de Vence comme il l'a promis à son amie Monique Bourgeois qui fut son modèle après avoir été son infirmière, devenue religieuse dominicaine. 

J'avais toujours trouvé ce cliché émouvant, rempli de poésie et de dévotion silencieuse, me demandant depuis toujours si son auteur savait ce qui émanait de cette scène prise sur le vif. L’œil derrière l'objectif, il observe l'artiste surprenant un de ses derniers moments de création. L'âge et la maladie vont bientôt l'abattre. En avaient-il l'intuition chacun d'un côté de l'objectif ? Nous, nous savons et cela rend la scène ainsi immortalisée aussi prégnante qu'une peinture religieuse. La date bien lisible sur le calendrier qui semble tourné a posto pour attirer l’œil, Le profil du peintre pareil aux représentations de saint Pierre ou de Saint Marc, tout confère à donner à cette image une résonance sacrée...

Une vieille amie vénitienne vient de m'offrir cette photographie qu'elle gardait posée sur son bureau, près de la fenêtre. La carte qui accompagnait le cadre portait ces mots du peintre s'adressant à Picasso : "Ce que nous cherchons tous à retrouver en art, c'est le climat de notre première communion !"