03 août 2006

L'image du jour




Bonnes Vacances a tutti !
 
posted by lorenzo at 23:57

Il fauno allo scoglio

Je contemplais ce soir le petit faune de Augusto Murer que j'ai acheté en 1984, ma première œuvre d'art, à Venise. Je l'avais acheté sur les conseils d'Arbit Blatas à la galerie Graziussi où quelques mois plus tard je serai embauché. Toutes mes économies y étaient passées ! Devant cet élégant petit faune de bronze tiré à quelques exemplaires, c'est "The Day between" de John William, qu'il composa pour le film Stepmom (Ma Meilleure ennemie), qui me sauta à l'esprit. La délicatesse de la lumière sur les formes de ce merveilleux bronze me rappelait l'air du film. Une grande bouffée de nostalgie et en même temps une grande tendresse. 
Un joli titre, Le Jour entre deux. Mais entre deux quoi ? Entre hier et demain bien sûr. Entre une journée de travail avec sa cohorte d'appels téléphoniques, de paperasses à trier, de lettres à signer, et la journée de demain consacrée au voyage. car demain, je quitte Bordeaux pour rejoindre mes enfants en Normandie, dans notre vieille "maison de famille". Presque une journée de train ! Alors aujourd'hui est un de ces jours différents, où rien n'est vraiment comme hier ni comme demain. Demain sera une journée de lecture et de rêverie. Mansfield Park de Jane Austen m'accompagnera. J'aurai pu choisir un lourd roman de Dickens mais c'est davantage pour les voyages d'hiver, avec un chocolat chaud ou un vieux porto dans un compartiment bien clos. Non, demain ce sera Mansfield park avec une bonne tasse de thé (j'emmène toujours mon petit thermos à thé quand je voyage) et des Digestive, ces délicieux biscuits de Mc Vities. Le temps passera très vite avec Jane Austen.
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Il passe très vite tout court ce soir. Le train part tôt. Je dois encore finir mes bagages, mettre mes blogs à jour (pour ne pas décevoir mes fidèles lecteurs dont je remercie au passage l'assiduité), le chat à cajoler - il faut le préparer psychologiquement à notre absence - et mille choses à ranger. Sur un air de guitare de John William ou un air de flûte d'un concerto guilleret de Benedetto Marcello, car Venise dans cette maison n'est jamais loin.
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Bonnes vacances à mes lecteurs. Notre maison du Cotentin est un petit paradis mais, si nous captons merveilleusement bien la BBC de Jersey - qui est en face de notre jardin - Internet n'est pas très répandu. Je vous le promets, j'irai au cyber-café de Coutances (oui, je crois qu'il y en a un !), la seule grande ville à proximité, ou à Coutainville, pour entretenir un peu TraMeZziniMag pendant ces quinze jours. 

posted by lorenzo at 23:50

02 août 2006

Riflessi d'estate







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posted by lorenzo at 22:16

San Giorgio


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posted by lorenzo at 22:11

Toujours prêts !

 
Une meute de scouts (des vrais) posant sur les marches du Florian.
Gageons qu'il y a parmi eux un totem Lion ailé !
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Le grand canal par un bel après-midi d'été

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Touriste ou voyageur ?

En passant près de la rue Sainte Catherine, la rue la plus commerçante de Bordeaux où, à part une belle croix médiévale et une fontaine du XVIIIe adossée à une église très ancienne désaffectée, il n’y a absolument rien d’autre à voir que les sempiternelles enseignes présentes dans toutes les rues piétonnes de France et de Navarre, j’ai remarqué un groupe de touristes. Une famille avec une dizaine de personnes, du grand-père au bébé dans sa poussette. L’aïeul, la (jeune) soixantaine épanouie brandissait le guide vert Michelin. Venant de la Place de la Comédie, où notre théâtre trône maintenant sur unes esplanade livrée aux seuls piétons et bordée de terrasses très agréables, ils cherchaient la cathédrale. Le guide indiquant cette longue rue (elle fait plusieurs kilomètres de long) comme le meilleur moyen d’arpenter Bordeaux et d’aller vers ses monuments les plus significatifs.

Je me suis souvenu du guide préféré des jeunes américains, dans les années 80, Go to West qui disait alors que Bordeaux était une ville industrielle, noire et sale, sans grand intérêt à part Saint André (la Cathédrale), un musée assez ordinaire selon eux et une façade sur les quais assez belle. Le guide conseillait donc d’éviter Bordeaux, simple étape vers l’Espagne pour ces jeunes yankees qui parcouraient sac à dos en un mois toute l’Europe. L’opinion du guide a - je l’espère - changé. Mais les mentalités elles, changent peu. Je ne me permettrai pas de critiquer le Michelin et autres guides traditionnels, fort bien faits en général, mais toujours assez succincts. Mais comment comprendre une ville, l’apprécier, la découvrir, même en peu de temps, si on se réfère seulement à trois pages dans un ouvrage qui couvre toute une région, voire un pays. Quel manque d’imagination et quel dommage de se contenter de suivre le chemin indiqué… Ne serait-il pas judicieux de confier aux autochtones la description de leurs lieux de vie, quitte à vérifier ensuite auprès d'historiens et de géographes les informations reçues ? J'imagine même un site internet alimenté par les habitants d'une ville pour indiquer les lieux à voir ou à éviter et servir ainsi de guides virtuels aux visiteurs, rendant ceux-ci intelligents et avisés...

Pour vous donner juste un exemple, là où j’ai croisé cette sympathique petite famille, visiblement cultivée et curieuse des choses de l’art, en s’engageant sur sa gauche – ce qu’a fini par faire l’aîné de ce groupe tandis que les autres attendaient son verdict – elle aurait vu la place Camille Jullian, avec son ancienne église gothique, transformée en cinéma (le cinéma Utopia, assez controversé, mais qui dispose de plusieurs salles très joliment - gothiquement – décorées qui diffusent de très bons films, le plus souvent en V.O), des terrasses à profusion et un curieux monument fait de vestiges romains. Dans un angle une petite maison trop restaurée, date du XVIe, là où tout le reste est né entre 1720 et 1850. Un peu plus loin encore, un minuscule square a été aménagé de d’une manière très originale : au milieu des hôtels particuliers du XVIIIe, la ville a fait planter un jardin vertical. Sur de hauts murs poussent des plantes mais à la verticale. Un lieu très agréable. 

Cent mètres plus loin, il y a le cœur du centre historique, cet ensemble très vaste de constructions du XVIIIe (bientôt classé au Patrimoine de l’Humanité) souvent parfaitement rénovées, parfois encore dans un jus sympathique contrairement à l'avis de Monsieur Juppé que le noir de fumée qui protège les pierres agace au plus au point.. Au hasard des ruelles pavées de ces pierres ramenées des Iles où Bordeaux convoyait son vin et ses nègres (langage imagé et significatif de l’époque), on rencontre de très belles façades, des cours pittoresques, d’anciennes églises, des placettes ensoleillées où il fait bon prendre l’air… Partout des terrasses, des glaciers, des boutiques pleines d’attrait. C’est le Bordeaux mineur. De loin selon moi le plus parlant à un visiteur. Celui qui permet le mieux de comprendre l’âme d’une ville et d’en sentir le souffle.

C’est pareil à Venise. Ils vont, ces pauvres touristes, depuis cent ans, de la gare au Rialto, du Rialto à Saint Marc, de Saint Marc à la Salute et à la Pointe de la Douane et parfois jusqu’à l’arsenal. Une excursion (ou bien serait-ce une incursion ?) à San Giorgio, une autre à Murano, Burano, voire à Torcello (pour les plus courageux)… Tout est dans le guide. Mais si on l’oubliait ce guide, et son plan aussi ? Si une fois les bagages posés, la première suffocante impression digérée (vous savez tous, quand on débarque du train et qu’en sortant de cette  - assez horrible - gare très pays de l’Est, on se retrouve sur le parvis, le souffle coupé par la vue, les odeurs, l’air marin, les bruits ; ce spectacle incroyable qui nous saute aux yeux, au nez aux oreilles…), si on osait partir à l’aventure. Ce n’est pas la forêt amazonienne que diable ! C’est une ville avec tellement de monde qu’il y aura toujours quelqu’un pour vous remettre sur le bon chemin. Si donc chaque visiteur prenait son courage à bras le corps et allait droit devant. A l’instinct. Bien sûr il pourrait se faire que le séjour se passe sans rencontrer un seul des grands monuments qu’il faut parait-il avoir vu. Mais combien notre esprit et notre âme y gagneraient.

Quelle joie de découvrir, par hasard un campo solitaire avec son puits médiéval… Écouter une jeune flûtiste par une fenêtre ouverte… Caresser un chat paressant sur le pas d’une porte entrouverte… Quel bonheur de s’asseoir sur un banc dans une petite église fraîche dont on n'avait jamais entendu le nom, loin des grandes rues. La Venise mineure, qui vit et s’agite encore comme du temps de Goldoni, toute remplie de parfums, de bruits, de musique n’est pas enfermée dans les guides verts ou bleus ou rouges. Le petit bar où vous sera servi un délicieux macchiato ou un’ombra de Fragolino pour quelques centimes, n’aura pas de menu inscrit en cinq langues. La mammà qui étend son linge et vous voit vous avancer vers un cul de sac, vous criera avec gouaille "acqua ! acqua !" et vous rirez avec elle de votre méprise. Un chat peut-être vous suivra quelques pas, mais seulement parce qu’il va dans la même direction… Après, quand vous vous serez imprégné de cette atmosphère authentique, libre à vous de pénétrer ces hauts lieux sanctuarisés de la culture mondiale : San Marco (mais pas le jour, plutôt le matin très tôt, pour une messe à laquelle assister ne vous fera pas de mal), le palais des doges, loin des groupes et en prenant le temps d’imaginer la vie qu’on y menait, le campanile, la Salute, San Giorgio, Santa Maria dei Miracoli, Zanipolo, les Frari… Comme les pièces d’un puzzle qu'on assemble avec patience, lentement... 

Vous serez alors à même de comprendre cette ville et ses habitants. Vous vous souviendrez aisément ainsi que ce furent un État et un Peuple triomphants. Mieux encore, vous vous sentirez vénitien. Bon vénitien. 
posted by lorenzo at 19:32

01 août 2006

Jardins secrets pour initiés


S'il existe dans tout Venise de somptueux jardins historiques cachés derrière de hauts murs, au fond de passages fermés et protégés par de hautes grilles, des parcs, des potagers et des vergers plusieurs fois centenaires débordant de plantes rares et odoriférantes, remplies de statues antiques, il y a aussi un grand nombre de jardins plus modestes, aux proportions équivalentes à nos jardins de ville partout ailleurs dans le monde. 
Il y a bien sur le nôtre à Dorsoduro avec son catalpa et sa glycine centenaire. Mais il n'est pas très grand. J'en sais de bien plus charmants encore. En voici quelques uns. Mais, lecteur, vous ne m'en voudrez pas de taire leur adresse exacte et le nom de leurs (heureux) propriétaires.
Constance dans le jardin de la Toletta

Bonne promenade virtuelle !







 







 posted by lorenzo at 22:52



COUPS DE CŒUR N°7

Les enfants à la découverte de Venise
par Elisabetta Pasqualin, 
illustrations de Lorenzo Terranera.
Editions Lapis (Palombi Editori).
Excellent petit guide édité à l'intention des enfants. il existe le même pour presque toutes les cités historiques d'Italie. il montre l'essentiel, quartier par quartier, avec humour, s'attachant avec beaucoup d'intelligence aux détails qui sont susceptibles d'intéresser nos chères têtes blondes qui, même à Venise ( il y en a) peuvent s'ennuyer. 
Mes enfants ont souvent utilisé ce guide soit avec moi soit seuls et ils en sont enchantés. Mon fils Jean, blasé, vous dirait qu'il n'en a plus guère besoin. Ce qui est certainement vrai, tellement il pratique aujourd'hui la ville dans ses longueurs et largeurs. Les illustrations sont sympathiques et drôles. le texte précis et assez complet. pas une seule niaiserie dans ces pages. Je vous le recommande !
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Bancogiro, Osteria da Andrea
Campo San Giacometto, 
San Polo 122
Fermé dimanche & lundi
Ouvert de 10h.00 à 15h00 et de 18h30 à minuit.
Tel 041-5232061, / Fax 041-5232061
Andrea a à son palmarès plusieurs établissements où manger et boire est un plaisir et où on ne sort pas le portefeuille complètement essoré. Sa dernière création, née en 2004, est un lieu merveilleux et unique : Au Rialto, l'administration a libéré le rez de chaussée du Notre compère a loué deux modules entre le campo San Giacometto et la grande fondamenta qui donne sur le Grand Canal. L'intérieur du local n'est pas très grand (une quarantaine de couverts) mais il est très beau. Après maintes pérégrinations, il a eu l'autorisation de disposer des tables au bord du Grand Canal avec vue sur le Pont du Rialto, côté San Polo (vue assez rare). Voilà ce qu'en dit un guide internet vénitien : "Aux pieds du Pont du Rialto s'ouvre un campo qui de jour est envahi par les comptoirs des marchands de fruits et légumes et qui la nuit se transforme en une charmante salle à manger all'aperto". L'osteria se trouve exactement sous le porche dit du "Bancogiro", qui a ainsi donné son nom au restaurant, installé dans un ancien entrepôt du Rialto. C'est à cet endroit exact que fut instituée la première banque commerciale baptisée Bancogiro. Juste à côté de la statue si célèbre du bossu du Rialto, où on proclamait les lois et décisions de la République. C'est là aussi qu'on exposait au pilori les malfaiteurs livrés à la vindicte populaire après avoir été torturés. Maintenant tout le monde s'approche du vieux bossu ans aucune crainte et puis le très vaste choix de cicchetti proposés, la carte des vins de grande qualité, tout fait de ce lieu un vrai bàcaro (nom des auberges traditionnelles vénitiennes, quelque chose comme nos caves locales ou les bouchons de Lyon) De très bons vins donc, même au comptoir, des "cicchetti" raffinés pour accompagner votre verre et finalement, on se laisse séduire par le lieu et on se retrouve vite, devant autant de raffinement et de bon goût, avec l'envie de manger assis... Les prix sont très corrects. Et puis dites-leur que vous venez de la part de TraMezziniMag et de Eddyburg, ce sera encore moins cher ! Mais amis ou pas, il vaut mieux réserver !
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B&B Al Teatro
Fondamenta Fenice, 
San Marco www.bedandbreakfastalteatro.com
Des amis du blog m'ont demandé quel bed and brakfast recommander quand on voit sur l'annuaire des pages entières de locande privées que les gens préfèrent - souvent avec raison - aux petites pensione de notre jeunesse. J'ai entendu parler d'une petite maison bien tenue par des propriétaires très affables et vraiment accueillants. Ils disposent de quatre chambres assez vastes dont deux donnant sur le canal delle Veste, sur lequel donne (presque en face de la maison d'ailleurs) la Fenice. Eleonora et Fabio Agostini ont même monté un site très convivial. Petit déjeuner contibental copieux avec des produits de qualité, wifi dans les chambres, télévision aussi, air conditionné. les plafonds sont peints et le mobilier assez cossu. Mieux qu'un hôtel donc. Les prix ? Entre 90 et 130 euros la nuit avec petit déjeuner. On trouve moins cher mais c'est souvent moins bien.
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B & B Venezia
S.Elena - Calle Bainsizza, 3
Tel. +39 041 5200529
Fax +39 041 2775787
www.bbvenezia.com/fra/index.html
Une exception, Pour moins cher, avec un accueil aussi agréable mais bien plus éloigné du centre, on m'a parlé aussi (la panse le cite d'ailleurs) d'un B&B à San Elena, après les jardins de la Biennale. Là, les prix vont de 60 à 85 euros pour une chambre pour deux. Il existe même des chambres assez spacieuses pour se loger à 4 ou 5, (idéal pour les groupes d'amis). Salles de bains tout confort. L'accueil est chaleureux, la vue sur le jardin de la maison agréable m'a-t-on dit et on se prépare soi-même le petit-déjeuner en ayant à disposition la cuisine bien équipée.
posted by lorenzo at 21:25

31 juillet 2006

L'art et la manière

C'est ainsi que le chroniqueur de la Nuova Venezia présenta une soirée organisée à l'occasion d'un vernissage à la galerie Graziussi où j'étais employé à l'époque. 

J'y faisais office tour à tour de vendeur, coursier, interprète, chargé des relations publics ou grouillot... Giuliano Graziussi, le propriétaire, autodidacte acariâtre et arrogant, vénitien de pure souche (fils et petit-fils de gondolier) avait le sens des affaires et un flair artistique incroyable. Trop souvent imbibé d'alcool, il a disparu de la scène vénitienne et personne n'a su me dire ce qu'il était devenu. La galerie a disparu au profit du show-room de Matteo Lo Greco dont je vous reparlerai. Je suis resté deux ans dans cette galerie en dépit de la vie infernale que me menait Giuliano. J'y ai appris énormément, parfois à mes dépens. J'y ai aussi rencontré la plupart des artistes avec qui j'entretiens depuis des liens d'amitié. C'est notamment grâce à Giuliano que j'ai connu Arbit Blatas et Regina Reznik.
 
Cet hiver-là, il m'avait chargé de préparer le vernissage de la première exposition d'un jeune sculpteur qu'il avait découvert. Celui-ci, passionné par tout ce qui touchait à la Renaissance, je pensais d'abord prévoir une soirée costumée - le carnaval venait de renaître depuis quelques années à peine - mais je me rabattis finalement sur un dîner dans un restaurant chez qui nous avions nos habitudes derrière le campo San Bartolomeo. Giuliano par je ne sais quel miracle réussissait toujours à faire venir le tout Venise mondain, des arts et la presse. Pendant le vernissage, j'avais demandé à des étudiants de San Sebastiano, mon université, de venir chanter. Avec des amis de la Ca'Foscari et du Conservatoire Benedetto Marcello, ils avaient monté quelques mois auparavant un ensemble vocal de grande qualité. Leur répertoire très éclectique allait du Moyen Age à nos jours. Ils eurent un franc succès et poursuivirent leur prestation par des chansons à boire vénitiennes et... françaises. Les années ont passé et je ne sais même plus leurs noms. Que sont-ils devenus ? Si mes lecteurs vénitiens les reconnaissent, qu'ils n'hésitent pas à me donner leurs coordonnées. Je serai heureux d'avoir de leurs nouvelles !
posted by lorenzo at 21:39

30 juillet 2006

Vivre à Venise

En 1981, le magazine "Connaissance des Arts" publiait un article de Denis Picard illustré par des photographies de Robert Emmet Bright sur la très originale demeure de l'architecte et décorateur italien, alors très en vogue, Piero Pinto. 

En rangeant des papiers, j'ai retrouvé ce texte que je vous livre dans son intégralité. Je ne sais plus si Monsieur Pinto occupe toujours cette chapelle. En tout cas, il avait, outre le bonheur d'occuper un lieu aussi original, la chance d'avoir à deux pas, l'une des meilleures boulangeries de la ville. Les croissants de ce "panificio" étaient délicieux. Si je ne m'abuse, ce local a été remplacé par un bar-restauration rapide. J'habitais à quelques centaines de mètres de là, Calle Navarro, de l'autre côté du canal qui passe aux pieds de la ca'Dario et longe cette délicieuse petite place après la Guggenheim. Un des plus beaux endroits de Venise...
"Venise n'en finit pas de mourir, mais peut-être est-ce là son art de vivre. Une vie que poètes, peintres et cinéastes ont souvent teintée d'une romantique, voire morbide, mélancolie. Incomprehension ? L'esprit populaire lui-même ambigu quand il chante :
O che festa. Oh ! che spectacolo
Che presenta sta laguna
Quando tuto xé silenzioso
Quando sluse in ciel la luna...
Fête nocturne, hommage à la lune, mélopées des gondoliers qui inspirèrent peut-être l’une des plus belles mélodies du Tristan de Wagner, venu lui aussi mourir en ces lieux. L’une des grandes morts de Venise fut la naissance, sous les bottes d’un Bonaparte encore révolutionnaire, d’une éphémère République d’Italie. Point final de la Sérénissime, arrêt de mort aussi pour une part non négligeable du patrimoine immense de la cité : il fut décidé qu’une église suffisait à chaque district de la ville. Les autres, désormais surnuméraires, furent désaffectées, vidées de leurs œuvres d’art et bien souvent démolies. De ce vandalisme fut victime San Vio, une église fondée au Xe siècle et reconstruite au XIVe, connue à divers titres et notamment pour avoir abrité le tombeau de Rosalba Carriera, l’illustre pastelliste du XVIIIe siècle - on peut voir ses œuvres non loin de là, dans les salles de l’Accademia et dans les salons du Palazzo Rezzonico.


A vrai dire, San Vio n’avait pas totalement disparu : quelques éléments architecturaux épars furent récupérés. Et quand de pieux citoyens obtinrent du Vatican la permission d’élever, au fond du Campo San Vio, une petite chapelle de brique rouge en souvenir de la grande église, ces éléments furent réemployés. De style néo-byzantin, ce qui n’avait rien d’étonnant à l’époque (1865) et encore moins en cette ville – pour avoir fait mettre à sac Constantinople, Venise n’en a pas moins recueilli une bonne part de l’héritage de Byzance – cette chapelle connut récemment, comme jadis son aînée, le malheur d’être désaffectée. Mais les temps ont changé : elle ne fut pas détruite, seulement vendue.

Son acquéreur, Piero Pinto, passionné de Venise, s’est trouvé particulièrement heureux de pouvoir résider là, dans le Dorsoduro, entre l’Accademia et la Salute. Situation privilégiée, d’autant que la petite chapelle rouge ouvre côté abside sur un petit jardin secret et, côté porche, sur le noble espace du Campo San Vio. Au bout de ce Campo, le grand canal aligne ses palais fastueux mais aussi, presque en face de la chapelle, la petite maison rouge qui fut l’atelier de Canova avant de devenir le refuge de d’Annunzio. Restaurée, ses murs décapés pour retrouver la décoration de marbres anciens sauvés de San Vio, la maison de curé attenante réaménagée en chambres et salles de bains, la chapelle néo-byzantine est devenue confortable résidence. A l’intérieur se mêlent, en un subtil dosage, trois mondes qui furent complémentaires dans leurs oppositions : Venise bien sûr, mais aussi Byzance-Constantinople, sa rivale chrétienne qu’elle voulut supplanter, et la Turquie islamique de l’Empire ottoman, son ennemi de plusieurs siècles. Plus d’ailleurs par l’ambiance que par les objets. Né en Egypte, le maître des lieux a pourtant hérité de son père une belle collection d’art de l’Islam. Mais ici la "décoration" se fait discrète, par petite stouches. "Un peu de tout" dit modestement Piero Pinto".





















posted by lorenzo at 23:08

29 juillet 2006

Farniente d'estate

Dédié à Agnès Calvy

Quand la douceur de l'air le permet, il n'y a rien de plus agréable que d'aller s'asseoir sur un banc, quelque part au bord de l'eau. Les Zattere, après le pont de San Trovaso, à la hauteur de l'ancien consulat de France (le palais Clari), sont un lieu idéal. Lorsque vous serez à Venise, faites donc comme elle. Prenez un livre captivant, promenez-vous le long des zattere, achetez une glace chez Nico. Un gianduiotto da passagio par exemple. dégustez-le en marchant le long des quais, remplissez vos yeux de toute l'animation du canal de la Giudecca. si vous avez de la chance, la lumière sur les façades en face sera magnifique, les arbres des nombreux jardins qui bordent vous dispenseront une agréable fraîcheur; des enfants vous bousculeront un peu, pris par leurs jeux, les passants vous salueront, quelques touristes regarderont avec envie cette glace que vous dévorez se demandant ce que c'est et comment l'obtenir du vendeur. Passées les arcades de la vieille banque, San Trovaso et son squero à votre droite, voilà la dernière partie des Zattere, le quai est maintenant plus large. Les dalles viennent en partie d'être refaites. Un banc libre. Installez-vous vite et maintenant, prenez le temps. Bonne lecture.
Posted by Picasa © Photographie Umberto Sartory - Droits Réservés.
posted by lorenzo at 01:10

28 juillet 2006

Il marchait seul dans la nuit.

Il marchait seul dans la nuit. Depuis toujours, il aimait arpenter Venise après le coucher du soleil. Un écouteur sur les oreilles, c’était chaque fois la même musique qui l’accompagnait : Vivaldi, le Magnificat et le Gloria. Un enregistrement sublime qu’il ne peut plus entendre sans que résonne dans sa tête le bruit de ses pas sur les dalles des ruelles, sans être pénétré de l’envoûtante odeur de la Cité endormie, ce mélange unique d’air marin, de salpêtre et de bois pourri. Il marchait seul dans la nuit en compagnie de ses rêves. Dans cette ville unique au monde, il savait qu’on ne risque pas de mauvaises rencontres.

Il avait ainsi appris d'instinct à connaître chaque recoin de la ville. Sa première promenade, il l’avait faite, seul déjà, un soir d’août alors qu’il n’avait pa quinze ans. Il demeurait avec ses parents et ses sœurs au Londra, sur la Riva dei Schiavoni, courte étape avant de se rendre en Turquie. Il n’avait pas voulu accompagner sa famille à un concert. Il préférait se promener. Sorti en même temps qu’eux, il choisit d’aller dans l’autre direction, vers les Giardini Reali, derrière la Piazza, le long de cette promenade qui borde le bassin de San Marco, avec les gondoles et les taxis bien alignés devant les balustres en pierre blanche. Le soir toute une foule cosmopolite et élégante s’y rencontre. De mauvais peintres y proposent des portraits à trois sous, des camelots se mêlent aux touristes sous le regard indifférent des nombreux chats qui vivent là depuis toujours. Il avait toujours aimé les chats et surtout ceux de Venise, tantôt faméliques, tantôt plantureux. Ses sœurs se moquaient de lui : il voulait un chaton vénitien comme à Rhodes il voudra un chaton grec. Ce n’était plus un enfant mais ce jeune adolescent restait très jeune dans sa tête. Poète, il rêvait chaque instant de sa vie et sa rencontre avec Venise fut un miracle, une révélation. Il ne devait plus s’en guérir. Jamais. 

La nuit allait être belle. Le soir tombait peu à peu recouvrant d’un voile rose les toits et les façades. Les colonnes de la Piazzetta se dressaient devant lui quand éclatait l'exultavit du Magnificat dans son casque. Il se rêva condottiere dans son retour triomphant d’Orient. Tour à tour prince d’Asie ou riche marchand, il avançait à travers les rues, hors du temps. Fasciné, il marcha plusieurs heures et ne revint dans sa chambre que fort tard dans la nuit. Il s’endormit, rompu, les yeux remplis de toute la beauté dont il s’était imprégné dans cette nuit magique.

Ce plaisir ne l’a jamais plus quitté. Il a grandi, Devenu homme, il a beaucoup voyagé. Nombreux de ses rêves d’enfants ont été trahis, perdus, abandonnés. La vie ne lui a pas toujours été facile, mais il n’a jamais cessé de revenir marcher dans la nuit, à Venise. Et toujours, depuis plus de trente ans, il écoute le même enregistrement (celui de Riccardo Mutti qu'il préfère à toutes les éditions plus récentes ) en errant sur les ponts, dans les rues et les campi de sa ville. Aujourd'hui, lorsqu'il revient à Venise, il se coiffe de ses écouteurs et repart à la conquête de sa ville. A la conquête de ses rêves. Il n'a plus la même énergie qu'autrefois et la fatigue vient plus vite, mais le plaisir demeure comme au premier jour quand, la nuit venue, il se faufile dans le dédale des raccourcis autour du Rialto, derrière le ghetto, derrière l'arsenal ou près de la cathédrale San Pietro avec le cum sancto spiritu. Il termine souvent par le campo San Fantin, sur ce magnifique palcoscenico où, avec le fronton de la Fenice, la tonnelle de la Taverne, les deux puits et les deux églises très noires, on a vite la sensation, surtout tard dans la nuit, quand il n'y a plus personne, d'être sur la scène d'un théatre abandonné. Assis sur les marches du théatre reconstruit, il écoute le hautbois de Gordon Hunt accompagner le merveilleux Domine Deus du Gloria.

posted by lorenzo at 18:03

26 juillet 2006

Réminiscences

En écoutant ce matin, dans l'excellente émission de mon ami Stéphane Grant (et oui, il y a des bordelais de qualité à Paris) sur France Musique, "certains l'aiment tôt", la suite "luciférienne" pour piano de Carl Nielsen, magistralement interprétée par le pianiste norvégien Leiv Ove Andsnes (dont le disque, Horizons, est une merveille !), je songeais aux concerts organisés dans les années 80, chaque mois, à l'Albergo Métropole, sur les Schiavoni. 

Le propriétaire de l'hôtel, il Signor Begiatto, avait un fils musicien qui mourut accidentellement dans je ne sais plus quelle circonstance. A sa mémoire, il organisait chaque année des soirées musicales dans le salon des miroirs du rez-de-chaussée. Pour le jeune étudiant fauché que j'étais, assister à ces concerts était un plaisir : L'entrée sur invitation était libre... Le cadre luxueux avec ces parois de damas rouge et le mobilier typiquement vénitien, les lumières tamisées, les tableaux, tout cela me reposait de mon petit taudis bohème de la calle dell'Aseo. La qualité des interprètes et le choix des programmes étaient un régal et, autre régal, mais au sens propre, une collation était proposée à l’entracte. Prosecco, Pinot Grigio, Bellini servis à volonté par d'impeccables serveurs en veste blanche et le buffet débordait de toasts. 

Musique, bons vins et charcutailles, ces soirées adoucissaient la rigueur de mon quotidien d'alors. Je me revois, souvent assis par terre comme d'autres jeunes, collégiens et étudiants, aux pieds des vieilles dames que nous aimions raccompagner. Nous formions tous un cercle d'habitués, surtout l'hiver quand - à l'époque du moins - les touristes se faisaient enfin rares... Il y eut un soir de novembre un programme de musique contemporaine européenne pour piano et j'entendis pour la première fois cette suite du compositeur danois.

posted by lorenzo at 13:30

25 juillet 2006

Dire non à la violence

Une fois n'est pas coutume, mais le sujet et les circonstances m'ont paru l'exiger : Ci-dessous un billet publié sur un autre blog, Humeurs & Mœurs consacré à l'actualité, la politique et tout ce qui sur cette planète me hérisse et me navre, mais aussi m'enchante et me réjouit. Point de réjouissance hélas en ces temps sombres où les va-t-en guerre se déchaînent et par la peur cherchent à mettre les peuples d'occident du côté de la violence et de la haine. L'histoire de l'Humanité est truffée d'évènements semblables et pourtant, les hommes continuent. Il y a tant d'argent à gagner avec les guerres !
Lorsque les américains ont envahi l'Irak, bien que beaucoup sentaient qu'il fallait en finir avec le régime de Saddam Hussein, une majorité d'hommes et de femmes se sont opposés à ce conflit inégal, injuste et basé sur un mensonge. Le Président Chirac avait joué son rôle en disant non au Président américain. Partout en Italie fleurissait des fanions aux couleurs de l'arc en ciel avec en lettres blanches le mot "PACE". Avec le mot LIBERTÉ, ce mot, PACE, PAIX, PEACE, SHALOM, ASSALAAM, PAX est l'un des plus beaux du vocabulaire humain.
Combien faudra-t-il de familles dévastées, d'innocents massacrés, d'enfants abandonnés, de terres violées pour que l'homme, qu'il soit américain, israélien, syrien, russe ou tchadien comprenne que, partout, à tout moment de l'histoire de l'Humanité, les guerres n'ont jamais servi que l'intérêt de quelques uns déjà nantis, à l'abri et sans scrupule. Comment continuer de tolérer les larmes des enfants devant le cadavre de leur père, les cris d'une mère devant les restes déchiquetés de ses fils, les vieillards devant leurs maisons et leurs terres dévastées ?
Qui se lèvera pour maudire ces états-majors qui décident de transformer le monde en enfer ? Qui se lèvera pour que les enfants partout sur cette terre retrouvent le goût de rire et la joie de vivre ? Quand le "plus jamais ça" répété par les leaders du monde en 1945 retentira-t-il comme un leitmotiv universel, une loi incontournable ? Quand ? Si seulement nous étions certains que le Hezbollah va être écrasé et avec lui ce terrorisme aveugle et sans espoir, si seulement nous étions sûrs que Tsahal est le bras de Dieu pour étouffer à tout jamais ces remugles de bestialités et de barbarismes... Mais la haine que soulève ces affrontements s'estompera-t-elle un jour ? La colombe de Noé reviendra-t-elle un jour se poser sur l'arche de la paix en Terre d'Orient ?
 


2 commentaires:

Anonyme a dit…
vero, viva la pace e la libertà !
fif a dit…
Quand on se demande si les états-uniens sont tous d'accord avec cette occupation, on se rappelle que l'argument massue qui les convainct est qu'il fallait combattre les auteurs des atrocités de sept 2001 et leurs alliés dans le monde. Or, fin 2006, on a un bilan de victimes depuis cette intervention contre l'avis des nations unies qui se chiffre à des milliers de victimes, lui aussi, et en particulier bientôt à un nombre de tués de leur nationalité équivalent à celui des victimes du 09-11: loin de représenter une solution efficace et durable, la situation nous conduit à observer que le nombre de tués de ce puissant pays aura désormais doublé, entre ceux de 2001 et ceux morts en terre d'orient. Et ces derniers seront désormais plus nombreux. Quel est l'enjeu? Pas celui annoncé, puisque ces morts sont surtout pour les intérêts financiers liés à la maîtrise de la production pétrolifère, fléau de notre temps, à exploiter jusqu'au dernier baril...
posted by lorenzo at 22:50