14 mars 2012

San Francesco della Vigna


« Mercredi matin, à San Francesco della Vigna. J’aime, à Venise, ces quartiers éloignés peu fréquentés par les touristes et où l’on comprend mieux – si tant est qu’il y a quelque à comprendre -, où l’on saisit mieux, devrais-je dire, la vie de la ville. Il y a, dans l’église, dans une petite salle sur la gauche, où l’on descend par quelques marches, une magnifique sacra conversazione de Giovanni Bellini : la Madone avec l’enfant, entourée des saints Sébastien, Jérôme, Jean-Baptiste et François d’Assise. Le paysage du fond, comme toujours chez Bellini, est d’un calme absolu, virgilien. Un cavalier sur le chemin, trois personnages descendant une colline et une ville avec sa tour. Aussi un assez beau Véronese du début. Façade de Palladio, architecture qui me satisfait entièrement l’esprit. » 
Bernard Delvaille, 
Journal, tome 3, page 360


12 mars 2012

Un comportement stalinien avéré : la Chine impose ses vues sur le Tibet jusqu'à Venise !

Tout le monde sait que les chinois n'ont jamais fait dans la dentelle, même s'ils savent copier celle de Burano pour en inonder le marché local, mais l'évènement que Tramezzinimag tient à porter à votre connaissance que la scène s'est déroulée laisse pantois. D'autant que les protagonistes sont tous vénitiens et que cela se déroulait au Palazzo Franchetti devant des centaines de personnes médusées.
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Samedi dernier, le 10 mars a été une journée mouvementée pour l'honorable Zhang Jianting, maire-adjoint de la ville de Hangzhou. Savait-il, en se rendant aux manifestations organisées par la Municipalité de Venise que ce jour était aussi la Journée Internationale du Tibet, un jour important pour les tibétains et pour ceux qui les soutiennent. En effet, c'est le 10 mars 1959 qu'eut lieu à Lhassa un soulèvement populaire qui fut violemment réprimé par les occupants chinois. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes descendirent dans les rues de Lhassa pour réclamer l’indépendance du Tibet. 

Ce mouvement de protestation, porté par une population déjà exaspérée par huit années d'occupation faite de vexations et d'atroces exactions, se termina dans un bain de sang. Selon une estimation chinoise, près de 90.000 Tibétains furent massacrés. Il fallut un peu plus de trois jours à l’Armée Populaire de Libération pour venir à bout du soulèvement, mais elle ne réussit pas à étouffer le mouvement de résistance qui se répandait dans tout le Tibet. C'est à la suite de cet évènement que le Dalaï Lama quitta le pays.

Toujours est-il que la délégation chinoise venue visiter la ville de Marco Polo était là pour fêter le "Hangzhou Day" avec le faste dont les vénitiens savent entourer les opérations commerciales qui doivent se transformer en opérations juteuses pour les organisations locales. Le partenariat mis en place concerne en effet des échanges économiques mais aussi culturels. Jusque là pas grand chose à redire, si ce n'est la perspective d'un accroissement du nombre de visiteurs sur la piazza dans les mois et les années à venir. On n'est plus à Venise à une horde près... 

Ce 10 mars donc, sous un ciel printanier, Venise accueillait une série d'expositions et de performances dans l'ex-église San Vidal, ce joli petit espace dévolu à la culture depuis de nombreuses années, au pied du pont de l'Accademia. Le matin, il y eut la signature de l'accord de partenariat déjà initié lors de l'exposition de Shanghai où Venise avait un pavillon. Après une journée d'interventions, de spectacles, on inaugurait à 18heures l'exposition d'art contemporain baptisée "Modern Art Show of west Lake" constituée de créations de plasticiens chinois et vénitiens. Il y avait foule pour ce vernissage où un cocktail devait réunir le ban et l'arrière-ban, de la société vénitienne.
  
Et c'est là qu'intervient mon ami Manfred Manera. Journaliste connu et respecté à Venise, il est le fils de la célèbre artiste véneto-autrichienne, Liselotte Höhs. Accompagné de son épouse et d'un ami tibétain, Manfred se présenta à l'entrée du palais pour rappeler que ce jour était dévolu à la mémoire des massacres de 1959. D'abord courtoisement prié de ne pas manifester dans les jardins du palais, il a cependant voulu accéder à la réception. Le brouhaha qui s'ensuivit attira les journalistes présents : Manfred s'est fait rabrouer violemment par les factotums qui contrôlaient l'accès auxquels trois serveurs vinrent prêter main forte. Le motif ? Voulant montrer son soutien à la cause tibétaine à nos amis chinois, il avait endossé un drapeau tibétain en guise de châle... ..

Provocation de potache certes mais qui ne méritait pas une réaction aussi violente et tapageuse de chiens de garde. Dans son communiqué, le journaliste outré rappelle que non seulement il a été violemment refoulé d'une manifestation publique à laquelle il avait été convié, mais que le sachant décidé à se présenter devant les chinois avec le drapeau tibétain sur les épaules, l'étage où étaient réunis les autorités chinoises a été sciemment fermé, obligeant de nombreux invités à sortir par les portes de service et forçant ceux qui voulaient entrer à patienter sur le palier.

Ce type d'incident devient hélas banal, mais il montre que là où le profit est en jeu, il n'est plus question de tolérance ni de démocratie. La Chine populaire, vieille amie de Venise depuis Marco Polo, a beau s'être modernisée, elle reste une dictature, e
t l'une des dernières démocraties (populaires) qui collectionnèrent massacres et mensonges. Mais elle représente désormais trop d'intérêt aux yeux des pays occidentaux, ses partenaires du monde libéral, pour ne pas être disculpée par avance de toutes ses exactions. 


Ennemie de la liberté, ennemie du libre arbitre, ennemie de la presse libre, elle n'est que l'amie de la force, de l'argent et de l'intransigeance. Tramezzinimag soutient solennellement l'action des amis du Tibet libre et indépendant, comme nous soutenons ce Blitz tenté par Manfred Manera qui rappelait à juste titre, que S.S. le Dalaï Lama a été faite citoyen d'honneur de Venise il y a quelques années, en dépit des protestations du gouvernement chinois. Souvenez-vous : ils n'étaient pas contents du tout à Pékin et ils l'avaient fait savoir officiellement ! Pas plus alors que ne l'étaient les très libéraux membres de la Chambre de Commerce de la Sérénissime, peu regardants sur les questions des droits de l'homme au Tibet. Curieusement dès que beaucoup d'argent est en jeu...
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11 mars 2012

La phrase du jour


"Les hommes voient surgir ce que parfois ils admirent et que, le plus souvent, ils redoutent ou qui est leur secret remords : une liberté. Et ce qui est pire, une liberté sans alibi. Une liberté sans doctrine. Une liberté qui n’a même pas besoin de raisonnement, de justification, de revendication. Une liberté nue, une liberté débraillée. Une liberté insolente."
Félicien Marceau

10 mars 2012

Jean Giraud, alias Moebius a rejoint la Venise céleste



..C'est un des plus grands dessinateurs contemporains qui vient de disparaître. Le créateur de "Venise céleste" a baissé la garde devant la terrible maladie qui l'a emporté. Il allait avoir 74 ans et dessinait depuis plus de 50 ans - Blueberry) est paru en 1961. Mondialement connu, il collabora avec le cinéma : Alien, le Cinquième élément, Abyss... mais aussi avec le brésilien Paulo Coelho dont il illustra le célèbre roman, l'Alchimiste

Je lui dois mon premier papier jaùmais publié sur un quotidien. Cette première parution dans le journal Sud-Ouest, où Pierre Veilletet, alors rédacteur en chef, me commanda en 1984 un article sur l'exposition que Venise présenta à l'occasion de la sortie de l'album Venise Céleste. Et ce fut le début d'une longue aventure (il y eut ensuit une interview d'Hugo Pratt, la couverture de la Mostra du Cinéma, ma rencontre, (dans l'ordre chronologique) avec Hervé Guibert, Ionesco, Jack et Monique Lang, Danièle Mitterrand, Marie Laforêt, Fabienne Babe, Guillaume Depardieu, Valeria Golino, Comencini, et tant d'autres dont beaucoup sont restés des amis...

Et si nous reparlions de voyage ?

Le temps s'y prête, vous ne trouvez-pas ? Derrière la fraîcheur du matin, un beau ciel dégagé comme Bonnard l'aimait avec le soleil qui réchauffe et fait briller nos cœurs, il nous prend des envies d'évasions,. Des rêves de départs. Les voyages TraMeZziniMag sont nés de cette atmosphère intérieure. Quoi de plus commun qu'un voyage à Venise de nos jours ?

C'est vrai si on se contente de mettre ses pas dans les pas des milliers de visiteurs qui arpentent la ville chaque jour. Saint-Marc, le Rialto, l'Arsenal, Burano, Murano... C'est sublime tout cela, mais ce n'est pas la Venise de TraMeZziniMag. Non, notre Venise à nous est un peu décalée. Nos parcours se veulent le plus éloignés possible du sentier piétiné par les hordes. Oh bien sur, nous n'avons pas la clé de la Venise mirifique et secrète que fréquentait Corto Maltese (quoique...) mais nous nous efforçons de montrer autre chose. Laisser se dégager pour les participants cette atmosphère unique qui nous pénètre et dépayse vraiment. Des Zattere à San Pietro, des îlots abandonnés de la lagune au Lazaret des Arméniens, notre promenade se fait au rythme de chacun, flânerie à travers les siècles, les arts et l'histoire. La musique et la gastronomie y ont leur part. Plusieurs thèmes ont ainsi vu le jour. Il y en a pour tous les goûts !
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Certains disent que nous devrions nous contenter de montrer en quelques jours l'essentiel de la Sérénissime dans l'esprit du blog et de ses fidèles lecteurs. Mais les voyages à Venise sont légion dans les catalogues des "voyagistes" et il y en a pour tous les prix, et pour tous les goûts. Nous ne prétendons pas être mieux que les autres. Simplement, les voyages TraMeZziniMag sont l'occasion de faire se rencontrer des Fous de Venise et des novices, et de vivre ensemble Venise telle que nous l'aimons, authentique, unique et souriante.

Prochain départ envisagé : du 19 au 26 octobre 2012. Nombre de places envisagé : 12. Nous en reparlerons très bientôt.

09 mars 2012

PuntoVe, le nouveau magazine vénitien

Une revue moderne pour informer les vénitiens, ceux du centro storico comme ceux de la terraferma. Et accessoirement pour tous ceux qui s'intéressent à la vie culturelle, à la création contemporaine, à la musique.
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Un élément supplémentaire pour prouver au monde que Venise n'est pas un univers figé en décrépitude dont le seul avenir serait sa transformation en un super parc d'attractions, un musée à ciel ouvert. Tramezzinimag le dit et le redit, en dépit de tous les problèmes que nous ne manquons pas de dénoncer, la cité des doges est un haut lieu de créativité et d'innovations. La Venise digitale est née bien avant les autres cités d'Europe, avec l'implantation sur toute la lagune du web en accès libre. 

Il y a plusieurs années déjà, les services de télécommunications ont initié un projet interdisciplinaire ouvert à tous qui utilise les techniques les plus modernes. Plusieurs laboratoires accueillant des scientifiques du monde entier sous l'égide notamment de l'UNESCO, y sont installés qui travaillent à la découverte de nouvelles méthodes de protection des monuments et de l'environnement. L'université est à la pointe, la technologie la plus aboutie sollicitée dans le communication, les transports... L'école d'architecture voit venir à elle des postulants du monde entier... C'est peut-être cela l'avenir de Venise : devenir un super laboratoire de recherches et d'idées en même temps qu'un sanctuaire de l'art, de la pensée. Les deux se complètent pour former ce dont l'humanité a besoin : des hauts lieux de spiritualité et de réflexion. L'environnement est propice à la réflexion sur la lagune.
..Mais revenons à la jeune revue. téléchargeable dès maintenant en ligne (ICI), elle liste et détaille, en noir et blanc et dans un graphisme très à la mode, les évènements à venir sur tout le territoire de la Sérénissime. Comme un agenda. C'est beau, sobre, simple, efficace.

..Ils sont sur Facebook : http://www.facebook.com/puntove.it

05 mars 2012

Bonne semaine à tous !



3 commentaires:


Condorcet a dit…
Bonne semaine, Lorenzo ! Qu'elle soit propice à tous les Vénétophiles !
Nathanaëlle a dit…
Merci Lorenzo pour cette magifique photo, excellente semaine à vous également. Vénitiennement... Nathanaëlle
Catherine a dit…
Tout simplement merci Lorenzo pour ce rêve Vénitien.

04 mars 2012

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 23) : Enfin un Venise-Bordeaux régulier, direct et pas cher !

Arriver à Venise par avion n'est certes pas le meilleur moyen d'aborder la ville. Sauf le survol de la lagune qui, par temps clair, est toujours un bonheur, je préfère de loin l'arrivée par le pont autrichien, quand le train semble avancer sur l'eau, débouchant soudain dans une lumière irréelle qu'irradient mille parfums nouveaux... Entrer dans le bassin de Saint-Marc en bateau est aussi un réel bonheur. Mais revenons à l'avion. 

Dès le mois d'avril, et pour à partir de 20 euros, Volotea, la nouvelle compagnie low cost basée à Venise, propose un vol direct trois fois par semaine qui reliera la Sérénissime à la capitale de l'Aquitaine, sans passer par Paris ni Milan. Départ de Bordeaux à 8h.50, arrivée à Marco Polo à 10h.35. Le départ de Venise est à 6h.30 pour une arrivée prévue à Bordeaux à 8h.30. Le vol se fait en Boeing 717. Bordeaux est la seule destination française pour l'instant. Volotea desservira quatorze destinations sans escale : Budapest, Cracovie, Salonique, Brindisi, Cagliari, Olbia, Palerme et Reggio Calabre, Alicante, Bilbao, Malaga, Santiago de Compostelle, mais aussi Porto.

En attendant, le site de la compagnie permet de réserver son billet jusqu'en octobre prochain. Tramezzinimag a essayé : Pour un départ le 25 avril, histoire d'aller fêter Saint-Marc sur place et d'offrir un bocolo, avec un retour une semaine plus tard, l'aller et retour pour deux personnes est de 98 € tout compris ! Détail sympathique, La compagnie présente sur son site une fiche avec de bonnes adresses pour ceux qui découvriraient Venise (cliquer ICI)

Grandeur et décadence de l'opéra vénitien : Tramezzinimag reçoit Dominique Fernandez de l'Académie Française

L'écri­vain Do­mi­nique Fer­nan­dez s'est rendu à Ve­nise pour suivre, pas à pas, les tra­vaux de Fabio Biondi et de son Eu­ropa ga­lante sur An­to­nio Vi­valdi.
 
Venise, quelle tristesse aujourd'hui... Qu'elle se dégrade de plus en plus, qu'elle s'enfonce dans la lagune, ça on le savait. Ce n'est pas le pire. Le pire, c'est la survie artificielle, ces hordes de touristes incultes, ces vitrines obscènes de chaussures, ces réclames pour un carnaval factice, la fuite des Vénitiens, qui préfèrent la terre ferme à ce Disneyland sur l'eau sale. Même Cannaregio, l'ancien quartier communiste, derrière le Ghetto, avec ses trois canaux parallèles bordés de maisons de brique, ce secteur populaire où il n'y a rien "à voir" et qui était resté la seule partie vraie de Venise, commence à se "montmartriser", à se "boboïser" : restaurants chics et arnaque garantie. Pour compléter le désastre, la ville est devenue un désert culturel : plus une seule salle de cinéma, une Fenice exsangue qui ne donne plus que quelques spectacles par an... Ah ! vivement que Venise tombe pour de bon en ruine, qu'elle devienne la Pompéi du XXIe siècle, alors elle retrouvera sa beauté, alors on pourra y retourner.

En attendant, si on cherche bien dans le fatras des "petites musiques de nuit" ramollies et des Quatre saisons édulcorées bradées dans les églises par des orchestraillons minables à l'intention de gogos racolés dans la rue par les filles en crinoline mitée, il est encore possible de dénicher son bonheur. Ainsi, le délicieux théâtre Malibran affichait en octobre dernier deux opéras de Vivaldi. Les spectacles, faute de moyens, étaient lamentables : un bout de rideau ici, un éclairage raté là, une direction d'acteurs nulle. Mais, pour la musique, on était comblé. Grâce à qui ? à un Palermitain qui s'est installé à Parme et qui est venu, bonne âme, monter, diriger, ressusciter à Venise, avec son orchestre Europa galante, Ercole sul Termodonte et Bajazet. Fabio Biondi est depuis longtemps un passionné de Vivaldi : on n'a pas oublié ses Quatre Saisons révolutionnaires de 1992, son violon pointu, agressif, tranchant, qui faisait de la guimauve habituelle un faisan rôti goûteux.

Ercole, créé à Rome en 1723, n'est pas du meilleur Vivaldi. On y sent la fatigue, non seulement du compositeur, mais de tout un type d'opéra dont il a été longtemps le champion. Cette suite d'airs un peu vides, la complète absence de caractérisation des personnages, l'impossibilité pour le spectateur de s'intéresser à aucun d'eux, génèrent plus d'ennui que de plaisir. Malgré le talent de Romina Basso, de Roberta Invernizzi et de leurs camarades à défendre cette partition plus chargée de bonnes intentions que de beautés efficaces, on a vu plusieurs fauteuils se dégarnir aux entractes. Biondi n'aime pas les contre-ténors, c'est la seule réserve qu'on puisse faire à sa formidable contribution à l'essor actuel de la musique baroque. Il trouve qu'une mezzo féminine remplace mieux la voix de castrat. Je pense que c'est une erreur, mais, à entendre le chevrotement incolore et la dégaine empotée du seul contre-ténor engagé, un certain Jordi Domènech, on ne pouvait que donner raison à cette erreur. Que Biondi n'a-t-il entendu les neuf merveilleux contre-ténors de Sant'Alessio, Philippe Jaroussky en tête...
Pour Bajazet, c'est autre chose. Il s'agit d'un opéra charnière dans l’œuvre de Vivaldi et dans l'histoire du genre. Il a été créé en 1735. Aux alentours de 1730, explique Biondi, la musique vénitienne, l'opéra vénitien étaient entrés en crise. Ils avaient moins de succès, ils ne remplissaient plus les théâtres, bref, ils étaient passés de mode. Et au profit de quel nouveau genre de musique, de quel nouveau genre d'opéra ? De la musique et de l'opéra napolitains. On sait qu'en Italie on est friand de ces rivalités, entre villes, entre écoles, entre clans, que ce soit dans le sport ou dans l'art. Coppi contre Bartali, Juventus contre Inter, Caravage contre Carrache, Callas contre Tebaldi, on s'enflamme pour un côté ou pour l'autre. Au début du XVIIIe siècle, la guerre vocale éclate entre Venise et Naples. Venise, depuis Monteverdi et Cavalli, détenait la suprématie dans l'opéra. Mais voici que de nouveaux venus proposent une sorte plus brillante, plus amusante, plus alléchante de musique. Naples, sous l'influence des castrats, lance un modèle de virtuosité, de fioritures, de girandoles sonores, qui stupéfie, bouscule, enchante, subjugue les auditeurs, rendant poussifs et caducs les airs monocordes, les récitatifs délayés de l'opéra vénitien, tout à coup obsolète.
Pour Vivaldi, c'est un vrai drame. Car cette décote brutale de l'opéra vénitien, c'est sa propre descente aux abîmes. Lui qui régnait dans les théâtres, se retrouve renvoyé au sous-sol, comme Emil Jannings dans Le Dernier des hommes de Murnau. Il perd l'estime de ses concitoyens, il subit un effondrement de ses recettes. Une époque est révolue, et lui, qui la représentait avec éclat, est la première victime de sa disparition. Que faire ? Cesser d'écrire ? Ce sera le choix de Rossini, frappé du même ostracisme, vers 1830, quand le succès des lourdes machines meyerbeeriennes aura condamné son art fait de gaieté, d'esprit, d'humour, de fantaisie. Vivaldi, lui aussi, comprend qu'il ne peut continuer sur une voie désormais sans issue. Mais il y aurait un moyen de s'en sortir, de redorer son blason : il suffirait de s'adapter à la nouvelle mode, ou d'en faire semblant. Bajazet illustre cette crise, ce combat, ce compromis, cette compromission, et voilà pourquoi l'oeuvre est passionnante.
Le sujet lui-même se prêtait à une telle tentative de sauver le "sauvable", de se remettre à flot en transigeant avec sa conscience. Pour une fois, les personnages ne sont pas des fantoches. Le sultan Bajazet est prisonnier de l'empereur des Tatars, Tamerlan. Voilà deux hommes que leur situation respective incline à des états psychologiques opposés, occasion pour le compositeur de faire s'affronter deux styles antagonistes. Les airs pour Bajazet, pour sa fille Asteria, écrits dans le vieux style vénitien, traduisent leur mélancolie de prisonniers, leur âme déprimée de vaincus. Pour nous, ces airs sont très beaux, mais on conçoit ce que ce genre triste et noble pouvait avoir de lassant pour un public avide de nouvelles émotions. Les airs pour Tamerlan, pour Andronico, prince grec de l'entourage de ce dernier, pour Irène, princesse de Trébizonde et fiancée du Tatar, reflètent au contraire le nouveau style, rapide, enlevé, à facettes chatoyantes.
.Mais, dira-t-on, comment Vivaldi a-t-il pu changer son fusil d'épaule aussi vite ? Se renier avec autant de désinvolture, d'impudence ? C'est bien simple : il a emprunté. Emprunté leurs recettes aux Napolitains. Bajazet est un pasticcio, un patchwork fait de vieux pneus vénitiens rabibochés avec des rustines napolitaines. Les deux grands airs d'Irène ne sont pas de Vivaldi : l'air de fureur "Qual guerriero in campo armato" est de Riccardo Broschi, le frère de Farinelli, et ce morceau de bravoure a été écrit pour l'illustre castrat napolitain. C'est pour celui-ci aussi qu'a été composé le second air, de tendresse et de désespoir celui-là, "Sposa son disprezzata", le sommet de l'oeuvre, dû à Geminiano Giacomelli, élève à Naples d'Alessandro Scarlatti.
Qu'y a-t-il donc de si émouvant dans cette affaire, qui pourrait ne relever que de l'histoire de la musique ? Eh bien, comme le souligne Biondi, Vivaldi s'est identifié à Bajazet, le vaincu. La victoire politique de Tamerlan et de son entourage, il l'a transposée dans la victoire musicale de Farinelli, de Naples. Bajazet est l'aveu d'une défaite personnelle, puisque cet opéra n'évite l'échec qu'en se prostituant à l'école étrangère. Vivaldi ne gagne qu'en se soumettant. Le sultan turc se suicide d'ailleurs au dernier acte : avec sa mort, c'en est fait d'un pan entier de la musique. Vivaldi s'immole lui-même, il rend les armes à la mode ascendante. À travers le conflit de Bajazet et de Tamerlan, s'expriment la lutte de deux conceptions de l'opéra, le passage d'un siècle à l'autre, la déroute des Anciens, le triomphe des Modernes. À 57 ans (mais on est vieux alors : il mourra six ans plus tard), Vivaldi rend hommage aux nouveaux dieux, mais c'est un hommage consciemment suicidaire.
Dominique Fernandez 


Récit paru sur Quobuz, le 3 mars 2008.
Photographie © Fulvio Roiter - 1970.

6 commentaires:


jpryf a dit…
Votre analyse est particulièrement sévère mais documentée. Est-ce que , cependant,il n' y a pas un effort dans le sens que vous souhaitez au Palazzo Bru-Zane?
Virginie Lou-Nony a dit…
Il faut un sacré courage pour rendre hommage aux vainqueurs et mettre en musique sa propre mort ! Quel homme, ce Vivaldi !
Anonyme a dit…
Ce plaidoyer est une adaptation du livre "Contre Venise" de Régis Debray (1995). Je conseille de lire cet ouvrage dominé par une mauvaise foi partisane. A lire entre les lignes Régis Debray ne connaît pas Venise et probablement qu'il s'est inspiré de l'effet Danieli. Il n'est peut-être resté que quelques jours à Venise pour rédiger ce que je considère comme un pamphlet. Dominique Fernandez s'est tout simplement inspiré de ces méditations contre Venise.  Frédéric

Lorenzo a dit…
N'a-t-on pas le droit de penser de la même manière qu'un autre sans être taxé d'imitateur ? Ce qu'écrit Debray dans l'opus qu'il a commis contre Venise - qu'il connait bien mal, tant mieux pour Venise - et ce que note Fernandez - qui connait et aime Venise - n'ont à voir que les mêmes réalités vécues de la même manière. Pour ma part, je cautionne totalement l'avis de Dominique Fernandez !
Lorenzo a dit…
En effet Jean-Pierre, on peut espérer que la fondation Bru-Zane offre à Venise une qualité musicale bien supérieure aux prestations offertes à la chaîne dans plusieurs endroits de la ville. La programmation y est juste un peu élitiste et limitée à la musique romantique. Il est plus facile d'attirer le chaland en costume devant les débarcadères du vaporetto qui se régale de ce qu'il pense être de la virtuosité. Au moins, ces concerts bon marché existent et Dominique Fernandez, j'en conviens, est un peu sévère avec ces jeunes musiciens qui ne se débrouillent pas si mal. Nous reparlerons prochainement de la fondation.
Gérard a dit…
Le miracle de Venise, c'est sa transfiguration immémoriale. Ma plus belle surprise. Elle fabrique ainsi son attrait irrépressible, et des disciples par milliers. Et par là, indique son immortalité. Le reste est de peu. C'est sans doute ce qu'a fait cette crapule de Rossini à l'Argentino, le 20 février 1816, en connaissance de cause, ce qui confère une force incalculable et un prestige indémodable au cygne de Pesaro, révèle sa vertu premièr , l'intelligenc . Idem pour Vivaldi. Pour Mozart, aussi. Avec trois citoyens pareils dans sa giberne qui poussent le cuir, allez ouste les aigreurs et les noirceurs !!! Vivre devient fastoche ! On s'y fait très bien.

03 mars 2012

Venezia sarebbe la mia fine

Venise serait ma fin. Présupposé qu'Hugo Pratt mettait sur les lèvres de Corto Maltese et qui rappelle indubitablement les candeurs de l'enfance : "On serait sur une île et vous seriez les méchants et nous les gentils"... Ce peut être aussi l'affirmation d'une réalité qu'on voudrait proche. Un désir très fort dont on sait bien qu'il s'accompagnera d'un tas d'effets secondaires pas toujours faciles à maîtriser... La fin... Nos esprits déformés entendent aussitôt l'irrémédiable terminaison des êtres et des choses, le dernier souffle, la disparition. "Hommes de peu de foi", des fins il en existe des milliers dans chaque vie qui sont autant de commencements, de souffles neufs, d'inventions et de trouvailles ! J'ai beaucoup voyagé au cours de ma vie. Des lieux mythiques ou banals. Souvent aussi, c'était un voyage intérieur. Et dans les profondeurs de mon âme, c'est toujours vers Venise que je revenais. Le seul lieu où depuis toujours j'ai voulu m'attarder. Je m'en suis bien des fois éloigné, mais ceux qui me connaissent savent toujours où je vais revenir. Ils savent que mes pas me ramènent au coin de San Marco et de la Piazzetta, ou bien du côté de Santa Margherita, le nez au vent... "De Venise comme de mes amis, je ne puis longtemps m'éloigner" ai-je écris à seize ans dans un de mes cahiers... C'est cet amour-là, merveilleusement jamais inassouvi, qui avec cet autre amour - né avec moi et dont une rue porte à Venise le joli nom, calle del Amor degli amici - me porte et me nourrit.
A l'heure où les vénitiens effarés viennent lire dans la vitrine d'un magasin, sur le compteur qui tourne à l'envers et marque de jour en jour la terrible chute du nombre d'habitants, dans un temps de cris et de douleurs où le monde qui n'a jamais été aussi près de sa chute, regarde tout s'effondrer autour de lui, quand nous nous rendons compte que les barbares qu'on attendait sont bien là et qu'il s'agit de nous-mêmes et pas des autres, Venise reste bien plus qu'une ville. "A travers l'eau des canaux, on voit la boue de la lagune" a écrit Dominique Fernandez. Il a raison d'affirmer que la Sérénissime a un corps de glaise et de lie. Si elle peut nous apparaître toute de perle et de nacre, solaire, irisée, pétillante, ce n'est qu'illusion. "La mer de Venise, adriatique, crépusculaire, a les couleurs du bitume et de la poix. Eau lourde, bouche d'ombre prête à reprendre et à rouler dans son limon les hasardeuses constructions dues à l'effort humain."
L'écrivain écrivait à la suite de ces lignes - en 1978 - qu'on "serait d'autant plus impardonnable d'ignorer le danger, que la menace aujourd'hui se précise. La mort à Venise a été un beau mythe romantique : actuellement c'est de la mort de Venise qu'il s'agit. Les chiffres sont terrifiants : en 1950 il y avait 185.000 habitants dans le centre historique. Vingt-cinq ans plus tard, on n'en compte plus que 100.000. Dans une Europe en pleine expansion démographique, Venise est la seule ville qui se dépeuple." Que dire de plus à l'heure ou les vénitiens du centro storico ne sont plus que 55.000 ? Inutile cependant de se lamenter. S'il est douloureux de penser que nous pourrions être témoins de la disparition de la Venise-qui-vit au profit d'un vulgaire luna-park, un simple site touristique comme les pyramides ou Pompéi, il est rassurant de constater que le sort de cette ville est loin de laisser le monde indifférent. "Fare di Venezia la nostra fine"... On peut traduire ces mots comme on se réchauffe aux premiers rayons de soleil du printemps : "Faire de Venise notre finalité"...
 

Et l'esprit d'enfance resurgit soudain : "On serait les habitants et on ferait revenir les épiciers, les boulangers, les marchands de couleurs, les bouchers, les calfats, les mercières et les charcutiers..." L'idée paraissait absurde il y a peu, mais voilà que les autorités commencent à l'envisager. L'exode provoqué par mille raisons différentes pourrait être stoppé, la tendance inversée... Et l'esprit d'enfance s'impose. Peter Pan n'est plus ridicule. "Bien avant que le XXe siècle ne parte à la recherche du temps perdu, le mythe de l'enfance flottait sur la lagune" écrit encore Dominique Fernandez après avoir rappelé (toujours dans son admirable préface à l'ouvrage de Fulvio Roiter, Vivre Venise) que le doge tout-puissant était élu "par une sorte d'espièglerie pleine de charme et de sagesse [...] Venise confiait son destin à la main légère de jeunes garçons"... On peut imaginer que, comme des municipalités le font dans des villages de montagne ou de lointaines campagnes, il soit fait appel à des bonnes volontés et que les habitudes et les fixations administratives soient bousculées. Des locaux seraient mis à disposition de ceux qui voudraient bien s'installer dans le centre historique pour recréer ce tissu économique et commercial qui est asphyxié aujourd'hui par les commerces touristiques. Des exonérations, des aides, des facilités administratives, des incitations financières, il existe toute une série de mesures qui pourraient contribuer au retour de la vie dans ces lieux désertifiés. Et une fois encore dans l'histoire, Venise se ferait modèle, laboratoire d'idées et d'innovations, repoussant loin les allégations absurdes de ces détracteurs. Les palazzi délabrés qui appartiennent à la municipalité - et qui ne sont pas tous des palais somptueux et intouchables - pourraient être transformés en appartements pour les jeunes ménages, les familles, les professionnels désireux de s'installer dans ces lieux où vivre et travailler est un bonheur. 

Les propos de l'académicien n'ont jamais été autant d'actualité : "... Nous débarrasser des clichés que trop d'esthètes, trop de littérateurs ont collés sur Venise. Venise n'est ni ce théâtre d'illusions planté pour une mascarade frivole, ni cette nécropole geignant d'échos funèbres : mais une cité vive, jeune, changeant au rythme des saisons, blanche de neige l'hiver, couleur de saumon au printemps, de rouille à l'automne ; luttant courageusement contre l'adversité, qui a pour nom finance, industrie, technocratie ; mais surtout, il importe de le comprendre, une cité où la beauté n'a jamais été un placage élitaire, mais l'expression même de la vie. La maison la plus modeste, la ruelle la plus obscure, promettent le même enchantement que les palais du Grand Canal. De même qu'on juge un cuisinier sur l'omelette, on juge une ville sur les lieux ou l'employé de la poste rentre dormir, où le calfat remise ses outils, où la fleuriste entortille ses jonquilles en bouquet."

5 commentaires:


bb84 a dit…
Merci pour cette lueur d'espoir Lorenzo. On aimerait tant que les vrais Vénitiens restent, ou reviennent. Quand je croise à Venise des parents montant courageusement les marches des ponts chargés de poussettes ou de petits vélos, je me demande toujours ce que deviendront ces petits enfants, élevés au milieu de ces merveilles, qui sont un environnement normal pour eux:souhaiteront ils rester au prix que l'on connaît ( prix de l'immobilier, certes mais aussi vie quotidienne pas facile) ou bien lâcheront ils tout et choisiront ils la commodité d'une vie banale dans une ville ordinaire?

Lorenzo a dit…
Lisez le très beau "Petit Guide sentimental de Venise" de Paolo Barbaro et vous aurez des éléments de réponse...
bb84 a dit…
je vais de ce pas le chercher ( celui-là, je ne l'ai pas)
bb84 a dit…
c'est commandé! avez vous vu " dix hivers à Venise"? j'ai adoré.
Virginie Lou-Nony a dit…
Magnifique texte, Lorenzo! Fougueux et poétique. J'espère que votre appel à l'espoir sera entendu. Hélas les "ennemis" ont la peau dure, et le pouvoir bien en main…

Venise à l'aube



Une promenade matutinale dans Venise endormie, lorsque le jour se lève. Ces images montrent l'itinéraire choisi pour la course de santé appelée Run 5.30. le principe est simple : une course est organisée dans la ville à 5 heures 30 du matin. Course non compétitive, parcours sportif et de détente à travers la cité endormie. Un moyen de découvrir Venise au mieux de sa forme, dans le silence et la douce lumière du jour qui se lève. Je vous recommande l'aventure.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
C'est avec intérêt que je découvre ces méditations Vénitiennes. Il est 5 H Venise s'éveille. Quel beau reportage. Je suis devenu familier de cette ville la soixantaine accomplie et j'ai la chance d'y résider plusieurs mois par an. Encore à 7 H du matin lorsque Venise se réveille elle est trop belle. Je regrette qu'elle ne soit que devenue la Venise d'un jour pas toujours. Le merchandising a fait son œuvre et Venise est devenue un produit que l'on vend sur les télé achat. Pour le prix de la moindre croisière Costa vous résidez à Venise pendant 2 mois. Évidemment à la frénésie touristique il y a le revers de la médaille. Je conseille aux visiteurs ici de lire aussi toute la série de Dona Léone qui parle d'une Venise de manière critique mais qui continue à l'aimer comme Lorenzo. Restons critiques et positifs.   
Frédéric
Lorenzo a dit…
Merci Frédéric de visiter nos pages. TraMeZziniMag abonde dans votre sens. Bienvenu donc. N'hésitez-pas à nous faire part de vos avis et commentaires. 
Venezianamente, 
Lorenzo

02 mars 2012

B&B gratuit le 3 mars à Venise !



C'est le retour du Bed and Breakfast day qui permet de bénéficier d'une nuit gratuite dans un des B&B adhérents de l'opération. La seule condition : réserver au moins une nuit supplémentaire. Cela se passe demain 3 mars. Et la liste des établissements qui participent à l'opération est sur cette page : ICI. Alors si vous êtes à Venise et que vous ne savez pas encore où loger, ou si votre chambre d'hôtel vous parait trop chère et passablement bien tristounette, appelez un de ces établissements et passez-y donc le week-end, vous ne le regretterez certainement pas !
Lien

27 février 2012

Quand Capital parle de Venise

C'est comme pour les présidentielles, on n'entend le plus souvent que les grands ténors qui n'ont pas grand chose à nous dire de nouveau et d'excitant, et on oublie les petits candidats, souvent les plus sincères et les plus en adéquation avec les besoins et les attentes des gens... Le plus souvent ce sont toujours les mêmes clichés qui reviennent dans les médias sur Venise : le carnaval, les pigeons, la montée des eaux. Quand la télévision française essaie d'aller plus loin, même du bout des lèvres et des images, c'est déjà une avancée. Lecteurs de TraMeZziniMag, donnez-nous votre avis !
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20 commentaires:

anita a dit…
Emission intelligente ... les principaux problèmes de Venise y sont exposés ...mais les solutions ? Je ne crois pas du tout à l'efficacité d'une super-taxe de séjour ... anita

Lorenzo a dit…
Ah, mes lecteurs sont bien là. j'ai cru un moment que mes fidèles commentateurs n'en avaient plus que pour les pantins qui s'agitent dans la petite lucarne en cette période pré-électorale. J'ai même pensé un moment que le sort de Venise ne les intéressait plus vraiment et j'ai eu peur d'une sorte de résignation. Ne nous lassons pas de prendre la défense de la Sérénissime et de répandre la bonne parole pour essayer de contribuer à sa sauvegarde.
Anonyme a dit…
je partage l'avis d'Anita... les énormes paquebots de croisière m'ont choquée lors de ma visite (trop brève hélas)  Josette
Veneziamia a dit…
Bonjour Lorenzo, L’entretien avec Matteo n’est pas récent et bien que je sois d’accord avec son argumentation je n’ai pas beaucoup de considération pour ceux qui crachent dans le potage qui les nourrit. La taxe pour touristes résidents – et non ceux d’un jour ? – a été introduite à fin août 2011 mais, à l’instar d’Anita, je m’interroge sur son efficacité pour résoudre le problème de Venise, à savoir son dépeuplement inexorable. Une ville reste attractive quand on y trouve des magasins proches, des marchés, des possibilités de travail diversifiées, des écoles, des hôpitaux, des moyens de transport efficaces, des loyers abordables, des services à domicile pour les personnes âgées et les familles…mais cela demande de l’investissement – pas seulement pécuniaire – de la part des élites et élus. Finalement, vivre du tourisme n’est-il pas une facilité ? Si cela s’avère exact, ce choix pourrait bien devenir mortifère pour l’avenir, le jour où « la vache à lait » détournera son regard vers d’autres horizons.

Lorenzo a dit…
François, vous avez raison et ce que vous écrivez résume bien la problématique fondamentale de Venise. J'ai voulu diffuser cet entretien effectivement assez ancien parce que l'émission avait abordé cette situation quand la plupart des médias s'en tiennent au carnaval et autres apparences. Le regretté Otto de Habsbourg nous disait déjà il y a trente ans que le tourisme était une manne empoisonnée et dangereuse pour nos nations.
Veneziamia a dit…
Il avait vu juste Otto de Habsbourg. Malheureusement Venise n'est pas la seule sur terre à souffrir de cette plaie. Mais là c'est d'une acuité particulière à cause de la fragilité de l'environnement. Reste à espérer....il y a souvent des retournements de situations inattendues...comme par exemple pas de carnaval l'an prochain ? Bonne journée Lorenzo ! Françoise
Veneziamia a dit…
Dans le même ordre d'idée je viens de lire un article d'Il Gazzettino de ce jour et que je vous recommande : Venezia e i giovani/ Giù la maschera: rinnovare la città per costruire il futuro http://www.gazzettino.it/articolo.php?id=183247&sez=NORDEST
Anonyme a dit…
A franchement parler je ne vois aucune solution au problème de Venise, je cherche comme tout le monde et je ne trouve rien... Peut-être effectivement, Venise va-t-elle mourir, victime de son succès auprès des touristes que nous sommes tous. Je songe même moi-même, fidèle depuis plus de 10 ans à ne plus y retourner... Depuis deux trois ans, j'hésite à faire le voyage... Je ne veux pas paraître pessimiste, mais, comment faire pour que cette ville vive normalement ? Venise n'est plus une ville normale depuis longtemps, ses emplois ne sont en majorité des emplois ayant trait au tourisme, la spéculation immobilière est terrible, ça ne va pas arranger ses affaires dans l'avenir... Les habitants vendent et partent... Peut-t-on leur en vouloir ? Venise devient uniquement une ville de vacances touristiques. Je cherche des solutions, mais je ne trouve rien...Trop compliqué pour moi ! Amicalement.   Isabelle
annie a dit…
J'ai vu cette émission. Comme vous tous je suis inquiète pour l'avenir de Venise... Mon premier souhait ( peut-être réalisable) serait que les bateaux de croisière géants ne viennent plus dans la lagune. Au mois de Mai je viens à Venise pour quelques jours ( en touriste mais je promets de respecter cette grande Dame merveilleuse ) et je redoute la présence de ces immeubles flottants. Pouvons-nous agir d'une manière ou d'une autre ?

Lorenzo a dit…
Mais il n'y a aucune honte ni ignominie à être touriste. C'est l'exploitation qui est faite du tourisme qui est en cause et ils ont raison ceux qui rappellent que les vénitiens - comme nous le sommes chez nous dans tous les lieux qui attirent les visiteurs - sont les premiers responsables de la situation. l'appât du gain, la course au profit... On est puni par là où on a pêché. Je ne parle pas du vénitien lambda qui est souvent contraint à subir les conséquences de l'arrivée des hordes, mais de ces successions de gouvernants incapables de réglementer, de maintenir un équilibre parce que souvent participant pour eux-mêmes à la course au profit. Sauver Venise, outre les grands combats comme la lutte contre les grandi navi, la montée des eaux ou la pollution de la lagune, c'est poser chacun à notre niveau, vénitiens, amis de Venise, visiteurs d'un jour ou visiteurs réguliers, des actes significatifs. C'est participer à tout ce qui se créé en matière d'aide et de protection, c'est en parlant des problèmes, c'est en usant dignement de cette ville unique, en refusant de faire le jeu des "faiseurs d'argent-tueurs de civilisation". Evviva Venezia !
Anonyme a dit…
j'ai remarqué que les sites classés "Patrimoine de l'Humanité" deviennent des lieux à fuir... Hélas ! Tous se dénaturent, à tel point que leur visite devient un cauchemar, ainsi je n'irai jamais en Égypte voir les pyramides... Hélas ! Pauvre Venise... Hélas ! Cordialement.   Agnès
Condorcet a dit…
Ce court extrait appelle pourtant de nombreuses remarques : - la taxe de séjour instaurée le 23 août dernier répond plus à un besoin urgent de trésorerie (la commune de Venise doit trouver 100 millions d'euros pour boucler le budget 2012 et la taxe doit en rapporter 20 millions d'euros, le reste étant apporté par la vente de plusieurs palais) que par la volonté d'endiguer le tourisme de masse qui devient de plus en plus une mono-activité ; - la spéculation foncière et l'exode démographique vénitien rappellent fort la gentrification bien connues des métropoles européennes comme Paris ou Londres. Ce constat souvent dressé par les élus locaux vise à briser ce qui constitue selon eux le cercle vicieux de l'exceptionnalité vénitienne : ne se concevoir qu'à travers l'insularité et ses particularités et rester sourd aux évolutions du monde. Même si intellectuellement, une telle position est séduisante, concrètement, elle sert souvent de prétexte au financement de projets herculéens tant par leur coût que par leur impact environnemental (métro sublagunaire, création d'une grande zone commerciale autour de l'aéroport, injection d'eau salée à travers les puits) ; - le puissant mouvement de contestation né contre le passage des navires de croisière dans les bassins de la Giudecca et de San Marco donne l'espoir qu'une solution pérenne soit trouvée même si la croisière comme les pétroliers abîment la lagune, quel que soit l'endroit où ils y entrent et en sortent. Les faire passer à Malamocco les soustraira à la vue des habitants de la Giudecca ou de Dorsoduro mais ne résoudra pas le coeur du problème ; - l'appel aux jeunes Vénitiens voire aux étrangers qui voudraient résider à Venise à l'année constitue une amorce de réponse. D'autres pistes de réflexion doivent être poursuivies concernant la décongestion de Venise durant la saison touristique (notamment en réduisant la croisière, la desserte aéroportuaire, ferroviaire et automobile pour les non-résidents). Les séjours touristiques de durée moyenne et longue (une ou plusieurs semaines) doivent être favorisées et ceux de quelques jours découragés.
Condorcet a dit…
Erratum (pardon, Lorenzo) Ce court extrait appelle pourtant de nombreuses remarques : - la taxe de séjour instaurée le 23 août dernier répond plus à un besoin urgent de trésorerie (la commune de Venise doit trouver 100 millions d'euros pour boucler le budget 2012 et la taxe doit en rapporter 20 millions d'euros, le reste étant apporté par la vente de plusieurs palais) qu'il ne s'explique par la volonté d'endiguer le tourisme de masse qui devient de plus en plus une mono-activité ; - la spéculation foncière et l'exode démographique vénitien rappellent fort la gentrification bien connues des métropoles européennes comme Paris ou Londres. Ce constat souvent dressé par les élus locaux vise à briser ce qui constitue selon eux le cercle vicieux de l'exceptionnalité vénitienne : ne se concevoir qu'à travers l'insularité et ses particularités et rester sourd aux évolutions du monde. Même si intellectuellement, une telle position est séduisante, concrètement, elle sert souvent de prétexte au financement de projets herculéens tant par leur coût que par leur impact environnemental (métro sublagunaire, création d'une grande zone commerciale autour de l'aéroport, injection d'eau salée à travers les puits) ; - le puissant mouvement de contestation né contre le passage des navires de croisière dans les bassins de la Giudecca et de San Marco donne l'espoir qu'une solution pérenne soit trouvée même si la croisière comme les pétroliers abîment la lagune, quel que soit l'endroit où ils y entrent et en sortent. Les faire passer à Malamocco les soustraira à la vue des habitants de la Giudecca ou de Dorsoduro mais ne résoudra pas le coeur du problème (la forte dégradation de l'écosystème et des équilibres lagunaires); - l'appel aux jeunes Vénitiens voire aux étrangers qui voudraient résider à Venise à l'année constitue une amorce de réponse. D'autres pistes de réflexion doivent être poursuivies concernant la décongestion de Venise durant la saison touristique (notamment en réduisant la croisière, la desserte aéroportuaire, ferroviaire et automobile pour les non-résidents). Les séjours touristiques de durée moyenne et longue (une ou plusieurs semaines) doivent être favorisés et ceux de quelques jours découragés.
Veneziamia a dit…
Tout à fait d'accord avec Condorcet ! Mais à l'heure actuelle, que ce soit dans la presse, dans les agences de voyages, dans les médias en général..etc. tout est fait pour que les touristes aillent à Venise, alors quid des problèmes de cette ville si on continue à la vendre à l'extérieur !? Un peu de discrétion ne serait-elle pas de mise..? Françoise
Anonyme a dit…
Le problème de Venise c'est le problème de toutes les grandes villes. C'est la cosmopotilisation. Il suffit de lire ou relire, par exemple l'Histoire de Venise d'A Zorzi pour ce rendre compte que cette ville a connu tous les aléas de l'histoire. Mais de toutes les villes que j'ai visitée, Paris, Rome, Bruxelles, Budapest, Mexico, Palerme, Bologne,Vérone, Pise,Marakech, etc... elle reste la plus belle et la plus conviviale hormis le boulevard San Marco-Rialto en heure de pointe. Le tourisme c'est aussi une activité économique. Venise a inventé l'argent elle doit aussi subir le beurkkkk !!! et elle n'est pas la seule.   Frédéric

Anonyme a dit…
Je continue. Et que dire de l'époque ou Riva Schavoni était un port, ou les bâteaux accostaient pour décharger des produits venant du monde entier et des quartiers de marins en transit qui animaient les cali. Et que dire de l'époque de Casanova et de celle moins resplendissante de la ville de la bagatelle, et pas la moindre. La ville des exécutions sommaires et de la délation généraliséée. Venise n'est-elle pas plus belle aujourd'hui ? Ne faudrait-il pas faire un billet sur tout ce qui est beau et agréable ? Est-il utile de perpétrer la ringardise, le c'était au temps où ?   Carpe Diem.   Frédéric

Lorenzo a dit…
Mais les billets sur ce qui est beau et agréable et fonctionne bien à Venise sont légion sur TrameZziniMag. Des lecteurs pourtant- parfois me rappellent à l'ordre pour que soient évoqués les problèmes que vous soulevez tous ici. Merci Condorcet pour ce rappel. Difficile situation qui impose une longue et profonde réflexion que les politiques ont du mal à entreprendre, nécessités électoralistes obligent... Merci à tous pour ce forum improvisé !
douille a dit…
Mais c'est quoi ce guignol? il vit du tourisme et crache dessus!!! On doit être bien reçu dans son hôtel... Et ses remarques sur les poubelles, pfff...
 
Lorenzo a dit…
Douille, un peu de retenue, même si tout le monde connait votre art du second degré ! Ce "guignol" comme vous le nommez est un passionné et ce qu'il dit est fondé.
Douille a dit…
Mais oui à quand le dealer qui viendra nous dire que la drogue c'est mal... y a un juste milieu, avant tu ne mettais pas d'eau dans ton vin, et là y a plus d'eau que de vin... je suis d'accord entendre les même propos d'un habitant, mais lui il fait partie des marchands du temple, il loue quelques chambre à plus de 100€ par jour, Alors non je ne cautionne pas... En plus à part un discours limite raciste et protectionniste quand on le voit frimer dans son bateau, c'est vrai qu'on voit l'homme martyr qui souffre...