05 mai 2013

Ce qui compte, c'est l'amitié !

A Venise, il y a deux camps. Dans l'un comme dans l'autre, on s'y retrouve le plus souvent sans l'avoir voulu. Par quelle magie, quel coup du sort devient-on un jour proche des vénitiens, admis dans le cercle rapproché des citoyens de la Sérénissime ? Pourquoi d'autres demeurent-ils à tout jamais exclus de cette communauté avenante et chaleureuse ? Question idiote et inutile peut-être, mais qui méritait d'être posée. Après les avoir tenus à distance pendant de nombreux siècles, le vénitien est envahi par les barbares. Depuis longtemps déjà. Il fallait bien qu'ils se vengent d'une manière ou d'une autre. Envahie donc, mais pas occupée, notre chère Venise.

Même les nazis durant les dernières années de la seconde guerre mondiale n'avaient pu venir à bout de l'art de vivre des vénitiens. Aucun Mc Donald's même avec un décor ultra-vénitien (un peu façon vulgarité Las Vegas ou Miami), n'a pu remplacer à ce jour les ostarie traditionnelles. Le Coca Cola est toléré, apprécié même, mais le spritz et les ombre de vino bianco sont loin devant en terme de statistiques (et d'art de vivre !). C'est par l'aptitude à faire sien cet art de vivre justement que l'on devient "bon vénitien" et qu'on se retrouve un jour dans le camp des initiés. Dangereuse appartenance qui peut mener loin tant on boit facilement à Venise... Mais on y mange aussi et ce cercle d'élus est fait d'épicuriens et de sybarites. Comme les vénitiens...  

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04 mai 2013

Reflets à San Marco

Les reflets à Venise, quoi de plus banal. Voilà en effet un sujet souvent abordé et repris, peint, photographié, chanté. On ne s'en lasse pas ou on en est agacé. peu importe, ils caractérisent bien ce qu'est Venise après tout. On peut s'y épancher comme Narcisse pour y contempler sa propre image, on peut y lire l'histoire de nos vies, s'y plonger avec délice quand ils nous renvoient l'image de notre joie, nops bonheurs, nos amours... Et puis, d'un point de vue plastique, l'esthétique dont ils procèdent est un baume parfois. La lumière, les couleurs, la réalité qu'ils nous renvoient sont, comme la lecture, un très bon antalgique à nos peines, un sirop contre nos tourments. La magie de Venise là encore...
 
©Georgia Mizuleva - Tous Droits Réservés. 

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04 avril 2013

Merveilles printanières : Le risotto aux carletti de San'Erasmo


Connaissez-vous les carletti ? Plante vivace, son nom savant est Silene vulgaris Les québécois l'appellent "pétard", en France c'est du "Claquet", ou Silène enflé. C'est une herbe modeste mais pimpante qui pousse sur la lagune mais qu'on trouve aussi fréquemment dans d'autres lieux. 

Les vénitiens cueillent les carletti au printemps, fraîchement jaillies du sol, avant que les graines ne sortent et que la plante ne fleurisse. C'est alors une herbe très verte, aux jolies feuilles allongées, très tendres. On en trouve fréquemment au marché dès le mois de mars.  Elles  conservent  toute leur fraîcheur pendant deux ou trois jours, mais il vaut mieux les utiliser le plus tôt possible après la cueillette. Il existe de nombreuses recettes dont elles sont la vedette : potages, salades, omelettes, lasagnes, spaghettis, gnocchi, etc... Une des meilleures selon moi est le risotto. En voilà la recette :
 
Ingrédients : Jeunes pousses de carletti, quatre ou cinq oignons nouveaux, huile d'olive, bouillon de légumes, beurre, vin blanc sec, curcuma, sel et poivre. 
Bien laver et égoutter les pousses. 
Les ciseler grossièrement. 
Faire revenir dans de l'huile les oignons finement ciselés jusqu'à ce qu'ils deviennent transparents, en veillant à ce qu'ils ne caramélisent pas ce qui donnerait un tout autre goût et un aspect moins esthétique au plat. 
Ajouter les pousses et saupoudrer d'une petite cuillerée de curcuma. 
Mélanger et verser aussitôt le riz. Arroser de vin blanc à volonté et remuer. 
Quand le vin s'est évaporé, mouiller avec le bouillon. 
Lorsque le riz est cuit al dente, éteindre le feu. Ajouter du poivre et éventuellement du sel fin.
Ajouter une grosse noix de beurre et du parmesan finement râpé. 
Laisser reposer deux minutes avant de servir.

02 avril 2013

Oser l'engagement


"... Tout ce dont je vis aujourd’hui, j’en ai eu l’intuition enfant : le fait de savoir que chacune de nos existences est un rendez-vous ; qu’on peut le rater ou le célébrer. J’avais cette sensation que le monde m’était confié, et ce n’était pas de la mégalomanie, mais, bien au contraire, de l’humilité. Je pressentais que chacun d’entre nous a, à son échelle, la charge du monde. Par mon désordre, j’entraîne le désordre autour de moi. Si, au contraire, j’entre dans l’ordonnance intérieure de l’amour, je rayonne. Et d’un seul être peut partir un tel rayonnement, qu’il répare une famille, un village, une entreprise… Des expériences comme ça, j’en vois tous les jours. Je n’invente rien."
Combien je me sens totalement, absolument, profondément solidaires de ces paroles de Christiane Singer quand je me retourne sur le temps de mon enfance, sur ma jeunesse habitée par cette même intuition. Il est temps aujourd'hui de faire mienne l'expérience dont il est question ici. Sans se poser de question, sans hésiter. Dieu premier servi en servant mes frères.

30 mars 2013

Le temps (gourmand) de Pâques

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.Voilà le monde sorti du Carême, un nouveau pape installé sur le trône de Pierre et loin de Rome, sur Venise et le Nord est de la Péninsule, Thor, redoutable diablotin climatique qui perturbe ces premiers jours de printemps quand nous pensons tous aux cerisiers en fleurs et aux doux parfums de la nature qui s'éveille. La Semaine Sainte s'achève ce soir. Les chrétiens du monde entier vont fêter la résurrection du Christ. Hier, selon un rite millénaire, les fidèles se pressaient pour venir s'incliner devant la Croix au son des Impropères, ces magnifiques chants qui montent du tréfonds de nos âmes
" Hagios ho Theos, hagios ischyros, hagios athanatos, eleinson amis..." 
..Ce soir, quand s’élèvera de nouveau la lumière, quand les églises retrouveront leurs ornements, tous proclameront la résurrection du Christ et un grand cri de joie retentira dans le monde. Demain au matin un peu partout des enfants iront à la recherche des œufs en chocolat et les cloches sonneront à toute volée. Tout ce rituel millénaire qui varie selon les régions et les peuples prolonge les rites anciens qui célébraient le retour du printemps, la renaissance de la nature et la fécondité toujours renouvelée de la terre, notre mère  nourricière. A Venise, acqua alta et bourrasques de neige en début de semaine, pas terrible pour annoncer le renouveau... Pluie et températures assez basses pour donner envie de cuisiner des plats d'hiver.

Vidéo non archivée

C'est ce que nous ferons cette année pour le traditionnel repas de Pâques familial. Mon aînée manquera une fois de plus à l'appel. Montréal n'est pas vraiment la porte à côté et ce sera par Skype que nous nous souhaiterons de Joyeuses Pâques ! Les trois autres seront là autour d'un repas semi-végétarien puisque Jean ne mange plus de viandes depuis près d'un an. Nous ne sommes pas de gros mangeurs de viande, cela tombe bien. Menu pascal un peu différent donc, Pas de gigot d'agneau avec ses flageolets, pas de foie gras truffé maison. A la place, un plat roboratif mêlant de la viande et du riz des oignons et du Noilly Prat. Inspiré d'une recette de Bœuf à la catalane de tante Randi, danoise de naissance mais italienne de cœur, a fait une de ses spécialités, j'y ai mis de l'agneau, pour rester un peu dans la tradition pascale, mais aussi du bœuf et du porc dans le charnu. Il y aura aussi du potiron à la vénitienne, et une salade faite d'épinards fraîchement cueillis trouvé ce matin au marché, de chou rouge (c'est la fin), de radis noir, de carottes de sable.

..Les vins choisis seront classiquement vénitiens : pinot grigio pour l'apéritif et Merlot, tous deux millésimés 2004, de Monti Rossi de la famille Bixio. C'est très convenable, sans être dans les sommets !

..En dessert, un Nègre en chemise comme chez ma grand-mère. Succès garanti. Même si ce n'est plus politiquement correct de baptiser ce très vieux dessert ainsi (hypocritement, on dit Noir et Blanc maintenant), ce nom est définitivement lié à mes souvenirs d'enfance, aux dimanches d'antan quand les grandes personnes restaient des heures à table et que nous déjeunions avec les bonnes à la cuisine. On attendait avec impatience d'être appelés pour le dessert, ce Nègre en chemise ou Nègre blanc qu'on avait vu préparer, nous léchant les babines d'avance. Enfin, pour le thé, j'ai fait à la place des habituels scones et des galettes irlandaises (devenues pancakes aux États-Unis, les délicieux hot cross buns, brioche traditionnelle d'Angleterre que l'on fabrique le vendredi saint et dont tout le monde raffole chez nous. Pour les gourmands intéressés, les recettes suivent.

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28 février 2013

La Mésange et le petit garçon

Il nous arrive parfois d'être témoin d'évènements dont nous ne saurions admettre la véracité si nos yeux n'avaient pas vu et nos oreilles n'avaient pas entendu. Peut-être est-ce cela magie de Venise... J'ai souvent pensé que l'air y est traversé d'ondes mystérieuses, des sortes de courants invisibles qui permettent une préhension des êtres et des choses bien plus limpide et profonde que partout ailleurs, dans la vie normale. Laissez-moi vous conter une petite anecdote qui est devenue pour nous une sorte de mythe familial...
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Un jour de printemps, il y a plus d'une dizaine d’années maintenant, j'étais à Venise avec les plus grands de mes enfants. Il faisait très doux et les glycines embaumaient dans toute la ville. La nôtre était particulièrement plantureuse. Mon fils qui n'avait pas dix ans, jouait sur l'herbe avec des petits soldats. Il n'était plus parmi nous, mais quelque part sur une île lointaine prise d'assaut par la barbaresque. La garnison vénitienne y défendait avec peine l'oriflamme de Saint Marc, attendant avec espoir les galions qui devaient venir à leur secours. Des échos de Lépante et de Morée emplissaient le jardin. Il faisait doux. J'étais assis sur la terrasse, contemplant mon petit bonhomme plein d'imagination. Les concertos brandebourgeois accompagnaient nos deux rêveries.
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Soudain un petit oiseau a surgi au milieu des branches fleuries de la glycine. Son ventre brillait d'un joli jaune pâle et le reste de son corps était d'un gris-bleu très distingué. on eut dit qu'il portait une redingote de satin. Sa tête blanche s'ornait d'un bleu sombre qui tirait presque noir au-dessus des yeux. Il n'y avait aucun doute, il s'agissait d'une petite mésange bleue. Présence plutôt inattendue à Venise où elles viennent rarement. Elle semblait vouloir rester là, pour se chauffer au soleil et profiter du merveilleux parfum au milieu de cette débauche de couleurs. Mon fils la regarda. Elle s'immobilisa un instant, tournant la tête dans tous les sens comme un petit clown, puis soudain elle se mit à chanter. Son chant se fit de plus en plus fort, mais jamais criard. Comme l'enfant, cette petite présence jaune et bleue au milieu de toutes ces fleurs parme, m'enchantait. Et là, un de ces miracles dont Venise a le secret s'opéra devant nous : Le chant de l'oiseau et la musique de Bach devinrent une seule et même mélopée. Magique. L'oiseau dont le plumage se gonflait et se dégonflait, exprimait avec le même rythme, dans l'exacte tonalité, les notes qui jaillissaient des hauts-parleurs. Bouche bée je cherchais à déterminer si ce que j'entendais était bien réel ou le fruit de mon imagination quand l'enfant exulta : "papa, papa, l'oiseau chante comme dans le disque !" 
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Lorsque la musique s'arrêta, la petite mésange se tut à son tour, tournant de nouveau sa jolie tête dans tous les sens puis, visiblement satisfaite de l'effet produit, elle s'envola et disparut derrière les arbres. J'ai su bien plus tard qu'il n'était pas rare autrefois de trouver dans les maisons vénitiennes des passereaux que l'on dressait à chanter les airs à la mode. Ils accompagnaient ainsi les musiciens pour le plus grand bonheur des invités. Cela surprenait à chaque fois les étrangers. C'est ainsi que l'empereur de Chine et le Sultan ottoman n'étant jamais parvenus à faire accomplir ce prodige par leurs dresseurs, se firent construire par dépit de petits automates dont un ingénieux mécanisme parvenait à reproduire le chant des oiseaux. Notre petite mésange avait peut-être traversé le temps pour retrouver la glycine parfumée de notre petit jardin de Dorsoduro...   .
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A Venise, je vous l'assure, on ne sait jamais où se termine la réalité et où commence le rêve...

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24 février 2013

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE 35 ) : Vacances à Venise de David Lean

 


Vous connaissez certainement Summertime - Summer Madness en Grande-Bretagne, ce film célèbre (sorti en France sous le titre "Vacances à Venise"), tourné en 1955 par David Lean, avec la fabuleuse Katharine Hepburn. J'ai connu par une vieille dame qui habitait derrière San Rocco, bien des secrets du tournage, ou plutôt des tas d'anecdotes. Elle avait été engagée comme figurante avec beaucoup d'autres vénitiens familiers, depuis longtemps habitués à la venue d'équipes de cinéastes. Un passionnant catalogue de tout ce qui a été tourné à Venise depuis les débuts du cinéma jusqu'à sa publication, dans les années 80, rédigé sous la direction du sympathique Roberto Ellero, avait d'ailleurs pris comme illustration pour la jaquette de sa couverture, une photo du cinéaste en plein tournage au-dessus de la Piazza. Ce fut aussi l'affiche de l'exposition Venezia, Città del Cinema que nous avions présenté en 1986 aux bordelais qui fit l'évènement avec un vernissage façon Hollywood (TraMeZziniMag reviendra sur cette manifestation qui avait affolé toute la ville et perturbé la circulation pendant plusieurs heures).
 

Pour ceux qui ne connaitraient pas le film : l'héroïne, Jane Hudson est une femme entre deux âges, célibataire, elle est secrétaire dans une école primaire, à Akron, dans l'Ohio,  quelque part dans un coin des États-Unis. elle profite des vacances scolaires pour découvrir Venise dont elle rêvait depuis toujours. C'est particulièrement excitée par ce qu'elle va découvrir qu'elle débarque à Santa Lucia. Comme toujours l'actrice déborde de vivacité et dès les premières images, elle donne le ton du film, exposant son enthousiasme presque puéril, son appétit et sa curiosité, mais aussi ses frustrations de (presque) vieille fille. Venise, c'est l'Italie et l'Italie pour une américaine célibataire, c'est le pays de l'amour. 
 

Logée à la Pensione Fiorini,  une maison patricienne transformée par sa propriétaire (jouée par la grande actrice italienne Isa Miranda qui eut une brillante carrière, jouant avec Max Ophüls et René Clément entre autres) en auberge, qui ressemble beaucoup à la Pensione Accademia, elle y fait la connaissance d'américains de tous types : artistes bohèmes, couple de gros bourgeois venant de la même région qu'elle avant de croiser le chemin d'un jeune garçon qui va lui servir de cicerone, puis d'un bel italien séducteur, joué par Rossano Brazzi, marchand d'art de son état du côté de San Barnaba, dans la petite boutique qui existe toujours contre le pont à gauche de l'église, quand on vient du ponte dei Pugni (c'est en fait l'échoppe d'un doreur-brocanteur où on trouve encore parfois de vrais trésors). Le coup de foudre va être instantané. Le film aurait pu sombrer dans la mièvrerie sirupeuse de certaines comédies romantiques américaines, mais le génie de David Lean, la fusion qui s'est opérée peu à peu entre le cinéaste et la ville de Venise qui l'a tellement fasciné qu'il partagea sa vie par la suite entre les rives de la lagune et l'Angleterre. 
 

L'histoire n'est pas si simple. Jane est amoureuse et conquise. Dîner aux chandelles, promenades, fleurs et le baiser enfin... Hélas, le bel antiquaire est marié et un quiproquo au sujet d'une coupe en verre de Murano ancienne vue en plusieurs copies par notre américaine, font éclater le rêve. Le cœur brisé, déçue, anéantie, elle décide de repartir. Mais la réconciliation n'est pas loin. Il y a une explication : oui l'homme est toujours marié - et père de famille - mais il vit séparé depuis des années et il est libre. L’Italie très catholique de ces années-là ne vivait pas le divorce comme une simple formalité. Il la presse de rester, elle préfère rentrer avec ses beaux souvenirs. L'ultime scène suggère un retour possible, un jour et les retrouvailles des deux amants.
 

Le tournage ne se fit pas sans problèmes. Du côté vénitien tout d'abord. Si des équipes débarquaient déjà souvent à cette époque, elles évitaient l'été, pleine saison touristique. La municipalité cria haut et fort, suivie par les gondoliers qui craignaient de ne pas pouvoir travailler à leur aise. Les producteurs réglèrent le problème en faisant un don assez conséquent pour la restauration de la basilique. Tous les obstacles administratifs se levèrent en un clin d’œil... Ce fut ensuite avec la vedette que le cinéaste eut des problèmes. Grande star, son contrat prévoyait des doublures pour toutes les scènes particulières et Katharine Hepburn refusait de tomber elle-même dans l'eau du canal de San Barnaba, qu'elle trouvait à juste titre vraiment ragoûtante. David Lean y fit verser des litres de désinfectant. Cela décida l'actrice. Il y eut plusieurs reprises de la scène. A chaque fois, la vedette devait tomber dans l'eau, se sécher, se changer et recommencer... La dernière prise fut la bonne. Tout le monde était très satisfait. Hélas, il fallu quelques jours plus tard l'intervention d'un médecin... Katharine Hepburn avait une très rare variété de conjonctivite qu'elle ne put jamais soigner et qui la pénalisa jusqu'à la fin de sa vie, (sale) souvenir de Venise...
 
 

 


Venise, une fois encore, joue un vrai rôle dans le film. Ses ruelles et ses campi, mais aussi sa vie quotidienne, les marchés, les terrasses de café (on y voit longuement le Café Chioggia, et le Florian, tel qu'ils étaient du temps où Hemingway croisait Jean-Paul Sartre, Visconti ou Vittorio de Sica), mais plus encore sa lumière, les jeux de reflets et de nuances qui sont une bénédiction pour les (bons) cinéastes. Après tout, ce n'est pas pour rien que Venise est à l'origine du plus ancien festival du cinéma du monde ! 
 

Ci-dessous, la Bande-Annonce originale du film :

23 février 2013

Les canaux de Venise...


"Les canaux de Venise sont noirs comme l'encre; c'est l'encre de Jean-Jacques, de Chateaubriand, de Barrès, de Proust; y tremper sa plume est plus qu'un devoir de français, un devoir tout court."   
Paul Morand

09 février 2013

Belles marquises...

Jolies vénitiennes croisées pendant le carnaval 2013

Promenade dans la Venise de Canaletto au Musée Maillol


A défaut de pouvoir être à Venise, j'étais mercredi dernier à Paris, au Musée Maillol où est présentée jusqu'au 10 février une exposition de peintures du peintre vénitien. Impossible de ne pas en avoir entendu parler tellement la publicité pour l'évènement est omniprésente à Paris, sur les parois des bus, dans le métro, dans les journaux. On voit des affiches partout. C'est qu'il s'agit bien d'un évènement d'envergure, en dépit de quelques détracteurs qui n'en ont pas eu pour leur faim. Pourtant. Non seulement le musée a réuni, avec l'aide le la Sovrintendenza des Musées vénitiens, des toiles éparpillées dans le monde entier, mais offre aussi aux amateurs la possibilité de voir, et presque de toucher, le fameux carnet dans lequel Canaletto dessinait à l'aide de sa camera oscura que l'on peut admirer dans une vitrine et dont une réplique a été construite que le visiteur peut utiliser, pour mieux comprendre la méthode du peintre vénitien. 
Maillol est un musée charmant. Si le sbire qui contrôle l'accès aurait davantage sa place à la sécurité d'un supermarché de banlieue, les gardiens sont avenants et le reste du personnel toujours tout sourire. C'est sûrement difficile parfois, comme le matin où je suis allé voir l'exposition. Vingt minutes avant mon arrivée, un groupe d'une cinquantaine de vieillards cacochymes avait investi les lieux. Certainement tous sourds, vu qu'ils avaient branché les audiophones mis à leur disposition au maximum, et on se serait cru dans une monstrueuse ruche, les salles résonnaient d'un bourdonnement permanent insupportable. Les augustes visiteurs parlaient forts pour la plupart - toujours les aléas de la surdité, attendaient attroupés devant les toiles que le commentaire enregistré se termine et ainsi agglutinés, il était quasiment impossible de rien voir. Pris soudain d'une heureuse impulsion, j'ai arpenté les salles (deux au rez-de-chaussée et le reste à l'étage) à l'inverse du parcours prévu par l’audio-guidage. Le reste du troupeau qui n'avait pas d'engin collé à l'oreille suivait sagement une charmante jeune guide. Il n'y avait quasiment personne à l'étage. Autant l'agacement provoqué par le club du Troisième âge, très chic cela étant, m'avait tout d'abord incité à quitter les lieux pour me réfugier avec le catalogue dans le premier café venu, autant le calme et le silence des salles du haut me rasséréna. J'étais quasiment seul, entouré par des merveilles. Un vrai bonheur car cette exposition, je vous l'assure contient des merveilles dont on peut s'approcher jusqu'à se sentir au milieu des scènes dépeintes par l'artiste. Parmi les grands formats on peut admirer (de près) le superbe tableau qui montre la Scala dei Giganti du palazzo ducale. Délicieusement plein de vie, avec tout un tas de personnages qui tous semblent prêt à nous apostropher et à sortir de la toile. Peint dans les années 1755, ce tableau fait partie de la collection du duc de Northumberland comme d'autres tout aussi beaux. Je ne l'avais jamais vu en vrai. 
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A plusieurs reprises, à Venise, dans les musées, mais aussi dans certains palais et une mémorable fois en Angleterre, il m'a été donné de voir de près les peintures de Canaletto. Mais là, dans ces petites salles intimes, c'était une révélation et une grande joie. La salle ou trône cette vue de la cour du palais des doges, des hauts-parleurs diffusaient en sourdine de la musique de Vivaldi. Des airs connus comme certains mouvements des quatre saisons, mais aussi quelques pièces moins faciles, notamment des airs religieux chantés par une délicieuse voix blanche. Une autre salle présente le travail de graveur du maître. On y voit les dessins préparatoires joliment encadrés, puis les épreuves. Quelques eaux-fortes au format de grande carte postale font comprendre le rôle joué par le travail de Canaletto à une époque où sauf à savoir dessiner, on ne pouvait pas ramener de son séjour à Venise de photographies ni de cartes postales. Ces eaux-fortes sont incroyables de prévision, les détails sont charmants et tout parait tellement vivant. Enfin, pour parfaire la présentation du travail, plusieurs cadres présentent le même sujet, du dessin à la peinture en passant par différentes gravures du même paysage. 
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Guardi est présent ainsi que le père de Canaletto, Bernardo Canal dont on peut admirer au rez-de-chaussée une superbe toile géante représentant le Grand Canal du côté du Rialto. Comme plus tard chez le fils, la toile est remplie de personnages qui ont leur vie propre et s'animent sous nos yeux comme autant de témoins de cette époque où, décadente déjà, Venise n'en restait pas moins la capitale d'un pays prospère à la démographie galopante.

Peu à peu les nobles et sourds vieillards sont arrivés... Les plus valides arrivèrent à la suite de la guide, les autres surgirent de l'ascenseur. Soufflants et pouffants, ils se sont affalés sur les banquettes installées le long des parois. Le son des audiophones annonça leur venue dès l'escalier. Certains, plus attentifs, ont remarqué la décoration - des poteaux de bois et des planches grossièrement blanchies à l'eau pour rappeler les pali de la lagune et les débarcadères mouillés par les eaux. Les salles se sont remplies en un instant d'un vacarme de cour de récréation. J'en ai profité pour redescendre. Le rez-de-chaussée avait retrouvé le silence qui sied aux musées. Les deux choses qui m'intéressaient le plus semblaient libérées de cette horde très ressemblante à celles qui envahit chaque jour par flots interrompus (sauf à l'heure des repas !), musées et églises de la Sérénissime  : la fameuse camera oscura reconstituée trônant au milieu d'une salle et mise à disposition du public, non loin de la (présumée) véritable dans sa vitrine et LE fameux carnet. 

Un écran horizontal installé sur le même meuble que le précieux recueil de la Marciana, permet d'en feuilleter virtuellement, page après page, les 76 feuillets. C'est émouvant, charmant, sublime, passionnant, fascinant... Pardonnez cette emphase, mais autant de chefs-d’œuvres devant les yeux et soudain la contemplation des croquis qui en sont l'origine, avec les annotations de l'artiste quant aux couleurs et aux détails à ne pas oublier, revient à être projeté dans la Venise du XVIIIe siècle, parmi ses habitants. C'est comme humer le même air qu'ils respirèrent, entendre avec eux les cloches des églises qui se répondent, participer au brouhaha qui anime les places et les rues que Canaletto nous montre. En regardant l'outil que l'artiste utilisa, cette belle boîte de bois vernis, avec le couvercle en buis tourné et patiné par le temps que le maître a vissé et revissé à chacun de ses déplacements, on ne peut qu'être joyeusement ému. C'est toute la Venise authentique qui est là sur les cimaises du Musée Maillol et qu'on peut approcher de tellement près. Le rapport aux œuvres se fait intime, comme rarement dans un musée.
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Le catalogue publié par Gallimard m'a paru en revanche assez décevant. Il coûte 39 euros, de format italien et regorge d'illustrations et de détails, mais la couleur des tirages est épouvantable. Les clichés ne sont pas toujours très clairs et aucun des détails qui apparaissent avec une incroyable netteté à l’œil nu quand on se tient devant les peintures n'a été reproduit. 

Le petit ouvrage toujours chez Gallimard, publié par Annalisa Scarpa, commissaire de l'exposition, dans la collection Octavius , "Venise au temps de Canaletto", outre l'élégance de sa mise en page, est d'une meilleure qualité. Ce petit album sans prétention est largement moins cher. Il présente sous forme d'itinéraire, la plupart des points de vue, campi, palais, églises, monuments, d'une ville quasiment inchangée qui aujourd'hui encore conserve tout le charme du XVIIIe siècle qui charme le visiteur sensible. Je renvoie aussi les amateurs à l'excellent ouvrage de J.G. Links paru en 1994 chez Phaidon. Bien qu'un peu vieilli, il reste à ce jour l'un des ouvrages les mieux documentés sur le peintre.

  
Si vous le pouvez, courrez-y ! Vous ne serez pas déçus et privilégiez une visite matutinale ou réservez en donnant le nom d'un maharadjah ou d'un émir pour que l'on interdise les salles en votre présence! Toutes les informations sur l'excellentissime site, Venise1.com : ICI