14 novembre 2005

Acqua alta à San Marco ?

"Aqua alta à San Marco lors d'une récente grande marée automnale ? Non. Les grandes eaux pour nettoyer la piazza chaque matin... La nouvelle invention d'une administration délirante ! certainement pour noyer plus vite la ville et satisfaire les romantiques invétérés qui vénèrent l'idée de la mort de Venise !" 
(Envoi et commentaire de Sophie F. de Bruxelles)
On parle bien de canons à pluie dans les villes touchées par la sècheresse et les canons à neige existent depuis belle lurette pour faire venir les vacanciers. Pauvre monde !

posted by lorenzo at 23:35

La Galerie de TraMeZziniMag (1)

REFLETS & COULEURS
Quelques aquarelles d'artistes d'hier et d'aujourd'hui 
dans ma galerie d'art virtuelle... 

La galerie Tramezzinimag, pour sa première exposition virtuelle, vous présente une série d'aquarelles de différents artistes et de différentes époques. certains sont célèbres, d'autres inconnus, parfois amateurs. Ils ont tous en commun l'amour de la lumière et cette perception de la couleur que l'on reçoit à Venise quand on laisse son regard se remplir des reflets et des nuances du soleil ou de la pluie sur les pierres, les briques, des effets du ciel et des nuages sur l'eau des canaux et l'éclat des vitres aux fenêtres des palais... L'accrochage n'est pas encore très au point. Mais laissez-vous porter par le charme de ces œuvres certes mineures mais toutes très poétiques. 

Dans l'ordre : 
Jeno Koszkol, Jean Commere, Patrick Mc Donnell, Victor Lanz, John Philip Sargent, Sharon Carson, Childe Hassam, Esteban, Robin Durant, Nick Hebditch,Otonello, et bien sûr, le plus grand : William Turner.


Je remercie les auteurs des différents sites qui présentent certaines des œuvres exposées dans la galerie aujourd'hui et j'espère n'avoir oublié ni écorché aucun nom.  


Le Campiello, le site de notre ami Antoine a aussi une galerie d'aquarelles souvent très fraîches. je vous le recommande autant pour ces œuvres que pour ses commentaires et liens sur le thème de la ville. Et puis, l'adresse semble bonne vue la file d'attente pour loger dans cette adorable petite maison donnant sur un canal tranquille, loin des touristes : www.campiello-venise.com.







13 novembre 2005

La peur a changé de camp par Bertrand Renouvin

Devant les récents évènements qui ont fait se tourner les regards du monde entier vers les banlieues françaises, je ne résiste pas à l'envie de vous communiquer cet excellent éditorial de Bertrand Renouvin dont les réflexions et les commentaires s'avèrent terriblement justes et efficaces, paru dans "Royaliste", le 3 octobre dernier. Ce journal de réflexion, totalement indépendant, est lu par des gens de tout bords. Je vous en recommande la lecture, roborative et tonifiante. Médication vraiment nécessaire devant tant de journaux langue-de-bois-et-leur propagande parisianiste...
"Dans le métro parisien, de grandes affiches nous informent de la publication d’un livre dont les médias disent grand bien : « La société de la peur », d’un certain Christophe Lambert. Renseignement pris, cet auteur massivement promu est président de Publicis Conseil France et ami de Nicolas Sarkozy.

Comme nous sommes dans le champ de la communication politique, il me paraît de bonne méthode de ne pas lire d’emblée l’ouvrage et de prendre son titre comme slogan ou, au mieux, comme symptôme des représentations mentales de l’oligarchie.
Le thème d’une France apeurée par les « réformes », repliée sur son modèle social, ennemie du risque et affolée par la mondialisation est inscrit depuis belle lurette sur les fiches argumentaires de la classe dirigeante.


Avec d’autres, nous avons dénoncé cette tentative d’intimidation du peuple français, d’autant plus abjecte qu’elle émane de hauts fonctionnaires protégés par leur statut, de capitalistes jouissant de leur fortune, de politiciens plus ou moins corrompus et entourés de gardes du corps, de riches journalistes vivant avec les riches. C’est sans doute faire preuve d’un populisme vulgaire que de rappeler que la promotion de la précarité par le « contrat nouvelles embauches » est faite par Jean-Louis Borloo, propriétaire d’un palais à Marrakech, et que les émoluments du président de Publicis Conseil le mettent à l’abri du besoin.


Inutile d’insister cependant. Le cynisme des oligarques est de notoriété publique, leur luxe s’étale dans les gazettes spécialisées, leurs techniques de manipulation provoquent de franches rigolades.


Ils croient que nous sommes trop bêtes pour saisir la subtilité de leurs manœuvres et la férocité de leurs appétits. Tragique erreur – de celles qui vous conduisent droit au réverbère ! Les faits et gestes des dirigeants sont scrutés chaque jour, et d’autant plus facilement que ces messieurs et ces dames adorent se produire sur les écrans de télévision.
Les publicitaires et les journalistes de cour ne comprennent pas qu’ils montent chaque jour des spectacles obscènes – dont ils font partie. Ils ne voient pas que notre problème – celui des « gens », celui des « beaufs » - ce n’est plus la peur mais la haine qui menace de nous emporter et qui ferait échouer la révolution démocratique à accomplir.


La classe dirigeante ne voit rien, ne comprend rien mais elle sent le danger. Sa peur est encore diffuse, elle la refoule lorsqu’elle se laisse surprendre par un vote de rejet, par un mouvement de colère, par l’effet d’un scandale qu’elle n’a pas su camoufler.


La peur a changé de camp. Le phénomène est manifeste depuis le soir du 29 mai dernier. La violence inouïe de la réaction des partisans de la « Constitution », succédant aux folles insultes dont ils nous ont accablés pendant la campagne, ne tient pas à l’échec d’un projet de traité qui n’avait pas passionné l’oligarchie pendant les discussions préparatoires. L’échec du référendum a été ressenti comme le signe d’une remise en cause radicale d’une classe dirigeante désormais privée de ses alibis. Lorsque Jean-Marie Le Pen servait d’instrument grossier et inefficace à la protestation populaire, les oligarques pouvaient se nimber de morale démocratique. Ils sont maintenant confrontés à un rejet politique, durci par la lutte de la classe des salariés contre la caste possédante. Celle-ci devine qu’elle ne doit pas se préparer à une alternance tranquille, avec pertes provisoires de postes et de prébendes heureusement compensées par de confortables situations dans le secteur privé : c’est l’ensemble du système oligarchique qui est menacé. Non seulement la direction de l’UMP, les chiraquiens, François Hollande et sa fraction, mais aussi les patrons du Medef, les éditorialistes et les experts médiatiques, les féodalités régionales et municipales, diverses clientèles organisées en maintes officines…


La peur de perdre, de tout perdre, gagne le petit monde de privilégiés. Elle va paralyser les esprits, déjà en proie au déni de réalité, et nouer les ventres. Pour l’insurrection qui se prépare, sachons raison garder."

Bertrand Renouvin


Avec l'aimable courtoisie du journal Royaliste

posted by lorenzo at 23:51

Roberta di Camerino

J'ai eu le privilège entre 1981 et 1985 de rencontrer la célèbre Roberta di Camerino, grande dame de la mode italienne âgée aujourd'hui de 85 ans. Giuliana Coen, de son véritable nom, a commencé pendant la guerre à créer des sacs et des vêtements. revenue à Venise après l'armistice, elle fonda sa maison de couture et e rendit célèbre en créant des modèles devenus fameux, comme le fameux sac Basonghi, adopté par la Princesse Grace puis par de nombreuses célébrités américaines et italiennes. 
 
SAS La Princesse Grace de Monaco à la une de Europeo, avec la borsetta Basonghi en 1959
Elle dessinait sans arrêt et j'allais souvent chez elle, dans son palais, magnifique bâtisse du XVIème siècle, où se croisaient des stylistes, des créateurs de tissus, de jeunes artistes et des hommes d'affaires pas toujours recommandables. C'était l'époque de la loge P3, des mafieux recyclés dans la politique internationale, des politiciens affairistes. Il y avait des gardes du corps à l'entrée. Giuliana était toujours affable. J'étais un peu au début considéré comme le grouillot de la maison d'édition Graziussi. Puis, à force de rencontres, de conversations et surtout après plusieurs soirées à la Fenice ou au Palais Clary, chez le consul, Giuliana, commençant de me prendre en considération, se prit d'amitié pour moi. Contrairement à son mari, Adalberto Sansone qui s'entêta toujours à m'apostropher avec l'épithète (assez péjoratif dans la hiérarchie des titres italiens) de "geometro" pour marquer je ne sais quelle différence... Giukiana me parlait de mille choses, et j'assistais souvent à des scènes truculentes entre son mari, ses assistantes et elle. Bonne fourchette, c'était aussi une excellente cuisinière et autant que je m'en souvienne, elle était membre de notre Academia della cucina italiana, ancêtre du mouvement Slowfood dont je vous reparlerai. Nous avons publié un très joli portfolio en très petit tirage aujourd'hui rarissime, où la Camerino présentait une douzaine de croquis ornés de son célèbre R pour Roberta. La maison continue sans elle, dans le même esprit, avec beaucoup de panache et un peu plus de modestie peut-être, après quelques années sombres. Son logo est présent aux quatre coins du monde mais reste peu en vogue en France.

11 novembre 2005

Trovar casa a Venezia *



Quand on vous dit qu'il est vraiment difficile pour les vénitiens de trouver à se loger à Venise...Tout le monde s'arrange comme il peut. Même un trou minuscule est devenu précieux. Sur la photo, communiquée par il sior Stefano du site www.Vanessia.com, un mini-appartement facilement transportable et déménageable... Cave canem. 

 posted by lorenzo at 23:38

A Bordeaux aussi, il y a un bien beau marché...

Je vous parlais hier des marchés en plein air de Venise. celui du Rialto, le plus important, le "ventre" de la ville, et des autres "marchés de proximité", pour emprunter le langage politico-administratfif. Rien ne peut les remplacer en dépit des normes européennes qui imposent de plus en plus de critères fort coûteux et souvent peu adaptés à la réalité quotidienne et locale, telles les vitrines réfrigérées, les marchandises sous protection plastifiée, les emballages stériles. On en discute autant à Venise qu'à Bordeaux, à Langon ou à Notting hill...
A Bordeaux justement un grand marché traditionnel a lieu depuis la nuit des temps sur la place Saint Michel, le samedi matin. Situé à deux pas des halles, "les Capucins", il s'étend sur toute l'esplanade qui entoure la très belle église Saint Michel et son campanile gothique en bien mauvais état mais très prisé des touristes. Chaque samedi donc de nombreux stands proposent à une clientèle très diverse fruits et légumes, volailles vivantes, oeufs frais, viandes et charcuterie, miels et confitures, mais aussi du vin, des fleurs, du pain et des pâtisseries. Bref tout ce qu'on s'attend à trouver sur un marché. Comme à la campagne. Car nombreux encore sont les maraîchers qui viennent vendre leur propre production : choux, poires et pommes, poireaux et oignons, herbes frâches, salades et fleurs du jardin. Le muscat ne vient ni d'Espagne ni des rives orientales de la Méditerranée, il arrive souvent de Macau ou de Parempuyre. Bien sûr beaucoup de stands s'approvisionnent au Marché de Brienne, le centre d'approvisionnement en gros et leur marchandise arrive d'Israël ou du Brésil. Mais il y a encore et pour combien de temps de vrais cultivateurs qui arrivent dès 5 heures du matin et déballent leur marchandise souvent pleine de terre et de paille. La marchande de volaille termine de peler les lapins, on pèse les dindons et les poules avec des balances à la romaine. Un vieux monsieur édenté vend uniquement des oignons, des noix, de la menthe et du persil. Tiens, cette semaine il a des carottes. Elles sont énormes. Pas une n'a la même taille. Elles sentent bon. Non loin de là, de l'autre côté de la Flèche (nom donné ici au campanile qui fut longtemps le clocher le plus haut de tout le sud de la Loire et que Louis XIV rabaissa comme il voulait rabaisser l'arrogance des bordelais), ce sont les "textiles" : camelots du roi et marchands de tissu, de bimbeloterie, de vêtements, d'articles de vaisselle, mercerie... On y trouve de tout.
L'ambiance est bon enfant. Des musiciens roumains rivalisent de talent dans l'espoir d'une pièce. Quelques clochards sans âge dorment sur des caisses vides en attendant de pouvoir ramasser ce qui sera tombé par terre et restera comestible. On se réchauffe en buvant un café chaud ou en mangeant des frites. La marchande de merveilles montre ses doigts brûlés par la friture et vous offre toujours quatre ou cinq pièce de plus que la douzaine achetée.
Quand j'étais adolescent, on ne parlait sur ce marché que portugais ou espagnol. Aujourd'hui, la plupart des chalands sont arabes et les cafés autour de la place servent du thé à la menthe. Je me souviens de femmes très brunes, en jupons très colorés qui portaient les paniers sur leur tête, des stands avec des chevreaux vivants, des chatons et des chiots. Il y avait aussi un fromager qui nous faisait goûter chaque samedi un cantal onctueux comme je n'en ai jamais plus retrouvé... La rumeur dit que la Municipalité veut chasser les marchands parce qu'à cinq cent mètres les halles ont été confiées à une société privée qui doit rentabiliser son espace. Ainsi, deux marchés se confrontent et se tournent le dos au lieu de se développer de concert. Déjà les emplacements qui se libèrent suite à un décès ou un départ à la retraite ne sont pas reproposés en dépit des demandes. La ville il est vrai a ouvert ces dernières années plusieurs nouveaux marches de plein air : le jeudi, il y a le marché biologique né sur la jolie petite place Saint Pierre et qui s'y trouvait trop à l'étroit. Il a rejoint l'emplacement d'un autre marché devenu célèbre ici, le marché du Colbert. Situé en face du croiseur "le Colbert" (désarmé et devenu un musée flottant qui fait couler beaucoup d'encre à défaut d'être coulé par ses détracteurs...). C'est un marché du dimanche où se retrouve tout le monde : étudiants et bourgeois, intellectuels et nouveaux-riches, snobs et artistes. On peut y déjeuner d'huitres et de viandes rôties (la daube de taureau au moment des corridas est un monument), on vient y boire le verre du dimanche et savourer d'excellents cannelés... Les habitants de la périphérie ont aussi leurs marchés et puis il reste quelques vestiges des marchés couverts de quartier : aux Chartrons, derrière le Palais Gallien, celui du cours Victor Hugo, non loin de Saint Paul... Rien ne remplacera l'atmosphère incomparable de ces lieux de vie où tout le monde se retrouve, tous réunis par la joie de bien manger, par le goût des bonnes choses, un appétit d'authenticité et d'humanité... Allez ressentir tout cela dans un hypermarché Carrefour ou Auchan...
posted by lorenzo at 14:07

10 novembre 2005

Le véritable maître de Venise




"Venise; tes ombres ont été les gardiennes de tes premiers trésors : palais et leurs opulences, églises et leur faste, Arsenal et son orgueil. Elles t'ont sauvée de toi-même et de l'envie des autres. Les amants sont venus à l'encontre de la ville sur l'eau - une ville en l'air n'étant pas encore érigée. Nul pouvoir, pas même celui des doges, n'égale celui de ton passé. Et les lions de Saint-Marc ne se sont pas prosternés devant les autres saints. en ton sein a germé la semence de Rome et de Byzance, de l'Europe et du Levant, d'un Occident sans repos et d'un Orient languissant."   

Predrag Matvejevitch, 
L'Autre Venise
traduit du croate par Mireille Robin et l’auteur
Fayard, 2004



posted by lorenzo at 21:51

09 novembre 2005

Faire son marché à Venise

Dans tous les pays du monde, à la ville comme à la campagne, il y a des marchés. L'atmosphère y est souvent très roborative. Les plus chagrins se dérident au milieu des étals de fruits et de légumes, parmi cette foule bon enfant le plus souvent qui traîne, regarde les marchandises, compare, discute. Nulle agressivité sur un marché, ce n'est pas comme dans ces grandes surfaces impersonnelles ou derrière son caddie, la ménagère énervée part en guerre contre ceux qui hésitent dans les rayons, contre la caissière trop lente ou le produit qui manque bien sur quand on en a besoin. 

A Venise, plus encore qu'ailleurs, aller faire son marché est un réel plaisir. D'abord parce que on se retrouve vite hors du temps : pas de camion, d'odeur de tuyaux d'échappement, d'embouteillages. Lorsque vous habitez de l'autre côté du grand canal, le meilleur moyen d'y arrivere st de prendre le traghetto, ces gondoles avec deux gondoliers qui vous transportent d'une rive à l'autre pour quelques centimes depuis mille ans. Il y a aussi le pont du Rialto toujours gorgé de monde comme il l'était déjà au Moyen-âge. Les ruelles sont remplies de monde et les marchands de fruits, de légumes, les bouchers, les poissonniers, les charcutiers rivalisent d'ingéniosité pour présenter leur marchandise aux vénitiennes tirant leur chariot. Mais d'autres lieux plus paisibles abritent aussi de petits marchés : le campo santa Margarita avec un des meilleurs poissonniers de la ville et un fleuriste sympathique, la barque delle erbe à deux pas, près du pont des Pugni de San Barnabà, les marchands des quatre saisons de la Lista di Spagna, ceux du campo Santa Maria Formosa, ceux encore de Castello, sur la Via Garibaldi... Un univers vivant, pittoresque où l'on trouve une marchandise qui échappe encore aux règlements imbéciles établis par les fonctionnaires obtus du Parlement européen.
J'ai connu aussi lorsque je vivais là-bas un petit "fruttariol", en bas de chez moi. Son échoppe était pareille que celles des gravures d'autrefois, quelques mètres carrés où s'entassaient des caisses légumes et de fruits variant selon la saison. La provenance était repérable aux étiquettes sur les caisses : Mazzorbo, Padoue, Vicenza... Les pêches en été comme les poires en automne étaient toujours des délices. Elles arrivaient le matin en bateau de tous les ilôts maraîchers de la lagune et parfois de villages des environs sur le delta du Pô ou de la Brenta. Les plus exotiques étaient les oranges de Siçile ou les pommes de terre du Piémont. La chicorée venait de vérone, les choux et les carottes de Torcello ou d'une île-jardin du nord de la lagune... Rien à voir avec ces fruits insipides et ses légumes calibrés que l'on trouve dans nos supermarchés aseptisés ! Quelquefois, il avait de beaux œufs énormes, provenant d'une ferme de San'Erasmo. Deux jolies statuettes de pierre brillantes comme du fer luisaient de chaque côté de sa devanture comme deux hiératiques gardiens. Dans sa boutique se retrouvait les vieilles dames du quartier, les étrangers qui résidaient dans les beaux immeubles de Dorsoduro et les cuisiniers des trattorias du coin. Une famille en quelque sorte. Le marchand ne parlait que le vénitien et j'étais très fier quand il m'accueillait le matin me gratifiant d'un très sonore "Buon di, sior Lorenzo, xe cosa ti vuoi, oggi?"... 



posted by lorenzo at 23:21

08 novembre 2005

Urgences, urgences...

« C’est incroyable, papa » me disait ce matin ma fille Constance (huit ans), en parlant de sa sœur aînée, « Margot n’est pas contente parce qu’ils ont ouvert de nouveau les urgences pour des jeunes qui font du feu dans les voitures et elle dit que cela va faire comme le 11 juillet »… Je n’ai pas compris tout de suite ce qu’elle voulait dire. Et puis une vieille dame affolée rencontrée sur le chemin de l’école qui criait à la cantonade « c’est la guerre civile » m’a permis de traduire les propos déformés par ma petite fille : l'état d'urgence, les incendies de voitures et le 11 septembre... 
J’ai éclaté de rire, laissant la vieille dame éplorée devant tant de légèreté « alors que l’heure est grave »… J’ai ri devant ce bon mot innocent qui m’a simplement rappelé, s’il était besoin, combien nous devrions relativiser les évènements et prendre du recul. Oui la situation est préoccupante, oui le désarroi que traduit ces manifestations inadmissibles ne peut que dérouter et nous interroger. Mais, dans ma prise de position contre la constitution européenne, lorsque je prétendais que le oui entraînerait de gros désordres, tout le monde se gaussait. Le non a au moins empêché que ce qui se passe en ce moment soit démultiplié et se déroule dans d’autres lieux et d’autres milieux que nos banlieues et avec une bien plus forte intensité . 
Je crains hélas que ces piteux évènements ne soient que la preuve de l’inanité de nos dirigeants, nationaux et européens; leur incapacité à gouverner, puisque gouverner c’est prévoir. A force de manquer de conviction, à force de se mettre lâchement à la traîne des puissances ultra-libérales, étatiques ou multinationales, voilà ce que l’on récolte. En politique comme dans tout autre domaine, l'expérience prouve qu'il est vain de suivre lâchement les modes. A trahir ce qu'on est vraiment, on est toujours puni.
Point d’homme providentiel (je suis convaincu que les gens ont besoin d'un sage, une figure paternelle à la tête de l'Etat, arbitre et référence, loin de toutes les querelles partisanes), point de discours engageant la nation pour que tous se mettent au travail pour cohabiter, coopérer et bâtir ensemble la société dont nos enfants auront besoin pour vivre et prospérer. Au lieu de ça, nous avons des combats de chefaillons, méprisables apparatchiks de droite ou de gauche, qui ne songent qu’a conserver ou conquérir le pouvoir, pour leur propre intérêt ou celui de leur caste. La gouvernance liée à tout ce qui est économique et entre les mains des financiers et des agences de notation (comment avons-nous pu accepter cela ?)

Et pour rajouter à cette trivialité, les médias, qui font monter la pression comme le pâtissier fait monter sa crème. Plus on parle de ces évènements, plus ils se développent, plus la population se met à craindre et à réagir et les passions se réveillent. La part la moins belle en chacun de nous s’éveille. Le monde est encore rempli des remugles de cette peste brune que cinquante ans de relative tranquillité n'ont pas totalement effacé... Il y a longtemps que je n’ai pas entendu autant de propos racistes et xénophobes, autant d’insanités sur les jeunes, les arabes. Et tout cela parce que des bandes de voyous organisées, sans autre motivation que la violence pour la violence, sortent dans la rue et cassent. Les autres, ceux qui peinent, ceux qui sont en situation précaire et remplissent leurs obligations sociales – et ils sont la majorité – risquent maintenant de vivre les pogroms comme les juifs en Pologne ou en Russie il n’y a pas si longtemps… 
Oui, le bon mot rigolo de ma petite dernière n’est finalement pas anodin. Il me rappelle que face à tout événement, même grave, il faut prendre du recul et chercher à comprendre pour se faire sa propre opinion et qu’il faut toujours garder son sang-froid. Non, ce n’est pas la guerre civile comme les journaux chinois ou américains l’annoncent à leurs concitoyens, les priant d’éviter de se rendre en France. C’est simplement une plaie purulente qui saigne depuis longtemps mais qu’on n’a jamais su ou voulu soigner. Comment guérir une blessure quand à chaque instant, le soignant en ravive une autre par sa maladresse et son incompétence. 

C’est le corps entier qui est malade. La tête tout d’abord, puis les membres et quasiment toutes les cellules sont atteintes. Par le doute, par le découragement, maintenant par la crainte. Cela arrange bien du monde en fait, ceux dont le corps est déjà pourrissant et qui préfèrent ne pas être seuls dans l’ambulance. Il n’y a pas de raison. Ceux qui savent être incapables eux-mêmes de résister longtemps au virus. Ils pourront faire accepter plus facilement des traitements de choc pour éviter la contagion. 
Non, il ne faut pas s’inquiéter outre mesure. Que la sagesse modère nos propos et nos opinions. Les mêmes imbéciles continueront de parader sur les chaînes de télévision pour amuser les français en fin de semaine, les mêmes footballeurs millionaires continueront de taper sans conviction dans leur ballon, les mêmes députés s’endormiront dans l’Hémicycle, les mêmes fonctionnaires européens produiront leurs règlements iniques et la froidure de l’hiver bientôt calmera les flammes. 
Mais attention au printemps qui revient. Il risque de faire très chaud alors, et le Tamiflu social n’est pas encore en fabrication dans notre pauvre hôpital européen, loin s'en faut…
posted by lorenzo at 20:27

04 novembre 2005

Le doge de Venise


Le doge de Venise,
très belle xylographie provenant d'un ouvrage du XVe siècle
(collection particulière)