Mardi 11 juin
Court séjour ce mois-ci. Molti impegni dans mon quotidien français. Pourtant, l'appel de la Dominante reste le plus fort et me pousse à tout laisser pour courir vers elle et regonfler mon énergie, mon entrain et ma joie. Nécessité absolue que ces échappées belles. Question d'oxygène, de survie mentale. Je ne puis m'éloigner de Venise trop longtemps sans quoi je perd pied, je m'ennuie. Je me lasse de tout ce qui m'occupe et que je fais avec passion et enthousiasme. Recharger mes batteries comme d'autres le font en marchant sur les santi camini, en s'isolant à la campagne ou en naviguant en pleine mer. Le prétexte était incontournable : finaliser le lancement de la maison d'édition, matérialiser plusieurs années de réflexion, d'études. D'atermoiements aussi. Une belle aventure à coup sûr mais une grande peur aussi. Un nouveau commencement, un grand saut à l'âge où la plupart de mes amis aspirent à une retraite paisible et méritée. Impossible de dételer quand des idées et des rêves nous trottent dans la tête et nous secouent tout entier.
Joli temps ici, loin des frimas bordelais. 12 degrés de différence entre le temps sur le tarmac de Bordeaux-Mérignac et celui de Venezia Marco-Polo. Autre différence qu'il est impossible de ne pas remarquer, cette détente générale des gens ici, cette impression de sérénité tellement opposée à cette crispation générale qui règne dans l'hexagone et me donne envie de fuir mes concitoyens. Il y a longtemps que je me sens davantage italien - et plus encore vénitien - que français. Inconfortable constat qui m'attriste beaucoup et tentation contre laquelle je lutte, mais jusques à quand ?
Mercredi 12
Ma venue à Venise, c'était aussi pour rencontrer Robert de Laroche, l'éditeur-écrivain. Ancien chroniqueur et journaliste, personnification de l'Honnête Homme comme les temps d'avant en produisaient, nous ne nous étions encore jamais rencontrés en dépit de quelques échanges. Avoir son avis, recueillir ses conseils et, pourquoi pas, faire un bout de chemin ensemble avec le fondateur des éditions de la Tour Verte dont le catalogue est rempli de trésors. Nous nous sommes longtemps croisés, fréquentant les mêmes lieux, sans que jamais le hasard nous fasse nous rencontrer. C'est enfin arrivé. Une reconnaissance mutuelle, cette impression de nous connaître déjà et d'avoir seulement interrompu une conversation des années ou des siècles auparavant. Et puis cet indéfectible lien qui nous lie tous deux à la Sérénissime et aux mots. Le monsieur vient souvent à Venise qu'il connait comme sa poche et où il a beaucoup d'amis, la plupart sont de vrais vénitiens, des gens simples et authentiques, dont l'histoire comme le quotidien sont incrustés dans la matière même dont est constituée la ville.
Ma venue à Venise, c'était aussi pour rencontrer Robert de Laroche, l'éditeur-écrivain. Ancien chroniqueur et journaliste, personnification de l'Honnête Homme comme les temps d'avant en produisaient, nous ne nous étions encore jamais rencontrés en dépit de quelques échanges. Avoir son avis, recueillir ses conseils et, pourquoi pas, faire un bout de chemin ensemble avec le fondateur des éditions de la Tour Verte dont le catalogue est rempli de trésors. Nous nous sommes longtemps croisés, fréquentant les mêmes lieux, sans que jamais le hasard nous fasse nous rencontrer. C'est enfin arrivé. Une reconnaissance mutuelle, cette impression de nous connaître déjà et d'avoir seulement interrompu une conversation des années ou des siècles auparavant. Et puis cet indéfectible lien qui nous lie tous deux à la Sérénissime et aux mots. Le monsieur vient souvent à Venise qu'il connait comme sa poche et où il a beaucoup d'amis, la plupart sont de vrais vénitiens, des gens simples et authentiques, dont l'histoire comme le quotidien sont incrustés dans la matière même dont est constituée la ville.
Ce passionné après avoir écrit une soixantaine d'ouvrages sort ces jours-ci un livre qui aura, c'est certain, un vrai succès. La Vestale de Venise : une enquête de Flavio Foscarini vient à peine de sortir que déjà les libraires demandent un réassort au distributeur. Visiblement l'auteur s'est régalé. L'action se situe sous le règne du doge Pisani, au moment où déjà tout se délitait et où la Dominante se savait gangrénée mais ne voulait croire à son agonie déjà en gestation. le monde allait changer. Le NH Flavio Foscarini, brillant jeune patricien et son ami, Gasparo Gozzi vont vivre une étrange aventure qui tient le lecteur haletant tout au long des 265 pages du roman. Est-ce un roman policier, un polar historique ? Un roman fantastique ? Robert de Laroche a travaillé plusieurs mois pour que rien ne cloche ni ne choque dans sa description de la Venise du carnaval dans les années 1740. Aux personnages nés de son imagination se mêlent des femmes et des hommes qui ont vraiment existé et que nous voyons s'animer comme dans la réalité. Et le rythme enlevé, la finesse des descriptions, la lumière très particulière de Venise, l'atmosphère unique de son carnaval, la pesanteur de son administration figée et déliquescente, le lecteur en est vite imprégné et dès les premières pages, on voudrait en lire davantage.
Une fois commencé, il m'a été impossible de poser le livre. Une longue nuit et quasiment une journée sans rien faire d'autre que suivre l'enquêteur, son jeune ami Gasparo Gozzi et sa splendide jeune épouse sorienne. Comment laisser pour des activités triviales de notre époque insipide la flamboyante compagnie de tous les personnages du roman, ceux nés dans l'imaginaire de l'auteur mais aussi ceux qui ont vraiment existé, que l'on voit s'animer au fil des pages comme si, par un charme secret, emportés à travers les fibres du papier, nous étions réellement dans cette Venise palpitante qu'il décrit à merveille. Les lieux, l'atmosphère, les sons, les odeurs et les parfums, tout devient vrai, palpable. On sursaute, on a peur, on rit, on s'agace avec les personnages. Tout se tient, tout est plausible. N'est-ce pas à cela qu'on reconnait un vrai roman policier ?
Et puis Robert de Laroche, Fou de Venise comme nous tous, qui connait bien cette Venise a poussé le souci du lecteur jusqu'à se plonger pendant des mois dans des ouvrages documentaires, des récits authentiques, pour mieux décrire ce qu'il maîtrisait un peu moins. Cela donne un travail très élaboré, digne de ces historiens qu'il a bien connu et parmi lesquels sa connaissance de Venise ne déparerait pas.
La dernière page tournée, difficile de retourner à ses occupations. Le hasard de mes occupations ici m'a fait passer dans des endroits où se situent des scènes du roman. Incroyable sensation, certes liée à la magie de Venise et à son atmosphère unique : partout je m'attendais à croiser les nobiluomini inséparables qui mènent leur enquête mais aussi les figurants qu'on croise au fil des pages tout au long du livre... Vivement la suite des aventures du brillant Flavio Foscarini, l'époque ne manque pas de sujets possibles à lui mettre sous la dent. Mon petit doigt me dit que l'auteur s'est d'ores et déjà attelé à un second opus...
Vendredi 14
Mais la rencontre d'où je reviens et qui avait lieu à l'Alliance Française, dans le sublime décor, délicieusement décati mais portant beau encore, du fameux casino Venier, n'impliquait pas l'auteur Robert de Laroche, mais l'éditeur. En effet, la nombreuse assistance formée de français résidant à Venise mais aussi de vénitiens francophiles passionnés - il en reste assurément - venait entendre Gabrielle Gamberini, qui présentait son opus consacré à la librairie française de Dominique Pinchi, qu'il avait créé en 1977 avec sa compagne Ornella. Une bien belle aventure que cette librairie-maison d'édition dont la disparition il y a deux ans déjà, laisse un vide qui demeure une souffrance pour tous. Pour ses fondateurs, bien que tous deux continuent leur route avec sérénité et bonheur. Pour les nombreux clients, anonymes ou célèbres, qui fréquentèrent les lieux pendant quarante ans.
de Flavio Foscarini
Editions du 81
Une fois commencé, il m'a été impossible de poser le livre. Une longue nuit et quasiment une journée sans rien faire d'autre que suivre l'enquêteur, son jeune ami Gasparo Gozzi et sa splendide jeune épouse sorienne. Comment laisser pour des activités triviales de notre époque insipide la flamboyante compagnie de tous les personnages du roman, ceux nés dans l'imaginaire de l'auteur mais aussi ceux qui ont vraiment existé, que l'on voit s'animer au fil des pages comme si, par un charme secret, emportés à travers les fibres du papier, nous étions réellement dans cette Venise palpitante qu'il décrit à merveille. Les lieux, l'atmosphère, les sons, les odeurs et les parfums, tout devient vrai, palpable. On sursaute, on a peur, on rit, on s'agace avec les personnages. Tout se tient, tout est plausible. N'est-ce pas à cela qu'on reconnait un vrai roman policier ?
Et puis Robert de Laroche, Fou de Venise comme nous tous, qui connait bien cette Venise a poussé le souci du lecteur jusqu'à se plonger pendant des mois dans des ouvrages documentaires, des récits authentiques, pour mieux décrire ce qu'il maîtrisait un peu moins. Cela donne un travail très élaboré, digne de ces historiens qu'il a bien connu et parmi lesquels sa connaissance de Venise ne déparerait pas.
La dernière page tournée, difficile de retourner à ses occupations. Le hasard de mes occupations ici m'a fait passer dans des endroits où se situent des scènes du roman. Incroyable sensation, certes liée à la magie de Venise et à son atmosphère unique : partout je m'attendais à croiser les nobiluomini inséparables qui mènent leur enquête mais aussi les figurants qu'on croise au fil des pages tout au long du livre... Vivement la suite des aventures du brillant Flavio Foscarini, l'époque ne manque pas de sujets possibles à lui mettre sous la dent. Mon petit doigt me dit que l'auteur s'est d'ores et déjà attelé à un second opus...
Vendredi 14
Mais la rencontre d'où je reviens et qui avait lieu à l'Alliance Française, dans le sublime décor, délicieusement décati mais portant beau encore, du fameux casino Venier, n'impliquait pas l'auteur Robert de Laroche, mais l'éditeur. En effet, la nombreuse assistance formée de français résidant à Venise mais aussi de vénitiens francophiles passionnés - il en reste assurément - venait entendre Gabrielle Gamberini, qui présentait son opus consacré à la librairie française de Dominique Pinchi, qu'il avait créé en 1977 avec sa compagne Ornella. Une bien belle aventure que cette librairie-maison d'édition dont la disparition il y a deux ans déjà, laisse un vide qui demeure une souffrance pour tous. Pour ses fondateurs, bien que tous deux continuent leur route avec sérénité et bonheur. Pour les nombreux clients, anonymes ou célèbres, qui fréquentèrent les lieux pendant quarante ans.
à suivre.......
Robert de Laroche
La Vestale : une enquêtede Flavio Foscarini
Editions du 81
ISBN 2915543542
juin 2019