20 février 2019

L'homme aux singes de Santa Marta

Certains vont penser qu'il s'agit d'une invention et peu de gens s'en souviennent aujourd'hui, mais il y avait à Venise toute une colonie de petits singes en semi-liberté.C'était il y a une trentaine d'années.L'idée de ce billet m'est venue une nuit, alors qu'avec Antoine et ses amis Giulia et Jared, nous nous promenions derrière San Marco. Nous devisions joyeusement lorsqu'une forte odeur de marijuana nous est parvenue d'un sottoportego sombre où trois jeunes gens bavardaient. L'odeur, que je n'aime décidément pas, m'a rappelé celle qui régnait dans ce coin derrière Santa Marta quand par un après-midi très chaud je tombais nez à nez avec une tribu de babouins accrochés à un grillage et qui me regardaient...



C'était non loin de San Nicolo dei Mendicoli, dans ce quartier retiré de la Sérénissime, encore alors seulement habité de marins et de dockers, de pêcheurs d'ouvriers. Un quartier pittoresque mais apparemment sans grand attrait historique. Difficile à trouver, peu avenants, les lieux n'attiraient guère les touristes. Les étudiants n'y vivaient pas encore et la nuit les ruelles semblaient moins éclairées qu'ailleurs. C'est dans ces lieux éloignés qu'un homme surnommé Lele et que mes amis appelaient The monkey man, abritait cette colonie pour le moins spéciale... 

L'endroit est exotique, éloigné de tout, silencieux et désert., pareil à une ville des Balkans qu'aurait revu Giorgio De Chirico, un de ces lieux étranges qui évoquent à la fois le Tintin du Sceptre d'Ottokar et Morgan, l'ultime aventure de Corto Maltese...  Je n'ai jamais su grand chose du bonhomme qui vivait entouré de cette ménagerie. Je me souviens vaguement d'un article dans je ne sais quelle revue locale à moins que ce fut dans la Nuova ou le Gazzettino. Nous étions au tout début des, années 80. 

On disait qu'il avait été dans la marine du temps de la conquête de l’Éthiopie. mais la dernière guerre était loin dans ces années 80 commençantes. On disait aussi qu'il était devenu un peu fou à force de fumer de la marijuana. Il avait transformé le jardin de sa maison en une vaste volière sans oiseaux, mais remplie de ses fameux singes qui attiraient les gamins du voisinage et effrayaient les passants. On disait qu'il avait aussi une passion prononcée pour les adolescents mâles qu'il abordait à tout moment et sans détours. Il fréquentait le cinéma de Santa Margherita, qu'on appelait le Vecio pour le différencier du cinéma Moderno. Il chassait dans l'obscurité du cinéma où venaient les garçons en groupes. Je me souviens l'avoir vu à plusieurs reprises au Baretto, appelé aussi I Due Draghi, juste en face du campanile. Il y venait boire son verre de blanc ou prendre un café... 

Les singes - étaient-ce des babouins ? - ne sont pas une invention de buveurs impénitents comme on en rencontre à Venise dans les osterie et qui nourrissent l'inspiration des écrivains depuis toujours.Lele pateon (*), bien que fumeur compulsif de "maria" qu'il fumait presque en permanence, n'était pas fou. La maison, située dans un pâté de maison retiré et tranquille. Haut de trois étages dont quelques fenêtres sont grillagées, l'immeuble possède une cour-jardin attenante entièrement clôturée d'un grillage pareil à une volière.C'est là que vivaient la dizaine de petits singes joueurs et bruyants qui animaient le coin comme le font les petits enfants dans un square. Que sont-ils devenus ? L'homme vit-il encore ? Où était-ce exactement ? Qui pourrait me montrer des photographies de l'endroit, de cette petite ménagerie et de son propriétaire ?

© Il Poltronauta
Un blogueur vénitien, Il Poltronauta, a écrit un billet il y a quelques années sur le même sujet avec, curieusement, les mêmes sentiments et en relevant des détails similaires. Le monsieur écrit joliment bien ses sentiments et son quotidien vénitien, sa mélancolie éclairée par une belle culture et par un sens propre au peuple vénitien de la résilience plutôt que de la résignation. Comme une fraternité de cœur et d'émotions... Voilà un extrait de son texte consacré au Monkey Man via une réflexion sur une chanson du groupe Toots and the Maytals au titre éponyme : 
"[...]sembra disabitata, ma poi sento le risate di alcuni bambini provenire dall’interno.No, non sono bambini, nessun bambino riderebbe così.Sul bordo del muro vedo una mano, poi due, e infine una faccia pelosa con dei denti aguzzi, che mi guarda di traverso e inizia ad urlare. Subito dopo un’altra faccia, e poi un’altra ancora. Eccole, finalmente, le scimmie. Mi fanno un paio di smorfie, ma dopo un po’ se ne vanno, evidentemente la mia faccia sorpresa le mette a disagio, o forse hanno meglio da fare. Torna a casa contento, mi sento David Attenborough di ritorno dal Borneo, so già che quel disco di Toots and the Maytals non suonerà più come prima. So anche però che, fra cinquant’anni, racconterò questa storia a qualcuno, che ovviamente non mi crederà."(**)
 

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Notes :
*- Allusion à ses attirances : le terme vénitien “pateon” a une connotation très allusive en rapport au goût du personnage pour les formes masculines. La patta était la partie de la chausse qui correspondrait à la braguette dans le pantalon moderne et qui mettait en avant les avantages du corps masculin souvent d'une manière exagérée comme en témoigne la peinture de l'époque.En l'occurrence, au lieu de choquer et de poser un problème d'attentat à la pudeur, les formes volumineuses seront plutôt un objet de moquerie, récurrent dans les pantomimes de la Commedia dell'arte. C'est l'exemple du costume de Pantaleone. Montaigne s'en indigna qui qualifia "ce protubérant artifice" de "ridicule pièce qui accroît [leur] grandeur naturelle par fausseté et imposture". À la fin du XVIe siècle, les poches détrônent la braguette. 

**- "[...] semble inhabité, mais ensuite j'entends des rires d'enfants qui viennent de l'intérieur ... Non, ce ne sont pas des enfants, aucun enfant ne rirait comme ça ... Sur le bord du mur, je vois une main, puis deux, et enfin un visage velu avec de dents pointues, qui me regarde de côté et se met à crier, immédiatement après un autre visage, puis un autre encore, les voilà enfin,les singes, ils me font quelques grimaces, mais au bout d'un moment ils s'en vont mon visage surpris les met mal à l'aise, ou peut-être ont-ils mieux à faire ... rentrez heureux, je sens que David Attenborough revenant de Bornéo, je sais déjà que Toots et le disque de Maytals ne sonneront plus comme avant. mais que, dans cinquante ans, je raconterai cette histoire à quelqu'un qui, évidemment, ne me croira pas. " (Traduction d'un passage du billet de Poltronauta : https://ilpoltronauta.com/2014/02/08/monkey-man/)

12 février 2019

La posture d'un dilettante : et si Venise bougeait vraiment ?



Plus de 23.000 étudiants suivent leurs études à Venise, Si quelques uns habitent dans leur famille, dans le centre historique ou sur la terraferma, la majorité vit dans des appartements exigus car les résidences universitaires ne sont pas assez nombreuses, le plus souvent mal logée, à plusieurs par chambre pour un loyer moyen de 400 euros le lit... Plusieurs milliers d'étrangers possèdent un appartement dans le centre historique ou bien le loue à l'année. Retraités, artistes, écrivains, mais aussi entrepreneurs et fonctionnaires ils vivent le même quotidien que les vénitiens, connaissent les mêmes difficultés, pâtissent des mêmes dysfonctionnements. Pourtant aucun d'eux n'a le statut de résident. Il faut montrer patte blanche pour cela. Réfléchissons à ce qui pourrait devenir la réalité de demain si les responsables de la cité prenaient à bras le corps la problématique du repeuplement en intégrant ces populations nouvelles...

Ces nouveaux résidents apporteraient leur vision de la situation, leurs témoignages, leurs idées aussi seraient d'une grande aide... et leurs voix au moment des élections et des décisions communautaires ! Prendre en considération leurs besoins autrement qu'en terme d'offre touristique temporaire obligerait à des mesures qui feraient peut-être grincer a l'inizio, mais finiraient par convaincre tout le monde. Une ville pour vivre n'a pas que besoin d'argent. elle a besoin d'enfants qui jouent sur les places, de vieillards qui les regardent, de commerces de proximité, de médecins, de crèches, de transports abordables et bien organisés. Quand la dynamique urbaine est relancée, stimulée, elle se déploie et s'initie une nouvelle prospérité. Il suffit d'avoir le courage de changer de paradigme et d'aller de l'avant, même en tâtonnant. Tout le monde au final est gagnant. Électeurs et élus. 

Après-midi studieux aux Crociferi, février 2019  © Lorenzo Cittone/Tramezzinimag 2019.

Mais qu'est-ce qu'un français d'origine vénitienne, même pas fonctionnaire international ou spécialiste des milieux et des politiques urbaines (quoique : mon DEA d'Administration et Vie Locale à Sciences Po abordait tout cela et Venise parfois était un exemple étudié, tant par l'extraordinaire propension à inventer et créer des réponses et des solutions à des situations inédites et souvent compliquées là où nos cités pataugeaient, au propre comme au figuré dans la boue, que par l'énormité des difficultés liées au monde moderne et au fait que Venise insula continuait de se sentir comme telle même avec cet appendice fatal qu'est le double pont, celui du chemin de fer et l'autre pour l'automobile)...

Que dire des Vu Cumpra, ces africains toujours souriants qui sont là parfois depuis des années et qu'on ostracise aujourd'hui, surtout s'ils ont le malheur d'être musulmans. Toute cette population pourrait s'adjoindre statistiquement aux 52.895 habitants officiellement reconnus du centre historique. On atteindrait alors plus de 80.000 habitants qui participeraient, par leurs impôts pour certains, par leur engagement à rendre la vie quotidienne plus belle et plus agréable, à redonner à la cité des doges une dynamique qui commence à sérieusement lui manquer. 

La Sérénissime a connu bien des déboires au cours de son existence. Les épidémies de peste ont emporté des dizaines de milliers de gens. Venise au Moyen-âge comptait déjà 100.000 habitants. Plus que Londres ou Paris à l'époque ! Il y a dans les Archives de la République un document très précis qui recense la population de la ville pour l'année 1586. Il est très intéressant en ce qu'il nous donne une idée de comment la société vénitienne était organisée à la fin du XVIe siècle :

Maggior Consiglio par Antonio Diziani
La ville comptait alors 148.000 habitants. Ce chiffre est d'autant plus édifiant pour ceux qui connaissent la structure de Venise. Bâtie à la fois sur des îles et sur pilotis, la superficie de l'agglomération était peu ou prou celle que nous connaissons aujourd'hui, voire même un peu plus petite.

Le recensement parle de 38.000 hommes, 40.000 femmes, 29.000 enfants de sexe masculin, 24.000 de sexe féminin, 3.860 serviteurs, 6.000 domestiques. La classification reste proche de celle établie du temps de l'administration impériale. (Les servi étant décomptés comme catégorie à part, peu ou prou comme on continuera de le faire pour les esclaves dans les colonies jusqu'au XIXe siècle).

6.039 nobles parmi lesquels 1.300 siégeaient au Maggior Consiglio, 7.600 citoyens, riches mais pas nobles - on ne parlait pas à Venise de bourgeois et 119.000 personnes formant le peuple. S'ajoutent 2.507 moines et 1.205 frères (il y a une nuance entre les dominicains et les carmes par exemple), 536 prêtres, 447 mendiants, 1.111 pauvres en hospice. Enfin, 1.694 juifs sont recensés, sans détail sur leur nationalité. 

Qu'il y ait eu  près de trois fois plus d'habitants qu'aujourd'hui donne à réfléchir. Venise rabaissée au rang de grosse ville de province (l'agglomération qui englobe la terraferma compte plus de 900.000 habitants dont le centre historique n'est administrativement qu'une zone urbaine parmi les autres).


Giuseppe Marchiori, Giovanni Comisso, Peggy Guggenheim, Emilio Vedova e Giuseppe Santomaso à Ca'Farsetti
Avec la bénédiction de l'élite intellectuelle de l'époque, Peggy Guggenheim fut fait citoyenne d'honneur (depuis, il y en a eu d'autres). Que dire de ces français (mais aussi des anglais, des allemands, des suisses ou des russes) qui vivent ici depuis longtemps pour certains d'entre eux, qui connaissent la ville parfois mieux qu'un vénitien de Mestre ou de Marghera, qui aiment la ville et qu'on croise tous les jours dans les rues, ne pourraient-ils pas eux aussi être citoyens à part entière ? Ils font beaucoup pour la ville et sont parfaitement intégrés... Leur intégration officielle au nombre des vénitiens ouvrirait de nouvelles opportunités. Bon nombre sont propriétaires et la plupart paient taxes et impôts à Venise. Plusieurs milliers d'autres vivent selon l'adage "When in Venice, live as venitians do"

Je ne me souviens pas des chiffres du temps où je faisais office de drogman au Palazzo Clari, à la grande époque de notre présence et de notre engagement sur la Lagune, mais nous étions nombreux déjà et parmi nous, pas des moindres, d'anciens ambassadeurs, des académiciens et bien sûr l'ombre protectrice et discrète du président François Mitterrand qui vivait ici un secret d’État, secret de Polichinelle que chacun respectait. Le français était encore la langue de l'élite et la première langue enseignée dans les établissements secondaires. L'Alliance Française avec sa présidente de l'époque, Madame Couvreux-Roché contribuait au rayonnement culturel de la France. La Mostra du Cinéma était francophile autant que francophone, sous la houlette de Daniel Toscan du Plantier, d'Unifrance et de Jack Lang. Il y avait toujours de l'argent pour soutenir ces initiatives,  car ceux qui gouvernaient connaissaient le poids et l'importance de la culture, du savoir, de l'esthétique et des bonnes relations entre les deux peuples cousins... 

Mais les temps ont changé. Il faut beaucoup d'énergie, la science des réseaux bien assimilée, et de la débrouillardise, pour continuer à défendre notre présence et notre langue.  L'Alliance Française dont l'équipe se démène pour proposer, outre les cours de français, des expositions, des lectures, des projections et des rencontres passionnantes, ne survit qu'avec l'aide de ses mécènes et la contribution des adhérents ; les locaux du consulat avec le joli jardin (qui pourrait devenir un lieu délicieux pour des concerts ou des lectures à la belle saison) est menacé. Aucun subside pour la représentation sinon les recettes des actes d'état-civil... Le gouvernement actuel trouvant le loyer trop cher, souhaiterait réduire sa dotation. La somme tolérée correspond pourtant à peine à ce que dépense un étudiant pour un studio où il vit seul... On est en train de tomber très bas tout de même, ne trouvez-vous pas ?  

La représentation diplomatique, qui n'est plus seulement aujourd'hui qu'honoraire, si elle échoit encore à des français vivant à Venise sera proposée un jour, comme c'est déjà le cas pour de nombreux pays, à un chef d'entreprise ou un commerçant du cru. Pourquoi pas me direz-vous, c'est l'air du temps ? Mais devra-t-il comme le doge se devait de le faire, puiser dans sa fortune personnelle pour entretenir un semblant de palais, pour recevoir dignement et donner une image de la France autre que celle orchestrée dans les médias par le gouvernement italien actuel dans sa guéguerre contre la France. On ne sait plus le français parmi les adolescents, j'en fais le constat tous les jours sur les campi, dans les bars... L'anglais est partout et bientôt le chinois, le russe. 

Je me souviens de ces discussions quand j'étais étudiant avec des amis vénitiens, plusieurs authentiques Nobile Huomini descendants des plus grandes familles, dans un sabir mêlant le vénitien, l'italien et le français. C'était l'époque ou Mc Donald's ne satisfaisait que les touristes de passage et qui changeait de place sans cesse (à Santo Stefano là où se trouve maintenant la pharmacie, sur la Salizzada du Fondego dei Tedeschi, puis au pied du pont du Rialto...) et les hordes de touristes disparaissaient de novembre à mai, au pointe que l'assessorat au tourisme avait inventé "Venezia d'Inverno" (aka "Venise en Hiver", "Venice in Winter") qui proposait des remises substantielles dans les hôtels de luxe (à l'époque les palaces de la Ciga Hotels notamment), des concerts-cocktails ou des goûters au  palazzo Mocenigo pas encore devenu un musée, et mille autres choses pour attirer les visiteurs pendant la saison creuse...

Mais on va encore m'accuser de regarder en arrière avec nostalgie et regrets. J'essaie seulement de rappeler ce qui fut pour ceux qui n'ayant pas connu cette époque pourraient s'imaginer que tout a été comme il est maintenant. Ce n'était pas forcément mieux, mais la civilisation respirait encore sans assistance artificielle...


10 février 2019

Side by Side, qu'elle est jolie à Venise la résistance au poison brun !


"Nous avons des songes ; la vie tout entière ne pourrait-elle pas être un long rêve ?" écrivait Schopenhauer. Cette phrase résonne comme un écho à la lecture des poésies d'un vénitien dont l’œuvre devrait être traduite en français, pour qui rêve et réalité, loin de se confronter bien que contradictoires, se chevauchent et se complètent dans les petites choses comme dans les grandes actions.

C'est ainsi que Francesca Brandes présente dans sa préface, Dove vivere è sognare (Où vivre et rêver"), le dernier volet d'une trilogie poétique idéale que l'écrivain Valter Esposito consacre à la force des sentiments humains, conforte l'impression que sa réflexion poétique est un cheminement, sans appartenir à un style spécifique. La réalité pour l'auteur, se révèle dans son absolue impermanence surtout quand elle touche à la représentation du sujet.  

Mais qui est cet auteur dont Tramezzinimag avait beaucoup aimé il y a quelques années un très beau texte, Il silenzio del pesce luna ? Né en 1959, Valter est journaliste de formation. il  a écrit dès 1985, pour la Nuova Venezia et à la Gazzetta dello Sport notamment. Il est aujourd'hui responsable du service de presse du Pôle des Musées du Veneto. L'humanité qui déborde de ses strophes illustre bien ce que nous venons de vivre aujourd'hui avec cette manifestation baptisée Side by Side et qui pendant plus de deux heures, du parvis de la gare de Santa Lucia jusqu'au campo Sant'Angelo, plus de 5.000 personnes ont défilé.

Side by side, quelle jolie marche que celle-là... Et qui ne fait que commencer.

© Stefano Mazzola
Tambours en tête, tous âges, toutes confessions, toutes origines, vénitiens, africains, main dans la main et dans la joie, la foule des manifestants allait le long des calle et des campi de la Sérénissime, accompagnés par une dizaine de policiers bon-enfants (quand en France la proportion est plutôt inversée avec des milliers de policiers sur les dents pour quelques groupes de manifestants...). , tous pour montrer au gouvernement néo-fasciste de Rome que le peuple italien refuse le racisme, l'ostracisme, l'indifférence ! Des écologistes, des associations d'aide aux migrants, des migrants, des partis politiques démocratiques, des clubs sportifs, des paroisses avec leur curé, des syndicats, des groupes d'étudiants, des retraités, des intellectuels, des gens de la campagne et d'autres de la ville... 

Une longue marche où palpitait le bonheur d'être ensemble, la joie de se sentir solidaires et de posséder une force inattaquable, celle qu'impulse la fraternité et la bienveillance. Des familles entières marchaient, de vieilles dames en manteau de fourrure, des écoliers, des lycéens, des gens venus de tous les horizons pour défendre ce qui est notre patrimoine commun : l'amour. La seule réalité intangible et vitale. Deux belles heures qui réchauffent le cœur et aident à garder espoir, à continuer de croire dans l'humanité et penser aux meilleurs possibles qu'on puisse imaginer, un monde fraternel où personne ne serait abaissé, méprisé, rejeté, où la solidarité serait plus forte que les intérêts, le partage plus fort que le profit, le bonheur plus important que le rendement et le travail, la souffrance abolie et partout le sourire... Une grande joie vraiment et beaucoup d'espérance !


Dès 14 heures, la foule s'est faite très dense sur le parvis de la gare de Santa Lucia. Après de nombreuses interventions qui toutes dénoncèrent l'ignoble décret Sicurezza de Matteo Salvini qui du jour au lendemain mettra hors-la-loi des milliers de demandeurs d'asile à qui seront retirés leurs papiers, qui perdront tout droit au logement et aux aides d'urgence qui leur permettent de survivre, sans plus aucun accès autorisé à un accompagnement administratif et social. Tous les intervenants ont appelé la population à s'opposer à cette loi immonde et à la désobéissance. 


Plus de deux heures après la marche à travers la ville, la manifestation s'est terminée sur le campo Sant'Angelo (l'arrivée et les discours d'envoi devaient avoir lieu sur le campo Manin, aux pieds de la statue de ce vénitien courageux qui appela à la résistance et à la révolte pour défendre la liberté, mais le trop grand nombre de participants obligea de poursuivre jusqu'au campo voisin, bien plus grand), ou en dépit d'une ambiance joyeuse, tous étaient conscients de l'immonde qui se répand peu à peu, avec ce climat d'intolérance et de haine qui s'insinue à travers la guerre que livre l'actuel gouvernement aux O.n.g. qui n'ont plus aucune aide de l’État, la fermeture des ports et les déportations de masse, avec la création de véritables camps de concentration pour les migrants. Jusqu'où iront-ils ?
Cette IIIe Marche pour l'Humanité a montré qu'existe une autre Italie qui refuse la barbarie, du Nord au Sud, de Venise à Palerme, de Rome à Riace et Lodi. Jour après jour des réseaux de solidarité se mettent en place, des actions de secours mutuel voient le jour. Partout la résistance et la désobéissance  au décret, partout des gens se lèvent pour faire front à l'ignominie. Côte à côte, side by side, contre la politique raciste de l'actuel gouvernement, contre les mensonges et la peur, pour construire une société accueillante et solidaire qui refuse l'exclusion sociale et protège les droits de chacun. Rien d'autre que les principes fondamentaux qu' en Italie comme dans trop de pays en Europe, on bafoue effrontément tout comme le firent nazis et fascistes ! Là au moins, ça vaut vraiment le coup de se mettre en marche !








08 février 2019

Chute d'anges. La preuve par l'image

Ce n'est pas un cliché du premier panonceau qui prévenait les passants du danger qu'il y avait dans les années 50 à passer trop près de la Salute, mais sa version dans les années 68, quand tout en Italie, comme en France, était joyeusement décalé. En tout cas, pour le lecteur qui contestait l'authenticité de la chose, Tramezzinimag présente cette photographie de Giorgio Lotti datée de 1968. 

© Giorgio Lotti, 1968
L'état des sculptures était tel qu'un simple coup de vent ou les vibrations provoquées par les cloches faisaient tomber les anges qui ornaient les volutes des façades. Quelques années plus tard, des facétieux, se souvenant du panneau affiché devant l'église : "Attention, Chute d'Anges" imprimé par la municipalité et qui avait été repris par plusieurs journalistes, ont complété le panneau officiel par le même bon mot. Il serait intéressant de savoir si à l'origine le texte affiché avait été rédigé par un fonctionnaire spirituel ou un curé plein d'humour !