22 septembre 2007

Du côté de San Nicolo dei Mendicoli

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2 commentaires:

Tietie007 a dit…
Quelle chance tu as de vivre dans la Cité des Doges ...J'y suis allé il y a 3 ans, et j'en garde encore un souvenir ému ...nous avions eu la chance de voir Venise sous la neige, nous nous étions réfugiés au Paradis Perdu, une taverne non loin de l'Eglise de la Madonna dell Orto, à l'intérieur rustique. Nous étions restés jusqu'au soir, près du poêle, un chat vénitien sur les jambes, à regarder les employés cuisiner des plats du coin ...
Je vais certainement retourner cette année, pour amener des élèves !
Salutations provençales !

Lorenzo a dit…
oui oui il faut y amener les enfants qui s'y retrouvent naturellement comme les chats. N'hésitez pas amis enseignants : demandez-moi des idées pour une visite différente et qui sortira vos gamins des sentiers battus qu'internet et les dizaines de films sur Venise peuvent leur montrer à tout moment : la Venise des jardins, secrets, des vestiges du passé figés comme dans une aventure de Corto Maltese... Merci pour la visite ! A tout de suite.

21 septembre 2007

Dove si mangia bene ?


Un ami qui doit se rendre à Venise dans les prochains jours, m'a demandé de lui indiquer un petit restaurant traditionnel, peu connu mais facile d'accès et où il puisse s'exprimer en français ou en anglais, lui qui n'arrive pas à aligner trois mots d'italien, malgré mes efforts pour l'aider à s'exprimer dans la plus belle langue du monde. 
C'est l'Antica Osteria San Pantalon qui m'est venue in mente spontanément. Peut-être parce que je sais qu'il est fumeur et que l'atmosphère vite enfumée de la salle ne le dérangera pas. Je plaisante. Cette osteria existe depuis fort longtemps. Située à Dorsoduro, non loin de la Scuola San Rocco, nous y allons en voisins. Elle appartient au propriétaire de la Vecia Cavana, à Cannareggio. Un endroit "tendance" mais qui reste (encore) authentique. Ce n'est pas de la haute gastronomie, mais les produits sont de qualité (le jambon notamment y est excellent) et la carte des vins bien choisie. On y rencontre beaucoup de touristes mais cela reste un lieu fréquenté par les vénitiens. Surtout l'hiver. Les serveuses sont souriantes bien que toujours un peu lentes. C'est qu'en cuisine tout est fait sur l'instant et on ne badine pas avec les temps de cuisson. Bref, si vous n'êtes pas pressé, si vous aimez bien manger en prenant votre temps, l'Antica Osteria San Pantalon est pour vous.

Le cadre est on ne peut plus simple, genre auberge traditionnelle : des tables de bois, des chaises qui forcent à se tenir droit. Sur chaque table est disposée une panière de pains dont certains sont délicieux. Vous savez la difficulté qu'il y a à Venise comme partout en Italie à trouver dans les restaurants du bon pain frais et goûteux. Mais c'est peut-être moi qui suis difficile, le pain est la base de ma nourriture et je ne sais pas m'en passer. Si je vous disais qu'à Venise, aux mille variétés de pains de Rizzi près de chez nous, je préfère le pane pugliese qu'on trouve au super marché Billa sur les Zattere !


Que conseiller ? La pasta fagioli est délicieuse. Sur une base de vrai bouillon de boeuf, il est indiqué dans les primi piatti di carne. Ils servent aussi de délicieuses luganeghe, ces saucisses typiques fabriquées par un petit artisan du Rialto, qui rendraient optimistes un innocent condamné à mort. Les spaghetti alle vongole sont délicieux et très copieux. L'ail y est omnipotent, ce qui me plaît mais peut agacer certains palais délicats ! Les coquillages sont nombreux contrairement à certains bouges où au milieu de spaghetti trop gras on voit surnager deux ou trois crustacés à peine décongelés (n'insistez-pas, je ne donnerai pas de nom, bien que cela me démange !!!


Parmi les poissons, le rombo braisé (turbot) comblera les plus difficiles. Le chef a une manière de le cuire qui met en valeur toute la délicatesse de sa chair. J'en ai l'eau à la bouche rien que d'écrire ces lignes... Mais il faut le commander d'avance car sa préparation prend du temps et il n'est pas question de le faire d'avance. Un simple plat de pommes de terre frites comme accompagnement. Elles sont parfaites, ni trop sèches, ni trop grasses. Un régal.
Pour finir, je vous conseille de laisser de côté les tiramesù traditionnels ou les crèmes brûlées universelles (ou leurs glaces industrielles) pour savourer, à la vénitienne, un vin doux – ils ont un très bon moscato - et des Esse (appelés aussi buranelli), ces biscuits secs en forme de S, ou des bussola (en forme d'anneau), fabriqués traditionnellement à Burano. Chez ma grand-mère, on les appelait des "biscocicco" que nous dégustions à peine sortis du four. Trempés dans du vin, c'est un délice qui prépare le palais à la merveilleuse saveur d'un bon café avec ou sans grappa. Celle de l'Antica osteria san Pantalon est délicieuse. Elle arrive de la montagne dans des bombonnes de plastique, sa provenance exacte reste mystérieuse et en tout état de cause, rien dans le procédé ne doit convenir aux fades nouvelles normes européennes d'hygiène, mais Dieu que c'est bon !!!

calle del Scaleter, Dorsoduro 3958
à proximité  des Frari

19 septembre 2007

L'Académie des Empêchés

Au début du XVIIe siècle, à l'époque où la France mal remise des guerres de religion allait perdre son bon roi Henri IV, il existait à Venise une société culturelle très particulière. Comédiens, chanteurs, musiciens, poètes et compositeurs avaient un jour décidé de se réunir pour former "l'Accademia degli Impediti".
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Sous cette dénomination qu'on pourrait croire sarcastique, il y avait tout le désenchantement d'artistes très souvent de grand talent qui n'auraient jamais la possibilité de se faire connaître et d'atteindre la renommée des plus grands. Tout simplement parce qu'ils étaient juifs et devaient vivre et se produire exclusivement dans le Ghetto. 
 
Oh, ne croyez pas qu'ils étaient malheureux. Le ghetto de Venise (le premier et celui qui donna son nom à tous les autres dans le monde), était en fait comme une colonie accueillant des communautés juives venues de partout : les italiens, les portugais et les espagnols, les levantins, quelques familles venues de Pologne ou de Russie, des allemands. La place manquait un peu sur ces îlots entourés de canaux et fermés par de grandes grilles la nuit. Aussi avait-on construit en hauteur. On peut voir encore ces immeubles devenus vétustes qui s'élancent dans le ciel vénitien sur sept ou huit étages. On y vivait comme partout ailleurs, autour du campo, lieu de rassemblement. Les boutiques étaient nombreuses et pendant la journée l'animation était à son comble. On trouvait dans le ghetto de nombreuses banques - activité autorisée aux juifs et encouragée par le Gouvernement de la République puisque les chrétiens n'avaient pas le droit de s'y adonner - mais aussi des comptoirs de marchands qui assuraient la liaison avec le Levant, l'Asie et le autres pays d'Europe. 
 
Cette population aimait à se distraire mais le soir il était interdit de quitter le ghetto. Alors on y organisait souvent des soirées musicales, des lectures de poésie ou de romans, des représentations théâtrales. 
 
En ce début du XVIIe siècle, on eut l'idée d'aménager la petite colonnade située devant la synagogue italienne en théâtre. Une estrade fut montée, des rideaux posés (on voit encore l'emplacement des gros crochets de bronze qui soutenaient les tringles). Ces quatre colonnes en pierre d’Istrie qui semblent soutenir à elle seule la scola italienne (une des cinq Synagogues du Ghetto) abritèrent ainsi la tribune en bois où pendant des années se produisirent régulièrement des acteurs, des chanteurs et des musiciens. Les soirs de spectacle, la place était noire de monde. 

Les lourdes portes du ghetto et la loi de la République ne permettaient pas à ces artistes de prétendre à la renommée, confinés qu'ils étaient dans leur lieu de vie et leur appartenance religieuse. Et pourtant leurs comédies étaient drôles, leurs poèmes souvent très spirituels et les musiciens d'une telle qualité que les patriciens venaient souvent en groupe avec leurs invités assister à certains concerts, ceux qui avaient lieu avant la tombée de la nuit. 
 
Nous pouvons tous imaginer combien il était difficile à un juif de cette époque de prétendre vivre en paix et de s'installer définitivement quelque part. La France, après l'Espagne, venait de les chasser. Si le pape accepta de les accueillir, beaucoup de villes ou de petits états italiens refusèrent. A Livourne, l'ouverture d'un port-franc attira des juifs d'Orient. Mantoue relativement libérale, abrita une communauté importante, comme Modène et Venise. La peur et la haine du juif était tenace parmi les chrétiens qui assimilaient ce peuple aux responsables de la condamnation et de la mort du Christ. Les deniers de Judas semblaient tinter dans les poches de chaque marchand hébreu, pareil au Shilok de Shakespeare
 
Très tôt ils durent porter un signe distinctif. Les juifs italiens étaient cependant relativement chanceux. S'ils devaient vivre eux aussi dans un lieu reclus et qu'il leur était formellement interdit toute relation et union avec les chrétiens, s'ils devaient porter ces signes distinctifs qui nous semblent ignobles aujourd'hui, ils furent quasiment partout assimilés et bien traités. Notamment à Venise. Mêlés aux peuples parmi qui ils vivaient, ils étaient toujours en bon terme avec eux. A la fois semblables et différents, parlant hébreu entre eux, ils parlaient toujours le dialecte de leur lieu d'accueil. 
 
Ainsi à Venise, les juifs vivaient comme tout le monde pendant la journée, s'exprimaient en vénitien, agissaient en vénitien. Mais le soir venu, ils se retrouvaient enfermés rendus à leurs usages et à leurs traditions. Coupés du monde. Et c'est naturellement qu'ils voulaient continuer à vivre la vie commune. Malgré leur Loi, malgré le poids de leurs traditions et les théocrates intégristes qui déjà veillaient. L'académie des Empêchés c'était la traduction de cette soif d'assimilation, cette volonté de gommer les différences purement matérielles, sans jamais vouloir atteindre ni dénaturer pour autant le dogme fondamental qui faisait d'eux le peuple élu.
 
Le célèbre rabbin Léon de Modène encouragea et défendit cette idée et encouragea la réforme des rites et des cérémonies. Une communauté installa un orgue dans sa synagogue, une autre monta un choeur qui accompagnait les offices. Enfin, on se mit à chanter les psaumes selon le mode moderne (cette musique baroque qui nous est familière aujourd'hui). Hélas la prétendue tradition orientale l'emporta et peu à peu choeurs et instruments furent bannis des temples. Et de nouveau les artistes redevinrent des "empêchés". Ils ne pourraient décidément jamais envisager se produire un jour à la cour du Doge, à Florence, à Milan ou à Rome. 
 
Pourtant il y en eut un qui se hissa par son talent au rang des plus grands artistes chrétiens de son époque. Par sa musique, il révolutionna la vie religieuse des juifs de Venise et le courant qui naquit de son oeuvre se répandit dans toute l'Europe, rapprochant juifs et chrétiens dans un même amour de la beauté mise au service de l'adoration et de la prière.

Ce musicien extraordinaire était originaire de Mantoue. Il se nommait Salomone Rossi, et descendait d'une très ancienne famille arrivée en Italie sous le règne de l’Empereur Titus après la destruction du Temple de Jérusalem. Élève de Monteverdi, c'était un compositeur apprécié et il jouait du violon avec une étonnante habileté. Musicien officiel de la cour de Mantoue, il était exempté de l'obligation de porter la barrette jaune qu'on imposait aux juifs. Il avait une sœur dont la postérité n'a pas retenu le prénom, mais dont le surnom est parvenu jusqu'à nous. Tous l'appelaient "Madame Europa", car elle avait remporté un immense succès en interprétant ce rôle dans "le rapt d'Europe". Sa voix était divine. Elle était la cantatrice favorite du Duc Francesco IV Gonzague, qui protégea la communauté juive de la ville pendant tout son règne.
 
A l’occasion du mariage du Duc avec Marguerite de Savoie, au printemps 1608, tous les meilleurs artistes de l’époque furent invités à se produire à la cour. Claudio Monteverdi composa et mit en scène pour l'occasion son Opéra "Arianna" et l'extraordinaire "Ballo delle Ingrate" . On interpréta "L’Idropica" de Guarini . Le prince commanda à tous les compositeurs de la cour des intermèdes musicaux, et Rossi composa une très belle pièce très remarquée et qu'on possède encore aujourd'hui. 
 
Lorsque son maître Monteverdi se rendit à Venise, Rossi et sa soeur le suivirent. Ils se produisirent devant le doge et sa cour. Mais le soir venu, il leur fallu rejoindre le ghetto où on avait mis à leur disposition de belles salles richement meublées. Il y avait ce jour-là un spectacle de l'académie des Empêchés. Le public, sachant Madame Europa et son frère parmi eux réclama leur venue (imaginez la Callas et Rostropovitch venant loger au milieu d'amateurs de musique !). 
 
Ils s'exécutèrent de bonne grâce et interprétèrent de nombreuses pièces que le doge avait pu entendre quelques heures plus tôt. Ce fut un tel succès que la garde chargée de surveiller les abords du ghetto vint voir ce qui se passait, tant la clameur fut retentissante. On porta en triomphe le frère et la sœur jusqu'à l'entrée de leurs appartements. 
 
Nos deux artistes suivirent Monteverdi et se produisirent un peu partout en Europe. Salomone Rossi eut le privilège de voir l'ensemble de ses compositions éditées de son vivant. Il devint célèbre. On raconte que sa soeur était l'interprète préférée de Monteverdi après la mort de son égérie, Caterina Martinelli et qu'elle fut la première à chanter le merveilleux lamento d'Ariane.
 
Devant ce succès international, les Empêchés aperçurent soudain l'espoir de sortir de leur enfermement : pouvoir eux-aussi faire éclater leur talent aux quatre coins du monde. On se demande pourquoi parmi les musiciens les plus talentueux se trouvent souvent des juifs. Quel don supplémentaire, quel mystère préside à leur réussite ? Hé bien ces dons, ce talent, cette énergie, ils les doivent à Madame Europa et à son frère Salomone Rossi.
 
Cent ans après la peste noire qui déclencha le massacre et la fuite de milliers de juifs d'Espagne, la terrible épidémie de peste qui se répandit sur le nord de l'Italie eut raison de leur talent. Si la voix de Madame Europa n'est plus qu'une légende, la musique de son frère est encore là pour témoigner de cette époque de lumière où la musique sut atteindre des sommets de beauté et de spiritualité.

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3 commentaires:

Gérard a dit…
Article remarquable !
On y devine ce qui caractérise l'esprit du judéo-christianisme .
De toujours .
On le devine .
Même pas besoin de le souhaiter d'ailleurs .
Et cette valeur essentielle s'appelle l'espérance !
Cet article , beau comme l'est l'humanité en souffrance et en joie , devrait être lu dans toutes les écoles .
Je serai toujours étonné , stupéfait , par l'esprit de confinement et d'enfermement qui précède tout antisémitisme .
Et ça continue !
Quelle connerie !
Très bel article !

Claudio Ronco a dit…
Merci, Laurent, d'avoir si bien lu mon histoire "Ester e Salomone, una novella veneziana", et "madama Europa" comme je l'avais lu à la Radio Suisse Romande, et publié dans mon site:
http://users.libero.it/claudioronco/madameuropa.html
C'est un belle histoire, en effet.
Claudio Ronco. 


Lorenzo a dit…
Merci de ta fidélité Claudio et merci aussi d'avoir accepté cette belle prestation à Échappées Belles de France5 auprès de qui je t'avais recommandé en pensant il est vrai à tout ce que tu pouvais avoir à dire sur le Ghetto. la séquence à la Querini fut hélas trop brève.
J'ose espérer que ton commentaire ne sous-entend pas implicitement un reproche. Je ne crois pas avoir plagié l'excellent article ni l'émission que j'avais beaucoup apprécié. Cette belle histoire, pour l'avoir entendu souvent dite de différentes manières, depuis mon enfance, méritait sa place dans Tramezzinimag. Ton commentaire ajoute ce qui manquait : les sources. Merci encore et à bientôt, spero !

Où voulez-vous aller ?

publié par Lorenzo à 17:38

17 septembre 2007

Madeleine Peyroux chante "the summer wind". Devant la maison, deux jeunes garçons s'amusent avec leur skate. Ils ressemblent à mon fils. Lui, le skate ce n'est pas vraiment son truc. Il est en haut, les yeux rivés à son écran d'ordinateur, jouant à Dofus où il est tout à tour marchand, artisan ou chevalier. La rumeur de la foule qui passe est atténuée par le mur qui nous sépare de l'école voisine. Toutes les fenêtres sont ouvertes. Le jardin embaume, le jasmin et les vieilles roses, l'herbe fraîchement coupée, les massifs de fleurs du voisin. Le ciel est d'un bleu limpide, sans un nuage. Il fait bon. Ce sera bientôt le retour, la rentrée. 

Mes filles bouquinent sur la terrasse. Le thé bien chaud est servi, avec les biscuits et ces délicieux macarons de Rosa Salva, sur la vieille table un peu rouillée du jardin. Il ne manque que notre bon vieux chat resté en France. Nous sommes en ville, avec cette sensation d'être vraiment au centre de quelque chose d'unique et de fondamental. Pourtant nous pourrions être dans n'importe quel jardin de campagne, tant le nôtre ici est sauvage et commun. Mais, contrairement à la ville normale, ici il n'y a pas ce bruit permanent, celui des moteurs de voitures, des klaxons, qui dérange et obsède. Ni cette odeur infecte que laissent derrière elles les automobiles. 

Oui vraiment, même sans sortir de chez nous, vivre à Venise a quelque chose d'unique et de différent. Deux voisines bavardent derrière le mur. L'une est la concierge de l'école avec qui je parle souvent. Joie d'entendre ce dialecte vénitien dont je ne comprends pas tout. Cette intonation sans pareille. 

Nous sommes à Venise, il est presque dix huit heures et la vie passe, tranquille. A deux pas les touristes vont et viennent. Devant la maison les deux garçons s'amusent avec leur skate et rient aux éclats. Jean est venu nous rejoindre dans le jardin. Alix sert le thé, Margot a posé son livre et son visage radieux qui me sourit efface la souffrance de ces dernières semaines. Notre jardin à Venise, une parenthèse dans ce temps de rupture, terrible maelström dans lequel nous sommes tous précipités... Madeleine Peyroux chante doucement "the summer wind".
Écrit à la Toletta, juillet 2007



3 commentaires:


Anonyme a dit…
Je reconnais "mon" chat et la Salizada de le Gatte...Je suis surprise de le retrouver là ...mais également heureuse que ce moment pris sur le vif ait plu au fin connaisseur de Venise que vous êtes! Fanfan
Anonyme a dit…
Après recherches et conseils...cette photo a été prise Campo del Tiziano. Fanfan
Lorenzo a dit…
je rajoute donc le copyright. Je voulais en fait un lieu qui ressemble à l'entrée de ma maison mais ne dévoile pas l'endroit. Vous savez bien les groupies, les paparazzi... Je plaisante.

16 septembre 2007

Il ponte chiodo alla Misericordia

Non loin du Ghetto, près de la Misericordia, connaissez vous ce pont ? L'un des derniers sans rambarde, comme ils le furent tous très longtemps, à l'époque des chevaux. Le pont du diavolo à Torcello date de la même période. C'est l'occasion de remercier une fois encore Pierre et Suzy, les animateurs de Venice Daily Photo que je pille très souvent et qui font un travail remarquable. Allez voir leur site si vous ne le connaissez pas encore. 

14 septembre 2007

Venise dans Second Life : ça marche !

La mode est au virtuel. C'est tellement plus simple... Je vous avais annoncé l'inauguration en mai dernier de la Venezia virtuale dans l'univers de Second Life, ce monde où on peut vivre par procuration (vous créez un ou plusieurs "avatars" et vous menez là-bas une seconde vie, toute virtuelle).
 
Et bien aujourd'hui ça marche et depuis le printemps des millions de visiteurs s'y sont précipités. Les fêtes succèdentr aux fêtes et la mode est au voyage en amoureux dans la Venezia virtuelle. De quoi convaincre les derniers publicitaires réticents.
 
Dorénavant, des sociétés bien réelles y achètent à tour de bras des espaces publicitaires, des Etats tout ce qu'il y a de plus vrais y ouvrent des ambassades. Depuis plusieurs mois, à l'initiative des créateurs du Gruppo Italian Project , une Venise assez fidèle (autant que faire se peut) a vu le jour et les touristes (virtuels) de tout Second Life s'y précipitent. Tout y est ou presque : le pont du Rialto, San Marco, les calli, les canaux, les gondoles et même... l'acque alta ! 
 
Pour l'inauguration la foule des invités en chair et en os purent se promener virtuellement et sur grand écran en gondole ou faire une passeggiata romantique dans les rues de la ville... Des manifestations officielles et commerciales sont organisées depuis sur Venezia second Life. Vous pouvez louer ou acheter un étage de palais. Au cours du Lindon dollar (la monnaie virtuelle de Second Life), c'est un peu moins cher qu'en vrai ! Un autre monde vraiment. Certes féru des riches possibilités d'Internet, je reste dubitatif et continue de préférer la vraie - même à distance - à la virtuelle.
 

12 septembre 2007

COUPS DE CŒUR n°17

Depuis 2005, je sacrifie à l'amour des listes qui fait florès sur la blogosphère. Pourquoi s'en priver. C'est un moyen de partager les livres et les disques qu'on aime, les découvertes, les lieux sympathiques. Cette 18e édition de Coups de Coeur marque les deux ans de la rubrique. Je lisais l'autre jour un auteur américain qui prétend que le pire est sur internet. C'est sûrement vrai. Pour ma part, je n'ai aucune autre prétention sur TraMezziniMag que de partager mon amour passionné - démesuré ? - pour Venise et la vie que j'y mène, car comme pour tous les exilés, mon Ithaque n'est que merveille et bonheur. J'espère ne pas lasser mes lecteurs ni dire trop de bêtises !
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Kirsty Gunn,
Le garçon et la mer.
Christian Bourgois, 2007
Au début de l’été, un jeune adolescent de 15 ans, Ward, le héros du livre, n'a d'autre occupation que d'aller à la plage. Un copain l’incite à venir à une fête chez Beth, riche en alcools, en filles et où il lui promet qu'ils s'amuseront bien. Mais Ward est timide et renfermé, il lutte pour se défaire de l’emprise de son père. Il préfère attendre la bonne vague sur la plage car il n’est vraiment heureux que lorsqu’il prend sa planche et va surfer, pour échapper provisoirement à ses angoisses. Comme le soleil s’approche du zénith, les courants changent et le garçon va se trouver confronté à un événement spectaculaire qui bouleversera sa vie à tout jamais. Un court roman d’apprentissage sensuel et enivrant qui décrit à la perfection les gênes et les défis de nos quinze ans, un conte où se mêlent danger et sexualité, un conte sur les mères et leurs fils, sur les pères qui les dominent et sur la mer. Par une jeune femme d'origine néo-zélandaise qui vit à Londres. A dévorer en cette fin d'été. 
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Bernard Delvaille
Plaisirs solitaires.
Ed. Le Temps qu'il fait.
"Je ne sais pas si ce que nous avons écrit nous définit ou si c’est notre vie qui détermine ce que nous écrivons. L’un et l’autre sans doute. Le plaisir solitaire, c’est celui de la lecture. Jeune, c’est aussi celui du voyage, qui, plus tard, réclame d’être partagé. Les textes ici rassemblés - dont d’importants inédits par rapport à la première édition - sont de courts essais littéraires (Le cavalier Marin, Sur Émile Verhaeren) et des souvenirs de voyages : Londres, Venise avant tout, mais aussi les côtes de Norvège, Copenhague et Elseneur, Dublin. Autant d’amers qui balisent une vie." Ces notes, comme un journal de bord, écrites par cet auteur bordelais récemment disparu et qui mériterait d'être mieux connu, contiennent de très belles choses sur Venise sans en parler vraiment. "J'aimerais vivre dans les ports verts et silencieux de Carpaccio, où le ciel et la mer ne font qu'un, et où les pavillons flottent à peine au vent humide et chaud de l'Adriatique. Mais ce n'est pas Venise, c'est un paysage de l'âme." Venise est effectivement un paysage de l'âme que ne comprennent bien que ceux qui l'ont belle, simple, pure et enfantine encore. Delvaille était de ceux-là. Bordelais, il est mort à Venise en avril dernier. On lui doit la collection Poètes d'Aujourd'hui qu'éditait Seghers, et de nombreux ouvrages de qualité. Ses manuscrits, sa correspondance et de nombreux autres documents ont hélas disparus après son décès et il serait urgent de faire quelque chose pour sauver ces archives entreposées par un des exécuteurs testamentaires on ne sait où ni dans quelles conditions.S
 
Andreas Scholl
Arias for Senesino,
Musiques de Haendel, Porpora, Lotti, Albinoni, Scarlatti.
Ed. Decca.
L'air "Al lampo dell'armi" de Haendel extrait de Giulio Cesare, vous saute littéralement à la figure. Andreas Scholl à la voix immaculée pleine de finesse explose littéralement dans ce disque hommage au fameux castrat du XVIIIe siècle, Francesco Bernardi dit Senesino, qui fascina l'Europe entière et inspira les plus grands musiciens réunis dans ce disque comme Albinoni ou Scarlatti entre autres mais surtout Haendel qu'il fascina. Merveilleuse prestation soutenue par des musiciens d'une remarquable efficacité et manifestement investis de la même mission. Un CD remarquable qu'il est impossible de laisser. Je l'écoute quasiment en boucle.
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Trattoria da Marisa
Fondamenta San Giobbe
Cannaregio 652b,
041 720211
Fermé dimanche & lundi.
Voilà une adresse incroyable que j'ai peu souvent communiquée. Elle fera fuir certains mais elle régalera (au propre comme au figuré) les amateurs de bonne vraie cuisine casalinga vénitienne. Ceux qui veulent de l'authentique et non du Mc Disney. La truculente Marisa (sur la photo en train de préparer ses légumes) est bien connue des gondoliers et des fines bouches de Venise. On peut passer devant sans remarquer ce petit restaurant. Pas de publicité ni d'enseigne. Seules quelques tables au bord du canal signalent l'établissement. Bons petits plats et une hospitalité de plus en plus rare. C'est pratiquement toujours plein et les touristes peu nombreux (cela tient du miracle !). On y propose un menu, mais chaque jour la carte est différente et il faut se laisser entraîner par les suggestions de la serveuse. Les tagliatelles au canard sont réputées, mais aussi mes gnocchis et le ragù, cette sauce à la viande qui nappe si bien les spaghettis et prouve qu'on peut les cuisiner autrement qu'à la bolognaise. Les charcuteries sont de première qualité, comme les légumes. Même la viande est bonne, ce qui est rare en Italie et particulièrement à Venise. Son boeuf mironton à la vénitienne est à se rouler par terre. Quant au vin, il coule à flots et je puis vous assurer que l'ambiance ne manque pas. Et puis, pour parfaire le tout, l'addition n'est jamais salée. Il faut compter en moyenne un peu moins de 20 euros par personne, pour un repas complet.
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Enoteca Vino e Vini
Castello 3301, Fondamenta dei Furlani
Tél. : 041-5210184
Un magasin comme on aimerait en trouver partout. Un choix incroyable de vins et un accueil empressé, jovial et vraiment amical. Un lieu que je recommande vraiment malgré son succès auprès des américains et des japonais. Ils ont d'excellentes grappa et de grands millésimes du veneto mais aussi des autres régions viticoles d'Italie. Tous les prix.

09 septembre 2007

Traghetto

En attendant que la barque soit complète... Le traghetto vu du côté de la Strada Nova, devant le Palazzo Sagredo, qui permet de se rendre au marché du Rialto pour quelques centimes. J'allais dire pour quelques lires. Décidément, je ne m'y ferai jamais à cette monnaie unique...

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2 commentaires:

Mara a dit…
Je passe par là tous les matins ou presque pour aller à mon travail à l'Université. Nous vivons derrière la Strada Nova, près du Ghetto. Enzo qui vient de Ancona est un ami de Julia que tu connais. Bravo pour ton magazine et au prochain tramezzini al tonno-uova que je savoure promis je pense à toi !
Lorenzo a dit…
Merci Mara, un bon tramezzini avec un verre de prosecco pris au soleil sur une petite place tranquille, rien de tel pour reprendre des forces avant d'aller travailler; !

Mostra del Cinema : les résultats

La Mostra a fermé ses portes, les lions rentrent au bercail et la foule s'éparpille. Sur le ponton de l'Excelsior, le tapis rouge a été rangé. Les dernières vedettes s'attardent du côté du Harry's bar ou au Danieli (Woody Allen venu présenter hors compétition son nouveau thriller, reste quelques jours supplémentaires). Le jury vient de rendre son verdict. En voilà la liste.

Lion d'Or pour le meilleur film :SE, JIE (LUST, CAUTION) de Ang Lee (Usa/Chine/Taïwan)

Lion d'Argent pour la meilleure mise en scène :
Brian De Palma pour le film REDACTED (Usa)

Prix Spécial du Jury (ex aequo) :LA GRAINE ET LE MULET de Abdellatif Kechiche (France)
I’M NOT THERE de Todd Haynes (Usa)

Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine :
Brad Pitt dans le film THE ASSASSINATION OF JESSE JAMES BY THE COWARD ROBERT FORD de Andrew Dominik (Usa)

Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine :
Cate Blanchett dans le film I’M NOT THERE de Todd Haynes (Usa)

Prix Marcello Mastroianni à un jeune acteur débutant :Hafsia Herzi dans le film LA GRAINE ET LE MULET de Abdellatif Kechiche (France)

OSELLA pour la meilleure photographie :
Rodrigo Prieto, directeur de la photographie du film SE, JIE (LUST, CAUTION) di Ang Lee(Usa/Chine/Taïwan)

OSELLA pour la meilleure mise en scène :
Paul Laverty
du film IT’S A FREE WORLD… de Ken Loach (Grande Bretagne)


Lion d'Or spécial
décerné pour l'ensemble de son oeuvre à Nikita Mikhalkov
Les extraordinaires capacités et le talent du cinéaste russe ont été récompensé par un jury unanime. Son nouveau film confirme une fois de plus les qualiéts humaines de l'artiste. Roberto Ellero, le directeur de Venezia Circuito Cinema doit être très heureux, Mikhalkov est depuis longtemps un de ses amis. Je me souviens en 1985 à Bordeaux, lorsque j'organisais la présentation en France de son exposition "Venise, Cité du cinéma" ( je dois vous en reparler), Roberto Ellero apprit que Mikhalkov venait au cinema Jean-Vigo invité par son directeur l'éminent Alain Marty, les deux amis parlèrent ensemble devant un public médusé. Et notre vénitien déclara ce soir là au public bordelais :"vous avez en face de vous un des plus grands cinéastes du monde".

Section HORIZONS
Prix Horizons :
SÜGISBALL (AUTUMN BALL) de Veiko Õunpuu (Estonie)
Le Prix Horizons est soutenu par la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma avec une dotation de 20.000 €

Prix Horizons Doc :WUYONG (USELESS) di Jia Zhangke (Chine)

Mention spéciale du jury :
KAGADANAN SA BANWAAN NING MGA ENGKANTO (DEATH IN THE LAND OF ENCANTOS) de Lav Diaz (Philippines)

Section LEONE DEL FUTURO
Prix Venezia de la première oeuvre Luigi de Laurentiis :
LA ZONA de Rodrigo Plà (Mexique)
Aurelio De Laurentiis et la société Filmaro dotent ce prix de 100.000 dollars. Le réalisateur reçoit 40.000 € de pellicule Kodak

Section CORTO CORTISSIMOLion d'Argent pour le meilleur court-métrage :
DOG ALTOGETHER de Paddy Considine (Grande Bretagne)

Mention spéciale :
LIUDI IZ KAMNYA (STONE PEOPLE) de Leonid Rybakov (Russie)

PRIX UIP :
ALUMBRAMIENTO de Eduardo Chapero-Jackson (Espagne)

07 septembre 2007

Venise la joyeuse et non pas Venise la morbide


En 1869, mon arrière grand-père qui était parti se marier en Allemagne, fit son voyage de noces en Italie et notamment à Venise. Il a tenu le journal de ce périple et quelques documents retrouvés dans le cahier de moleskine noire (une ou deux photos réalisées, des cartes postales, un billet de vapeur, la facture de l'hôtel, etc...) rendent leur séjour très vivant. Nous avons toujours, dans un bel album relié, les photos qu'ils ramenèrent de leur voyage, magnifiques tirage sur carton, devenus aujourd'hui des raretés pour collectionneur.

Cela me donne l'occasion de vous parler des archives Filippi léguées par la famille à l'IRE, l'Istituto di Ricovero e di Educazione di Venezia où la dernière fille du grand photographe termina ses jours. Tomaso Filippi (1852-1948) était un photographe vénitien élève de Carlo Naja, qui passa sa vie à faire des clichés de Venise, des gens et des monuments. Une extraordinaire collections de souvenirs d'un monde disparu. En noir et blanc ou colorisée, les premiers clichés conservés datent de la fin du XIXe, les plus récents de la fin des années 40. C'est une incroyable source de documentation qui couvre toute cette période somme toute assez noire pour Venise, au propre comme au figuré. Après les années de la domination autrichienne et les débuts de l'Unité italienne, Venise n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle se paupérise. 
Psychologiquement, elle se méprise et se sent déconsidérée. Sa jeunesse devient ce qu'a été un temps la jeunesse misérable des Philippines. Elle se donne au plus offrant. Non, plutôt, elle se vend. Les murs s'effritent, les canaux sales ne sont plus nettoyés et les grandes familles désertent les palais pour Rome et se pavanent au Quirinal, (les mêmes qui avaient glané titres et couronnes à Vienne). Le petit peuple se sait abandonné. Les Richard Wagner, Thomas Mann, Maurice Barrès, Jean Lorrain, Jacques d'Adelsward-Fersen et tant d'autres se repaissent de cette atmosphère déliquescente qui va si bien à leur dandysme décadent. Ils vont répandre dans la mentalité universelle cette contre-vérité qui veut que Venise soit mélancolique, morbide et moralement décatie. Ne l'a-t-on pas appelé le "royaume des invertis" ou "Notre Dame des Mers Mortes"? Ceux qui la connaissent savent qu'elle est tout le contraire, la vie, la lumière, la fête, la joie, le rire. Derrière son apparente décrépitude, elle découvre à ceux qui l'aiment vraiment les restes grandioses de ce qu'elle fut des siècles durant, la reine de l'Adriatique. 
















Le pain des pêcheurs


L'excellentissime Venise Daily Photo présentait hier ce délicieux biscuit vénitien qu'on trouve dans les vraies pâtisseries comme celle que le webmestre mentionne à Cannaregio sur la Lista di Spagna, mais aussi sur celle qui est voisine du ghetto près du pont des Guglie, sur la calle Barbarie delle Tole, près de la maison de retraite de San Zanipolo, en face de l'école primaire du quartier. En fait c'est une sorte de macaron croustillant à la pistache et aux amandes. Comme sa couleur rappelle les produits de la mer et qu'il est assez dur et s conserve longtemps, on dit que les marins l'emportaient avec eux sur leur bateau. Il existait au Lido une petite pâtisserie spécialisée dans les produits à base d'amandes qui en faisait de délicieux : dur en dehors et moelleux à l'intérieur. A se rouler par terre. Cette même pâtisserie proposait une sorte de petite puits de fine pâte sablée garnie d'un onctueux mélange comme la torta di mandorla mais d'un parfum unique. Je vais rechercher l'adresse pour la communiquer aux amateurs de ce genre de délices.

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1 commentaire:


Pierre a dit…
Merci Lorenzo pour cet "Excellentissime" qui me touche même si mon blog n'en mérite pas tant... Et merci pour toute cette culture vénitienne que tu nous transmets avec régularité au fil des pages de Tramezzinimag.

06 septembre 2007

Polémique sur le Grand Canal.


Peut-être serait-il plus charitale de ne pas revenir sur l'échange violent entre le maire et l'un des vainqueurs de la Regata Storica l'autre jour sur La Macchina. Mais comme le Gazzettino en rajoute une couche aujourd'hui en annonçant l'ouverture d'une information judiciaire contre les protagonistes de cette malheureuse affaire, je ne résiste pas à l'envie de vous raconter ce qui s'est passé.

Le maire avait prévenu tout le monde : si les régates ne se déroulaient pas dans l'ordre et si les décisions des juges sont contestées, la commune annulerait toute la stagione remiera, saison sportive que les vénitiens attendent comme d'autres les internationaux de tennis ou la coupe de football. La journée semblait s'être parfaitement bien passée. Le cortege historique avait été très applaudi et sur la machina, si on s'ennuyait un peu entre deux courses, on appréciait la qualité des prestations sportives qu'offraient les différentes équipes, depuis les moins de 14 ans, les équipes féminines jusqu'aux anciens et aux gondoliers professionnels. Mais tout a basculé quand les vainqueurs sont arrivés sur le ponton officiel. La tradition veut que soit remis aux gagnants un fanion de couleurs ; l'équivalent des médailles d'or, d'argent et de bronze. Et soudain, le drame : un des protagonistes, classé troisième, a jeté son trophée dans l'eau du grand canal et en hurlant a voulu s'en prendre physiquement au jury, devant l'assistance médusée. Massimo Cacciari, qui a un tempérament bouillonnant et ne s'en laisse jamais compter (pour un philosophe, je l'ai rarement vu rester stoïque !), s'est mêlé de l'affaire et les deux hommes en sont venus pratiquement aux poings. En tout cas les injuers et les noms d'oiseaux ont fusé entre le rameur et le premier magistrat de la ville, plus petit mais teigneux. Bref, scandale sur le Grand canal. Et l'affaire apparemment ne va pas en rester là puisque la justice est saisie. 
Ne riez pas, il ya dans Venise les partisans et les opposants au vaincu râleur et cela discute sec dans les bars et les osterie. Tout cela en fait reste dans la bonne tradition des nicolotti contre les bartolotti. La République sérénissime savait faire : elle laissait ses administrés en découdre de temps à autre et d'une manière très officielle afin d'éviter ce genre de tensions qui persiste et finit un jour par permettre une de ces tragédies à l'antique, vous savez l'histoire éternelle des Capulet et des Montague (après tout Vérone n'est pas loin !). Mais l'échange entre le rameur et Cacciari n'a pas grand chose à voir entre le dialogue de Juliette avec son Roméo...