28 octobre 2007

Venise comme un décor : et si tout était en carton-pâte ?



Quand il y a des travaux ici, les échafaudages sont cachés par de gigantesques toiles peintes qui reproduisent la façade en réfection. Cela donne parfois, surtout la nuit, un aspect étrange. Comme un décor de cinéma ou de théâtre. Mêlé au silence de la nuit, aux éclairages qui transforment le moindre coin de rue en une œuvre d'art unique, l'effet est toujours saisissant. Le promeneur est soudain transporté dans un autre univers...

1 commentaire:

romi2424 a dit…
oui aux toiles peintes reproduisant les façades mais non non aux publicités comme celle de Dolce Gabbana sur le grand canal.

NEWS : Même les tickets ont pris l'eau

Le nouveau système Imob.Venezia qui va gérer informatiquement les abonnements et la délivrance des titres de transports de l'ACTV est en partie édité en France par la société ACS.  
 
Lors du déluge du 26 septembre dernier qui a causé de nombreux dégâts sur la Terre Ferme comme à Venise, la plus grande partie des cartons entreposés via Martiri della Libertà qui contenaient le nouveau matériel, a pris l'eau ! 50.000 cartes et des centaines de rouleaux faisant partie des nouveaux matériaux de la billetterie électronique sont repartis vers la France pour être éventuellement séchés et nettoyés ou plus certainement remplacés par le fabricant. Le sèche-cheveux ne suffisant apparemment pas devant l'ampleur des dégâts ! Cela retarde de plusieurs mois la mise en place de cette nouvelle billetterie. Heureusement que les autorités avaient prévu de conserver l'ancien système au moins jusqu'en mai prochain !
 
 

Benvenuti, amici di Bordeaux



Plusieurs amis ont - avec raison - choisi ce temps de Toussaint pour se rendre quelques jours à Venise. TraMeZziniMag leur souhaite un bon séjour, sans acqua alta (rien n'est moins sûr, mais c'est une expérience qu'il faut vivre), avec un beau ciel bleu et une jolie lumière. Mille choses à faire, mille lieux à découvrir ou à retrouver. L'essentiel à Venise se montre quand on flâne, au hasard de nos pas. Je sais qu'ils sauront prendre le temps, loin des chemins fréquentés inlassablement par les hordes de touristes. A ne pas manquer : Boire un verre de vin blanc en dégustant un tramezzini tonno-uova ou un toast (croque-monsieur) au café del Paradiso, face à la lagune, à deux pas de la Biennale, sur le coup de midi quand la lumière est la plus belle sur le Bacino di San Marco (la plus jolie vue d'ensemble de la ville), un café macchiato chez Rosa Salva aux pieds du Colleone ou sur le campo San Luca, un gianduiotto da passeggio chez Nico (ah! le délice de cette crème fouettée mêlée à la glace chocolat-noisette qu'on déguste en marchant le long des Zattere...), le spritz du soir au Margaret Duchamps avant d'aller dîner, après une agréable passeggiata. Enfin ils ne manqueront certainement pas non plus de goûter au Bellini du bar très cosy du Danieli (celui du Harry's Dolce n'est pas mal non plus), à moins qu'ils ne fasse assez beau pour déguster un verre de prosecco assis sur les marches de la Fenice, très tard dans la nuit en regardant passer les gens comme sur une scène de théâtre. Bonnes vacances à tous !

2 commentaires:

Lucie a dit…
merci Lorenzo, nous le boirons ce spritz à la santé de Tramezzinimag et de son auteur mais la prochaine fois fais nous plaisir, ne pars pas avant que nous arrivions ou n'arrive pas après notre départ ! Private joke !!!
Lucie & Antoine
venise86 a dit…
Sniff.. ce sera sans moi...

Projet Mosé, la lagune en travaux

Sur la motonave (semblant sortir d’une aventure de Tintin) qui effectue la ligne régulière Lido-Punta Sabbioni-Burano, la lente navigation se fraie un chemin au milieu du pharaonique chantier du MOSE (Moïse en italien) et acronyme de “Modulo Sperimentale Elettromeccanico”, qui permettra l’installation de vannes mobiles gigantesques sur les trois passes permettant l’accès à l’intérieur de la lagune. Ces vannes, une fois déployées permettront de limiter les entrées d’eau lors de marées d’une amplitude supérieure à un mètre, ces fameuses acqua alta dont la première de la saison a touché la ville il y a quelques jours. Sept marées d'importance critique sont constatées chaque année en moyenne.

Le dernier record date de 1996, avec 20 marées d’une amplitude supérieure à ce seuil. Selon le site salve.it, qui relaie l’avancement des travaux, 32% des travaux sont réalisés aujourd'hui. Sachant que la lagune est accessible par la mer via trois passes (Chiogga, Malamocco, et l’extrémité nord du Lido), il faudra respectivement 18, 19 et 41 vannes géantes pour fermer l’accès à la lagune.

Le système est en apparence simple : des ballasts remplis d’eau maintiennent chacune des vannes au fond de l’eau, comme des portes fermées. Lorsqu’il est nécessaire de fermer les passes, de l’air évacue l’eau des ballasts, chacune des vannes se relevant alors naturellement sous la poussée de la flottaison, formant rapidement une digue bloquant l’entrée de l’eau dans la lagune. Ce système mécanique de contrôle de la quantité de l’eau estimé initialement à 3,5 milliards d’euros est prévu pour être achevé à l’horizon 2012, et a déjà été réévalué à 4,2 milliards ! Les associations écologiques continuent de s'insurger contre ce système “lourd” et auraient préféré des interventions moins lourdes pour l’écosystème de la lagune déjà très perturbé par la pollution et le trafic maritime. L’origine du projet remonte à l’année 1966. Souvenez-vous : le 4 novembre, une acqua alta gigantesque submergea la place Saint-Marc sous 1,20 m d’eau, soit une cote de 1,94 m par rapport au niveau de la mer. Cette catastrophe sans précédent déclencha une vaste interrogation internationale sur le devenir de Venise. 
 
Il faut savoir que ce phénomène a toujours existé : on a dans les archives de la Sérénissime de nombreux témoignages et rapports des inondations de plus ou moins forte amplitude et ce depuis le VIe siècle (avec une interruption pendant la période de l'occupation française qui fut le commencement de tous les ennuis pour la ville), mais la République de Venise avait toujours réussi à préserver la lagune et la ville, et ce avec des techniques largement inférieures à ce que les moyens modernes peuvent permettre... Sans commentaire... 
 
Pour plus de détails, outre le site mis en lien ci-dessus, je vous invite à relire l'article paru dans TraMeZziniMag, en décembre 2005 (cliquez ici).

D'après archicool.com. © Photos de archicool.com

Il faisait très froid cette année-là

Il faisait très froid cette année-là. Un terrible brouillard s'était emparé de la lagune et semblait vouloir noyer de ses effluves la ville entière. La nuit tombait vite et cette humidité qui enveloppait tout, dégorgeant des murs sales, remontant du pavé des ruelles sombres et sales, la faisait frissonner. 

Élisabeth ne voyait de sa fenêtre que le gris du ciel et quelques masses informes sur le canal de la Giudecca. Le Palais était en permanence éclairé. Mais l'épouvantable odeur des lampes à pétrole et des becs de gaz l'incommodait. Elle se souvenait de son arrivée à Venise. Le cortège joyeux sur le grand canal. Certes il ne faisait pas aussi chaud qu'à Naples mais le soleil brillait et le ciel n'avait pas cessé d'être bleu depuis le départ de la résidence. L'empereur avait envoyé une énorme gerbe de fleurs roses et blanches, l'impératrice elle-même avait assisté à la cérémonie. La "plus jolie jeune fille de Naples" comme l'appelait Metternich devenait Son Altesse Sérénissime la princesse Edmund von Clary und Aldringen et rentrait, elle la descendante de hobereaux protestants que la révocation de l'édit de Nantes chassa de France, dans l'une des plus grandes familles d'Autriche, arrivée d'Italie au XIVe siècle. 

Le marié, grand et beau garçon de douze ans son aîné souhaitait séjourner quelques mois dans le beau Palais Priuli que sa famille avait acquis et somptueusement aménagé en 1808. Ils ne repartirent pour Vienne que très tard dans la saison et prirent l'habitude de passer à Venise les plus beaux mois de l'année. C'est à Venise qu'elle éleva ses enfants, tous nés en Autriche. Les grandes salles magnifiquement décorées que l'on remplissait de fleurs odorantes abritèrent de magnifiques soirées. La dernière datait d'il y a dix ans. Le 27 août 1867, la comtesse Edmée, l'aînée de ses quatre enfants, se mariait avec un gentilhomme chambellan du roi, Charles-Felix Nicolis de Robilant, ambassadeur à Vienne puis à Londres. La fête fut joyeuse, mais Élisabeth restait amère, le comte était aimable, très fortuné, mais il avait plus de quarante ans. Un mariage convenu. Comme son père, ambassadeur d'Autriche auprès de la cour de Naples, ce gendre était diplomate et servait le roi d'Italie auprès de François-Joseph.

Mais plusieurs saisons avaient succédé à cet été 1867. Elle avait commencé de tousser l'année où l'Europe de nouveau s'embrasa. Ses fils servaient la coalition allemande. Elle demeura à Venise toute l'année 1870. Quand son fils Karl-Richard, officier de cavalerie dans la Landwehr du 2e Régiment d'Uhlans autrichiens, lui écrivit de Versailles où l'Allemagne se proclamait impériale, elle frémit devant les conséquences de ces nouvelles convulsions du monde. Elle tenta de se distraire en surveillant de très près la décoration de sa chambre. Les hauts murs de stuc furent lissés et tendus d'une soierie peinte à la chinoise, où des oiseaux, tous différents, s'égayaient sur des branches en fleurs sur un fond d'un vert pâle délicieux. Elle avait fait installer une petite chapelle dans l'épaisseur des murs. Très pieuse, Élisabeth se sentait trop fatiguée dorénavant pour aller jusqu'à l'église voisine où elle distribuait ses aides. Ce goût de sang qu'elle avait toujours dans la bouche, sa pâleur, ce froid qu'elle ressentait à tout moment, cette lassitude, tout la confortait dans son inquiétude. Elle ne vivrait plus très longtemps. Il devait y avoir cette année-là un joli carnaval et tous ses enfants allaient arriver pour fêter l'anniversaire d'Edmund, né en 1813. Les Robilant resteraient quelques semaines avant de repartir pour Vienne en passant par Turin... 
Elle regardait par la fenêtre. Un bateau passa. Le ciel semblait s'être tout entier renversé dans l'eau de la lagune. Près d'un réverbère, en bas un mendiant chantait en grattant une mandoline. Une vieille faisait griller des marrons. L'odeur parvenait jusqu'à Élisabeth. Elle se mêlait au parfum des fleurs. Élisabeth avait très froid mais elle aimait regarder par la grande fenêtre. Quand Teresa, la petite femme de chambre entra avec le thé et les médicaments, elle semblait dormir sur le canapé. C'était le 14 février 1878. Le chagrin fut réel parmi la population de Venise. Conformément à ses volontés, l'église de San Trovaso où elle aimait tant prier reçut une importante donation. On lui dédia une chapelle, celle où siège cette magnifique sculpture de la Renaissance vénitienne qu'elle aimait tant. Carlo Lorenzetti réalisa un médaillon représentant la princesse. Quand le cortège funèbre passa la grande porte aux dauphins de bronze, un rayon de soleil, venu percer le brouillard, fit briller un instant les dorures de la gondole funèbre. Le mendiant non loin chantait en s'accompagnant d'une mandoline...
Cent ans plus tard, la grande porte aux dauphins de bronze s'ouvrit en grand pour laisser le passage au cortège funèbre d'une autre princesse Clary, Ludwine, la dernière à avoir vécu au Palais, petite-fille d’Élisabeth, aux amitiés mal choisies qui fut dit-on la maîtresse du Duce.
.
Illustrations : Portrait de la princesse Clary par Sargent et vue du monument 
à la princesse dans l'église San Trovaso par Stef (le Campiello).

2 commentaires:

Choubine a dit…
Merci, Lorenzo; très intéressant, votre récit.
Danielle (Campiello) a dit…
Encore merci...voici une très belle évocation qui complète admirablement votre réponse à ma précédente question....

27 octobre 2007

La nuit sans musique

Il faisait très froid cette année-là. Un terrible brouillard s'était emparé de la lagune et semblait vouloir noyer de ses effluves la ville entière. La nuit tombait vite et cette humidité qui enveloppait tout, dégorgeant des murs sales, remontant du pavé des ruelles rendait tout sombre et sale. Élisabeth ne voyait de sa fenêtre que le gris du ciel et quelques masses informes se mouvant sur le canal de la Giudecca. Le Palais était en permanence éclairé. Mais l'épouvantable odeur des lampes à pétrole et des becs de gaz l'incommodait. Elle se souvenait de son arrivée à Venise. Le cortège joyeux sur le grand canal. Certes il ne faisait pas aussi chaud qu'en été, mais cette journée d'avril avait été particulièrement délicieuse. La maison était remplie de fleurs et leur parfum embaumait. Tout était joyeux, dedans, dehors, le ciel, la lumière, les gens. Quelle différence avec le temps de ces dernières semaines. Tout semblait définitivement gris. Elle regrettait dans ces moments la douce chaleur de la maison familiale, le salon jaune, les rideaux rouges de sa chambre, les palmiers sous les fenêtres et la mer toujours bleue avec au loin Ischia. Le gris lui semblait seulement approprié pour un manteau ou une toque en renard. Il avait envahi sa vie et oppressait son cœur depuis que l'hiver était tombé sur Venise. Les rumeurs de guerre rendaient encore plus éprouvante cette torpeur glacée. Léopold n'apparaissait presque pas. Il partait tôt le matin et ne revenait que le soir, assez tard. Il était distant, préoccupé. Rien à voir avec le jeune officier fringant et affable qu'elle avait rencontré à Naples. Il ne parlait même plus en italien sauf aux domestiques. Il était toujours en uniforme comme sur un champs de bataille mais Venise n'était qu'une pauvre ville trop paisible que soixante années d'occupation avait définitivement asservie...


(à suivre)

23 octobre 2007

Le patio du Palais Clary

par Bruno Zupan, artiste slovène contemporain naturalisé américain.

____

1 commentaire:

Choubine a dit…
Que c'est beau.

La fille du consul en son joli palais

Avant que l'inanité des décisions bureaucratiques de Bruxelles ne nous pousse à la suppression de nos nombreux consulats et autres légations diplomatiques implantées depuis toujours dans les villes d'Europe, la République française occupait pour son administration le magnifique et imposant palais Clari sur les Zattere.
 
Appelé aussi palais Priuli-Bon ou Michiel, cette vaste demeure est depuis longtemps la propriété des princes Clari qui du temps du Consulat s'étaient réservés le dernier étage de l'immeuble. La Princesse Clari fut dit-on la maîtresse de Mussolini. Le palais date vraisemblablement des premières années du XVIIe siècle. Récemment restauré, il retrouve peu à peu sa splendeur passée. Inutile de préciser que du temps de la France, il n'y avait pas de budget pour opérer une restauration de l'ampleur de celle qui vient d'être réalisée. Mais il était plein de charme et j'y ai bon nombre de très heureux souvenirs. 
Le consul de mes années vénitiennes s'appelait Christian Calvy. Il vivait là avec sa femme Nicole et leur fille Agnès. Ancien consul de France à Chicago, ancien Premier Secrétaire à Ankara, des ennuis de santé et la chasse aux sorcières de l'administration Mauroy après 1981 l'avaient amené à ce poste. C'était avant la chute du mur de Berlin et ce consulat gardait encore une certaien importance stratégique. Sa circonscription consulaire comprenait Trieste, Vérone et Padoue. Parfois les dépêches continuaient de rejoindre Paris en code, informant le monde libre des mouvements suspects des supposées puissantes forces soviétiques. Son adjoint, le Vice-consul, Dillemann était un diplomate dans toutes la tradition du Quai d'Orsay, célibataire, mondain, raffiné et cultivé. Il habitait un magnifique appartement en haut du Palais Sagredo, sur le Grand Canal. Au-dessus du Consulat ou était-ce à côté, l'Alliance française avait ses locaux. Elle était tenue avec une poigne de fer par Lucienne Couvreux-Rouché, qui laissa à sa mort une énorme bibliothèque remplie notamment d'éditions originales de la plupart des romans à succès des cinquante dernières années le plus souvent dédicacés. 
C'est le hasard qui me permit de rentre au Palais Clari et d'en devenir un habitué. Mais peut-être l'ai-je déjà raconté. J'étais jeune, étudiant, désargenté et seul. L'hiver est terrible à Venise quand on est mal logé. Je passais des heures le soir au bar des Do Draghi, dit aussi le baretto, juste en face du campanile de Santa Margherita. A l'époque c'était le seul bar moderne. Tous les étudiants du quartier le fréquentaient. Les propriétaires étaient sympathiques. il y faisait chaud et j'y avais un crédit. Un soir dans la petite salle du fond nous étions cinq ou six. J'étais assis sur la banquette, dévorant le magnifique texte "L'erreur de Narcisse" de Louis Lavelle que j'avais déniché à la Querini Stampalia. A côté de moi, un petit groupe de poivrots sympathiques faisaient des paris idiots. A l'autre bout de la banquette, il y avait une jeune fille, brune, pas très grande, assez jolie qui lisait Françoise Sagan. En français. 

Elle venait elle aussi assez souvent dans ce bar. Nous ne nous étions jamais adressé la parole. Le pari des poivrots tomba sur nous : "une coupe de champagne si je parviens à les faire se rencontre ce soir" clama l'un des buveurs. Il réussit. Nous avons fait connaissance. Quand vint l'heure de rentrer, je lui proposais de la raccompagner. Elle m'avait dit ne pas habiter très loin. Nous avons bavardé de choses et d'autres. Puis, arrivés devant l'énorme porte du Palais Clari avec son marteau géant, elle m'a dit embarrassée "je suis arrivée". Elle a ouvert la porte (je crois qu'il y avait un portier à l'époque qu'il suffisait de sonner). Devant la beauté décatie du cortile, mon envie d'en voir plus était grande. La jeune fille me fit rentrer. Nous nous sommes promenés dans le petit jardin au bord du canal, puis nous sommes montés sur l'une des terrasses qui surplombent l'entrée d'eau. C'est là que le hasard a encore jailli dans ma vie. 

Elle m'avoua être la fille du consul. Nous avons parlé des pays qu'elle avait habité depuis son enfance. Elle venait de Chicago mais avant elle avait séjourné à Ankara. Je lui parlais de mon oncle diplomate qui y occupa un poste pour une organisation internationale. Il est italien, sa femme danoise et je parlais de mes deux cousines. "Tiens" me dit-elle, "maman jouait au bridge avec une danoise dont le mari était représentant de l'ONU et sa fille aînée sortait avec mon frère. Elle faisait du baby-sitting"... 

Nous parlions des mêmes. Cette coïncidence m'ouvrit à deux battants les portes du consulat. J'allais devenir le sigisbée de la fille du consul, son grand frère, son protecteur, son surveillant. Elle fut ma petite sœur, la compagne de mes peines et de mes doutes et l'instigatrice de mon introduction dans la société vénitienne. Dîners, soirées, réceptions, je connus dès lors une vie bien douce au Palais Clari où j'étais souvent convié en dépit de ma misérable garde-robe et de mes poches bien vides.



______

5 commentaires:

Danielle (Campiello) a dit…
Quelle belle histoire et si joliment racontée. J'y sens comme une note de nostalgie ...c'est vrai qu'être amené à fréquenter les aîtres de ce palazzo a dû vous laisser d'impérissables souvenirs.
Puis-je vous poser une question? Il y a dans l'église de San Trovaso une chapelle qui est d'ailleurs la pièce maîtresse de l'église : la chapelle Clary , dédiée à **** Elisabetta Alessandrina Clary et un bel autel avec un bas-relief en marbre blanc(1470) représentant des anges est attribué à l'école de DONATELLO ( j'en ai parlé sur les pages que j'ai consacrées à San Trovaso ) Je ne suis pas parvenue à situer cette Elisabeth Clary....
Je serais bien heureuse si vous pouviez me donner des renseignements sur elle. Dès maintenant,un tout grand MERCI
25 octobre, 2007 

Lorenzo a dit…
La princesse Elisabeth Alexandra était la fille du comte de Ficquelmont, diplomate autrichien ami de Metternich qui fut en poste à Naples et joua aussi un rôle important auprès du vice-roi face à Daniele Manin. C'est à Naples qu'elle naquit le 10 novembre 1825. Elle épousa SAS le prince Edmund von Clary und Aldringen, conseiller de l'Empereur dont elle eut quatre enfants. Son unique fille, Edmée se maria à Venise avec un diplomate italien, Charles Felix Nicolis de Robilant. Elisabeth mourut de Phtisie le 14 février 1878. Elle est enterrée au cimetière des étrangers à San Michele.
28 octobre, 2007 

Danielle ( Campiello) a dit…
Merci à vous Lorenzo.d'avoir pris le temps de me répondre et sans doute aussi d'avoir fait quelques recherches.. je tiens bonne note de votre réponse...:-)
28 octobre, 2007

anita a dit…
Vous racontez si élégamment qu'il est aisé de se faire son cinéma ...juste en fermant les yeux après lecture .
( en confidence : dès que mes activités me laissent un moment , je clique ici et là ...et à chaque fois je m'évade avec bonheur ! )
24 janvier, 2008
 
géraud a dit…
Le consulat d'aujourd'hui n'est certes pas aussi beau. Et la place de la république française pas bien grande à Venise.
23 mars, 2008

21 octobre 2007

Les galeries d'Art contemporain à Venise

De nombreuses galeries existent à Venise. Cependant, elels ne proposent pas toutes de la qualité de niveau "international". La plupart du temps centrées sur les artistes italiens, elles s'ouvrent aussi - surtout le temps de la Biennale - à des artistes étrangers. Beaucoup d'art graphique, de la peinture et hélas, comme partout, peu de sculture. Voici quelques lieux que j'aime visiter. La liste n'est pas exhaustive, loin de là. Il s'agit simplement d'un choix parmi toutes les galeries de la ville.
 
En tout premier lieu la galerie Bac Art Studio de mes amis Paolo Baruffaldi et Claudio Bazzichetto. Venise a la part belle avec une revisite de ses traditions. Les artistes de la galerie forment une cohérence appréciable. Ils permettent d'acquérir de jolies petites choses vénitiennes de qualité comme Lalla Malavezzi, David dalla Venezia, Ettore Greco, Ferruccio Bortoluzzi, Gianni Sabbioni, Pino Cimenti, Riva, Antonio Giancaterino. A voir notamment les jolis petits livres d'art de Baruffaldi.
Dorsoduro 862. tél. : 041.5228171
 
Galleria l'Occhio
Calle del Bastion Dorsoduro 181, Venise tel.: 041.5226550
 
Galleria del Leone tenue par un français, Pierre Higonnet, elle est située à la Giudecca, juste en face de l'arrêt du vaporetto (Palanca). On y trouve de tout. Cette année, l'exposition "Constellation" de Nicolas Alquin est particulièrement intéressante.
597 Giudecca, Fondamenta Sant'Eufemia
 
Galleria Contini
Né à Pistoia en 1950 mais vénitien d'adoption, et après avoir terminé ses études en 1969, Stefano Contini se consacra avec passion à l'art: d'abord dans le secteur des publications spécialisées puis dans l'activité de galeriste. Aujourd'hui, il existe trois galeries d'art Contini (Venise, Mestre et Cortina d' Ampezzo), considérées comme un solide point de référence, aussi bien au niveau national qu'international. Artistes: Fabio Aguzzi, Joseph Navarro Vives, Sandro Chia, Fernando Botero, Igor Mitoraj, Anton Zoran Music, Ida Barbarico, Giuseppe Cesetti, Carlo Guarienti, ...
Santo Stefano San Marco 2765 - Venise tel.: 041.5204942 
 
Galleria Tornabuoni fut fondée en 1981 à Florence. Dans chacune des galeries Tornabuoni existentes (Florence - Portofino - Forte dei Marmi - Milano – Venise) une exposition annuelle met en évidence les principaux stades de la carrière artistique d'un artiste italien ou de renom international.
Campo San Maurizio 2663 San Marco, Venise tel.: 041.5231301
 
Galerie Bugno
Artistes permanents: Arman, Bruno Saetti, Alighiero Boetti, Virgilio Guidi, Giuseppe Santomaso, Alberto Burri, Lalla Malavezzi, Livio Seguso, Salvo, Andrei Davis Carrara, Armando Pizzinato, Emilio Vedova...
San Marco 1996/A Venise tel.: 041.5231305
 
Flora Bigai Art Gallery
Fondée en 1988, la galerie est dirigée par Flora Bigai. Elle expose les oeuvres d'artistes nationaux et internationaux tout en prêtant particulière attention aux représentants du Pop Art tels que Tom Wesselmann, Robert Indiana et James Rosenquist.
Artistes permanents: Cingolani, Clemente, Indiana, De Maria, Haring, Hirsh, Marianello, Paladino, Stella, Pignatelli, Rosenquist, Warhol, Wesselmann, ...
Frezzeria, San Marco 1652, Venise tel.: 041.5212208

Galerie il Capricorno
Calle dietro la Chiesa San Marco 1994, Venise tel.: 041.5206920
 
Galerie il Traghetto
San Marco 2543 30124 Venezia tel. 041 5221188
 
Galerie Ravagnan
Fondée en 1967, la Galerie d' art Ravagnan est l'une des plus anciennes et prestigieuses galeries d'art contemporain de Venise. Le propriétaire, Luciano Ravagnan, aujourd'hui épaulé par ses enfants dans l'activité, ne s'est jamais laissé influencé par les courants émergents donnant ainsi la possibilité à de jeunes artistes de s'affirmer dans le cadre national et international.
Artistes: Ludovico de Luigi, Beppe Giuliani, Aron Demetz, Guido Anton Muss, Andrea Vizzini, Primo Formenti, Piero Principi, Giorgio Zennaro.
San Marco 50/A, Venise tel.: 041.5203021
 
Galleria Lo Greco où l'artiste expose son travail. C'est l'ancienne galerie de Giuliano Graziussi où j'ai fait mes armes avec Borai, de Chirico, Cossovel, Basaglia, Murer, Ludovico de Luigi, Ceselli, Matteo lo Greco justement et le maestro Arbit Blatas. Plein d'autres encore. Un lieu qui a compté dans la vie culturelle vénitienne, en face de la Fenice. Le travail de Lo Greco est très intéressant. Ses sculptures de bois ou de bronze comme ses dessins ont de plus en plus le succès que l'artiste mérite.
S. Marco, 199830124 Venezia (VE), Italy+39 041 5212582
 
Galleria PalaGraziussi. Giuliano Graziussi a remonté un espace d'art contemporain qui est aussi un lieu dévolu aux évènements culturels, dans un bâtiment historique où la biennale s'est plusieurs fois installée ces dernières années.
Antico Oratorio San Filippo Neri alla Fava, Castello 5500c, Tél. : 041 523 87 86

La 52e Biennale d'Art Contemporain ferme ses portes dans un mois. En attendant, voici le palmarès 2007 :

Quelques semaines encore et la 52e Biennale de Venise, placée cette année sous la direction de l'américain Robert Storr, et qui a déjà reçu plus de 230.000 visiteurs, ne sera qu'un souvenir. Le palmarès a été présenté vendredi à l'Arsenal. Il est inattendu et reflète bien la personnalité de ce jury international, présidé cette année par Manuel J. Borja-Villel, directeur du Musée d’Art Contemporain de Barcelone. Quatre lions d'or et deux mentions honorables. Le 10 juin dernier, quelques jours après l'ouverture, la Biennale avait déjà célébré le grand photographe malien Malick Sidibé, 71 ans, gloire de Bamako, en lui décernant un prix pour l'ensemble de sa carrière.

Lion d'or du meilleur pavillon national.
C'était le prix le plus attendu. décerné en 2005 à la française Annette Messager, il récompense cette année le pavillon hongrois et son concepteur Andreas Fogarasi. Né en 1977 à Vienne, l'artiste a participé à "Manifesta 4" à Francfort en 2002, et à l'exposition "GNS" au Palais de Tokyo, à Paris en 2003. Invité par Katalin Timar, l’artiste a proposé un projet intitulé, "Kultur und Freizeit", constitué d'une série de projections de documentaires dans des boîtes noires fonctionnelles mettant en lumière l’état actuel des centres culturels à Budapest. L’analyse de ces différents lieux pose en perspective les enjeux commerciaux de la culture nationale qui vont bien au-delà de la capitale hongroise.

Mention d'honneur
Sorte de deuxième prix, elle est allée au pavillon lituanien, pour le travail de Nomeda & Gediminas Urbonas.

Lion d'or attribué à un artiste de moins de 40 ans
Il revient cette année à la Jordanienne Emily Jacir, pour "une pratique artistique qui se concentre sur le thème de l'exil en général et sur la question palestinienne en particulier, sans tomber dans l'exotisme". Née à Amman en 1970, elle vit et travaille entre New York et Ramallah. Attribution qui peut-être qualifiée d'éminemment "politique".

Lion d'or de l'exposition internationale.
Appelé aussi lion d'or du directeur de la Biennale, il consacre un artiste présenté dans cette garnde mostra collective. Il a été attribué à un artiste Argentin, Leon Ferrari, né en 1920.

Lion d'or à un critique ou un historien d'art pour sa contribution à l'art contemporain :
Benjamin Buchloh, historien de l'art internationalement reconnu comme un des plus grands spécialistes de l'art de l'après-guerre. En 2005 c'était Franklin et Florence Rosenblatt, tous deux professeurs d'Art Moderne à Harvard.

Si l’histoire de Venise est représentative de cet extraordinaire métissage commercial et culturel, la Biennale s'avère depuis de nombreuses années l’espace mental privilégié pour confronter des propositions les plus innovantes. Mieux que Basel ou Paris. En dépit de la floraison d'évènements à vocation purement commerciale partout dans Venise à l'occasion de cette grande manifestation (tous les grands marchands internationaux sont là de juin à novembre !), la Biennale est un évènement artistique de grande portée pour la création contemporaine. Dépêchez vous d’y aller, l'exposition ferme ses portes le 21 novembre.

20 octobre 2007

De mémoire de chat on a beaucoup aimé naviguer pour la gloire de la Sérénissime

Sous le regard bienveillant de leur noble cousin ailé gardien des Évangiles, les chats de Venise sont les fiers descendants de félins marins, experts indispensables aux navires d'autrefois quand la Sérénissime dominait les mers. Les hommes s'occupaient de faire avancer les bateaux, les soldats les défendaient des attaques des pirates ou des infidèles, eux guerroyaient contres rats et souris. Ils éloignaient la peste et sauvaient les cargaisons. Ils portaient bonheur aussi. C'est pourquoi on les vénère à Venise où vous trouverez peu de gens pour faire la grimace quand on leur parle des chats qu'ils préfèrent le plus souvent aux chiens, depuis toujours. Quant aux chats, descendants de ces glorieux mercenaires, ils attendent toujours de pouvoir repartir sur les flots espérant renouveler les exploits d'autrefois...

COUPS DE CŒUR N°19

Requiem vénitien
Vincent Engel
Livre de poche
Ce n'est pas un livre récent mais comme il est rangé sur mes étagères consacrées à Venise non loin de l'ouvrage de Liliana Magrini dont je cherchais une citation l'autre jour, je trouvais important de le signaler. je sais que bon nombre de mes lecteurs le connaissent (clin d’œil à la bibliographie du Campiello qui est une des plus documentées et commentées). Situé à l'époque du soulèvement avorté de Daniele Manin - filleul et homonyme du dernier doge - c'est un texte qui démarre lentement mais qu'il est impossible de quitter. Bien écrit, c'est un des meilleurs romans "vénitiens" de ces dernières années.
...
Venise.net
Thierry Maugenest
Liana Levi PocheUn roman policier déjà ancien mais qui mérite d'être signalé. Très fin, intelligent et bien écrit, par un bon connaisseur de Venise, une énigme abracadabrante qui fait se télescoper les siècles et les gens. Tellement captivant qu'on n'a pas envie de le lâcher avant d'avoir fini la dernière page. Le genre de livre qu'on a envie de relire. L'auteur a vécu plusieurs années à Venise et maîtrise bien l'atmosphère et le caractère de la Sérénissime.
.....
........
Prosecco d'Arcane ValdobbiadeneFrizzante V.F.Q.P.R.D.
Cantine Umberto Bortolotti
Via Arcane, 631049 Valdobbiadene , Treviso
tel. (+39) 0423 97 56 68, fax. (+39) 0423 97 55 26
Quand vient le moment de l'ombra, le prosecco est le bienvenu. Ce vin naturellement pétillant (j'aime la dénomination italienne "frizzante") peut être atrocement mauvais - il y en a peu mais cela existe - ou merveilleusement bon. C'est le cas de celui-ci produit par la famille Bortolotti de Valdobiadenne, appellation contrôlée. Une couleur d'une jaune pâle, élégant en bouche, presque doux, il se marie parfaitement avec la cuisine légère d'aujourd'hui, avec des ciccheti ou seul en vin à boire frappé avec les amis.
...
Trattoria Antiche Carampane
San Polo, 1911,
Tél. : 041-5240165
http://www.antichecarampane.com/
Depuis toujours, le meilleur frito misto de tout Venise. L'accueil est chaleureux, la clientèle éminemment vénitienne et les prix pas trop douloureux. La maison ne sert ni Lasagne (au grand dépit de mes enfants), ni pizza. Pas de menu touristique non plus. Le patron explique bien que ce n'est pas par ségrégation mais parce qu'il ne sait pas faire autre chose que la cuisine vénitienne de Venise. Pas celle réinventée par de talentueux jeunes chefs de New-York. Du classique donc et du bon. Les desserts sont tous faits maison.
........
Enoteca Ai Artisti
Fondamenta della Toletta, Dorsoduro 1169/A
Tél. & Fax : 041 5238944

Ce local génial qui est un peu notre annexe (nous habitons à exactement trente pas de là !) a été ouvert il y a quelques années par un couple génial, Vincenzo Buonfiglio et Francesca Ciancio. Aux traditionnels cichetti (les tapas vénitiens) s'ajoutent des plats simples prétextes à la dégustation de délicieux vins blancs et rouges de toutes les régions d'Italie. c'est simple et raffiné à la fois. L'hiver tout le monde s'entasse à l'intérieur mais dès qu'il fait beau, les tables le long du canal de la Toletta sont bien agréables, à mi-chemin entre l'Accademia et la Ca'Rezzonico. Si vous avez de la chance vous tomberez un jour de dégustation de fromages ou de salaisons. Un vrai plaisir à chaque visite.

Crema Fritta
Ce n'est pas un dessert léger mais c'est tellement bon. Le froid venant, les enfants en raffolent et je crois pouvoir affirmer que c'est le dolce le plus typique de la tradition culinaire vénitienne. Facile à faire en plus. Peu d'endroits aujourd'hui en proposent encore sauf peut-être des magasins de pâtes fraîches. Dans certaines familles, on ne la fait pas frire mais seulement cuite et recouverte de sucre semoule. Il existe de nombreuses variantes. Voici celle que j'utilise.
Pour réaliser ce merveilleux dessert il vous faut : 1 litre de lait, 8 œufs, 200 gr de sucre semoule, 200 gr de farine, 1 citron, 1 bâton de vanille, 100 gr de beurre et du sel.
Faire réchauffer le lait et pendant ce temps, mélanger dans une terrine les jaunes et le sucre. Diluer la farine dans un peu de lait chaud et ajouter l'appareil obtenu dans la terrine. Saler, mettre le bâton de vanille fendu en deux dans le sens de la longueur, le zeste de citron râpé et tout le lait restant. Bien mélanger. Mettre l'appareil sur le feu et laisser cuire 10 minutes sans arrêter de remuer. On évite ainsi les grumeaux. Enlever la gousse de vanille et transvaser la crème sur une plaque ou un moule. Étaler pour que la crème fasse environ 4 cm d'épaisseur. Laisser refroidir et tailler en carrés ou en losanges. Passer les morceaux obtenus dans le blanc d’œuf battu puis dans de la chapelure et faire frire dans du beurre. Servir chaud.

19 octobre 2007

Venise en octobre

Ah quel joli moment que cette journée vénitienne. Le ciel est sans nuage, le soleil luit et une douce fraîcheur depuis ce matin transforme la lumière et l'air qu'on respire ici. Les gens ont l'air heureux. Rien à voir avec cette apparence maussade qu'ont tous les passants dans les rues de Venise quand la pluie s'installe. Pierres et corps sont alors comme imbibés de cette humidité qui semble ne vouloir jamais disparaître. Sous le soleil d'aujourd'hui, si rien ne ressemble plus aux paysages de l'été, voire des débuts timides de l'automne, il règne une atmosphère difficilement descriptible. Une sensation de bien-être, mais comme passagère, temporaire. 
 
Le vent frais se faufile dans les ruelles sombres et il a fallu attendre midi et le tintement joyeux des cloches de Zanipolo pour que frère soleil réchauffe les pierres. Les chats qui avaient disparu retrouvent la margelle des puits, les rebords de fenêtre mais on les sent attentifs, ils savent bien eux que tout ce bien-être n'est qu'éphémère. Demain, la Bora soufflera et le froid s'immiscera partout. Le silence se fera plus lourd et la joie d'entrer dans les derniers lieux qui semblent habités dans cette ville endormie, ces bacari chaleureux, sera la même que celle que doivent ressentir les explorateurs du grand nord quand ils retrouvent leurs abris après une longue expédition.

L'intérieur vénitien, Liliana Magrini nous guide...

Je viens de retrouver la citation, elle conclut une belle réflexion sur la manière dont on a pu concevoir la topographie de Venise au fil des temps et des besoins : 
"Étrangement, dans ces rues, on n'a jamais le sentiment d'être "dehors" : elles sont elles-mêmes l'intérieur vénitien." (*)
Si vous ne connaissez pas le livre de Liliana Magrini, je vous invite à le découvrir. C'est un pur bijou, un guide amoureux, authentique celui-là, écrit par une vénitienne dans ces années de Dolce vita où on a l'impression que la vie justement douce et apaisée après les sombres années de guerre ne se conçoit pour nous qu'en noir et blanc comme ces films italiens dont je raffole... La dame traduisait des ouvrages pour Gallimard. Elle fut très proche de Camus qui relut son Carnet Vénitien. Elle connut aussi Jean Grenier et Louis Guilloux, le grand poète breton. Elle a  aussi publié la Vestale, un roman paru en 1953,  toujours chez Gallimard, qui connut un certain succès.

Pour illustrer ces propos, ce cliché Afi de ma collection qui montre un instant de pause lors du tournage du film Canal Grande de Andrea Robilant avec Maria Denis (1943). Vous aurez reconnu le ponton du traghetto de S.Tomà à moins qu'il s'agisse de celui de Sta Maria del Giglio. je ne me souviens jamais et quand j'y passe j'oublie toujours de vérifier... Vous imaginez l'âge qu'aurait le chat aujourd’hui...

(*) : Liliana Magrini, Carnet vénitien. Éditions Gallimard, 1956.

Venise est une vaste demeure

C'est Liliana Magrini je crois qui dans son merveilleux "Carnet vénitien", (Gallimard, collection blanche, 1956) souligne qu'une des particularités de Venise, c'est que même dehors, dans les rues et sur les places, on ne sent pas vraiment à l'extérieur. C'est comme si nous arpentions les salles et les corridors d'une immense demeure. N'avez-vous jamais ressenti cela ? 

18 octobre 2007

La Vierge à sa fenêtre

Sept heures sur le campo...

Découvert sur choux de Siam, le blog d'une fidèle lectrice de Québec, redoutable linguiste et sympathique vénitienne de cœur, ce poème d'automne.
  Sept heures sur le campo sombre et désolé
C’est l’automne; quelques lumières s’interrogent
Et puis se taisent; l’étranger en longue toge
Effleure une ombre sur les pierres effacées

S’appelle-t-il présent, avenir ou passé
L’espace indéfini que sa mémoire abroge
Ses pas sur les pavés conjurent d’anciens doges
Fantômes indistincts de gloires inondées

Ils vont comme des souffles traversant la brume
Où dorment des jardins d’aurores évanouies
Sous les soleils d’étain des vaines amertumes

Dans le silence aveugle chemine l’oubli
Et cette angoisse noire que verse la pluie
Enveloppe en chantant Venise dans son lit

Line Gingras

Du cosmopolitisme comme règle de vie

[...]"Les plaisirs de l'Ailleurs, dans leur nécessaire diversité, sont encore le meilleur antidote contre les excès de l'intolérance intellectuelle ou esthétique [...] Ouvrir aux amoureux de l'écriture, et le plus largement qu'il se pourra, un espace fraternel qui ignore les limites". C'est ainsi que concluait Jean-Pierre Sicre, le fondateur des Éditions Phébus, dans sa présentation du premier numéro de sa magnifique revue Caravanes. Cela pourrait être le lei-motiv de TraMeZziniMag
 
C'est en tout cas l'idée qui a présidé à sa naissance et que je garde en tête quand j'écris. Le voyage, c'est bien entendu d'autres horizons à travers le vaste monde que ma chère Venise. Mais comme Xavier de Maistre avait sa chambre dont l'exploration le rendit célèbre, j'ai Venise et c'est pour moi aussi vaste que l'immensité de l'univers. Qu'il s'agisse des chefs d’œuvres de l'art et de l'architecture ou de ces endroits oubliés des guides et qu'on nomme la Venise mineure, tout m'est délice dans cette ville unique, matricielle, plantée au milieu de l'histoire des hommes et du monde moderne tout en étant indéniablement et définitivement extérieure à tout le reste. N'est-ce pas prodigieux d'être ainsi à l'épicentre du désir touristique universel et à la fois éloigné de tout ce qui constitue la cité moderne. Venise, l'unique milieu urbain qui soit à la fois contre-nature et totalement dans la nature... 
 
"Un bon feu, des livres, des plumes ; que de ressources contre l’ennui ! Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité, sans vous faire sentir leur triste passage." écrivait Xavier de Maistre en parlant du délice qu'il trouvait à s'étendre sur son vieux fauteuil. Mon quotidien vénitien ressemble un peu à cette description du farniente pourtant bien rempli de rêveries et de réflexions. Ce n'est pas de paresse dont il s'agit, bien au contraire. Plutôt d'un dilettantisme, prémisse du bonheur. 
 
Ce bonheur paisible qu'on ressent quand on se promène sans but précis, sans savoir où l'on est, dans les quartiers méconnus de Venise. Les odeurs, les couleurs et les sons que l'on croise y sont autant d'éléments constructifs d'une paix intérieure. Je ne connais pas de souci ni de peine qu'une journée ensoleillée d'hiver passée à errer dans les rues de Venise ne puisse soulager.

17 octobre 2007

17 octobre 1797, la trahison de Bonaparte

Je ne veux pas avoir l'air de m'acharner ni d'appuyer là où ça fait mal, pour nous vénitiens de sang ou de cœur, mais nous sommes aujourd'hui le 17 octobre. Il y a cent dix ans, les autrichiens et les français signaient le fameux traité dit de Campo-Formio (en fait Campo-Formido) où rien de fut jamais signé, mais dont la situation géographique à mi-chemin entre les territoires occupés par les français et ceux aux mains des autrichiens, était l'unique concession de Buonaparte aux usages diplomatiques. 
 
En fait c'est à Passariano, près de Venise, dans la somptueuse résidence d'été du ci-devant doge Ludovico Manin (qui devait y mourir cinq plus tard) que cet accord inique fut paraphé par l'envoyé de l'empereur François II et par Buonaparte. Et ce traité le fut contre l'avis de tous et en opposition totale aux ordres du Directoire et de Talleyrand, alors ministre des affaires étrangères de la République française. Le corse le savait et c'est pour cela qu'il pressa son interlocuteur autrichien d'accepter ses propositions avant même de recevoir l'accord de son maître, au mépris de toutes les règles et usages. 
 
Je vous invite à lire l'excellent livre "Napoléon et Venise" écrit par Amable de Fournoux paru il y a quelques années aux Éditions de Fallois. Notamment l'explication que l'auteur donne sur les raisons de la trahison du futur empereur des français qui en eut toute sa vie un certain remords et entacha jusqu'à nos jours sa légende, suscitant à Venise et ailleurs, une haine contre sa personne et sa famille, jamais éteinte et encore très virulente à ce jour.
 
Ludovico Manin, le dernier doge.

16 octobre 2007

C'est pure folie mais jolie tradition...

Il faisait si chaud l'été dernier. Un caldo africano. La tentation était grande pour ces enfants. Plonger du pont des Capuzzine et se rafraîchir dans l'eau du rio de San Girolamo, devant chez eux. Récemment nettoyé, débarrassé de sa vase et de sa puanteur, il semblait bien attirant. Autrefois (et jusque dans les années 80), les enfants avaient l'habitude de plonger ainsi des ponts de Venise et de nager sans l'au des canaux. C'était toujours un joli spectacle de voir ces petits barboter et sauter en craint, riant, sous le regard amusé des anciens qui eux aussi, au même âge, s'étaient adonnés aux mêmes loisirs.

Cependant, et sans vouloir jouer le rabat-joie de service, les analyses faites récemment des eaux de Venise, même dans les canaux curetés et restaurés montrent leur haut degré de pollution : plomb, zinc, hydrocarbures, mercure, arsenic et pesticides en tous genres... Un vrai bouillon de culture explosif !
 
Et les usines polluantes de Marghera, finalement ne semblent pas être seules en cause : le nombre croissant de bateaux à moteurs, les huiles et les carburants qui sont rejetés chaque jour, les eaux sales des maisons pleines de résidus de phosphate et de graisse, les eaux ruisselantes qui drainent les résidus de ferraille des toitures, la corrosion des marbres et des métaux des immeubles sont responsables de cette pollution. Sans compter les déchets des hôpitaux, des imprimeries... La présence quotidienne de 130.000 personnes, résidents et visiteurs a transformé cette eau en élixir empoisonné. Espérons que ces enfants ont pris de bonnes douches en rentrant chez eux !