Connaissez-vous Lucian Freud ? Petit fils du célèbre psychanalyste, né en 1922, naturalisé anglais en 1933 et dernier rand peintre anglais vivant. Le Musée Correr l'a exposé dans une grande rétrospective qui a attiré des visiteurs du monde entier. Il aurait pu être présenté au pavillon anglais à la place de Bacon, puisque lui au moins, toujours vivant et créateur, répond bien à la définition d'artiste contemporain. Figure emblématique de l'art figuratif contemporain, il a été célébré dans les belles salles du Musée de la Piazza San Marco, pendant une bonne partie de l'année 2005. A la Biennale justement il avait été reçu... en 1954 en même temps que ses compatriotes, Francis Bacon et Ben Nicholson. Cette belle exposition présentait à la fois une synthèse de son travail de manière chronologique et d'un échantillonnage de ses thèmes préférés, car il n'y a pas que le portrait dans son œuvre, bien que ce soit par les portraits qu'il est le mieux connu.
Mais ce qui était encore plus intéressant dans cette "rétrospective", c'est la preuve physique de la culture allemande dans l’œuvre de cet anglais d'éducation et de vie, ce qui l'éloigne bien entendu de Bacon. Freud exprime sa germanité jusque dans ses exagérations, ses désordres et ses errements. Dans son regard tout simplement. La manière si particulière qu'il a de traiter la lumière, le rattache ainsi aux canons de la Neu Schlickelt (la nouvelle objectivité) version tudesque du "réalisme magique". Enfin à la vue de ces corps allongés, aux formes parfois distendues jusqu'à la douleur, on ne peut que sentir la filiation à Egon Schiele.
Les
90 œuvres exposées (dont 15 eaux-fortes) montraient ainsi les fameux portraits, mais aussi des motifs floraux, des scènes de la banlieue de
Londres, avec des vues d'intérieur comme "large interior at Paddington" de 1968... Mais, comme le fait remarquer Lidia Panzeri, critique d'art de la revue Giornale d'Arte, ce qui domine son oeuvre demeure la figure humaine. A commencer par "the girl with roses", portrait de l'ex-femme du peintre, Kitty Epstein, qui avait été exposé ,à la Biennale en 1954. Il faut citer ensuite les différentes versions dans les années 70 des portraits très marqués de tristesse de sa mère restée veuve."Freud se colle au personnage, le figeant quasiment par sa fureur introspective jusqu'à en dénicher la nature la plus intime, sans aucune inhibition. Il ne s'arrête pas plus à la désagrégation d'un corps féminin vieilli et défait qu'à la présentation en gros plan des parties génitales masculines comme dans le "David and Eli" de 2003."