27 novembre 2005

Arrogances, escroqueries & canulars...

Je viens de revisionner les épisodes des "Rois maudits" de Maurice Druon, dans la nouvelle version de Josée Dayan. Il y aurait selon moi beaucoup à redire sur le parti pris de la réalisatrice à théâtraliser l’œuvre avec des décors fantastiques reproduisant un Moyen-âge sombre et onirique où certains personnages ont du mal à faire croire à la réalité de leur existence. Mais là n'est pas mon propos. Combien cette histoire me fait penser à notre monde... Sombre époque en vérité que celle des derniers capétiens. Mais elle est si peu éloignée de la nôtre... Des gouvernants avides, arrogants, intéressés à garder ou à conquérir le pouvoir, des intrigues de couloir, des révolutions de palais, des êtres faux, vils. Le peuple méprisé, oublié. Et l'argent qui domine tout et empoisonne tout. Décidément, l'homme n'a jamais rien appris. Il n'a jamais tiré aucune leçon de l'histoire et tout toujours recommence... Que nous apprêtons-nous à revivre ? L'invasion des barbares et des gentils ? La guerre de cent ans ? la conquête de l'Amérique espagnole ? La révolution française ou celle de Russie ? De nouveaux totalitarismes impitoyables et dévastateurs ? Dieu seul sait où la bêtise humaine va mener maintenant l'humanité....

26 novembre 2005

Venise : Promenades en noir et blanc

C'est vrai que le noir et blanc sied bien à Venise. Voici quelques clichés saisis ça et là. Au gré de notre promenade, redécouvrons ensemble la Venise mineure... N'hésitez-pas, chers lecteurs à m'envoyez vos clichés avec la mention à y faire figurer.



 






















Hommage à Rostropovitch

Mtislav Rostropovitch
peint par Arbit Blatas à Venise.


Vues privées de Venise

Rarement un lieu n'a autant stimulé la création. Grands artistes et amateurs anonymes, chacun y va de son crayon ou de sa plume. Combien de ces petits chefs-d’œuvre sont parvenus jusqu'à nous ? Certains sont émouvants, parfois drôles, toujours beaux comme peut l'être le témoignage d'une époque révolue...


J'ai découvert récemment ces dessins de la fin du XVIIIème siècle, réalisée au crépuscule de la République, quand Venise n'était déjà plus que l'ombre d'elle-même mais demeurait encore la Sérénissime...
 
Il faut imaginer ainsi cette Elizabeth, venue d'Angleterre, qui se promenait dans les rues de la cité où sur ses canaux, en octobre 1795. Poètesse au joli coup de crayon, elle annonce les voyageurs du XIXème qui vont sillonner la ville pendant tout le siècle pour en retirer le meilleur et nous l'offrir en mémoire... 
une autre Elisabeth, la célèbre Madame Vigée-Lebrun a écrit un texte découvert dans une anthologie publiée en 1996 par Sébastien Lapaque aux Éditions sortilèges-Les Belles Lettres, Histoires de Venise. Je ne résiste pas à l'envie de vous en faire découvrir un court extrait:
"Je brûlais du désir de voir Venise. J'y arrivai la veille de l'ascension. Quoi qu'il m'eût été dit jusqu'alors sur l'aspect extraordinaire de cette ville, mes yeux seuls m'en donnèrent la juste idée, et j'avoue que son aspect me surprit autant qu'i l me charma. A la première vue on croit n'apercevoir qu'une ville submergée; mais bientôt ses superbes palais, bâtis dans le style gothique, et dont ses beaux canaux baignent les murs, offrent l'effet le plus grandiose et le plus ravissant par son originalité. J'admirai beaucoup le pont de Rialto, qui est une seule arche à quatre-vingt-neuf-pieds de longueur, et je me souviens qu'en passant dessus, je vis un pauvre homme, bien vieux, raclant sur un mauvais violon, et faisant chanter un petit garçon de cinq ou six ans qui sanglotait. Peut-être ce pauvre enfant mourait-il de faim; aussi je m'empressai de lui donner une petite somme ; car, sous ce beau ciel et dans cette belle ville, je voulais que tout le monde chantât gaiement. Je fus quelque temps sans m'accoutumer à cette quantité de barques noires qui remplacent les voitures, et dans lesquelles on s'embarque et l'on débarque continuellement à la porte de toutes les maisons. J'aurais voulu que leur couleur fût moins triste: mais les ambassadeurs seuls ont des barques de toutes les couleurs... Dès le lendemain, jour de l'Asension, il me conduisit sur le canal où se faisait le mariage du doge avec la mer. Le doge et tous les membres du sénat étaient sur un bâtiment doré en dedans et en dehors, appelé le Bucentaure ; mille barques, dont plusieurs portaient des musiciens, l'entouraient. Le dogé et les sénateurs étaient vêtus de noir et coiffés de perruques blanches à trois marteaux. Lorsque le Bucentaure fut arrivé au lieu fixé pour la célébration du mariage, le doge tira de son doigt un anneau qu'il jeta dans la mer, et, dans le même instant, mille coups de canon instruisirent la ville et ses environs de cet hymen solennel, qui se termina par une messe"...

Ce texte a été écrit au début de la révolution, avant le drame qui coûta la vie à des millions de personnes à travers l'Europe et n'en finit pas de faire retomber ses scories sur l'humanité. Madame Vigée-Lebrun partit de France dès 1789 et séjourna en Italie quelques années. Elle exécuta à Venise plusieurs portraits. Elle y vécut la chute de la République et l'abdication du dernier doge.

22 novembre 2005

Notre Tempo di Cello à Paris

Je reviens de Paris, où se déroulait le huitième concours de violoncelle Rostropovitch. Cet agréable voyage était une idée de Laurence Lacombe, l'animatrice d'une jeune association de violoncellistes de Bordeaux dont j'ai l'honneur d'être le président. 

Une trentaine de jeunes musiciens, parmi lesquels des élèves du Conservatoire dont mon fils, mais aussi des amateurs, des professeurs, ont ainsi assisté à la finale, qui s'est déroulée samedi 19 novembre au Châtelet puis, le lendemain au concert de clôture avec les lauréats. Mitslav Rostropovitch présidait lui-même ce concours qu'il a créé il y près de trente ans maintenant et ce fut un réel grand moment de musique.

La lauréate, Marie-Elisabeth Hecker n'a que 18 ans et déjà beaucoup de maîtrise, un talent incroyable, une présence qui s'impose dès qu'elle commence à jouer et qui contraste avec sa silhouette très fine, presque fluette.Tous, même les plus jeunes, l'ont choisi en applaudissant à tout rompre le samedi après-midi pendant les éliminatoires finales. Et dimanche, Marie-Elisabeth Hecker a donné le meilleur d'elle-même, lors du concert des lauréats qui clôturait le concours (et notre week end). Renaud Dejardin (5e prix), le seul français de cette finale, en dépit d'une présence souvent plus mature que ses concurrents, semblait manquer d'âme. Deux autres lauréats se révélèrent intéressants : Kaori Yamagami, (4e prix), canadienne d'adoption mais née au Japon qui jouait sur un stradivarius et la moscovite Elisaveta Shuchenko (6e prix).
Elle a interprété "Oyan !" (réveillez-vous !), une création du compositeur russe Franghiz Ali-Zadeh (née comme Rostro à Bakou), et, avec l'Orchestre de Paris dirigé par Janos Fürst, qui a donné le meilleur de lui-même dimanche, le 1er concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Ce concerto, assez difficile d'accès, avait été joué la veille six fois d'affilée (et les participants qui ont écouté courageusement à chaque fois ont su reconnaître la qualité de l'interprétation). Nous étions devant elle, à quelques mètres, dans les premiers rangs. L'orchestre était enfin complètement à sa place et ce fut un vrai moment de paradis. 
Le lauréat du 2eme prix, Julian Steckel, interpréta avec beaucoup de maestria la 4e sonate en ut majeur op. 102 n°1 de Beethoven et la danse des Elfes de David Popper. Georgi Kharadze nous a régalé avec cinq pièces dans le style populaire op.102 de Robert Schumann.
Mon fils Jean qui fêtait ce jour là ces douze ans, a même pu parler au maestro à qui je rappelais notre rencontre vingt ans plus tôt chez ses amis Arbit Blatas et Regina Reznik, à la Giudecca. Lui présentant mon fils, il comprit mal ce que lui disait la dame qui nous introduisit et crut que Jean était le petit-fils de Regina. Dans la confusion, il le prit dans ses bras chaleureusement et l'enfant, rouge et confus, personne n'osa pas le contredire. La musique est une grande famille après tout ! Jean semblait comme tous les autres, des plus jeunes aux plus âgés, sous le charme. 

Il fut un des premiers à demander un autographe à la jeune lauréate qui disait "mais je ne serai pas la lauréate, c'est impossible vous savez". Ce fut d'ailleurs la course aux signatures : Rostropovitch bien sur, mais aussi Etienne Vatelot le grand luthier, Madame Pierre Fournier, la veuve du grand violoncelliste français, la compositrice russe dont la création fut magnifiquement interprétée par la jeune allemande, et les autres candidats, qui tous se plièrent avec bonhommie à ce rite imposé par une jeune classe très délurée mais respectueuse et parfaitement concentrée pendant les concerts. 






17 novembre 2005

La Piazza par Whistler



posted by lorenzo at 19:25

Lettre de Venise par Marie-Louise Audiberti

août 2004. 

J’apprends l’italien. Pour le savoir, pour le parler ? Plutôt l’apprendre ; joie de la découverte. Apprendre une langue, c’est retrouver les réflexes premiers quand les mots hésitent encore entre les lèvres. Apprendre une langue étrangère, c’est apprendre à parler. Les phonèmes se cueillent comme des fruits, pas toujours mûrs. Il faut du temps, un certain soleil, et l’Italie n’en manque pas. Pourquoi aller chercher l’allemand, voire le russe - vite abandonné - l’anglais, n’en parlons pas, j’en refuse la fluidité mondiale, pourquoi aller ailleurs quand on a l’italien, tout près de soi, la porte à côté ?


Aujourd’hui je pars pour Venise. ;
A Venise, tu ne comprendras rien. Ils parlent en dialecte.

Surtout, ils parlent anglais. Dès qu’ils te devinent étrangère, ils t’assènent leur baragouin.
 
Tout de même il ne faudrait pas oublier le dialecte qui régnait administrativement jusqu’au dix-huitième siècle. Ne pas oublier que Venise la Sérénissime a longtemps été une république indépendante et fière de l’être, dirigée par un doge et qu’on y menait grande vie. Shakespeare, Goldoni, Casanova nous ont largement ouvert les portes de la cité qui restait ensuite, malgré son déclin et ses déboires, un lieu de plaisir où se donnaient des fêtes somptueuses.
 
Je me gorge d’églises, de musées, de palais. Entrée payante : dans certaines églises, on vous tend aujourd’hui un guide sur papier glacé. En français ? Non, je réclame l’italien. c’est en italien que je veux voir Le rêve de Sainte Ursule de Carpaccio, ou La crucifixion de Tiepolo. Je déguste les mots dans les nefs baroques ou les musées fabuleux aux plafonds de caissons sculptés. La beauté se déclinera aujourd’hui en version originale. 

Giorgione, Titien, Le Tintoret, Bellini, ils sont partout, jeux de lumières, de contrastes, toiles immenses sur les murs ou au plafond déroulant dans une succession mirobolante les multiples épisodes de l’histoire mythologique ou religieuse. Je ne compte plus les Annonciations, celle où la Vierge repousse avec crainte les propos de Gabriel, vous dîtes, un enfant ? ou accepte, obéissante, la prédiction, et aussi les vierges à l’enfant - retenons en particulier celle de Bellini , à l’église San Zaccaria, avec l’ange musicien aux longs cheveux de fille.

Pour Venise, je ne convoquerai ni Chateaubriand, ni Stendhal ni Morand. Cette fois je veux entrer de plain-pied. J’achète le Corriere della Sera comme une grande. Je le déploie dans le vaporetto. Je n’apprends pas, je pratique. Voyons, combien de crimes aujourd’hui ? Aucun ? Je me rattraperai sur la Mostra et la venue de Woody Allen dans nos murs.

Il me vient des mots. Je me surprends même à penser en italien. Les langues s’attrapent-elles comme des maladies ? Où gît le microbe qui inocule le phrasé ? Ne pas triompher.
Seulement me laisser aller au ravissement. C’est comme la nage ; jetez-vous à l’eau. Avancer dans une langue, c’est comme avancer dans une ville. Quelque chose se dégage qui bouchait la vue, entravait la circulation. Tenez, vous connaissez le pont du Rialto qu’admirent chaque jour des centaines de visiteurs ? Comprendre que le mot signifie rive haute, rio alto, quand Venise, encore déserte, se résumait à cet îlot, avant même la construction de la basilique de Saint-Marc, est un plaisir de choix. Les curieux y songent-ils en s’amassant sur le pont ? Tant d’autres découvertes étymologiques au hasard des errances, des lectures.

Dans l’église Santa Maria Formosa, étrange mélopée. Au premier rang, une femme, micro en main, profère des litanies que quatre ou cinq autres femmes dispersées sur les bancs, derrière, reprennent en chœur avec componction. Modernisme et tradition. 

Dehors, un peintre a posé son chevalet devant l’un de ces nombreux ponts qui enjambent les canaux. Il vient de Hongrie. D’une ville dont il m’explique qu’elle se situe à l’emplacement de l’ancienne capitale et se nomme Esztergom. Ne pas confondre.

Pour un bref échange, mon italien suffit. Quelque chose résiste encore, sans doute l’essentiel : comprendre ce qui ne m’est pas destiné. En savoir assez justement pour être l’espionne de service, la voleuse de conversations. En savoir assez pour en savoir plus.
J’ai quitté le centre historique, ses pigeons, ses touristes, ses masques. Mouvement circulaire, du centre à la périphérie. Venise, une toile d’araignée au tissage aléatoire, qui ne demande qu’à vous happer. Quartier de l’est, Ghetto, Zattere, un monde se découvre et pas seulement celui du Quattrocento. Il était temps ! Dans cette ville de l’art, on trouve aussi des familles sur les bancs, des femmes bavardant devant les maisons, des hommes dans les cafés, toute une vitalité qui se distribue dans la musique des mots, des gestes. Et toutes ces couleurs, rose, jaune, faites pour l’œil, pour qu’il s’ouvre. Nos immeubles gris seraient-ils faits pour ne pas être vus ?

Les pas se poursuivent au détour des nombreuses calle, certaines si étroites qu’on peut se donner la main d’une fenêtre à l’autre. Souvent pas de noms de rue, seulement des numéros. Comme dans tous les pays du sud, les linges aux fenêtres ou au travers des rues exposent ventre à l’air le quotidien des gens, serviettes, draps, culottes. D’autres ruelles sont si sombres qu’on y attend le coup de couteau d’un condottiere. La ruelle débouche sur le rien, vous êtes fait, pas moyen d’échapper à l’ennemi ! Surtout, on se perd. Tourner, tourner sans cesse, d’une campiello à un canal, encore un, ressentir combien " la plus belle ville du monde ", nervurée de rios à l’odeur fétide, émerge à peine des eaux, y retournera peut-être, s’affaissant sur elle-même, d’où cette vague inquiétude mêlée à la fascination. Mort à Venise, mort de Venise. Comme un rêve trop beau pour être vrai, où l’on compte encore sur les chats pour venir à bout des rats.

Bientôt ce sera acqua alta, on pourra faire de la barque sur la place Saint-Marc. 
Venise, est-ce l’Italie ? Comme à Gênes, Genova, direction Livourne, au soleil couchant d’une Italie toute rose, comme à Rapallo avec l’édifice de pierre, sorte de tonnelle qu’on appelle le château et l’ombre de Nietzsche dans les parages, comme à Camogli où la mer se déchaînait sur des rives noires, galets ou tourbe, comme à Tellaro, ce village haut en couleur perché sur des rochers, fouetté par les vagues ? Mais cela c’était un autre voyage. 

Quant à mes Venise, ils s’ajoutent l’un à l’autre, se recouvrent. Il y a eu le premier quand je ne savais pas encore regarder. J’étais à Venise pour y être. Émerveillement. Puis un, deux autres Venise de la découverte. Aujourd’hui, je tente d’écouter la rumeur. La ville se dilate, se diversifie. Mais plus j’approche, plus elle se dérobe. Ville retorse, toute en recoins, en cachettes, dont on ne verra jamais le bout.

Voir Venise pour voir autre chose, être là pour être ailleurs. A Amsterdam par exemple, avec ses canaux, entre Van Gogh, les restaurant indonésiens et le Marché aux fleurs , ou encore à Hambourg, surnommée autrefois la Venise du Nord à cause de ses Fleete... 

Marie Louise Audiberti
posted by lorenzo at 00:01

16 novembre 2005

Conseil d'écrivain...

Voici un texte que j'aime beaucoup de Witold Gombrowicz paru dans le mensuel Zycie Akademickie en 1954. C'est la réponse de l'écrivain polonais à une enquête sur la jeunesse polonaise en exil.

"[...] La littérature est extrêmement facile : c’est pourquoi elle est extrêmement difficile. Un récit, un poème, un roman – rien de plus simple, n’importe quelle ménagère en est capable. Mais de là à pénétrer sur ce terrain où la parole devient incisive...
Pour y parvenir, voici ce que je vous propose : aucune docilité, aucune modestie. Cessez d’être des petits enfants sages. Soyez présomptueux, arrogants et désagréables. Une bonne dose d’anarchie et d’irrespect absolu vous serait utile. Soyez également délicats, narcissiques, hypersensibles, égocentriques et égoïstes. Et puis, attrapez aussi quelques maladies chroniques. En outre, soyez fantaisistes, irresponsables, ne craignez pas la bêtise et la bouffonnerie. Sachez que la crasse, la maladie, le péché, l’anarchie sont vos aliments.
Et si mon conseil vous paraît par trop paradoxal ou peut-être malsain, consultez n’importe quelle biographie d’artiste. L’art n’est pas l’œuvre de charmeurs polis sous tous les rapports, c’est l’affaire d’hommes dramatiques. On peut écrire des nouvelles et des poèmes d’une autre manière, mais …
Trad. par Ch. Jezewski et D. Autrand


posted by lorenzo at 22:38

14 novembre 2005

Acqua alta à San Marco ?

"Aqua alta à San Marco lors d'une récente grande marée automnale ? Non. Les grandes eaux pour nettoyer la piazza chaque matin... La nouvelle invention d'une administration délirante ! certainement pour noyer plus vite la ville et satisfaire les romantiques invétérés qui vénèrent l'idée de la mort de Venise !" 
(Envoi et commentaire de Sophie F. de Bruxelles)
On parle bien de canons à pluie dans les villes touchées par la sècheresse et les canons à neige existent depuis belle lurette pour faire venir les vacanciers. Pauvre monde !

posted by lorenzo at 23:35

La Galerie de TraMeZziniMag (1)

REFLETS & COULEURS
Quelques aquarelles d'artistes d'hier et d'aujourd'hui 
dans ma galerie d'art virtuelle... 

La galerie Tramezzinimag, pour sa première exposition virtuelle, vous présente une série d'aquarelles de différents artistes et de différentes époques. certains sont célèbres, d'autres inconnus, parfois amateurs. Ils ont tous en commun l'amour de la lumière et cette perception de la couleur que l'on reçoit à Venise quand on laisse son regard se remplir des reflets et des nuances du soleil ou de la pluie sur les pierres, les briques, des effets du ciel et des nuages sur l'eau des canaux et l'éclat des vitres aux fenêtres des palais... L'accrochage n'est pas encore très au point. Mais laissez-vous porter par le charme de ces œuvres certes mineures mais toutes très poétiques. 

Dans l'ordre : 
Jeno Koszkol, Jean Commere, Patrick Mc Donnell, Victor Lanz, John Philip Sargent, Sharon Carson, Childe Hassam, Esteban, Robin Durant, Nick Hebditch,Otonello, et bien sûr, le plus grand : William Turner.


Je remercie les auteurs des différents sites qui présentent certaines des œuvres exposées dans la galerie aujourd'hui et j'espère n'avoir oublié ni écorché aucun nom.  


Le Campiello, le site de notre ami Antoine a aussi une galerie d'aquarelles souvent très fraîches. je vous le recommande autant pour ces œuvres que pour ses commentaires et liens sur le thème de la ville. Et puis, l'adresse semble bonne vue la file d'attente pour loger dans cette adorable petite maison donnant sur un canal tranquille, loin des touristes : www.campiello-venise.com.







13 novembre 2005

La peur a changé de camp par Bertrand Renouvin

Devant les récents évènements qui ont fait se tourner les regards du monde entier vers les banlieues françaises, je ne résiste pas à l'envie de vous communiquer cet excellent éditorial de Bertrand Renouvin dont les réflexions et les commentaires s'avèrent terriblement justes et efficaces, paru dans "Royaliste", le 3 octobre dernier. Ce journal de réflexion, totalement indépendant, est lu par des gens de tout bords. Je vous en recommande la lecture, roborative et tonifiante. Médication vraiment nécessaire devant tant de journaux langue-de-bois-et-leur propagande parisianiste...
"Dans le métro parisien, de grandes affiches nous informent de la publication d’un livre dont les médias disent grand bien : « La société de la peur », d’un certain Christophe Lambert. Renseignement pris, cet auteur massivement promu est président de Publicis Conseil France et ami de Nicolas Sarkozy.

Comme nous sommes dans le champ de la communication politique, il me paraît de bonne méthode de ne pas lire d’emblée l’ouvrage et de prendre son titre comme slogan ou, au mieux, comme symptôme des représentations mentales de l’oligarchie.
Le thème d’une France apeurée par les « réformes », repliée sur son modèle social, ennemie du risque et affolée par la mondialisation est inscrit depuis belle lurette sur les fiches argumentaires de la classe dirigeante.


Avec d’autres, nous avons dénoncé cette tentative d’intimidation du peuple français, d’autant plus abjecte qu’elle émane de hauts fonctionnaires protégés par leur statut, de capitalistes jouissant de leur fortune, de politiciens plus ou moins corrompus et entourés de gardes du corps, de riches journalistes vivant avec les riches. C’est sans doute faire preuve d’un populisme vulgaire que de rappeler que la promotion de la précarité par le « contrat nouvelles embauches » est faite par Jean-Louis Borloo, propriétaire d’un palais à Marrakech, et que les émoluments du président de Publicis Conseil le mettent à l’abri du besoin.


Inutile d’insister cependant. Le cynisme des oligarques est de notoriété publique, leur luxe s’étale dans les gazettes spécialisées, leurs techniques de manipulation provoquent de franches rigolades.


Ils croient que nous sommes trop bêtes pour saisir la subtilité de leurs manœuvres et la férocité de leurs appétits. Tragique erreur – de celles qui vous conduisent droit au réverbère ! Les faits et gestes des dirigeants sont scrutés chaque jour, et d’autant plus facilement que ces messieurs et ces dames adorent se produire sur les écrans de télévision.
Les publicitaires et les journalistes de cour ne comprennent pas qu’ils montent chaque jour des spectacles obscènes – dont ils font partie. Ils ne voient pas que notre problème – celui des « gens », celui des « beaufs » - ce n’est plus la peur mais la haine qui menace de nous emporter et qui ferait échouer la révolution démocratique à accomplir.


La classe dirigeante ne voit rien, ne comprend rien mais elle sent le danger. Sa peur est encore diffuse, elle la refoule lorsqu’elle se laisse surprendre par un vote de rejet, par un mouvement de colère, par l’effet d’un scandale qu’elle n’a pas su camoufler.


La peur a changé de camp. Le phénomène est manifeste depuis le soir du 29 mai dernier. La violence inouïe de la réaction des partisans de la « Constitution », succédant aux folles insultes dont ils nous ont accablés pendant la campagne, ne tient pas à l’échec d’un projet de traité qui n’avait pas passionné l’oligarchie pendant les discussions préparatoires. L’échec du référendum a été ressenti comme le signe d’une remise en cause radicale d’une classe dirigeante désormais privée de ses alibis. Lorsque Jean-Marie Le Pen servait d’instrument grossier et inefficace à la protestation populaire, les oligarques pouvaient se nimber de morale démocratique. Ils sont maintenant confrontés à un rejet politique, durci par la lutte de la classe des salariés contre la caste possédante. Celle-ci devine qu’elle ne doit pas se préparer à une alternance tranquille, avec pertes provisoires de postes et de prébendes heureusement compensées par de confortables situations dans le secteur privé : c’est l’ensemble du système oligarchique qui est menacé. Non seulement la direction de l’UMP, les chiraquiens, François Hollande et sa fraction, mais aussi les patrons du Medef, les éditorialistes et les experts médiatiques, les féodalités régionales et municipales, diverses clientèles organisées en maintes officines…


La peur de perdre, de tout perdre, gagne le petit monde de privilégiés. Elle va paralyser les esprits, déjà en proie au déni de réalité, et nouer les ventres. Pour l’insurrection qui se prépare, sachons raison garder."

Bertrand Renouvin


Avec l'aimable courtoisie du journal Royaliste

posted by lorenzo at 23:51

Roberta di Camerino

J'ai eu le privilège entre 1981 et 1985 de rencontrer la célèbre Roberta di Camerino, grande dame de la mode italienne âgée aujourd'hui de 85 ans. Giuliana Coen, de son véritable nom, a commencé pendant la guerre à créer des sacs et des vêtements. revenue à Venise après l'armistice, elle fonda sa maison de couture et e rendit célèbre en créant des modèles devenus fameux, comme le fameux sac Basonghi, adopté par la Princesse Grace puis par de nombreuses célébrités américaines et italiennes. 
 
SAS La Princesse Grace de Monaco à la une de Europeo, avec la borsetta Basonghi en 1959
Elle dessinait sans arrêt et j'allais souvent chez elle, dans son palais, magnifique bâtisse du XVIème siècle, où se croisaient des stylistes, des créateurs de tissus, de jeunes artistes et des hommes d'affaires pas toujours recommandables. C'était l'époque de la loge P3, des mafieux recyclés dans la politique internationale, des politiciens affairistes. Il y avait des gardes du corps à l'entrée. Giuliana était toujours affable. J'étais un peu au début considéré comme le grouillot de la maison d'édition Graziussi. Puis, à force de rencontres, de conversations et surtout après plusieurs soirées à la Fenice ou au Palais Clary, chez le consul, Giuliana, commençant de me prendre en considération, se prit d'amitié pour moi. Contrairement à son mari, Adalberto Sansone qui s'entêta toujours à m'apostropher avec l'épithète (assez péjoratif dans la hiérarchie des titres italiens) de "geometro" pour marquer je ne sais quelle différence... Giukiana me parlait de mille choses, et j'assistais souvent à des scènes truculentes entre son mari, ses assistantes et elle. Bonne fourchette, c'était aussi une excellente cuisinière et autant que je m'en souvienne, elle était membre de notre Academia della cucina italiana, ancêtre du mouvement Slowfood dont je vous reparlerai. Nous avons publié un très joli portfolio en très petit tirage aujourd'hui rarissime, où la Camerino présentait une douzaine de croquis ornés de son célèbre R pour Roberta. La maison continue sans elle, dans le même esprit, avec beaucoup de panache et un peu plus de modestie peut-être, après quelques années sombres. Son logo est présent aux quatre coins du monde mais reste peu en vogue en France.

11 novembre 2005

Trovar casa a Venezia *



Quand on vous dit qu'il est vraiment difficile pour les vénitiens de trouver à se loger à Venise...Tout le monde s'arrange comme il peut. Même un trou minuscule est devenu précieux. Sur la photo, communiquée par il sior Stefano du site www.Vanessia.com, un mini-appartement facilement transportable et déménageable... Cave canem. 

 posted by lorenzo at 23:38

A Bordeaux aussi, il y a un bien beau marché...

Je vous parlais hier des marchés en plein air de Venise. celui du Rialto, le plus important, le "ventre" de la ville, et des autres "marchés de proximité", pour emprunter le langage politico-administratfif. Rien ne peut les remplacer en dépit des normes européennes qui imposent de plus en plus de critères fort coûteux et souvent peu adaptés à la réalité quotidienne et locale, telles les vitrines réfrigérées, les marchandises sous protection plastifiée, les emballages stériles. On en discute autant à Venise qu'à Bordeaux, à Langon ou à Notting hill...
A Bordeaux justement un grand marché traditionnel a lieu depuis la nuit des temps sur la place Saint Michel, le samedi matin. Situé à deux pas des halles, "les Capucins", il s'étend sur toute l'esplanade qui entoure la très belle église Saint Michel et son campanile gothique en bien mauvais état mais très prisé des touristes. Chaque samedi donc de nombreux stands proposent à une clientèle très diverse fruits et légumes, volailles vivantes, oeufs frais, viandes et charcuterie, miels et confitures, mais aussi du vin, des fleurs, du pain et des pâtisseries. Bref tout ce qu'on s'attend à trouver sur un marché. Comme à la campagne. Car nombreux encore sont les maraîchers qui viennent vendre leur propre production : choux, poires et pommes, poireaux et oignons, herbes frâches, salades et fleurs du jardin. Le muscat ne vient ni d'Espagne ni des rives orientales de la Méditerranée, il arrive souvent de Macau ou de Parempuyre. Bien sûr beaucoup de stands s'approvisionnent au Marché de Brienne, le centre d'approvisionnement en gros et leur marchandise arrive d'Israël ou du Brésil. Mais il y a encore et pour combien de temps de vrais cultivateurs qui arrivent dès 5 heures du matin et déballent leur marchandise souvent pleine de terre et de paille. La marchande de volaille termine de peler les lapins, on pèse les dindons et les poules avec des balances à la romaine. Un vieux monsieur édenté vend uniquement des oignons, des noix, de la menthe et du persil. Tiens, cette semaine il a des carottes. Elles sont énormes. Pas une n'a la même taille. Elles sentent bon. Non loin de là, de l'autre côté de la Flèche (nom donné ici au campanile qui fut longtemps le clocher le plus haut de tout le sud de la Loire et que Louis XIV rabaissa comme il voulait rabaisser l'arrogance des bordelais), ce sont les "textiles" : camelots du roi et marchands de tissu, de bimbeloterie, de vêtements, d'articles de vaisselle, mercerie... On y trouve de tout.
L'ambiance est bon enfant. Des musiciens roumains rivalisent de talent dans l'espoir d'une pièce. Quelques clochards sans âge dorment sur des caisses vides en attendant de pouvoir ramasser ce qui sera tombé par terre et restera comestible. On se réchauffe en buvant un café chaud ou en mangeant des frites. La marchande de merveilles montre ses doigts brûlés par la friture et vous offre toujours quatre ou cinq pièce de plus que la douzaine achetée.
Quand j'étais adolescent, on ne parlait sur ce marché que portugais ou espagnol. Aujourd'hui, la plupart des chalands sont arabes et les cafés autour de la place servent du thé à la menthe. Je me souviens de femmes très brunes, en jupons très colorés qui portaient les paniers sur leur tête, des stands avec des chevreaux vivants, des chatons et des chiots. Il y avait aussi un fromager qui nous faisait goûter chaque samedi un cantal onctueux comme je n'en ai jamais plus retrouvé... La rumeur dit que la Municipalité veut chasser les marchands parce qu'à cinq cent mètres les halles ont été confiées à une société privée qui doit rentabiliser son espace. Ainsi, deux marchés se confrontent et se tournent le dos au lieu de se développer de concert. Déjà les emplacements qui se libèrent suite à un décès ou un départ à la retraite ne sont pas reproposés en dépit des demandes. La ville il est vrai a ouvert ces dernières années plusieurs nouveaux marches de plein air : le jeudi, il y a le marché biologique né sur la jolie petite place Saint Pierre et qui s'y trouvait trop à l'étroit. Il a rejoint l'emplacement d'un autre marché devenu célèbre ici, le marché du Colbert. Situé en face du croiseur "le Colbert" (désarmé et devenu un musée flottant qui fait couler beaucoup d'encre à défaut d'être coulé par ses détracteurs...). C'est un marché du dimanche où se retrouve tout le monde : étudiants et bourgeois, intellectuels et nouveaux-riches, snobs et artistes. On peut y déjeuner d'huitres et de viandes rôties (la daube de taureau au moment des corridas est un monument), on vient y boire le verre du dimanche et savourer d'excellents cannelés... Les habitants de la périphérie ont aussi leurs marchés et puis il reste quelques vestiges des marchés couverts de quartier : aux Chartrons, derrière le Palais Gallien, celui du cours Victor Hugo, non loin de Saint Paul... Rien ne remplacera l'atmosphère incomparable de ces lieux de vie où tout le monde se retrouve, tous réunis par la joie de bien manger, par le goût des bonnes choses, un appétit d'authenticité et d'humanité... Allez ressentir tout cela dans un hypermarché Carrefour ou Auchan...
posted by lorenzo at 14:07

10 novembre 2005

Le véritable maître de Venise




"Venise; tes ombres ont été les gardiennes de tes premiers trésors : palais et leurs opulences, églises et leur faste, Arsenal et son orgueil. Elles t'ont sauvée de toi-même et de l'envie des autres. Les amants sont venus à l'encontre de la ville sur l'eau - une ville en l'air n'étant pas encore érigée. Nul pouvoir, pas même celui des doges, n'égale celui de ton passé. Et les lions de Saint-Marc ne se sont pas prosternés devant les autres saints. en ton sein a germé la semence de Rome et de Byzance, de l'Europe et du Levant, d'un Occident sans repos et d'un Orient languissant."   

Predrag Matvejevitch, 
L'Autre Venise
traduit du croate par Mireille Robin et l’auteur
Fayard, 2004



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09 novembre 2005

Faire son marché à Venise

Dans tous les pays du monde, à la ville comme à la campagne, il y a des marchés. L'atmosphère y est souvent très roborative. Les plus chagrins se dérident au milieu des étals de fruits et de légumes, parmi cette foule bon enfant le plus souvent qui traîne, regarde les marchandises, compare, discute. Nulle agressivité sur un marché, ce n'est pas comme dans ces grandes surfaces impersonnelles ou derrière son caddie, la ménagère énervée part en guerre contre ceux qui hésitent dans les rayons, contre la caissière trop lente ou le produit qui manque bien sur quand on en a besoin. 

A Venise, plus encore qu'ailleurs, aller faire son marché est un réel plaisir. D'abord parce que on se retrouve vite hors du temps : pas de camion, d'odeur de tuyaux d'échappement, d'embouteillages. Lorsque vous habitez de l'autre côté du grand canal, le meilleur moyen d'y arrivere st de prendre le traghetto, ces gondoles avec deux gondoliers qui vous transportent d'une rive à l'autre pour quelques centimes depuis mille ans. Il y a aussi le pont du Rialto toujours gorgé de monde comme il l'était déjà au Moyen-âge. Les ruelles sont remplies de monde et les marchands de fruits, de légumes, les bouchers, les poissonniers, les charcutiers rivalisent d'ingéniosité pour présenter leur marchandise aux vénitiennes tirant leur chariot. Mais d'autres lieux plus paisibles abritent aussi de petits marchés : le campo santa Margarita avec un des meilleurs poissonniers de la ville et un fleuriste sympathique, la barque delle erbe à deux pas, près du pont des Pugni de San Barnabà, les marchands des quatre saisons de la Lista di Spagna, ceux du campo Santa Maria Formosa, ceux encore de Castello, sur la Via Garibaldi... Un univers vivant, pittoresque où l'on trouve une marchandise qui échappe encore aux règlements imbéciles établis par les fonctionnaires obtus du Parlement européen.
J'ai connu aussi lorsque je vivais là-bas un petit "fruttariol", en bas de chez moi. Son échoppe était pareille que celles des gravures d'autrefois, quelques mètres carrés où s'entassaient des caisses légumes et de fruits variant selon la saison. La provenance était repérable aux étiquettes sur les caisses : Mazzorbo, Padoue, Vicenza... Les pêches en été comme les poires en automne étaient toujours des délices. Elles arrivaient le matin en bateau de tous les ilôts maraîchers de la lagune et parfois de villages des environs sur le delta du Pô ou de la Brenta. Les plus exotiques étaient les oranges de Siçile ou les pommes de terre du Piémont. La chicorée venait de vérone, les choux et les carottes de Torcello ou d'une île-jardin du nord de la lagune... Rien à voir avec ces fruits insipides et ses légumes calibrés que l'on trouve dans nos supermarchés aseptisés ! Quelquefois, il avait de beaux œufs énormes, provenant d'une ferme de San'Erasmo. Deux jolies statuettes de pierre brillantes comme du fer luisaient de chaque côté de sa devanture comme deux hiératiques gardiens. Dans sa boutique se retrouvait les vieilles dames du quartier, les étrangers qui résidaient dans les beaux immeubles de Dorsoduro et les cuisiniers des trattorias du coin. Une famille en quelque sorte. Le marchand ne parlait que le vénitien et j'étais très fier quand il m'accueillait le matin me gratifiant d'un très sonore "Buon di, sior Lorenzo, xe cosa ti vuoi, oggi?"... 



posted by lorenzo at 23:21