26 septembre 2010

Félix et Fortunat, les héros de Chioggia

La messe retransmise ce matin à la RAI était célébrée depuis il Duomo de Chioggia, la belle cathédrale construite par Longhena, et dédiée aux saint patrons de la cité lagunaire, Félix et Fortunat. Chioggia qui célèbre le 27 septembre, le 900e anniversaire du transfert des reliques, est toujours très fière de ses patrons, dont on ne sait finalement pas grand chose. L'occasion d'une petite visite à Chioggia... 

Felice et Fortunato sont toujours représentés comme deux soldats romains qui sont allés jusqu'au martyre pour défendre la foi chrétienne et n'ont jamais renoncé à leur engagement. Sur la lagune, la tradition en réalité, les présente comme deux jeunes frères originaires de Vicenza, venus dans la cité d'Aquilée pour faire du commerce. Aquilée à l'époque de Dioclétien, était une cité florissante, son port très fréquenté, était le principal lieu d'échange entre toute l'Italie septentrionale et le reste du monde méditerranéen. Ces jeunes marchands chrétiens auraient été découverts un jour dans un bois, à proximité de la ville. L'empereur inquiet des progrès de ce qui était encore considéré comme une secte d'illuminés, avait ordonné les persécutions que l'on connait, après des années de tolérance. Les deux jeunes gens furent jetés en prison et condamnés à mort par le préfet Eufemio, après avoir été torturés pour les forcer à abjurer leur foi. Après leur décapitation publique, leurs corps furent recueillis par des chrétiens. Les restes de l'un furent transférés à Vicenza pour l'un et à Aquilée pour l'autre. Très vite, on constata des miracles et la foi populaire en fit des modèles. Quand les barbares envahirent la côté adriatique, les reliques furent transportées à Malamocco, où l'évêque avait transporté son administration. A Valence, on revendique aussi Saint Félix et Saint Fortuné, certainement homonymes, qui auraient été martyrisés en 212 dans cette ville, l'un en tant que prêcheur et l'autre en tant que diacre.

Pour des raisons de sécurité, l'évêque Enrico Grancarolo transféra définitivement son siège à Chioggia. Avec l'autorisation du doge, il fit transférer en grandes pompes les reliques des deux saints en 1110. Elles sont conservées dans la cathédrale, magnifique bâtiment baroque, à l'aspect extérieur sévère, mais somptueuse à l'intérieur. Longhena aurait été averti que le Sénat de Venise n'apprécierait pas une façade trop somptueuses qui pourrait éclipser celle de la Salute que l'architecte édifiait pendant la même période. L'urne qui contient les reliques ne date que de 1905. Due à un artiste de Chioggia, Aristide Naccari, est exposée régulièrement à la ferveur des fidèles. 

Si la cathédrale est un monument de toute beauté, la cité elle-même, en dépit de l'enlaidissement dû à la présence de la circulation automobile, mérite une visite. Chioggia était la ville la plus importante de la Sérénissime après Venise. Elle aurait été fondée, selon la légende, par un des compagnons d'Enée qui survécurent à la chute de Troie, et qui lui donna son nom. Important port de pêche, c'est un lieu attachant, où se mêle la tradition vénitienne et les temps modernes.
On y peut circuler autant en bateaux qu'à pied, en vélo ou en voiture. Des canaux semblables à ceux de la Venise, bordés de palais et de maisons anciennes, avec des ponts de pierre et de marbre en tous points semblables à ceux de Venise ou de Murano, font oublier la circulation très italienne qu'on retrouve, hélas, dans les calle étroites. La place principale est ainsi à la fois un marché, un lieu de promenade et un parking à ciel ouvert. J'avoue que j'ai du mal quand je m'y promène : déboucher sur une petite place ombragée, avec de beaux bâtiments, bordée par un canal tranquille et que des voitures occupent le moindre espace... Le centre urbain moderne a beaucoup perdu en laissant l'automobile le pénétrer. A Chioggia, camionnettes, triporteurs, bus et vespas semblent livrer à chaque instant un combat aux voitures et aux vélos. Mais, le port comme les vieilles ruelles restent plein de charme.



Il y a beaucoup à voir à Chioggia. Le Ponte Vigo, tout d'abord, qui est le plus beau et le plus artistique des neuf ponts qui enjambent le canal Vena. Il a été construit en 1685 pour remplacer un pont de bois détruit en 1378, lors de la guerre de Chioggia. C'est l'équivalent pour la ville du pont du Rialto de Venise. Il marque l’entrée dans la lagune et conduit à la Piazza Vigo, où trône une colonne grecque, en marbre surmontée d’un chapiteau byzantin du XIIe siècle où se dresse le lion de San Marco. Bien que subordonnée à Venise, sa suzeraine, Chioggia a toujours était une cité autonome jusqu'à l'arrivée des français en 1797 et la fin de l'indépendance. 



Autre place, la Piazza del Popolo qui est le véritable centre de la cité. C'est là que se dresse la belle église Sant’Andrea, dont la façade baroque se marie bien avec un campanile vénéto-byzantin datant du XIIe siècle. On y trouve aussi le Grenier, construction comprenant un étage soutenu par 64 colonnes, qui fut à la fois hangar, magasin des douanes et bourse de commerce de la ville. La cathédrale Santa Maria Assunta, dont il était question plus haut, les églises de la Trinité (1528), San Francesco (1454), San Martino (1392), l’ancien Mont-de-piété construit en1485, la Porte Garibaldi, le Museo Civico. Non loin de là, se dresse la belle plage de sable fin de Sottomarina, qui s'étend sur plus de 10 kilomètres.



4 commentaires : 

Michelaise a dit… Trop marrante la coïncidence... je faisais hier un article sur Fortunat mais pour expliquer le mien (de Fortunant) je ne suis pas allée à Chioggia mais à Poitiers (une sorte de mélange entre nom et prénom pour Venace Fortunat !). En tout cas, je suis ravie d'en avoir appris un peu plus sur ce saint peu commun... 
26 septembre, 2010 

J F F chemincompostelle a dit… Merci beaucoup. Cet article m'a énormément intéressé, j'avais et j'ai encore un certaine fascination pour Chioggia sans y être jamais allé. Sans doute à cause d'une photo représentant des bateaux de pêche à voile... Grâce à vous j'en sais plus. Bonne journée, 
J F F 
27 septembre, 2010 

Anonyme a dit… C'est vrai, Chioggia a beaucoup changée, en seulement 10ans ; je me souviens de journées radieuses à flaner le long des quais en dégustant des tomates et des tramezzini achetés aux petits commerçants. Las, les vélomoteurs sont arrivés, pétaradant à n'en plus finir, puis les voitures. On peut toujours, heureusement, y déguster une délicieuse tasse de chocolat pour à peine plus d'un euro en face du marché aux poissons. Et puis, Chioggia, c'est le souvenir de Goldoni, et on y donne encore des représentations en plein air, comme en son temps. Et le dépaysement que procure le trajet pour s'y rendre depuis le Lido, est fabuleux. 
Gabriella 
27 septembre, 2010 

Lorenzo a dit… Vous avez tout à fait raison Gabriela. Pour ma part, l'excursion au départ de Venise quand j'ai la chance d'être avec des amis possédant une barque est un délice. Ce qui est intéressant en fait c'est de voir ce que Venise serait devenue si la circulation automobile y était possible. Cela conforte bien l'idée que la Sérénissime, même décatie et envahie de touristes, se situe "hors de la durée", il y a en elle quelque chose qui crée un effet d'éternité et ce quelque chose n'est-ce pas justement la pleine et authentique lisibilité du passé sans - mais pour combien de temps encore - qu'il s'agisse d'une lecture figée derrière les vitrines trop lisses d'un musée ? Chioggia permet de prendre conscience de cela me semble-t-il. 
27 septembre, 2010

24 septembre 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 10) : Pelin Esmer

10 to 11
Film
de Pelin Esmer
Turquie (2009).

Je ne regarde pas souvent la télévision. Mais j'étais la nuit dernière en panne d'inspiration et mon fournisseur d'accès internet offre plusieurs dizaines de chaînes. Mon écran étant doté d'un tuner, j'ai tenté ma chance. Sur une chaîne dont je n'avais jamais entendu parler, j'ai découvert un film turc réalisé par une jeune femme, Pelin Esmer, qui m'a bouleversé, au point de me laisser éveillé jusqu'au générique de fin, vers 2 heures du matin... Un film d'auteur tout en finesse, intelligent, émouvant et d'où se dégage une impression de sérénité et de paix qui finalement devraient toujours aider l'homme à surmonter ses déboires et ses deuils. Mithat Bey est un vieux monsieur de 83 ans, retraité de la police, qui vit seul dans un appartement situé au 4e étage d'un immeuble des années 50 qui a tellement souffert des secousses sismiques qui s'emparent régulièrement d'Istanbul, que l'ensemble des copropriétaires s'est mis d'accord pour le démolir et reconstruire à la place un bâtiment moderne. Le vieux monsieur ne l'entend pas de cette oreille. C'est qu'il a élaboré tout au long de sa vie une "collection". Vieux journaux (depuis 1950, toujours achetés en double exemplaire), jouets d'enfants, bouteilles jamais ouvertes, montres, pendules et réveils, et mille autres objets s'entassent donc chez lui, qui constituent une sorte de musée hétéroclite. A la suite d'un dégât des eaux, le vieil homme est obligé de faire rentrer chez lui son voisin du dessus, instigateur du projet de démolition.
En pénétrant dans l'appartement, le voisin est abasourdi par ce qu'il ne considère que comme du fouillis. Pour aller jusqu'à la fuite, il faut se frayer un chemin entre des piles de livres et de journaux, des cartons remplis d'affaires. Comme le voisin, le spectateur se demande un instant si le très attachant Mithat Bey n'est pas une sorte de maniaque un peu obsessionnel. On le voit par exemple noter le nombre de jours qu'a mis un de ses nombreux réveils pour avancer de quelques minutes, ou bien on assiste au soin très précis qu'il met à découper et coller une étiquette sur un carton protégé par un plastique où sont déjà posés de nombreuses autres étiquettes... Mais non, Mithat Bey est seulement un passionné, amoureux des choses et très "réglo" avec elles. C'est un gardien. Il les maintient en vie et le portent hors du temps. Le personnage est émouvant, attendrissant mais jamais ridicule. Il va son chemin et s'achemine vers sa fin. Mais le sujet n'est pas là. Le concierge de l'immeuble, un jeune père de famille venu de la campagne, va aider le vieux monsieur à alléger son appartement, suite à la visite des services de l'hygiène qui prétendent que tout ce fatras pourrait faire s'écrouler les planchers. D'abord réticent, je jeune homme va faire pour le vieux monsieur, les courses que celui-ci ne peut plus faire, puisqu'il attend le retour de ces messieurs de l'hygiène. Peu à peu le concierge va découvrir avec ses traversées d'Istanbul, une indépendance nouvelle pour lui. Il va faire ce qu'on lui demande, mais s'achemine aussi vers une vie nouvelle. Il veut faire revenir sa femme et sa fille, parties parce que la loge était trop humide pour l'enfant... La question qui se pose tout au long du film, n'est pas la fuite du temps. C'est plutôt l'envie de sauvegarder "hier, aujourd'hui et demain", comme l'explique la réalisatrice. C'est une question de sauvegarde qui s'exprime aussi par l'excellent second rôle, Ali interprété par Nejat Esmer, le concierge, quand le neveu du vieillard pense plutôt au profit que tous pourraient retirer de la vente de la collection... Ali sera celui qui perpétuera "l'art" du collectionneur, même au prix de quelques forfanteries plutôt liées aux nécessités de la vie qu'à un désir de nuire, selon la réalisatrice. Mais ne racontons pas tout le film. 
Sachez juste qu'il a connu un joli succès en Turquie. Je ne sais pas s'il a été distribué en France, mais il le mériterait. Il a déjà été primé dans de nombreux pays, la réalisatrice commençant doucement mais sûrement à se faire un nom (Oyun un de ses précédents longs-métrages avait été très bien accueilli à Venise en 2008). Elle a récemment reçu le prix spécial du jury au Festival d'Istanbul. Elle a également été primée à San Sebastián, à Tromso (Norvège) et à Toronto, ou encore à Abou Dhabioù elle a reçu le prix du meilleur film du Moyen-Orient.
Quand je compare ce petit bijou, sans aucun effet de manche, sans parti pris d'esthétique, humble, efficace comme un documentaire, mais bourré de poésie et d'amour, à l'inutile Palme d'Or 2010, je me pose des questions sur l'état mental de Tim Burton et de son jury... Non, je rectifie, je n'ai jamais cru que Monsieur Burton était tout à fait normal dans sa tête, au vu de ses films que j'abhorre. Mais, chers lecteurs, une fois encore, il ne s'agit que d'une opinion personnelle. Que ceux qui auront pu voir 10 to 11 me fassent part de leurs impressions. Moi en tout cas, je vais suivre de très près le travail de la jeune et jolie Pelin Esmer.

................................................................................................

3 commentaires:

micha venaille a dit…

Et en plus de tous vos autres dons, vous parlez turc?

Micha Venaille a dit…

PS C'est moi qui vous ai dit le bien que je pensais de Oncle Bonmee l'autre jour, je ne voulais pas signer "anonyme". Mais je partage votre aversion pour Tim Burton - dont je me refuse à voir les films.Nous serons à Venise du 3 au 9 octobre, si nous vous croisons ( à la librairie française?) nous vous reconnaîtrons peut-être? Nous logeons sur la place de l'Arsenale au dessus du petit café et allons inaugurer la maison qu'une amie a restaurée, à Burano, Terranova, face à la lagune (bien qu'il y ait le chantier pour le tout- à- l'égoût juste sous ses fenêtres!). Si vous passez par là le 8 au soir...C'est aussi une vos " lectrices" Et à quand votre livre?

Lorenzo a dit…

Non du turc, je ne connais que quelques mots hélas. le film sur If Télévision était sous-titré en français. Cela étant, c'est vrai que cette langue est belle, moins gutturale que l'arabe. Mais c'était la langue des envahisseurs de Byzance, les ennemis de Venise. Ce fut la langue de l'administration où mon grand-père travaillait pour le compte de l'Italie jusqu'à l'arrivée d'Atta Türk qui bouta tous les européens de l'administration. Une histoire de famille donc...

03 septembre 2010

Gourmandise pour finir l'été en douceur : Succès d'Amalfi

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma petite famille, les vacances 2010 ne laisseront pas le souvenir d'un été caniculaire où il ne faisait bon que faire la sieste à l'ombre de notre beau mûrier ou se baigner sans fin. Pour une journée estivale, nous avions deux voire trois jours de frimas. Après la plage et les ballades, c'était chaque jour, un bon feu dans la cheminée ! L'idéal pour bouquiner certes, mais aussi pour cuisiner. C'était donc l'une de nos grandes occupations de l'été. 

Voici une recette que j'avais depuis longtemps l'intention de réaliser. La refaire aujourd'hui, maintenant que la rentrée est passée, les livres scolaires recouverts et les cartables remplis, c'est donc un peu prolonger les vacances. L'arrière-saison s'annonce belle et chaude. Demain la plage. Prenons des forces avec ce :

Succès d'Amalfi.
Ce qu'il vous faut : 4 belles poires parfumées et mûres à point (j'ai utilisé de belles Doyennés du Comice, mais d'autres variétés sucrées et parfumées peuvent aussi faire l'affaire : Beurré Hardy, Conférences, Crassanes...), 100 grammes de noisettes pilées, le même poids de blanc d'oeufs et 150 grammes de sucre glace, 400 grammes de ricotta, 100 grammes de fromage blanc genre Philadelphia (ou à défaut de Saint-Moret), de la gélatine, une pincée de sel et un peu de cassonade, un citron, 1 gousse de vanille.
.
La préparation :

Faire cuire les poires au sirop (eau + sucre + gousse de vanille coupée en deux dans le sens de la longueur + filet de citron) en ayant soin de couper les fruits en petits morceaux.

Battre les blancs en neige ferme en mettant dans le saladier une pincée de sel et une autre de sucre. Ajouter ensuite 50 grammes de sucre glace et les noisettes. Verser la pâte obtenue sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Faire cuire à 140°. La préparation doit brunir un peu mais ne pas trop sécher. sortir du four et laisser refroidir.


Pendant que la pâte refroidit, passer la ricotta au chinois (ou au tamis si vous en possédez un) et la verser dans un saladier, y ajouter 100 grammes de sucre glace et le fromage blanc. Faire fondre la gélatine, la mélanger à la préparation et ajouter en dernier les poires cuites au sirop. Bien mélanger.
Découper à l'emporte-pièce des ronds de pâte. Dresser sur chaque rond le mélange ricotta-poires et couvrir avec un autre rond. Laisser au frais (mais pas au froid)au moins 3 heures afin de laisser ramollir les ronds de pâte au contact de l'appareil, sans qu'ils deviennent trop mous. Saupoudrer de sucre glace et dresser sur un plat de service. Succès assuré. D'où le nom donné à ces petits gâteaux inspirés d'une recette almafitaine très réputée mais bien plus sucrée et riche que ma recette !
Un grand merci à Paola pour sa recette 
(légèrement modifiée ici !)

26 août 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 9) : Quand une (grande) citrouille devient un ravissant appartement

Tramezzinimag prétend certes à son statut de Magazine virtuel, mais sans les inconvénients habituels des revues que sont les nombreuses pages de publicité. Venant de ce monde de la "communication" - Chaban-Delmas le héros de ma jeunesse, tout comme Mon maître Jacques Ellul, appelait cela de la "propagande" ! - où publicité, marketing, relations publiques et lobbying hantaient mes journées, je sais combien il est nécessaire de faire appel à ces moyens, mais pas dans Tramezzinimag. Pourtant, il faut parfois déroger à la règle et laisser l'enthousiasme se répandre au risque d'être accusé de "faire de la publicité déguisée"...
 
Cette longue digression-introduction pour vous parler d'un site découvert par le hasard d'une conversation entendue dans un café parisien, près de la belle église Saint-Gervais, il y a quelques mois. Installé à une terrasse en attendant des amis, j'écoutais sans y prêter plus d'attention que cela la conversation de mes deux voisines, une brune aux beaux yeux clairs et une ravissante rousse pleine de tâches de rousseur. Ce type de parisiennes actives, souvent cultivées, qui parviennent avec grâce et détermination, à mener de front vie de famille et activité professionnelle, sans rouler des mécaniques ni donner de leçons. On est tellement loin de la prétention des femmes de province (en tout cas d'un certain type de provinciales, très répandu dans le bordelais...).
Ces charmantes personnes qui portaient une quarantaine flamboyante papotaient. La conversation arriva sur l'Italie. La jeune femme brune évoqua son récent séjour à Venise. A la question des lieux qu'elle pourrait recommander, je tendis évidemment l'oreille. Le mot Venise, vous vous en doutez bien, titille en permanence ma matière grise. J'ai toujours l'impression qu'on parle d'un être qui m'est proche et, tous mes sens aux aguets, je guette le compliment ou la critique, prêt à intervenir si l'honneur de ma belle était mis en jeu... Rien de tout cela ce jour-là, dans cette ruelle tranquille qui double la jolie rue du Pont-Louis-Philippe. La dame ne tarissait pas d'éloge sur l'atmosphère, la tranquillité, la beauté de notre chère Sérénissime. Elle expliqua avoir logé, avec son mari et leurs deux enfants, dans un sympathique appartement près de l'église des Frari, non loin de San Rocco. Je notais le nom. Il m'était déjà familier. Quelques lecteurs le connaissent et des amis vénitiens m'en ont parlé : C'est Il grande Cocomero, ("la grande citrouille", les lecteurs des Peanuts connaissent), que je vous invite à visiter virtuellement. Le site - en trois langues - est extrêmement bien fait.
 
 
En plus petit, j'y ai retrouvé l'atmosphère et le charme de notre bonne vieille maison de Dorsoduro. Rue tranquille, intérieur chaleureux, sans façon, facile à appréhender, très fonctionnel avec un agréable jardin et tout ce qu'il faut pour rendre un séjour hors de chez soi aussi confortable et doux qu'une fin de semaine dans son propre nid douillet. Les prix sont convenables et quatre personnes peuvent y habiter sans se cogner les uns aux autres. Enfin, les propriétaires font un véritable travail d'Accueil : plans de la ville, disponibilité, gentillesse sans cette attitude mielleuse des vendeurs de sommeil de plus en plus nombreux à Venise. De plus, amis des animaux, ils encouragent les propriétaires de chiens (ou de chats) à ne pas les laisser, ils sont les bienvenus au Grande Cocomero. Notre chat Mitsou serait très heureux de pouvoir paresser sous le soleil dans le joli petit jardin. Voilà de quoi redonner de l'optimisme à ceux qui déplorent ce que nos temps sont devenus. Une de mes voisines dans ce café à Saint-Gervais restait dubitative "Mais quand même, Venise ça sent mauvais et il y a trop de touristes". La jeune femme brune a simplement haussé les épaules : "nous on a passé huit jours merveilleux et nous y retournerons l'année prochaine"... Quant à moi, je vais tester très vite pour vous en reparler.
Il Grande Cocomero
San Polo, 2510
Calle Donà o del Spezier
(00 39) 041 71 04 12

04 juillet 2010

Bobo Ferruzzi, notre ami

Il y a plus de quatre mois déjà que le peintre Bobo Ferruzzi nous a quitté. C'était le 15 février 2010. Il était âgé de 82 ans et ses derniers mois de vie ont été marqués par la maladie. Cet homme très actif, plus que vivant, débordant d'énergie et de lumière a cessé de lutter et s'est abandonné au destin commun. Mais outre les traces immuables de sa bonté et de sa délicatesse, son œuvre demeure après lui et c'est un peu d'immortalité qui lui est ainsi donnée. Bobo est toujours parmi ceux qui l'aiment. Avec Hélène sa femme, avec Nora et Roberto ses enfants. Avec ses amis vénitiens et les autres, ceux de partout ailleurs.

Pour lui rendre un dernier hommage, ses amis sont venus du monde entier. Ils se sont rassemblés dans une église bondée où de nombreux vénitiens étaient là aussi. Beaucoup de (belle) musique, avec un chœur que dirigeait Livio Piciotti et la soliste Ulli Piciotti, dont la voix de soprano respirait l'émotion ; du violoncelle aussi, qui était l'instrument de prédilection de Bobo. Il y eut aussi de nombreux discours. L'écrivain Donna Leon parla longuement de la Venise que Bobo, comme à tant d'entre nous, lui fit découvrir. Cette Venise grouillant de joie et d'âme, profondément vivante et secrète dont on retrouve la description dans chacune des aventures du Commissaire Brunetti. L'écrivain rappela avec ses mots, bien des anecdotes que nous pourrions tous raconter, tant nous fûmes nombreux à en vivre de semblables : les coups de gueule face à la bêtise, les rires et les plaisanteries, la poésie, tout ce qui émanait de Bobo quand il parlait de Venise et de la lagune. Vif, drôle, généreux, avec un sens aigu, comme absolu, de la Beauté. Ceux qui admiraient les jolis verres soufflés à la bouche, aussi fins que ceux du XVIIe qui étaient utilisés à sa table, avaient souvent la surprise d'en trouver un carton dans leur valise. On avait apprécié le vin délicieux servi à sa table, aussitôt on repartait avec une ou deux bouteilles... Cette générosité discrète caractérisait le personnage. Bobo n'arrêtait jamais de faire des cadeaux, des coussins et des pièces de ces somptueux tissus en velours de soie de Norelène, créations d'Hélène et de Nora Ferruzzi, des céramiques vernissées qu'il fabriquait comme autrefois, ... Donna raconta qu'il s'était même occupé un jour d'un problème de plomberie dans l'appartement où elle venait de s'installer... Le suisse Yves Tabin, soulignant lui aussi la générosité du maestro et l'amour qu'il portait à ses amis, rappela qu'il est maintenant de la responsabilité de tous ceux qui l'ont connu de garder la mémoire de cet être d'exception qui a su tant donner. Cet héritage immatériel que nous devons conserver dans nos cœurs. Ses amis se sont ensuite retrouvés chez lui, parfois après plus de vingt ans d'absence. Inutile de dire que Bobo était présent dans tous les échanges, toutes les conversations.

Quelques années après mon départ de Venise, jeune marié, je retournais avec ma femme et des amis à Venise. Je voulais naturellement rendre visite à Bobo. Il avait des raisons de m'en vouloir. J'avais travaillé pour lui chaque jour et il se reposait entièrement sur moi pour la tenue et le suivi de la galerie, mais mes projets de "Semaine de Venise à Bordeaux" m'occupaient tout entier et je passais mon temps pendu au téléphone avec la France (la note fut salée cette année-là), une fois la manifestation terminée, j'aurai dû revenir et reprendre mes activités auprès de lui. Il n'en fut rien, puisque je devais me marier quelques mois après et ne revint plus qu'épisodiquement, hélas. Pourtant, l'accueil de Bobo fut chaleureux. Il m'embrassa comme un vieil ami en me tendant la main. Sa poignée vigoureuse ne cachait aucune amertume. Il était content de me voir et c'était comme si nous nous étions vus la veille. il embrassa ma femme qu'il connaissait à peine, et mes amis qu'il n'avait jamais vu. Quelques minutes plus tard, nous étions tous les cinq assis dans le salon, en train de déguster un des vins délicieux qu'il avait toujours en réserve. Servis dans ces fameux petits verres soufflés à l'ancienne dont je conserve encore un ou deux exemplaires chez moi. En un instant les amis qui m'accompagnaient furent conquis. Impossible de rester de glace face au personnage. Bobo était un de ces êtres rares qui vous donnent l'impression d'être plus intelligent après l'avoir rencontré. Un maître d'heures à la générosité éclatante. 

Rien n'avait vraiment changé. L'entrée entourée des étagères où sont rangées la plupart de ses toiles et des livres, puis  la salle de séjour qui fait office d'atelier, de salon et de salle à manger en même temps. Bobo s'installa dans un des fauteuils recouverts de toile peinte par ses soins où se retrouve toute la lumière joyeuse de ses peintures. Il nous invite à nous asseoir. Je retrouve le grand canapé où je me lovais parmi les nombreux coussins, quand Bobo m'invitait l'hiver, avec le feu dans la petite cheminée aux colonnes torsadées noircies par la fumée. Je crois entendre encore le son de sa voix presque enrouée, son accent un peu guttural mais plein de chaleur, quand il parlait français. Quand nous travaillions ensemble, il s'adressait souvent à moi en dialecte. Tout était couleur chez lui, même ses pensées. Je ne sais plus sur quoi porta la conversation. Il cherchait un document sur la table, derrière lui sur les marches de la mezzanine. Il y en avait partout, dans un savant désordre. Comme avant. Quand il parlait de la peinture, mais aussi de Venise, son regard s'illuminait, ses gestes se faisaient plus amples comme pour appuyer sa pensée. Et tous étaient captivés. 

Il aimait particulièrement parler des peintres qu'il a connu et qu'il aimait. Certains artistes ne parlent que de ce qu'ils ont fait, pas du travail des autres qu'ils critiquent le plus souvent. Pas Bobo. Il fallait l'entendre parler de Luigi Tito par exemple, de Pisis ou Vedova ou d'autres grands. Il les nommait par leur prénom. Luigi par-ci, Emilio par-là. Venise n'est pas si grand. A fouler les mêmes pavés, on finit toujours par se croiser et faire connaissance n'est-ce pas. Il savait admirer le talent des autres et Bobo le géant se faisait alors tout petit, très humble. Il racontait les rencontres de son adolescence à la Pensione Bucintoro qui appartenait à ses parents, avec les peintres comme les bordelais André Lhôte et Albert Marquet, mais aussi Raoul Dufy, François Desnoyer avec qui il réalisera bien plus tard une fresque près de Perpignan.

Un de ses amis a dit de lui que "s'il aimait peindre avec passion, et ne peignait plus que Venise, ce n'était pas un artiste, mais un amoureux qui ne peut se passer de croquer celle qu'il aime avec passion". Il ne peignait que par amour, c'est vrai. Rien dans ses propos n'était jamais lassant. Sa voix dans ma mémoire est associée au feu qui crépite dans la cheminée, mais aussi au clapotis de l'eau autour de la barque quand je l'accompagnais du côté de San Giorgio. Il y peignit cette série de longues toiles représentant les Schiavoni que l'on exposa longtemps dans la salle du fond... Hélène, toujours discrète et souriante écoutait son mari. Elle partageait avec lui cet amour inconditionnel du beau,de la lumière etd es couleurs. de la musique aussi. Avant de connaître Bobo, elle avait fait partie du groupe Hesperion XX de Jordi Savall. Je me souviens d'un disque Erato que l'on écoutait souvent chez eux. Je ne sais plus quelle était l'œuvre qu'ils me firent découvrir. une merveille, en parfaite adéquation avec le décor de cette maison plein de vie et d'amour. Hélène parlait peu, mais ses yeux étaient illuminés de gentillesse et de douceur. A l'image des étoffes qu'avec Nora, la fille de Bobo, elle a créé pendant des années. On y retrouve les mêmes harmonies, la même force sereine que dans les peintures de Bobo, les petites sculptures de cartapesta que Bobo s'amusait à peindre. L'une d'entre elles, qu'il décrocha un jour du mur derrière la table de sa salle à manger, trône sur mon bureau. Il émane d'elle tout ce qui caractérisait le travail de Bobo. Harmonie, beauté, vie, chaleur... Cela jaillissait de partout chez lui, jusqu'au revêtement des sièges du salon, les chemises du maestro. A ces images qui reviennent en mémoire, se mêlent les bonnes odeurs des repas - concoctés alors par leur vieux cuisinier-homme-à-tout-faire dont le nom m'échappe. Je me souviens encore d'une poularde rôtie comme Rabelais en aurait rêvé, servie avec des aubergines grillées et du riz à la tomate... Je n'écoutais pas la conversation, je revoyais, fasciné le décor de ma jeunesse que j'ai si souvent pensé avoir laissée là, à Venise que j'ai le sentiment d'avoir trahie... Mes amis restèrent fascinés, buvant les paroles en même temps que le Soave bien frais dont Bobo remplissait nos verres. Il semblait prêt à parler encore et encore sans jamais plus s'arrêter et ce qu'il racontait était passionnant. Brillant.

La lumière baissait déjà. Nous avions passé tout l'après-midi bien calés dans le canapé du salon-atelier de Bobo. Derrière le maestro, son chevalet vide, et la boite de couleurs avec sa palette, avec ses couleurs : les bleus, les ocres, les rouges. Toutes les couleurs de Venise. J'avais envie de les photographier mais je n'ai jamais osé. Partout, au milieu des antiquités qu'il adorait, il y avait ses peintures. Tous les formats, tous les genres, toutes les périodes. Une en particulier m'a toujours fasciné. il l'avait amené à Bordeaux pour l'exposition que je lui avais organisé pendant cette fameuse "Semaine de Venise" d'octobre 1985, qui bouscula tant de choses dans ma vie. Une toile assez grande représentant le rio della Croce à la Giudecca, avec le mur et le pavillon d'entrée du Giardino Eden. Presque abstraite cette toile privilégie les rouges et les ocres avec beaucoup de blanc. Tracée à grands traits vifs et rapides, la toile est éclatante. J'en ai longtemps rêvé, mais Bobo qui l'avait sortie de sa collection, n'a jamais plus ensuite voulu la vendre.

Le temps pourtant passa trop vite. Il faisait nuit quand nous avons pris congé. mes amis repartaient avec une poterie de Bobo et une bouteille de vin. Je récupérai la sculpture de Mürer laissée à Venise quelques mois auparavant. En me la rendant, Bobo m'expliqua comment la faire briller sans en endommager la belle patine. Ses doigts caressaient le bronze avec délicatesse. Encore un de ses gestes d'amour, hommage d'un maître à la pleine Beauté.

28 juin 2010

"C'était pareil de notre temps"...

Connaissez-vous Marie-Josée Neuville ? Cette chanteuse des années 60, aux jolies nattes qui accompagnait sa jolie voix de jeune fille de bonne famille, en grattant sur sa guitare ? Je me souviens de ma mère qui nous chantait ses chansons. Le refrain de l'une d'entre elles disait : 
"Et les vieux, qui nous aiment bien ont reconnu, fort tristement,
c'était pareil de notre temps, c'était pareil de notre temps"

Cela m'a semblé coller à cette image des années 30 qu'un lecteur vient de m'envoyer. Certes le paquebot est moins grand que les mastodontes qui remontent le canal de la Giudecca de nos jours et le tirant-d'eau moins nocif pour l'écosystème, mais le mal est déjà là : le progrès technique est-il compatible avec la pérennisation des trésors du passé dont Venise est l'un des meilleurs sanctuaire ? La réponse est compliquée et nombre d'arguments opposés se tiennent. En tout cas, ce qui est simple c'est que l'opposition des vénitiens à la venue de bateaux gigantesques dans les eaux de la lagune mérite d'être soutenue et relayée ! 

En tout cas, au-delà de la polémique, cette image en noir et blanc est aujourd'hui pleine de poésie. Quatre-vingts ans plutôt, elle choquait autant qu'elle attirait. Déjà...

27 juin 2010

COUPS DE CŒUR N°40


Henry Purcell 
Didon & Enée 
Ensemble MusicAEterna
dirigé par Teodor Currentzis
Alpha CD, Harmonia Mundi.
Il arrive parfois que le hasard mette sur notre chemin quelque chose ou quelqu'un, qui va transformer en un instant ce que nous sommes et nous oblige à une sérieuse remis en question. Je croyais connaître parfaitement cette œuvre de
Purcell. Pourtant à l'écoute de cet enregistrement, je dois reconnaître que je n'y avais rien compris. Ou du moins, j'en avais une idée tellement superficielle et limitée. Trop d'approches conventionnelle et poussives finalement... Dès le premier lamento, quand Didon, reine de Carthage chante cette mortelle blessure d'amour qui l'atteint devant le départ d'Enée le héros troyen. Cette densité ne retombe pas un instant dans l'interprétation magistrale de cet ensemble venu du froid. L'aria final est tout simplement bouleversant ; on quitte les rives de la Tamise pour retrouver toute la faconde méditerranéenne, sans jamais rien de vulgaire ni de lourd. Une grande émotion venue du froid. Car les chœurs, les musiciens et le jeune chef grec, Teodor Currentzis, travaillent en Sibérie... Formé au conservatoire de Saint-Pétersbourg, dans la classe d'Ilya Musin, il est depuis quelques années responsable musical de l'Opéra de Novossibirsk. Cet adepte du répertoire baroque défend bec et ongles son interprétation sur instruments d'époque. Pourtant rien dans son style ne s'apparente à la tradition des baroqueux comme John Eliot Gardiner ou William Christie. Enregistré dans un pays où il fait parfois plus de 25° en dessous de zéro, le chef grec "souffle le brûlant et le glacial sur un opéra voué d'ordinaire aux prudences et aux bienséances de l'élégie précieuse. Tandis que les instruments du continuo troquent le soyeux des draperies de cour pour la rugosité des bures de pénitents, les sorcières du deuxième acte semble surgir des sabbats shakespeariens du royaume de Macbeth, la dernière scène se figer dans un engourdissement létal." comme le soulignait Gilles Macassar dans la critique qu'il fit dans Télérama, lors de sa sortie du disque en 2008. Ardeur et audace sont les adjectifs qui reviennent le plus souvent à l'audition de ce disque. Simone Kermes, Deborah York, Dimitris Tiliakos, Oleg Ryabet et les New Siberian Singers sont tout simplement excellents, l'orchestre époustouflant. Mes enfants pourtant souvent rétifs à la musique ancienne qu'ils entendent peut-être trop souvent quand ils sont avec moi, ont trouvé cet opéra "décoiffant" (sic), c'est pour dire !...

 

Liza Ekdhal
Give me that slow knowing smile
Production Strategic Marketing
Pas vraiment comme les précédents albums bossa-nova jazz qui ont fait son succès et sa réputation en France, ce nouveau disque de la chanteuse suédoise, est un petit bijou très inspiré, et extrêmement raffiné. Entièrement écrit et composé par elle-même, il a été produit par
Mattias Blomdahl. Ce disque est un petit miracle de délicatesse et d'authenticité qui a révélé cette grande chanteuse à la voix vraiment habitée et qui semble gagner en profondeur et en ferveur d'année en année. "Give Me That Slow Knowing Smile" emporte l'auditeur hors du temps avec des réminiscences de l'enfance, des sonorités très chaudes, avec des références à la pop des Beatles. Les chœurs sont très aériens aussi surprenants que réussis. Bref, un grand moment e plaisir que nous écoutons en boucle à la maison.
...
Robert Coover
Pinocchio à Venise
 

Le Seuil, Littérature étrangère.
1996
.
L'auteur de ce livre surprenant s'attache à exhumer des contes de notre enfance, le fameux : «Il était une fois... un simple bout de bois...» mais il promène Pinocchio, devenu un vieil universitaire américain,à travers une Venise hivernale et fantomatique, en plein Carnaval. Le héros rencontre des personnages mystérieux et inquiétants sous leurs masques. Autant de personnages qu'on ne peut identifier et dont on se défie d'instinct... Que penser, par exemple, de cette bonne fée qui est ici tour à tour sœur, mère et préceptrice, amante et tortionnaire?
Collodi son inventeur, faisait dire à Pinocchio devenu un vrai petit garçon : «Que j'étais ridicule, quand j'étais un pantin !». Robert Coover l'imagine préférant oublier son existence antérieure, pour aller vivre en Amérique. L'ex-pantin ressent un jour le besoin de revenir à son passé. Il retombera entre les mains de ses ennemis de toujours, et renouera en même temps avec ses vieux amis Polichinelle, Arlequin, Colombine et Pantalone. Cela ne pouvait avoir lieu qu'à Venise. Avec une éblouissante virtuosité, l'auteur relit ce mythe littéraire, hymne à l'enfance par excellence. Cela donne un roman picaresque époustouflant. Il nous assène une vérité, que les temps modernes s'acharnent à nous faire oublier : malheur à l'homme qui renie la part d'enfance qui demeure en lui, réfugiée dans ses souvenirs. Agréable moment de lecture....
 
Ristorante Al Giardinetto di Severino
Ruga Giuffa
4928
Castello
Fermé le Jeudi.
Tél.: 041 528 53 32
 

Severino Bastianello et son fils Lucà sont les heureux gestionnaires de cette institution qui a fêté l'année dernière ses 60 ans d'existence. Ce n'est pas le plus original mais c'est en tout cas l'un des quelques restaurants vénitiens traditionnels où on sait ne risquer jamais aucune mauvaise surprise. Plusieurs associations de fines bouches l'ont d'ailleurs souvent couronné au cours des années. Situé à Castello, dans le magnifique Palazzo Zorzi. Aucune surprise donc si ce n'est l'accueil toujours avenant sans obséquiosité, la table bien mise dans la grande salle ornée de peintures contemporaines ou dans le délicieux jardin intérieur où il est vraiment agréable de déjeuner. Cuisine vénitienne traditionnelle donc, à base de produits locaux toujours frais. Plats typiques, bons desserts maison et carte des vins bien choisie. Il faut y aller entre amis, comme les vénitiens qui y vont pour fêter un évènement particulier. Chaque année en octobre, c'est dans ce restaurant que se déroule le Goncourt de la peinture italienne, le Premio Amici Ruga Giuffa qui attire des peintres de toute la péninsule. Il est prudent de réserver surtout en fin de semaine. Ce n'est pas donné.... 

Recioto di Soave
Vignobles Balestri ValdaVia Monti, 44
37038 Soave (Vérone) 

Vivre à Bordeaux, à proximité de certains des plus grands vins du monde ne m'empêche pas d'apprécier ces vins qui peu à peu se font connaître du monde. Si en matière de blancs moelleux, nos emportent la palme, avec à leur tête le grandiose SauternesYquem où opère depuis quelques années mon ami Pierre Lurton, il existe en Italie des blancs doux de grande qualité. C'est le cas de ce Recioto né sur les collines des environs de Vérone, où se concocte ces Soave qu'on boit si facilement sans jamais avoir mal à la tête. Vinifié par Guido Rizzotto, ce joyau est fait à 100% de Garganega, une variété de vigne très ancienne sont on ne vendange que les grappes les plus hautes, qui sont ensuite ensuite mises à sécher pendant la moitié d'une année, avant d'être pressées en mars. Commence alors le lent et magique processus de la fermentation en barriques suivi par six mois de maturation dans de vieux fûts puis, après la mise en bouteilles, trois années de repos avant de se retrouver dans nos verres. Cela donne un nectar à la belle couleur jaune d'or aux arômes intenses de pêche juteuse et fruitée comme on en déguste au plus fort de l'été. Aux premières gorgées, s'ajoute un goût d'amandes douce à peine sortie de sa cosse... Somptueux avec le fromage, mais aussi sur le Foie Gras. Nous le buvons en apéritif mais aussi au dessert. Une bénédiction. On le trouve en France, comme en Belgique chez les meilleurs cavistes.

4 commentaires:

maite a dit…
Depuis quelques temps, que de polémiques sur votre blog et quel dommage ! Je vous suis toujours fidèlement depuis bien longtemps, j'ai été de celles qui vous a incité à écrire un livre et je vous félicite d'avoir mené à bien ce projet.
Je vous souhaite de très bonnes vacances, a presto !
Lorenzo a dit…
merci Maïté, bonnes vacances à vous aussi. Ces "polémiques" sont la preuve que Tramezzinimag vit. On ne peut prétendre faire l'unanimité à chaque instant. La liberté d'opinion est une valeur fondamentale qu'il faut défendre même quand on en fait soi-même les frais, ne trouvez-vous pas ? 
val a dit…
Sono davvero molto felice che ti sia piaciuto il nostro Recioto! :)
Enitram a dit…
Bien, ces coups de coeur me plaisent bien
Bonnes vacances!!!!

25 avril 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 8) : "Get Out" , un superbe court-métrage d'animation

Je me demande de plus en plus si mes billets qui ne sont pas consacrés à Venise ont leur place dans Tramezzinimag, tant ils suscitent à chaque fois de virulentes polémiques... Mais débattre et se contredire est essentiel en démocratie. Tant pis pour les empoignades verbales après tout. Ceux qui réagissent à mes billets montrent combien ils sont attachés au débat d'idées. De plus, que je sache, personne ne s'est (encore)jamais fâché tout rouge lors de ces échanges nés d'innocents petits textes qui ne veulent exprimer à chaque fois que les coups de cœur, ou les coups de gueule de leur auteur. En tout cas, faites-moi donc savoir si Tramezzinimag doit se recentrer sur Venise et uniquement sur Venise.

En attendant, laissez-moi vous faire découvrir un petit bijou de film d'animation qui commence de se tailler une jolie réputation sur la toile. Il ne faut rien en dire de plus. C'est en tout cas un beau travail réalisé par un groupe d'étudiants de l'ESMA, Charlotte BOISSON, Julien FOURVEL, Pascal HAN-KWAN, Tristan REINARZ, Fanny ROCHE, vite remarqué, ce court-métrage a été primé dans de nombreux festivals. mais c'est déjà en dire trop (et ce n'est en aucune manière de la publicité !).


Jetez un coup d'œil sur le site du film, lui aussi très bien fait :  
http://www.getout-lefilm.com/