03 octobre 2006

COUPS DE CŒUR N°9

Apprendre l'italien à Venise. On me pose souvent la question. Si vous ne parlez pas ou si vous parlez peu ou mal l'italien, pourquoi ne pas en profiter pour reprendre le chemin de l'école. Inscrivez-vous depuis chez vous à des cours de langue ou à des séances de conversation, selon votre niveau et partez à Venise parfaire votre cursus ! N'est-ce pas joindre l'utile à l'agréable d'une manière absolue et joyeuse ? Emmenez avec vous des livres utiles autant que passionnants, voilà les thèmes de notre coups de cœur du mois.

Società Dante Alighieri
presso Ateneo Veneto San Marco 1887
30122 Venezia
00 39 041 523 45 90
On m'a souvent posé la question. En tout premier lieu, je recommande évidemment notre bonne Association Dante Alighieri, j'en veux pour témoignage ma propre expérience, cet institut demeure l'un des meilleurs lieux pour l'apprentissage ou le perfectionnement de la langue. Il y en a dans pratiquement toutes les grandes villes de France et de Belgique. Celle de Venise longtemps très dynamique a beaucoup bougé et ses activités se sont longtemps ralenties. Aujourd'hui, la sociéta de Venise repart d'un pied allègre dans de somptueux locaux, situés à Sant'Elena, tout au bout de Venise, dans l'ancien monastère franciscain située dans le quartier de Santa Croce était autrefois installée dans de confortables locaux à l'arsenal, près de l'église San Martino. C'est le professeur Rosella Mamoli Zorzi qui en est la présidente (l'écrivain et historien Alvise Zorzi en est le président d'honneur). Le site internet sera bientôt opérationnel. je suis à votre disposition pour vous envoyer de la documentation en attendant par mail.
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Istituto Venezia
Campo Sta Margherita 3116/a
Dorsoduro, 30123 Venezia
0039 041 522 43 31 / fax 528 56 28
Situé sur le campo Sta Margherita de loin le préféré des étudiants et des habitants de Dorsoduro, l'Istituto Venezia propose tout au long de l'année des sessions de cours avec 5 niveaux de programmes d'étude, de l'initiation au perfectionnement et à la préparation de concours et d'examens. Les groupes sont composés de 12 étudiants au maximum. Tout est fourni à l'étudiant et il est possible d'être logé par l'école, soit en résidence étudiante, soit dans des familles. Il existe aussi des cours individuels intensifs. Deux catégories de prix sont proposées : les cours intensifs avec programme d'activités culturelles et sportives, 220 euros la semaine (tarifs dégressifs selon la durée) et une version "petit budget" pour seulement 160 euros. 4 heures de cours par jour du lundi au vendredi. Une annexe existe aussi à Trieste. Pour ce qui est du prix demandé pour une chambre individuelle en résidence, il faut compter 210 euros pour une semaine et 190 euros chez l'habitant. Il est possible la plupart du temps d'utiliser la cuisine de la maison. Ils organisent aussi des stages Italien et art qui combinent l'apprentissage de la langue et l'histoire de l'art et de l'architecture.
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Lectures vénitiennes. Dans le paysage éditorial francophone, de nombreux ouvrages consacrés à Venise paraissent chaque année. En voici un de grande qualité.
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Sergio Bettini
Venise. Naissance d'une ville
Traduit de l'italien par Patrizia Farazzi
Editions de l'Eclat.Coll. Philosophie imaginaire
320 pp. - Octobre 2006
Considéré par les italiens comme un classique, cet ouvrage tient une place particulière en ce qu'il adopte dès l'abord une position qui veut concevoir Venise comme obéissant, à travers les siècles, à une intention artistique propre, faisant de la ville une seule et unique oeuvre d'art, vivante et cohérente. Tout entière construite dans une relation à la lumière et au rythme, obéissant à un tempo pleinement humain. Venise est "la ville, la plus ville qui soit, écrit Bettini. Non seulement les places et les rues, les maisons et les églises ont été, comme partout, construites par la main de l’homme, mais le terrain lui-même a été fait par l’homme. Les Vénitiens ont dû fixer et “amarrer” leur sol, consolider le fond boueux et instable des îles avec des pylônes, relever et renforcer les grèves contre les marées, imposer aux canaux des cours moins hasardeux. Construire enfin la base elle-même de la ville, pour affirmer leur volonté de vivre, et donner à cette vie une forme et un destin". C'est l'histoire de cette forme et de ce destin que Sergio Bettini raconte ici, dessinant la mosaïque d'une ville depuis ses origines jusqu'à l'apogée de son aventure architecturale. Mort il y a tout juste vingt ans, il fut professeur d’esthétique à l’université de Padoue. Il a publié plusieurs ouvrages parmi lesquels: Pittura delle origine cristiane (1942), L’Arte alla fine del mondo antico (1948), Il Gotico internazionale (1996). Quelques-uns de ses plus importants essais ont été rassemblés par Andrea Cavalletti dans le volume Tempo e forma. Scritti 1935-1977 (1996). Malheureusement aucun de ces ouvrages de référence n'est encore traduit en français. Mais je reviendrai sur cet auteur et sur son oeuvre dans un prochain texte. 
posted by lorenzo at 13:03

Les Lions de Venise ont tous des ailes

Ils sont rugissants. Les plus jeunes n'ont pas douze ans. Ce sont les membres du club de rugby Venise-Mestre qui attirent de plus en plus d'amateurs. Sponsorisés par le Casino de Venise et de nombreuses entreprises locales, ils ont fait parler d'eux cet été malgré un résultat final un peu décevant.
 
Je voulais saluer ce club et vous le faire connaître depuis longtemps : Ma double appartenance vénitienne et bordelaise (vive le C.A.Béglais) me pousse à me réjouir de voir ce sport se répandre chez les jeunes vénitiens. Bien plus noble que le football, le rugby est toujours agréable à regarder et pour ceux qui le pratiquent, c'est pour les jeunes, comme pour les adultes, une bonne école d'endurance et de courtoisie. 
S'il n'attire pas encore beaucoup de spectateurs sur son terrain situé à Favaro Veneto, près de Mestre, il forme une association dynamique qui organise les troisièmes mi-temps comme chez nous : le club house accueille joueurs et aficionados de l'équipe.  

Toni, la Poppi et Pastina, servent avec la verve vénitienne les traditionnels cicchetti et de somptueux tramezzini (vous comprenez pourquoi je tenais à parler d'eux dans TraMezziniMag !) et les merveilleuses polpette (croquettes de viande, de riz ou de fromage typiques), le tout arrosé de l'inévitable Spritz, le fameux apéritif vénitien célèbre aujourd'hui dans le monde entier. L'ambiance y est chaleureuse et je vous assure qu'on ne s'y ennuie pas plus là-bas qu'à Bègles ou à Dax ! Le stade, flambant neuf avec ses gradins jaune d'or et rouge amarante (les couleurs de Venise et celles de l'équipe) et ses vestiaires ultra-modernes accueillera peut-être bientôt des jeunes stagiaires bordelais. C'est une invitation ou plutôt une suggestion !
posted by lorenzo at 01:02

02 octobre 2006

juillet 1986, Venise, terrasse du Cucciolo

Nous avions marché toute la matinée. Tu avais dormi tard sur mon épaule. C'était la première fois que je me réveillais avant toi. J'avais pu te regarder longtemps ainsi, abandonnée et confiante. Je me sentais fort, je me sentais fier. Arrivée d'Antibes la veille, tu n'avais pas voulu attendre de te remettre de cet interminable voyage en train pour découvrir la galerie de San Vio et rencontrer les amis qui peuplaient mon quotidien ici. Tu voulais le cacher, mais je savais bien que tu étais inquiète. Je parlai tellement souvent de mon désir d'indépendance, de ma volonté de demeurer seul, disponible, pour écrire. Je te parlais des Agnès, Violaine, Rebecca, Betty avec qui je partageais mon quotidien ici, tellement loin de toi. De nous. Tu avais d'avance accepté de ne me voir que trois ou quatre fois dans l'année et toi qui déteste marcher, toi que les musées et les églises assomment, préférant nager et te dorer au soleil en bouquinant, tu acceptais d'avance mes caprices, toutes ces visites que je t'imposais : San Rocco, les Schiavoni, la cathédrale, l'arsenal, les galeries d'art moderne, les antiquaires... 

Ce jour là, nous n'avions pas arrêté. Puis vers le milieu du jour, je t'avais amené sur les Zattere. Tu étais exténuée mais souriante. Nous avions faim. Le Cucciolo nous accueillit. Croque-monsieur et macchiato, puis gianduiotto come di solito. Tu étais belle, radieuse. La fatigue sur ton visage durcissait un peu tes traits mais ton sourire merveilleux me rassurait. Tu étais bien. Heureuse même peut-être... 

Après de nombreux séjours à Venise et de multiples étapes sur cette terrasse aujourd'hui disparue, après vingt ans de vie commune, quatre merveilleux enfants, les aléas de la vie, les accidents, les échecs et les triomphes, tu as mis un terme à cette aventure. Je retourne désormais à Venise sans toi, les enfants m'accompagnent encore mais leur vie bientôt les appellera ailleurs et je ne puis m'empêcher de penser combien vivre ici avec toi aurait été merveilleux. Tout ici était possible et notre amour se serait répandu comme l'eau de la lagune à travers la ville. 

Nous avions marché toute la matinée...

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posted by lorenzo at 07:21

01 octobre 2006

Eloge de Venise par Moderata Fonte, Erudite et femme de Lettres du XVIe siècle

"La très noble cité de Venise, nul ne l'ignore, se trouve admirablement sise à l'extrémité de la mer Adriatique. Venise n'est entourée d'autres remparts, gardée par d'autres forteresses ni ceinte par d'autres portes que cette même mer qui lui sert aussi de fondation. En se ramifiant et divisant en divers canaux qui passent au travers de ses maisons, cette mer fait office de route et permet de transiter commodément de lieu en lieu, au moyen de petites embarcations. Pour Venise, la mer est une voie publique, une campagne ouverte à travers laquelle vont et viennent toutes sortes de trafics et marchandises de diverses provenances. Elle fournit et procure fot diligemment tout ce qui est nécessaire au ravitaillement et à l'entretien d'une telle patrie. Outre la profusion infinie de poissons qu'elle lui offre de jour en jour, Venise, sans rien produire d'elle-même, est pourvue en très grande abondance de tout ce qui est nécessaire à la vie humaine, de par le concours incessant des bateaux qui arrivent ici avec toutes sortes de provisions opportunes. Cette ville est toutefois très différente des autres - œuvre inédite et merveilleuse, faite de la main de Dieu. 
Pour cette raison comme pour beaucoup d'autres titres d'excellence rares et surnaturels, elle dépasse en noblesse et dignité toutes les autres villes du monde aussi bien antiques que modernes, de sorte qu'on peut à juste titre l'appeler "Métropole de l'univers". La pompe et la grandeur de cette ville sont inestimables, ses richesses sont infinies. La somptuosité de ses édifices, la splendeur de l'habillement, la liberté du mode de vie et l'affabilité des personnes sont rares et prisées à un degré qu'on ne saurait imaginer ni décrire. Mais Venise, chérie et estimée, n'est pas moins crainte qu'aimée. On ne peut qu'être frappé de voir comme tous veulent y habiter, comme toute personne de quelque provenance qu'elle soit, semble ne plus savoir la quitter, dès qu'elle a goûté à sa douceur de vivre. De là vient qu'on y trouve des personnes originaires de tous les pays et, de même que tous les membres et artères de notre corps correspondent avec le coeur, de même toutes les villes et parties du monde correspondent avec Venise. Ici, l'argent court plus qu'en tout autre lieu et c'est une ville libre, à l'instar de la mer qui, sans subir aucune loi, légifère pour les autres. Chose plus remarquable encore et digne d'émerveillement : la paix incroyable et l'équité qui y règnent, malgré une telle diversité de sangs et de coutumes. Cela procède de la prévoyance, de la vigilance et de la valeur de ceux qui la gouvernent. Les esprits les plus choisis dans tous les arts et les professions rivalisent pour vivre ici. Toutes les vertus y triomphent, on y goûte délices et plaisirs. Les vices sont extirpés et les bonnes mœurs fleurissent. Les hommes se signalent par leur vaillance, jugement et courtoisie; les femmes se distinguent par leur beauté, prudence et chasteté. En somme, Dieu à accordé tous les bienfaits qui se puissent désirer à cette ville bénie, craintive de sa divine majesté, fort religieuse et reconnaissante des dons célestes. Et, après Dieu, elle est très dévouée et très obéissante à son prince, lequel, afin que rien ne manque à une république si heureuse et si bien ordonnée, ne sauriat être égalée en bonté, prudence et justice. 
Dans cette ville donc, véritablement divine, résidence de toutes les grâces et excellences surnaturelles, vivaient récemment et vivent encore plusieurs femmes nobles et valeureuses. Issues des familles les plus illustres et réputées, leur âge et leur état différaient, contrairement à leurs origines et mœurs. Distinguées, vertueuses et d'esprit élevé, elles se voyaient souvent et, ayant contracté une amitié pleine d'affection et de discernement, prenaient souvent le temps et trouvaient l'occasion de se rencontrer pour converser en toute simplicité et sans se soucier d'hommes qui pussent les réprimander ou les en empêcher. Elles conversaient de ce qui leur agréait le plus, traitant tantôt de leurs occupations de femmes, tantôt d'honnêtes distractions. et parfois l'une d'entre elles qui aimait la musique, prenant un luth en main ou bien accompagnant sa très belle voix d'une harpe bien accordée, offrait un passe-temps fort agréable à elle-même et à ses compagnes. Une autre qui goûtait la poésie, en récitant quelques vers inédits et gracieux, offrait une manière nouvelle et plaisante de s'attarder à cette compagnie aussi judicieuse qu'avertie".
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Extrait de "Le Mérite des Femmes, écrit par Moderata Fonte en deux journées,
où l'on montre clairement combien elles sont dignes et plus parfaites que les hommes"
Traduction, annotation et postface de Frédérique Verrier,
Ed. Rue d'Ulm Presse de l’École Normale, 2002
posted by lorenzo at 00:03

30 septembre 2006

Burano par un beau dimanche d'été


 Posted by Picasa  posted by lorenzo at 00:58

Un matin au marché du Rialto

Il n'y a rien de plus agréable que de se rendre au marché du Rialto, le matin quand il fait beau. 

Il faut prendre le traghetto depuis San Leonardo si vous avez la chance d'avoir le grand canal à traverser. L'animation qui y règne est déjà en soi un régal. Le poppe vous débarque sur le ponton devant les rideaux rouges de la Pescheria. A peine débarqué, vous êtes pris par cette ambiance unique faite d'odeurs, de cris et du mouvement incessant qui saute aux yeux. Gens et animaux, tous semblent affairés. Et la richesse des étals, la variété des couleurs, la beauté des amoncellements de fruits et de légumes. L'ambiance est bon enfant. Un plaisir que chaque voyageur de passage à Venise doit s'offrir comme ceux qui vivent à Venise aiment à le vivre !
























29 septembre 2006

Comme un verre de Venise

Comme un verre de Venise
sait en naissant ce gris
et la clarté indécise
dont il sera épris,

ainsi tes tendres mains
avaient rêvé d'avance
d'être la lente balance
de nos moments trop pleins.
.
Poème de
Rainer Maria Rilke
peinture de Sargent

Comme un verre de Venise




Comme un verre de Venise
sait en naissant ce gris
et la clarté indécise
dont il sera épris,

ainsi tes tendres mains
avaient rêvé d'avance
d'être la lente balance
de nos moments trop pleins.

Poème de Rainer Maria Rilke
Peinture de Sargent

posted by lorenzo at 06:40

27 septembre 2006

Gita scolastica *




Sans rentrer dans le débat très en vogue de l'utilité des voyages-marathons scolaires, j'ai trouvé sur le site d'un collège belge d'innocents clichés qui renforcent au premier regard mon idée du troupeau que l'on trimballe de musée en musée et qui se répand et s'affale dès qu'une pause est autorisée. Certainement de très bons moments pour les amourettes et les plaisanteries adolescentes, mais quel profit intellectuel et esthétique au final ? Personnellement je doute de plus en plus de l'utilité de ces périples lorsqu'ils ne sont pas assortis d'un travail précis - et de longue haleine - leur permettant de déboucher sur une véritable progression nourrie des acquis ou d'un échange linguistique avec des classes équivalents du pays que l'on visite.

Mais, suite à l'intervention - justifiée - d'une fidèle lectrice enseignante, j'ai certainement été trop rapide dans la présentation de mon opinion sur les voyages scolaires. Allez, redisons-le : les voyages forment la jeunesse et tout au long de leur périple entre Vérone, Padoue et Venise, nos chères petites blondes peuvent être touchées par la grâce et se prendre de passion pour l'art, la musique, la gastronomie, la langue ou simplement l'atmosphère des lieux visités. Je pense cependant qu'un échange, avec une période passée seul dans une famille avec un compagnon de leur âge qui les accueille et qu'ils accueilleront à leur tour, est plus profondément pédagogique que ces visites éclair où il est difficile de ne pas survoler les choses vues. Mais je ne suis pas enseignant.

(*) :  Voyage scolaire.
posted by lorenzo at 07:37

Gondola, gondola !


posted by lorenzo at 07:36

Blitzkrieg dans l'immobilier vénitien

Quelque chose semblerait bouger du côté des problèmes immobiliers de la Cité des Doges... Après la victoire d'un collectif de jeunes gens qui ont empêché l'expulsion d'un vieux monsieur obligé de quitter son appartement réquisitionné par le propriétaire qui voulait le mettre en vente - fort cher, le Gazzettino s'est fait écho d'un blitzkrieg mené de main de maître par la Municipalité.
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Comme en France, l’État (ou la collectivité territoriale concernée) peut faire valoir son droit de préemption en cas de mise en vente de locaux privés. A une époque où partout dans le monde la philosophie ultra-libérale pousse les collectivités à vendre des bribes de leur parc immobilier, la Ca'Farsetti vient de créer la surprise en préemptant un appartement de 100 m² à San Marco mis en vente pour seulement 100.000 euros (!). Curieuse opération immobilière au départ, qui mêlait des personnalités vénitiennes loin d'être dans le besoin et surtout très liées entre elles. Écoutez plutôt : Le prix fixé, incroyablement bas pour un appartement de 100 m² en parfait état, situé à deux pas de la Piazza, sur la Calle Larga San Lorenzo, (adresse exacte : Castello 5123), avait attiré l'attention de l'assesseur au Patrimoine de la ville, Mara Rumiz, qui a donc payé 100.000 euros ce joli petit logement. Eliano Verardo, administrateur délégué du Consortium Venezia Spiagge, qui gère les luxueuses plages privées de Venise, était le vendeur. L'acquéreur se nomme Guido Sussi, ancien directeur de la Société AMES qui a en charge la gestion de l'approvisionnement des pharmacies et hôpitaux de Venise. Prix dérisoire annoncé, publié et payé par l'acquéreur. Bref que des gens bien au fait du prix de l'immobilier à Venise... Transfert d'argent non déclaré, ? Gros dessous de table ? Récompense pour services rendus ? Personne ne le saura jamais. Toujours est-il qu'une fois le sous-seing signé, la ville est intervenue et a fait valoir son droit de préemption. Trente jours plus tard - difficile performance quand on sait que l'été le fonctionnement administratifs vénitien vit comme partout au ralenti et qu'il fallait absolument réunir le conseil municipal pour entériner l'opération (comme quoi quand on veut on peut) - , l'affaire est bouclée.
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La loi prévoyant que l'acte doit être adressé à la Soprintendenza (administration fiscale de la région), celle-ci a curieusement tout fait pour ralentir l'étude du dossier ce qui aurait pu compromettre l'action de la Municipalité, les délais de contestation étant très courts. Visiblement - et curieusement - l'administration fiscalemettant apparaissait ainsi du côté de l'acquéreur privé... Mais finalement, la ville est l'heureuse propriétaire d'un bel appartement acquis pour un prix vingt fois plus bas que les tarifs en vigueur. Elle va mettre à disposition d'une famille vénitienne qui n'aurait pas eu les moyens d'être aussi bien logée en passant par des agences immobilières.
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Détail curieux : le jour même de la vente, l'appartement à peine acquis par Guido Sussi était déjà revendu à Olvrado Girardello, secrétaire communal d'un parti politique centriste et conseiller administratif de l'ATER, un organisme (officiel) chargé des programmes de constructions résidentielles... Mais ne vous y trompez pas, il n'y a pas de maffia à Venise, juste des gens très bien informés qui comme malheureusement partout ailleurs, aiment l'argent plus que tout et mettent leur intérêt personnel bien avant (à la place ?) celui de la communauté...
posted by lorenzo at 07:16

26 septembre 2006

Quand la nuit envahit la ville

Qui ne s'est jamais promené la nuit sans but précis ne peut prétendre connaître Venise. Il faut sortir marcher, après dîner, en ayant si possible pris du plaisir à la nourriture servie. Que le vin égaie votre esprit. Alors, d'humeur joyeuse ou un brin nostalgique, laissez vous porter par vos pas.
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Allez droit devant, sans hâte et seul. C.S. Lewis, l'auteur de Narnia, disait dans son autobiographie, "Surpris par la joie" combien il est difficile de se promener en compagnie de quelqu'un. Tellement rare sont les compagnons d'errance qui voient instantanément les mêmes choses que nous et s'en émerveille au même moment. Rare celui ou celle qui sait avancer en silence et communiquer dans une même harmonie. Si vous ne pouvez trouver ce parfait complice dans votre entourage, partez seul à la rencontre de la Venise nocturne. Mais prenez garde et prévenez votre monde, vous pourrez peut-être en avoir pour la nuit entière !
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Cette sensation unique, je l'ai ressenti la première fois alors que je n'avais pas quatorze ans. Nous logions avec mes parents au Londra, sur les Schiavoni. Après le dîner, un soir, j'avais eu l'autorisation de sortir seul. J'ai marché vers San Marco puis contournant le palais épiscopal, je suis allé vers San Giovanni e Paolo, puis vers l'arsenal pour revenir par la Fondamenta qui mène à l'hôtel. Deux heures dont j'ai encore en moi la marque. J'ai souvent erré depuis dans les rues la nuit et parfois, sur les canaux quand la barque éclairée d'une simple lanterne, glissait presque au hasard de l'aviron.
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Connaissez-vous Joseph Bodin de Boismortier, ce compositeur français du XVIIIème siècle ? Il a écrit de merveilleuses pièces notamment pour flûte. C'est cette musique là qui illustre le mieux la nuit vénitienne. N'emportez pas avec vous Mälher ni Wagner, sauf si vous êtes de ceux dont l'humeur romantico-romanesque aime à entretenir un secret et délectable désespoir. Peut-être des pièces religieuses de Vivaldi (j'écoutais souvent dans mes périples nocturnes le Gloria et le Magnificat du Prêtre roux) ou des motets de Monteverdi. Mais pour apprécier le silence plein de rumeurs qui caractérise la nuit à Venise, la flûte de Boismortier est parfaite.
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Partez du restaurant, raccompagnez la jeune femme que vous aimez ou vos amis à l'hôtel. rassurez-les en expliquant que tout va bien mais que vous avez envie de prendre un peu l'air en solitaire avant de vous coucher et partez. Vous marcherez au hasard, en suivant les itinéraires que vous avez repéré dans la journée. Rien ne sera pareil. la calle del XXII marzo ou les Mercerie n'ont plus rien à voir quand la nuit est tombée et les rideaux des boutiques baissés. Chaque campo est comme une scène de théâtre abandonnée sous les projecteurs encore allumés.En italien le mot est joli, un palcoscenico.Il sonne comme une gourmandise.

Un garçon de café balaie une terrasse et range les chaises, plus loin un vigile vérifie que tout est en ordre sur son chemin. Un chien errant renifle poubelles et réverbères. Des petits groupes vous croisent. certains discutent sur un pas de porte. Parfois des rires ou les bribes de conversation descendent vers vous d'une fenêtre ouverte. Le boulanger met son pain au four et une odeur délicieuse vous chatouille les narines. Des marches, un pont, le bruissement de l'eau contre un bateau amarré et toujours le martèlement de vos pas sur les dalles des rues. Un autre campo, puis un autre encore, un sottoportego un peu sombre qui vous fait frissonner trente secondes, de longues ruelles prises entre de hauts murs qui semblent être le corridor silencieux et humide d'une maison abandonnée, puis une église, un puits, des marches encore qui s'ouvrent sur une grande salle déserte : le campo du théâtre. Une treille, le péristyle de la Fenice, avec quelques buveurs invétérés, assis sur l'escalier. Leurs voix qui résonnent et vous suivent longtemps après que vous ayez quitté le campo... Soudain un cul de sac. "Aqua, aqua" vous aurait crié une vieille femme du haut de son balcon. Là, le silence amplifie votre surprise. Personne. Peut-être un chat effrayé qui vous toisera avant de se glisser entre les grilles d'un magazzino.
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L'air se fera plus vif, la nuit sera bien avancée. Soudain par une trouée entre deux immeubles, vous apercevrez des bateaux au loin qui laisseront une trace blanche comme argentée sur l'eau de la lagune. A l'horiszon, la masse noire du cimetière San Michele et les lumières éclairant les chenaux qui mènent à Mazzorbo ou à Torcello : les Fondamente Nuove désertes s"offrent à vous. Vous resterez là un long moment. Si vous fumez la pipe, je recommande le pont qui fait face au Palais qu'habitait la mère de Casanova, ce pont où il fut arrêté en revenant de chez le Comte Bragadin, son protecteur. Face à la lagune, battu par les courant d'air du Nord, c'est un endroit magique. Paisible aussi. Derrière vous, l'hôpital et le campo Zanipolo avec la fière statue du Colleone... Je pourrais décrire ainsi des dizaines et des dizaines de lieux merveilleux à toute heure du jour mais particulièrement fascinants en pleine nuit, car ils sont alors à vous qui les contemplez dans le silence et la confidentialité de la nuit.
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Un autre bonheur - un des miens en tout cas - c'est le brouillard, l'incroyable brouillard qui les soirs d'hiver se répand parfois sur la ville. Il transforme tout et se frayer un chemin, même sur les lieux habituels connus par coeur, devient presque impossible. Parfois même votre seul mouvement crée une sorte de tunnel qui demeure ainsi ouvert jusqu'à ce que vous repassiez au même endroit. J'ai le souvenir d'un matin à Cannaregio, près du Ghetto. J'allais chercher des croissants et le journal. Entre la porte de l'immeuble où j'habitais et le kiosque, voisin de la boulangerie, il y avait deux cent mètres à peine. Un mur de coton semblait avoir été dressé devant moi et à chaque pas, m'enfonçant dans cette matière impalpable, je creusais comme un passage. Et à ma grande surprise, sur le chemin du retour, cette ouverture était toujours là, se refermant peu à peu derrière moi... Sensation très particulière je vous l'assure. Brodsky en a bien mieux parlé que moi dans un de ses livres. Je chercherais la page.  Bonne promenade.


posted by lorenzo at 22:28

25 septembre 2006

Palais et ses Fantômes à vendre

Lord Byron y vécut, il étire son orgueilleuse façade parmi les plus belles constructions du Grand Canal : le Palais Mocenigo est à vendre, Mesdames, Messieurs.
 
Enfin pas tout le palais, juste le piano nobile, celui-là même qu'occupait l'écrivain anglais lorsqu'il habitait Venise. Le prix n'a pas été communiqué mais on peut imaginer que 750 m² en façade sur le grand canal avec une entrée monumentale ouvrant sur un beau jardin clos de murs, vendu avec tout son mobilier, ses miroirs, ses tableaux, ses lustres et ses tapis, n'en fauit pas une résidence secondaire à la portée de toutes les bourses... Construit en 1579 pour la famille d'Alvise Mocenigo, il devient en 1929 la propriété de la famille Foscari. La comtesse douairière occupait l'étage mis en vente, ses enfants le reste du palais.
 "Quand les Athéniens voyaient passer sur les places publiques un jeune garçon chargé de beauté et de sublimes dons, ils craignaient pour lui la jalousie des dieux.
Leur sagesse mythique savait que l'homme ne doit pas avoir un front trop resplendissant et que le destin aime à frapper ce qui s'élève trop vite et fleurit avec trop de magnificence..."
Joseph Kessel
C'est là que j'ai connu N.H. Jacopo Foscari, alors élève à la Domus Cavanis, le collège huppé de Dorsoduro aujourd"hui transformé en hôtel de luxe (le collège existe encore mais il a déménagé dans des locaux plus exigus et moins prestigieux de l'autre côté du rio Terrà). Il avait besoin d'un répétiteur de français. Je fus celui-là. Jacopo était un beau garçon, brillant bien qu'un peu paresseux. Un tantinet snob, ce qu'il faut pour plaire aux vieilles dames et juste assez pour ne pas être fat. 
Il apprenait vite mais son esprit s'évadait souvent. Normal à dix huit ans : les filles, les fêtes, le sport, la musique occupaient ses pensées. Il portait un nom rendu célèbre par Lord Byron justement et par un opéra de Giuseppe Verdi. Ce beau jeune homme plein de promesses s'est tué un soir d'hiver en voiture sur la route de Castelfranco Veneto. Il revenait d'une fête avec son meilleur ami, fils du Comte Marcello. Il pleuvait beaucoup, il était très tard, il roulait trop vite. La voiture a percuté un arbre. Ils sont morts brûlés vifs. 
Je me souviens du jour qui suivit l'accident. Les gens partout ne parlaient que de ça. Il y avait une pleine page dans le Gazzettino consacrée aux témoignages des amis et des relations de la famille Foscari. A San Luca, lieu de rassemblement des jeunes vénitiens de l'âge de Jacopo, l'atmosphère était incroyablement lourde. Au lieu du charmant babillage que l'on entend d'habitude dès qu'on approche du campo, c'était un silence de plomb, entrecoupé de chuchotement et parfois même de sanglots, qui assaillait le passant. La ville entière était en état de choc. Il y eut foule aux obsèques à Santo Stefano. Ce jeune prince de dix huit ans était vraiment très aimé. C'était en 1984. 
En revoyant les photos du Palais, je me souviens des cours que je lui avais donné, de nos discussions, du thé servi dans la sala rossa chez sa grand-mère, des promenades en barque. J'entends encore son rire et je revois ce visage très pur encore, celui d'un enfant. 
"... Un visage net, fin, un charme timide, réticent et, dans tous les gestes, cet élan contenu, cette noblesse un peu rigide qu'ont, seuls, les hommes très jeunes et très beaux" (Joseph Kessel)
Mystère insondable du destin qui choisit ses proies et ôte parfois la vie à des êtres qui semblaient pourtant faits pour vivre toujours. 
Mais ce qui est mystérieux aussi, c'est cette "anecdote" que j'ai souvent raconté et qui me fait toujours un peu frissonner. Lecteur, par avance, je vous prie d'excuser ma maladresse : Je ne sais comment raconter cette mystérieuse aventure dont rien n'est inventé... 
La veille de l'accident, j'avais vu Jacopo, nous avions prévu de réviser une partie du programme, en prévision d'une composition. C'était un jeudi soir. Il voulait que j'aille avec lui et ses parents à la campagne pour pouvoir travailler et en même temps jouer au tennis si le temps s'améliorait. Je ne voulais pas quitter Venise car j'attendais des nouvelles de France où ma mère venait de subir une lourde opération. J'avais donc renoncé à partir avec lui. Nous ne nous sommes pas revus. Un peu vexé, il avait changé son programme et choisit au dernier moment de se rendre à cette fameuse soirée qui lui coûta la vie. 
Le soir, après avoir écrit deux ou trois lettres et rangé mon appartement - je vivais depuis peu sur la Fondamenta delle Capucine, à San Alvise - , je m'étais mis au lit avec un verre de lait et un bon livre. Je m'endormis vite. Vers deux heures du matin, je me réveillais en sursaut. Je crus que mon chat venait de sauter sur le lit. Il dormait paisiblement sur un fauteuil. J'étais en sueur. Une angoisse terrible m'étreignait. Une image bizarre m'obsédait qui avait jailli de mon rêve : je voyais des flammes, des arbres, la pluie et au milieu de ces hautes flammes, de ces branches tordues, de cette pluie très dense, le visage de Jacopo, effaré et qui me semblait hurler, m'apparut distinctement. 
Ce n'est que le lendemain, en voulant raconter mon rêve à Agnès Calvy, la fille du consul, que celle-ci m'apprit la triste nouvelle ! Ainsi, il m'était apparu au moment même où l'accident se déroulait ! Etrange apparition que ce visage très réel perçu dans le noir de ma chambre comme éclairé par un feu de cheminée. Illusion, cauchemar mal interprété, vision extra-lucide ? Une vieille vénitienne à qui j'en parlais me dit calmement : "...à Venise, tout est possible. L'eau des canaux transporte bien des secrets et bien des images. On est tous un peu voyants ici... Il est simplement venu vous dire au-revoir"... Une légende vénitienne de plus dont le souvenir me trouble encore. 
posted by lorenzo at 23:15

24 septembre 2006


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posted by lorenzo at 22:15