08 mai 2007

A la recherche d'un rêve...

Il y avait naguère, au numéro 50 de la Giudecca, à deux pas du luxueux hôtel Cipriani, une pension romantique à souhait qui était tellement appréciée des voyageurs amoureux de Venise que les réservations devaient se prendre plus de six mois à l'avance. Une lectrice me demande ce qu'elle est devenue.

Située dans le ravissant petit palais Volpi-Minetti, en face des Zattere, la Locanda Frollo est devenu un lieu mythique. Ceux qui l'ont connu en gardent un souvenir ému. C'était un de ces endroits délicieusement hors du temps, comme on en trouve parfois à travers le monde. Quand on pénétrait dans le hall de la Casa Frollo, on sentait la présence de tous ceux qui y séjournèrent. On imaginait de jeunes anglaises élégantes, le visage protégé d'un voile de fine dentelle, suivies de leur chaperon austère, ombrelle et Baedeker sous le bras, passant en souriant devant de jeunes gens timides vêtus de flanelle blanche... Le jardin plein de poésie était rempli d'oiseaux et de fleurs. Tout dans la décoration, le mobilier, la vaisselle transportait les hôtes hors du temps.

La Casa Frollo telle que nous l'avons connue a fermé ses portes à la fin des années 90. Longtemps abandonné à ses souvenirs, le vieux palais du XVIIe siècle attendait qu'un prince charmant vint le réveiller. Les touristes de bon goût espéraient que la maison retrouve sa destination première. La famille Volpi propriétaire des lieux a vendu il y a un an la fameuse auberge et le bâtiment adjacent, l'ex-asile Mason, pour 18 millions d'euros à une société immobilière de Padoue cotée en bourse et spécialiste des grosses opérations immobilières, devançant ainsi le richissime couturier Armani qui voulait rouvrir la pension après en avoir refait l'intérieur. Si l'immeuble est protégé, si le jardin ne peut pas être aliéné, l'esprit de la vieille auberge pourra-t-il survivre ? On parle d'un énième hôtel de luxe, d'appartements en location saisonnière, voire d'une annexe du Cipriani. On dit à Venise que la commune est liée à l'acquéreur et que c'est le Bauer qui gèrerait le futur établissement...

Depuis peu, la Locanda est réapparue dans la liste des auberges de Venise et son numéro est de nouveau sur l'annuaire. Je n'ai pas encore appelé pour savoir. Si vous êtes à Venise ces jours-ci, allez donc faire un tour sur la Fondamenta de la Giudecca, et jetez un coup d’œil au numéro 50. Vous aurez la surprise de découvrir une Casa Frollo rénovée et pimpante. Mais, même avec la meilleure volonté du monde, personne ne sera jamais en mesure de recréer cette atmosphère unique, hors du temps que la Signora qui géra jusqu'à sa mort la locanda, avait si bien su maintenir. Les rêves ont aussi une fin à Venise...

07 mai 2007

TraMeZziniMag a deux ans aujourd'hui !


Deux ans déjà ! De retour d'un de nos nombreux séjours à Venise, l'idée de ce blog a germé, encouragée par un éditeur qui voulait me pousser ainsi à travailler tout ce que j'avais envie d'écrire sur Venise et qui jaillissait ainsi pour la première fois ainsi à l'attention du public.

Peu à peu, les visiteurs se sont faits plus nombreux, des amitiés sont nées au fur et à mesure des pages et ce passe-temps nouveau pour moi est devenu une nécessité. Jour après jour maintenant, j'organise ma vie en fonction de ce moment, dur et doux à la fois, où je m’assois devant mon écran et tape sur le clavier le nom de mon modeste ouvrage sans cesse repris, retravaillé, agrandi : mon blog sur Venise, ce TraMeZziniMag qui est ma façon à moi de célébrer Venise et sa beauté. De lui dire mon amour et lui chanter ma ferveur. 

Mille mercis à tous ceux qui me lisent, qui m'encouragent et m'apportent leur soutien et leurs conseils. Merci de leur fidélité et de leur indulgence.

Le grand jour



Souvent les vénitiens qui se marient fêtent ce grand jour all'aperto (en plein air) et familles et amis se retrouvent autour d'une grande table sur un campiello ou dans une de ces cours ouvertes qui rappellent les comédies de Goldoni. Pluies de pétales de rose, accordéons et robes du dimanche, les noces vénitiennes ont toujours un petit airs de noces campagnardes, quelque chose de naïf et de très joyeux, comme surgi de vieux albums des temps anciens. J'aime croiser ces jeunes couples radieux qui montrent que Venise veut vivre comme on vit ailleurs. Hélas, si l'on croise toujours des mariés, c'est le plus souvent des couples d'asiatiques ou de néo-zélandais désormais qui viennent s'offrir une romantique cérémonie et glissent ensuite sur le grand canal dans des gondoles trop brillantes avant de retrouver leurs hôtes engoncés dans des vêtements trop cérémonieux pour un cocktail au Gritti ou au Danieli ! Pour ma part, je préfère ces mariages populaires où les hommes aux pommettes déjà rougies par le Prosecco serrent un peu trop fort la taille de leurs compagnes en rentrant dans la trattoria casalinga où une mamma affairée leur a mitonné un banquet de poissons et de pâtes comme Casanova en raffolait ! Et vive la mariée !

La présidentielle chez les français de Venise


On a voté à Venise, comme dans les autres grandes villes d'Italie où la France a une représentation consulaire. Pour toute l'Italie, il y avait 28.980 électeurs inscrits. 11.678 d'entre eux se sont exprimés, soit un taux de participation assez faible de 40,3 %. Et le résultat, non encore validé par le Conseil Constitutionnel est le suivant : Nicolas Sarkozy : 48,59 % (soit 5.674 voix) contre Ségolène Royal : 51,41 % (soit 6.004 voix). Pour info et à titre de comparaison, les résultats globaux du vote des français à l'étranger sont les suivants : Nicolas Sarkozy l'emporte avec 53,99% contre 46,01% pour Madame Royal. Dès qu'ils me seront envoyés, et pour la petite histoire, je vous donnerai les résultats de la circonscription consulaire de Venise (qui n'est plus maintenant qu'une sous-circonscription sous l'égide du consulat général de Milan, retour à la situation qui était celle de Venise sous la triste période de l'occupation autrichienne : quand on dit que l'Europe actuelle est une régression...).

05 mai 2007

La modernité de Venise


Vous êtes de plus en plus nombreux à m'écrire pour me demander des conseils et des adresses avant de vous rendre à Venise. Une fillette m'a envoyé un courriel mercredi me demandant s'il était vrai que Venise s'enfonçait de plus en plus car elle voulait aller à Venise et avait peur que le temps de préparer son voyage, il n'y ait plus rien. Je l'ai évidemment rassurée et je le répète : Venise ne s'enfonce pas davantage que New-York ou Bayonne. Le niveau des eaux monte et partout dans le monde cette préoccupation est relayée par les médias. Le système lagunaire se modifie au même titre que les autres écosystèmes de notre planète et c'est préoccupant. 

Mais les techniques modernes et la volonté des hommes sauveront Venise. Cependant d'autres désagréments menacent : la pollution due au nombre grandissant des visiteurs qui s'entassent aux mêmes endroits de la cité des doges, consomment les lieux et laissent derrière eux des montagnes de déchets de plus en plus difficiles à enlever. Et je ne dis rien des tags, des graffitis, des dégradations volontaires (on grave ses initiales sur la pierre des monuments comme sur le tronc d'un arbre, on essaie d'enlever un morceau de pierre, une sculpture, et j'en passe)... 

Mais Venise dans son ensemble, de par la volonté de ses habitants tous amoureux de leur ville, se débat pour survivre et ne pas subsister que par le tourisme de masse, le tourisme tout court. Mais vous connaissez tous mon combat contre la lasvegasationite (pardonnez le barbarisme) de la Sérénissime. Cela commence par le respect que nous devons avoir pour ce miracle culturel qu'est Venise. Avez vous réfléchi à cet extraordinaire chance qui nous est donnée, nous les gens du XXIe siècle de pouvoir, non seulement contempler un lieu dont la beauté et la spécificité sont restées intactes depuis des siècles, mais aussi l'opportunité de pouvoir errer, respirer, rêver, penser, vivre dans un univers vivant partout ailleurs disparu ?

Car tout à Venise vient d'un autre temps. Un temps où l'homme devait affronter d'énormes contraintes que la technique a aboli partout ailleurs depuis, mais où il régnait un art de vivre certes non choisi mais imposé par les circonstances. Marcher dans les rues de Venise, observer la vie quotidienne, y participer, c'est en quelque sorte se projeter dans un autre monde partout ailleurs révolu. Le marché du Rialto, avec les marchandises qui arrivent sur des barges, le traghetto qu'on emprunte pour passer d'une rive à l'autre, le silence des rues, les embarras parfois quand elles sont trop étroites et bien d'autres choses encore dont nous prenons conscience sur place... nous pourrions être à Pompéi avant l'éruption du Vésuve, à Paris ou à Londres il y a des siècles... 

Pourtant, en même temps - j'ai conscience de me répéter une fois de plus - nous avons à faire à une conception incroyablement moderne de la ville, de son organisation, de sa toponymie. L'architecte Le Corbusier la qualifiait de révolutionnaire. Bon nombre d'architectes contemporains continuent de s'en inspirer qui cherchent à adapter les inventions vénitiennes dans l'aménagement des cités modernes : le partage des lieux de circulation et de communication, pour les marchandises, pour les habitants ; l'extraordinaire originalité des circuits et des pôles d'activité. Je ne parle même pas de l'organisation sociale et politique. L'urbanisme vénitien est unique au monde parce que par chance la lagune l'a préservé de trop de changements et de destructions. Un peu comme si Pompéi que je citais plus haut avait été découverte simplement recouverte d'une chape de lave séchée et que tout était en place comme avant la catastrophe. Quel réservoir à rêves !

04 mai 2007

Atelier d'artiste à la Giudecca

Vous vous souvenez, je vous ai parlé il y a quelques temps du peintre britannique Geoffrey Humphries qui habite une grande maison à la Giudecca et recevait beaucoup du temps de ma jeunesse vénitienne. La réputation sulfureuse de ses soirées nous attirait et lui était ravi de recevoir chez lui des jeunes filles esthétiques et de fringants jeunes gens. La musique y était bonne et le vin abondant. En feuilletant un ouvrage sur les intérieurs vénitiens, je viens de retrouver une photo de son atelier-salon.

De nombreux artistes étaient installés à la Giudecca. De la Casa Frollo aux moulins Stucky, on pouvait croiser des personnages célèbres comme d'authentiques crève-la-dalle, artistes maudits en rupture de société. Le peintre Arbit Blatas et sa femme, la célèbre cantatrice Regina Reznik, les peintres Guttuso, Santomaso, Huntervasser, le réalisateur Albert Lamorisse et tant d'autres ont ou eurent leur maison sur cette île que les vénitiens appellent par dérision "l'Ile des phoques", au milieu d'une population très mélangée d'ouvriers, de pêcheurs et d'étudiants.

02 mai 2007

Nostalgie, pluie et gourmandises... Venise n'est pas loin

Ce premier mai pluvieux nous a tous réuni dans la cuisine. Dehors une pluie drue, très dense qui fait briller les feuillages et rend leur vert plus dense. Comment occuper tout ce petit monde et satisfaire leur appétit grandissant, quand il n'y a rien d 'autre à faire que bouquiner et grignoter ?
 
La faim rendant méchants les enfants les plus doux, il me fallait vite préparer quelque chose. Nous avions bricolé une bonne partie de l'après-midi, dépoussiéré les rayons d'en haut de la bibliothèque, retrouvant des livres oubliés (vous connaissez ces deux volumes illustrés de Pompei Molmenti parus chez Arthaud en 1935 "Venise et ses lagunes" ? délicieusement illustrés de photos sépia complètement désuètes).

Le premier mai de l'année dernière, nous étions à Venise et il faisait si chaud que nous n'avions pu rester à la terrasse de Nico sur les Zattere. J'avais rendez-vous avec une amie qui nous amena chez elle où nous avions trouvé une agréable fraîcheur. J'avais préparé des scones à la maison, que nous avions finalement mangé le lendemain au petit-déjeuner. Ce furent des glaces et des sorbets au lieu de notre thé habituel... Nous sommes bordelais cette année mais, si le temps a changé, la faim demeure. Vous n'avez jamais remarqué combien les journées de loisirs et de farniente nous découvrent des appétits incroyables. Pas question de présenter à ma tribu une simple assiette de petits gâteaux secs et quelques carrés de chocolat ! 
Au son des concerti pour violoncelle de Vivaldi, nous nous sommes donc régalés de galettes irlandaises.

Les anglais les appellent aussi drop scones ou scottish pancakes. En voici finalement la recette à la demande de mes amis lecteurs Sophie et Guy :
Il vous faut 225 g de farine (avec levure intégrée ou sinon il vous faudra 5-6 cuillères à café de baking powder), 1 cuillère à soupe de sucre roux, 1 pincée de sel, 2 oeufs bien frais, 300 ml de lait entier (le 1/2 écrémé fera l'affaire).

Mettez la farine, la baking powder, le sucre et le sel dans une terrine. Faites un puits dans lequel vous casserez les œufs et une partie du lait. Remuez peu à peu pour éviter les grumeaux (ah ces sacrés grumeaux perturbateurs !) puis ajoutez tout le lait en mélangeant.
Vous devez obtenir une pâte assez épaisse et pleine de bulles. Laisser reposer (le temps de préparer la poêle, elle va un peu gonfler). Mettre un peu de beurre dans la poêle bien chaude et disposer à l'aide d'une cuillère à soupe trois ou quatre monceaux de pâte qui en s'étalant vont former un cercle de la taille d'un gros blini. On peut aussi utiliser une poêle à blinis mais cela prend davantage de temps. 

Traditionnellement ces crêpes épaisses se font sur le rond d'une de ces vieilles cuisinières Aga qui me font toujours penser à Miss Marple dans son cottage. Quand des bulles se forment à la surface, il faut retourner les galettes. Dorées, elles sont prêtes. Les garder au chaud. Elles sont délicieuses avec miel, confiture, Nutella ou Nocciolata (bio), mais aussi avec du fromage blanc, du saumon, du tarama, du jambon... Essayez, vous nous en direz des nouvelles. Curieux comme par l'odeur alléchés, ma petite tribu et les copains se sont tous rassemblés, calmes et pacifiés autour du fourneau et devinez de quoi nous avons parlé ? de cuisine et bien entendu... de Venise !

 

 

 

1 commentaires: (Archives Google)

rose a dit…
c'est curieux, moi aussi j'ai fait ces pancakes là, il y a quelques jours (avec du bicarbonate, parce que je n'avais pas de levure). c'etait la première fois que le les fasais à la maison, et j'ai aimé le resultat! (mon diner du 30 avril, et aussi le breakfast du premier,avec un petit rechauffage.)
ciao,
rose

30 avril 2007

Irisée d'une tendre jeunesse de lumière...

C'est demain l'anniversaire de ma grand-mère maternelle qui aurait 115 ans ! Cette vieille dame, avec douceur et discrétion m'a tout donné : le goût de la musique, de l'art, des fleurs, du calme et des bonnes choses. C'est aussi l'anniversaire d'une merveilleuse personne plus jeune de 35 ans qui vit à Venise et qui fut l'un de mes guides lorsque je m'installais dans la cité des doges, une sorte de protectrice et de marraine. Elle adore les roses.

Je lui ai fait envoyer deux rosiers de chez David Austin, des Centifolia Muscosa, appelées aussi Old Pink Moss, cette belle variété remontante et très parfumée que je voudrais aussi planter, si je pouvais, dans notre petit jardin de la Toletta et qui se plairont chez elle. Cela m'a rappelé un texte de Henry de Régnier que je dédie à ma vieille bonne amie vénitienne pour son anniversaire et à tous ceux qui raffolent du printemps à Venise.

"[...] Venise aussi a ses jardins dont les roses débordent les vieux murs, mais ce n'est pas là qu'est son printemps. Il est dans la fraîcheur de la lumière, dans le rajeunissement des pierres et des eaux, dans je ne sais quoi de joyeux et de délivré, dans la furie ailée des hirondelles, dans l'éclair de leur vol sous l'arche de quelque pont. Il est aussi de grandes averses qui parfois tombent du ciel. J'en ai subi une tout à l'heure. Rien ne l'annonçait. Nous avions pris une gondole pour aller jusqu'à l'Arsenal. J'aurais dû remarquer cependant que l'eau des canaux était sournoise et comme anxieuse. On la sentait pleine de ces courants secrets, de ces mouvements intérieurs que les gondoliers connaissent si bien et savent si bien utiliser, pour ménager leur effort avec un art délicat et une paresseuse précision. Tout à coup, sans que nous ayons vu le nuage se former, il s'est mis à pleuvoir, une pluie forte, chaude, abondante, qui criblait l'eau du petit canal où nous nous trouvions. Le gondolier a cherché un abri sous un pont. Justement, il avait choisi un de ces rares ponts de fer dont le tablier est à claire-voies. Nous attendîmes là la fin du déluge. Parfois une grosse barque pansue et ruisselante frôlait au passage la gondole avec un frottis de bois mouillé et continuait sa route silencieuse [...]"
[...] "La Venise printanière, toute en nuances, toute en reflets, toute irisée d'une tendre jeunesse de lumière ![...]"
(extraits de "L'Altana ou la vie vénitienne" par Henry de Régnier)

Le printemps éclate en mille couleurs



27 avril 2007

Vivere Venezia

"Vivere Venezia", (Vivre Venise). C'était le titre d'une revue à l'éphémère existence à laquelle je participais et dont Bruno Tosi fut le directeur de publication (et Giuliano Graziussi, l'éditeur). C'est aussi le titre qu'on pourrait donner à un magnifique texte composé (plutôt qu'écrit) par Claudio Ronco.

Je ne résiste pas au plaisir de vous présenter ce magnifique texte (ICI)de mon ami Claudio Ronco, compositeur et musicologue, violoncelliste émérite que j'ai rencontré un jour à Venise et que j'ai eu l'honneur de recevoir à Bordeaux où, dans le cadre de la Première semaine de Bordeaux à Venise (il n'y en eut pas d'autres !), il y a plus de vingt ans, il donna deux concerts extraordinairement époustouflants dans ce qui était alors la salle Jacques Thibaud et dans les foyers du Grand Théâtre... (voir mon article en cliquant sur ce lien).

Écoutez-le parler de Venise. Écoutez la voix de Venise. J'aurai aimé écrire ce texte. Comme Claudio Ronco vit Venise, je me sens vivre dans la musique des mots qu'il déclame avec tout son amour pour notre chère Sérénissime. Comme lui, un jour j'ai décidé que ma vie, c'était Venise. Mais lui, contrairement à moi, est un artiste et il a choisi de vivre de son art à Venise quand j'ai eu la faiblesse de me contenter d'un quotidien commun, la vie facile de monsieur tout le monde, en rentrant à Bordeaux...

Merci Claudio pour ce beau poème. Merci Umberto Sartory pour les photos de ces murs qui sont pour nous qui aimons Venise le symbole même de cette ville...

24 avril 2007

Un forum intelligent

J’y suis inscrit depuis longtemps, j’y passe parfois quand un courriel me prévient d’un nouveau débat mais plus ou moins consciemment, je me rends compte que je les snobais… Injuste attitude certainement mâtinée d’une jalousie inavouée : "Comment puis-je accepter que d’autres partagent le même amour, le même goût, la même passion pour Ma ville ?" Ridicule attitude qui me fait sourire en écrivant ces lignes : vous qui aimez Venise, vous qui allez vous y rendre, ne manquez-pas de passer par la case Venice-views : le forum. C’est souvent drôle, toujours bien documenté, plein d’idées et de bonnes choses.

Je viens de lire une série de commentaires écrits par les membres du forum en réponse à la provocante déclaration d’une certaine Christine qui revenant d’une croisière en Méditerranée, avait fait l’étape obligée mitonnée par les tour-operators : Saint-Marc, le Campanile, les Mercerie, sous un soleil tapant au milieu de la foule. Tout le monde est tombé à bras raccourcis sur la pauvre dame qui à ma connaissance n’a plus donné signe de vie ! La pauvre, elle a eut de Venise une image horrible, celle que l’on a lorsqu’on fait un tour en gondole dans la Venezia reconstituée à Las Vegas (berk!)… Bref, je vous recommande ce forum si par un malheureux hasard vous ne le connaissez pas encore ! Et félicitations à ses fondateurs et aux animateurs !

20 avril 2007

Aimez-vous Tobiasse ?

Lui en tout cas aime Venise... "et nous dans la famille, nous aimons Tobiasse et Venise", vient d'enchaîner Constance (ma petite dernière), qui venait de lire par dessus mon épaule le titre de cet article. Dans ses carnets - qui viennent d'être publiés à nouveau - le peintre de St Paul de Vence fait la part belle à la Venise des amoureux, colorée et chaleureuse. Cette vision plait beaucoup aux enfants et aux amoureux.

15 avril 2007

Égotisme di passeggio

Je suis sorti ce matin de bonne heure, laissant la maisonnée dans les brumes du sommeil. Peu de monde dans les rues. Quelques pas en direction de San Barnaba. Traghetto. J'aime le Grand Canal au petit matin. Le trafic est déjà intense mais il règne une sorte d'euphorie. La joie du jour nouveau forcément chargé de promesses. C'est exactement ce que je ressentais en marchant. Une joie ineffable, celle d'être là, à Venise, par une belle matinée de printemps, dans le calme et la sérénité d'une journée tranquille à peine commencée, après la folie de ces derniers jours.En prenant un café du côté des Frari, je me suis rendu compte - ceux qui me lisent depuis deux ans crieront à l'évidence - combien je me sens en phase avec cette ville. Combien je m'y sens moi-même, tout entier en harmonie.

A tous les lieux inexplorés qui existent encore en ce monde, à tous les endroits que je ne connais pas, je préfère ces paysages où mon âme se retrouve. A Venise, depuis toujours, je me sens unifié, vivifié. J'existe vraiment, sans faux-semblants ni concessions. Peu de lieux m'ont autant marqué et aussi soudainement. Naples, Sorrente, Capri bien sûr, Constantinople, Rhodes et Lindos, Londres aussi, furent les lieux de mon adolescence mais aucune de ces villes où j'ai vécu mes "années d'apprentissage" ne m'a autant définitivement accaparé, corps et âme.

14 avril 2007

La maison de l'antiquaire

Connaissez-vous l'antiquaire de Torcello ? Sa maison est une caverne d'Ali Baba et le jardin est un lieu délicieux. J'aime beaucoup m'y attarder quand je vais dans les îles. Entre deux vagues de touristes, le campo devant la basilique est un lieu merveilleux. Les quelques chalands, le mur d'enceinte de la propriété garni de stalles antiques, le trône d'Attila, les arbres, les coquelicots sur la pelouse, tout concourt à faire de ce lieu un "palcoscenico" (une scène de théâtre) presque irréel. La lumière et l'air qu'on respire sont les mêmes que partout ailleurs sur le lagune, mais ici il y a quelque chose en plus. Peut-être est-ce l'âme de tous les vénitiens qui vécurent dans l'île au début de son histoire. Ce désert de verdure qu'est devenue Torcello a été autrefois un centre commercial et administratif important, grouillant de monde avec son port et ses entrepôts, ses boutiques et ses manufactures. La maison de l'antiquaire garde sans le vouloir des remugles de ce temps révolu. J'ai chez moi un coffret très ancien qui vient de chez lui. Je l'avais vu un jour il y a longtemps et je ne le croyais pas à vendre. Des années plus tard, à l'occasion d'une ballade sur la lagune, nous avions décidé de déjeuner à Torcello. Après le café, laissant mes compagnons lézarder au soleil, j'avais rendu visite à l'antiquaire. Le coffret avait changé de place, mais je le reconnus tout de suite. Quelques minutes et négociations plus tard, je repartais vers notre barque, le coffret sous le bras. Il est ainsi des objets qui semblent choisir leur destinée et attendent leur heure pour partager votre vie... D'autres l'ont dit mieux que moi.

12 avril 2007

Venise, sans commentaire

copyright Andrea Grigolo - 2007
C'est à chaque fois pareil. encore plus douloureux au fur et à mesure du temps qui passe, quand il faut partir. Ranger, nettoyer, fermer les volets, attendre Graziella pour vérifier qu'elle emportera bien les provisions qui restent dans le frigo, lui rendre son aspirateur parce que le notre est cassé. Penser à en acheter un autre. Puis, après un dernier regard dans la maison déjà endormie, la clé qu'on tourne dans la serrure... La rue, les bruits familiers qui ne seront bientôt plus que souvenir... Le salut amical du marchand de journaux... La journée sera chaude. Il y a déjà beaucoup de monde. En route vers Piazzale Roma. Adieu Venise, à une prochaine fois... Pourquoi faut-il toujours que je reparte. C'est la même tristesse qui me prend aux tripes depuis vingt ans. Mes enfants sont eux aussi contaminés et de belle manière ! Ils aimeraient que nous abandonnions tout pour vivre ici. Même le chat semble attendre ma décision, l'air de dire "nous serions si bien ici tous ensemble !". Au lieu de ça, des allers et retours perpétuels, sorte de nomadisme figé entre Venise et la France. Question d'organisation matérielle oblige. Mais pour atténuer notre peine, à chaque fois un détail, une image qui nous rappelle que notre exil n'est que temporaire et que bientôt, très bientôt, nous serons de retour ! Hauts les cœurs, nous reviendrons vite !

11 avril 2007

Matinales

8h35, ce mercredi matin. Le silence du petit jour se remplit peu à peu de ce qui n'est encore qu'un assemblage de sons disparates et lointains. La voisine déroule le fil sur lequel son linge va sécher et la poulie grince un peu, dans le jardin les oiseaux fêtent le soleil. Dans la rue, un jeune livreur se dépêche "permesso, permesso" lance-t-il aux passants qui discutent devant la vitrine du libraire. Aux sons se mêlent peu à peu des senteurs qui me ravissent : l'odeur du linge propre qui sèche au soleil, la glycine qui commence à faner, le jasmin juste sous ma fenêtre qui sera splendide cette année et, toujours présent, le parfum si particulier, comme un mélange d'herbe et d'eau, de prairie de de sable, qui domine et pourtant se fait à peine perceptible. C'est la singulière odeur de la lagune, à la fois odeur de port et de marée, si particulière aux premières chaleurs et qui demeure pour moi le symbole de la douce vie vénitienne. 

Un jeune merle chante sur la margelle du puits dans la petite cour devant ma chambre. Il va faire chaud. Ce sera bien. Nul mouvement dans la maison. Les enfants dorment encore. Déjà les rayons du soleil éclairent la chambre et font danser la poussière à travers les persiennes. Il faudra les repeindre cet été. Tout à l'heure, nous prendrons le petit déjeuner sur la terrasse. Rien que de très banal, un peu de musique, du thé chaud, des muffins et du pain grillé - un pain de mie que nous avons cuit nous-mêmes !-, la sempiternelle gelée de coings et Nutella pour les gourmands. Pas de projet précis aujourd'hui. Quelques emplettes chez Billa, des fleurs à Sta Margherita. Peut-être une virée en barque mais le moteur a des problèmes. Envie de ne rien faire. Rester ainsi, comme engourdi à s'imprégner des milles sensations, regarder l'eau des canaux qui brille sous le soleil, observer les passants à la terrasse d'un café, errer dans les couloirs du Musée Correr ou dans les salles de la Ca'Rezzonico voisine. Préparer le repas. Un gâteau ou des scones pour le thé. Bouquiner, dessiner, écrire. 

Puis ce soir la passeggiata. Une vie tranquille où le temps passe joyeusement et sans heurt. C'est le miracle de la vie vénitienne. On peut ici s'empoigner, se lancer des bordées d'injures et soudain réconciliés, aller boire un verre à la lumière des lampions d'une petite osteria, comme du temps de Goldoni. L'air de Venise a le pouvoir d'anéantir ce qui est le quotidien de tous les citadins du monde. Ici pas de stress, de hargne, de nervosité. Pas de mollesse non plus comme on en ressent forcément de l'autre côté de la Méditerranée. Les vénitiens sont des ardents. Peuple actif et conquérant, ils sont imbibés de cet air unique aux parfums si particuliers qui apaise et ravit. Il faut séjourner souvent à Venise pour comprendre cela. Le vrai (et merveilleux) poison de Venise, pour reprendre une expression de Maurice Barrès, c'est cela, "la respiration de la magicienne endormie et le vivant soupir de la beauté" disait Henri de Régnier.

10 avril 2007

Comment devenir bon vénitien en quelques leçons

"[... ]Chaque calle a son nom inscrit avec souvent l'indication du quartier, sestiere, et de la paroisse, parrochia, mais ces indications ne suffiraient pas pour s'y diriger. Il faut se laisser aller à une sorte d'instinct que l'on acquiert bientôt. A Venise, les voies directes sont rares ; on ne se rend d'un point à un autre qu'à travers un entrelacement de calli à peu près semblables, qu'elles soient qualifiées de via, de strada, de salizzada, de ruga, de rughetta, où soient dénommées rio terrà parce qu'elles occupent l'emplacement d'anciens canaux désséchés ; mais aussi quel plaisir de croire s'égarer en cette pittoresque diversité, de traverser un vaste campo ou un petit campiello, de passer sous un sottoportico, de suivre une fondamenta, de s'engager dans un ramo, qui nous ramène au même point, dans une corte ou un cortile sans issue, ou d'aboutir à un rio transversal qui vous barre la route et vousoblige à revenir sur vos pas, tandis que quelques polissons ou quelque commère vous crie narquoisement : "Acqua, acqua ![...]"

Tout est dit. Henri de Régnier a écrit ces lignes en 1899. Venise en ce temps-là demeurait une cité marquée par l'abandon qui suivit le départ des autrichiens et les débuts de l'unité italienne. Devenue simple ville de province, elle voyait peu à peu s'écailler les vestiges de sa splendeur et la misère y était grande. Pas encore redynamisée par les usines voulues par le Comte Volpi, Venise dépérissait. Il y avait pourtant plus de 100.000 habitants encore à cette époque là. Derrière les volets disloqués, dans les cours aux crépis écaillés, une foule de pauvres gens essayait de survivre, pêcheurs, facchini, ouvriers des quelques manufactures encore en action, domestiques. Leurs enfants qui allaient nu-pieds, les guenilles rapiécées qui pendaient au fil tendus le long des rues, tous les mendiants rencontrés sur les ponts et les campi, ces façades sculptées de lézardes qui devenaient pittoresques au soleil de l'Adriatique, tout cet aspect misérable et somptueux à la fois allait bientôt fournir la matière à cette idée qui se généralisera vite d'une Venise mortifère et lugubrement romantique. Cette Venise où viendra mourir le Professeur Von Aschenbach, où des légions d'invertis se rejoindront pour vivre leur déchirante ambivalence longtemps avant que la libération des mœurs leur permette de s'afficher à San Francisco, Ibiza ou Mykonos.

Henri de Régnier décrit cette Venise dont on me parlait dans la famille. Une ville remplie de pauvres gens vivant dans des masures infectées d'humidité où l'insalubrité se répandait suite à l'inertie du gouvernement italien qui ne faisait rien pour la cité, abandonnée par une bonne partie de son aristocratie trop intéressée à servir la nouvelle monarchie et être admise à la cour du petit roi Victor-Emmanuel de Savoie devenu, par la grâce de Napoléon III et du monde progressiste, le premier roi d'Italie.

Mais revenons à notre propos : être bon vénitien, c'est savoir vivre au rythme des vénitiens. Je l'ai déjà écrit cent fois. C'est aussi respecter le mode de vie pratiqué ici. cela sous-entend de se faire le plus discret possible. Deux avantages : contribuer à garder à la vie vénitienne le plus d'authenticité possible et en vous faisant oublier éviter de vous faire arnaquer... C'est vrai que l'idéal serait de ne parler qu'italien mais on ne peut pas obliger un touriste de passage à apprendre à chaque voyage la langue du pays où il se rend. Un minimum cependant me parait nécessaire comme la preuve d'une exquise politesse, un savoir-vivre qui montre le respect qu'on a pour l'autochtone dont on foule le sol. Savoir dire "bonjour, merci, pardon, excusez-moi" et le sésame "pardonnez-moi, je ne parle pas l'italien (ou le serbo-croate) puis-je parler en français ?". Cette marque de respect forcera toujours la bienveillance de votre interlocuteur.

John Singer Sargent à Venise

Le Musée Correr expose depuis le 27 mars dernier, une cinquantaine d'aquarelles et de dessins de John Singer Sargent, qui avec Turner est l'aquarelliste qui a su le mieux décrire l'atmosphère unique de notre Sérénissime. Des œuvres très fraîches, très poétiques provenant des plus grands musées américains et anglais ainsi que de quelques collections privées. L'exposition se présente en deux parties : la première, conçue comme une promenade en gondole, montre des œuvres vénitiennes de Sargent : du classique Grand Canal aux petites scènes de la vie quotidienne prises visiblement sur le vif. Beaucoup d'inédits superbes. Le deuxième volet de la mostra est surprenant : il présente des œuvres de peintres vénitiens qui furent visiblement influencés par le travail de Sargent qui (fut plusieurs fois présent à la Biennale) : Milesi, Tito, Selvatico, Nono. On voit à observer ces tableaux, que cette influence allait dans les deux sens et c'est ce qui fait l'intérêt d'un tel rapprochement.
Le catalogue de l'exposition (Edité par Electa et Yale University Press) est très bien fait, bien documenté et les illustrations sont de qualité. Il n'existe qu'en italien ou en anglais malheureusement. Une exposition à voir pour ceux qui sont à Venise. Jusqu'au 22 juillet.





Sérénissime beauté

Pâques est la fête de la Résurrection.
C'est le temps du renouveau, l'apogée du printemps, les relevailles de la joie. TraMeZziniMag profite de ce temps qui se fait plus léger, plus guilleret pour se refaire une beauté. Afin de mieux honorer la reine des villes, la plus belle des créations urbaines que l'homme ait jamais conçu.
Joyeuses Pâques à tous !

Qu'est ce que je vous disais : I barbari sono arrivati !

Il ne manquait que le plaid écossais ou la nappe à carreaux vichy rouge pour compléter le cliché : Venise le week-end de Pâques ressemblait à une gigantesque ère de pique-nique. Ce que les italiens appellent il popolo del bivacco (le peuple du bivouac).
 
Chez nous ce terme est le plus souvent usité pour désigner les zonards et autres S.D.F. en rupture de société qui n'ont pas d'autre choix que de vivre dans la rue et se regroupent avec leurs sacs à dos, leurs chiens et leurs litrons de rouge sur les places de nos villes. A Venise, c'est un peu différent mais le spectacle ne vaut pas mieux et le résultat est le même : bouteilles vides, canettes défoncées et papiers gras jonchent le sol. Triste décor qui vient polluer le plus beau palcoscenico du monde...

Pour ceux qui ne s'installent pas à la terrasse d'une des nombreuses trattoria, le menu est presque toujours le même : à l'ombre de la basilique San Marco, devant les pauvres leoncini, les bivouaqueurs sortent de leurs sacs plastique les mêmes sandwiches élastiques jambon oeuf dur, canette de bière et yaourt à boire. Riva del Vin, c'est la pizza qui fait la base du pique-nique et du coca-cola. Pour digérer, tout ce monde se vautre par terre autour de la piazza. La ce n'est pas la place qui manque. C'est fatigant d'arpenter Venise sous un soleil de plomb et au pas de course...

Difficile de quantifier le nombre de visiteurs qui sont arrivés ces dernières heures. Rien que samedi la police estimait à 120.000 le nombre d'arrivants pour Pâques. A ceux-là se sont ajoutés les italiens des environs qui ont choisi les îles et le Lido pour passer ce week-end pascal. Ce qui doit faire une autre centaine de milliers de visiteurs. Aux deux ferry-boat qui relient habituellement le Tronchetto avec San Nicolo, l'ACTV a été obligé un troisième bateau pour répondre au nombre impressionnant de cyclotouristes avec leurs vélos à destination du Lido ! Du jamais vu. Quant aux îles de Murano et Burano, complètement envahies, il a fallu doubler les navettes.

La situation était critique en fin de matinée sur la Piazzale Roma. Déjà le jour de Pâques, le pont de la Liberté est resté bloqué pendant deux heures à cause de la file interminable des automobilistes qui cherchaient à se garer au Tronchetto ou dans les garages de la Piazzale Roma. La police a du faire venir des renforts de Mestre pour dévier le trafic vers le Tronchetto parce que les 2500 places des garages municipaux étaient occupées... 700 entrées se sont ajoutées au 950 du vendredi et aux 1000 enregistrées entre samedi et dimanche ! La piazzale Roma n'a commencé à se vider que tard dans la nuit d'hier et en se promenant du côté de San Sebastiano on entendait la rumeur du trafic comme dans n'importe quelle ville du monde au moment des bouchons !

Et pendant toute la journée, sortir à pied dans Venise a été une véritable expédition. Il était difficile - et à certains endroits pratiquement impossible - de marcher à certaines heures aux alentours du Rialto. Impossible de le traverser d'ailleurs. Pareil sur le pont de l'Accademia et celui de la gare, les environs de San Marco et en général tout au long des parcours suivis par les touristes. Le buraliste de San Barnaba est à 150 mètres de chez nous. Il a fallu à une de mes filles plus de 20 minutes pour y aller et revenir tant la foule était dense sur la Toletta. Inutile de vous dire combien nous étions bien dans notre petit jardin parfumé. La musique de Brescianello couvrait heureusement le bruit de la rue.
 
Ce qui m'étonne toujours dans cette vague de visiteurs c'est que la majorité se contente de se promener mais ils se promènent tous aux mêmes endroits. Les musées ont parait-il ressenti aussi cette invasion mais, comme à l'accoutumée, on ne se bousculait ni au Musée Correr, ni à l'Accademia, ni à la Ca'Rezzonico.
Allant de pair avec l'augmentation des visiteurs, le nombre des vendeurs ambulants a atteint aussi un pic vertigineux. Regroupés tous les un mètre avec leur drap où ils exposent les ceintures, sacs et lunettes de soleil de pacotille, maroquinerie de contrefaçon. En dépit des nombreuses plaintes des commerçants vénitiens - et des vénitiens eux-mêmes - on avait l'impression qu'ils se multipliaient à vue d’œil. Aucun policier ne risquait venir les déloger, toute la maréchaussée était occupée du côté de la Piazzale Roma à essayer de réguler le trafic des véhicules et des autocars ! Joli week-end de Pâques en vérité.

Moralité : si vous vous trouvez à Venise à un de ces moments d'hystérie touristique et que vous ne pouvez fuir vers Asolo ou Cortina et ne revenir que tard le soir voir quelques jours après, ne sortez pas entre 11 heures et 16 heures où bien étudiez des itinéraires-bis, ces raccourcis que les vénitiens pratiquent avec dextérité et qui permettent de contourner la foule, d'aller rapidement vers son but et de ne pas être au bord de l'implosion quand vous attendez entre deux murs que les pin pins arrêtés devant vous pour admirer un reflet sur l'eau d'un canal daignent se pousser pour vous laisser passer. Quittez les sentiers battus, installez vous sur un campiello retiré ou dans un des ces jardins retirés que le touriste ne connaît pas où qui ne l'intéresse pas : San Alvise, Ca Foscari, Ca Rezzonico, San Elena, San Pietro... Allez, patience, ils ne font que passer.