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21 juillet 2024

Redentore 2024 : un joyeux millésime

Pour Anne L. dont c'est le premier Redentore

Pour les médias internationaux et les touristes, la Fête du Redentore, c'est avant tout un gigantesque feu d'artifice. Quelques uns évoquent le pont votif qui enjambe traditionnellement le canal de la Giudecca. Mais rares sont les journalistes qui soulignent l'importance de cette fête pour les vénitiens.


D'autres pays aussi, ont leur tradition de feux d'artifice, d'illuminations et de parades nautiques. Je me souviens de la première fois qu'il m'a été donné d'assister à Oxford au  May Day appelé aussi May Morning, quand juste avant l'aube le premier jour de mai, tout le monde se presse au pied du campanile de Magdalen College, pour écouter le chœur d'enfants du collège chanter en latin des madrigaux et recevoir la bénédiction solennelle. Même rituel depuis 1695... Étudiants, professeurs, visiteurs, familles, il y a foule sur le pont et sur les rives de la rivière Cherwell. Il y a plein de barques, remplies d'étudiants joyeux, et les abords du collége sont noirs de monde. Parfois certains plongent ensuite du pont, puis on assiste aux danses folkloriques avant d'aller boire et se restaurer. Les pubs et les cafés ouvrent très tôt ce jour-là. Certains existaient déjà du temps du roi Henri VIII !  Réminiscence de la Floralia, cette belle fête romaine pour célébrer le printemps revenu. Souvent à Oxford il pleut ce jour-là mais lorsque j'y assistais, le beau temps était de la partie !

A Venise, il y a lurette qu'on ne saute plus des ponts pour plonger dans les eaux de la Lagune. Quelques enfants, des adolescents provocateurs parfois, s'y baignent encore bien que cela soit interdit parce que dangereux à cause de toute la pollution invisible des eaux. Comme eux, je l'ai fait dans les années 80, depuis certains ponts de Cannaregio, du côté nord de la Giudecca, à Sacca Fisola aussi du temps où il y avait encore des semblants de plage.

Mais mon meilleur souvenir est du côté des Fondamente Nuove, au bout de la passerelle. Là on y allait la nuit, en barque le plus souvent et souvent une vedette de la police éclairait soudain nos ébats dans l'eau, nous nous faisions sermonner. C'était bon enfant, les policiers tous vénitiens, eux aussi avaient été jeunes...

Mais revenons à notre fête du Redentore. Tout commence par un pont, le pont votif,, une longue passerelle montée sur des barges, le chemin qu'emprunteront le jour J les pèlerins, avec en tête le patriarche et les autorités civiles et militaires bientôt suivis par la foule des vénitiens, tous redevenus très pieux pour ce jour-là. Les rives des deux côtés sont décorées de lampions. 


Un peu partout les riverains installent des tables, des chaises et des bancs. depuis quelques années, les emplacements sont marqués au sol et attribués en priorité aux habitants devant chez eux.

Les bateaux aussi sont décorés, fleuris, aménagés. Il y en aura sur tout le bassin de San Marco et à l'entrée du canal de la Giudecca. Le soir de la fête, on y fait ripaille entre amis, en famille. L'ambiance est joyeuse en attendant le feu d'artifice, l'un des plus beaux d'Europe dit-on ici. 

 

C'est vrai qu'il est toujours impressionnant, avec les mille reflets qui font pousser des cris d'admirations au public. Quand vient le bouquet final, tous les bateaux ou presque se précipitent vers le Lido où il est d'usage de se rendre pour continuer la fête sur les plages du Lido en attendant le lever du soleil. 

 

Une bien belle fête qui, une fois encore, montre combien les vénitiens sont attachés à leurs traditions lorsqu'elles ne sont pas dénaturées par les marchands du temple ou grossièrement déformées comme le carnaval tellement éloigné de ce qu'il fut lors de sa renaissance dans les années 78/80, une série de fêtes et d'évènements spontanés où l'esprit de la Sérénissime n'était pas encore souillé par la « disneylandisation » de la ville lagunaire... et la pollution permanente du tourisme Unesco.

24 février 2024

L'hiver qui s'éloigne nous envoie son arrière-garde

Il n'est pas encore parti et n'a pas dit son dernier mot. Le bonhomme, rusé, envoie ses giboulées. Elles nous prennent par surprise. Ne sont-elles pas après tout placées sous l'égide du dieu de la guerre puisqu'on les sait naître en mars. Qui dit encore qu'il n'y a plus de saisons et que tout est chamboulé ? Apparemment le changement climatique, s'il s'avère être tout sauf une invention d'hallucinés adeptes du complot, n'a pas encore eu raison des adages paysans, des proverbes populaire de l'almanach Vermot

by courtesy of © Catherine Hédouin - 2016

Car avec quelques heures d'avance sur la tradition climatique, les giboulées de mars nous tombent joyeusement dessus, aidées en cela par une mercenaire au joli nom de princesse. La tempête Pia qui provoque depuis quelques jours de fortes pluies et des vents violents dans le Nord de l'Europe et couvre désormais une bonne partie de l'Europe, routes sont bloquéeset zones côtières inondées, fleuves qui débordent faisant quelques victimes au passage et de nombreux dégâts. Pia décoiffe et fait s'envoler les parapluies, aboyer les chiens et frissonner les chats réfugiés bien au chaud quand ils le peuvent.Petit détail amusant : J'étais il y a un peu plus d'une heure, à Bordeaux, assis à une terrasse sous ciel d'un bleu très pur et un soleil primavérile - pour emprunter l'adjectif italien à Paul-Jean Toulet qui l'avait certainement lu dans un poème d'Adelsward-Fersen. Le café était digne des cafés italiens. Il me fallait rentrer à contre-coeur pour poursuivre ce travail de forçat auquel je m'astreins depuis des mois : reconstituer un à un la totalité des billets publiés dans Tramezzinimag depuis mai 2005, avec les illustrations, les vidéos, les sons et les nombreux commentaires d'origine. 

La tentation était forte de délaisser mon devoir pour m'adonner à ce doux farniente, ma vraie nature en réalité, penchant honteux dans ce monde commandé par l'appât du gain et des apparences. Dehors, l'habituelle manifestation dominicale. Aujourd'hui, les ukrainiens. Quelques cris, des oriflammes bleus et jaunes. Les mêmes couleurs que celles qui décoraient quelques heures auparavant, le temps du café post-méridien et... la pluie, d'abord fine et discrète, le ciel d'un gris tellement sale, comme dans la chanson de Jacques Brel, un gris qui fait se perdre et se pendre un canal et fait l'humilité, et l'averse qui décuple sa force poussée par le vent d'est de la chanson. Encore un coup des méchants russes à moins que ce ne soit la faute des enfants de chœur ukrainiens. Ceci posé, je ne prêtais pas beaucoup d'attention à ce changement de décor, chronique attendue de ces semaines intermédiaires quand débute le Carême. j'avais à classer des photographies retrouvées dont j'avais fait mon deuil. Envoyées par une grande amie, soutien inconditionnel et lectrice de la première heure de Tramezzinimag, elles ont souvent illustré mes billets. Son œil acéré et son amour pour la Sérénissime produisent des clichés qui le plus souvent illustrent les articles du blog comme un complément naturel, évident des textes. 

Le fichier qui s'ouvrit pendant que je me préparais une tasse de thé, contenait des clichés de Venise... sous la pluie ! Quand on dit qu'il n'y a pas de hasard !  Quatre d'entre eux ont été pris depuis les fenêtres du salon de l'appartement de la Calle dei Avvocati, qui donnent sur le campo sant'Angelo. Pendant plusieurs années, je m'y suis rendu, j'y ai reçu mes enfants, mes amis, il y eut des dîners entre amis, une exposition des grandes peintures d'une amie suédoise. Situé à l'étage noble, il était assez haut pour permettre une vision globale du campo mais le bâtiment très ancien faisait cet étage  - celui du dessous, à l'entresol était occupé une partie de l'année par une artiste parisienne, et celui au-dessus de celui de Catherine, abrita pendant quelques mois une autre amie, vasco-parisienne, historienne de l'art venue inventorier l'ensemble de l’œuvre de Clementina et Lucio Andrich, couple d'artistes au talent éclectique, conservée dans leur villa de Torcello, sur les marais de la Rose. 

Comme Catherine, la couleur rose saumon de la façade du palais de l'autre côté de la calle, me fascinait. Lorsque j'occupais l'appartement, je déplaçais canapé, fauteuil et bureau du salon pour pouvoir avoir à la fois la perspective du campo avec le campanile penché de Santo Stefano et cette façade muette dont l'enduit montrait des nuances changeantes selon les heures, était éclairé par une ogive gothique en pierre d'Istrie murée depuis longtemps. Quand il pleuvait - comme sur la photo ci-dessous - la visions était magique. L'immeuble rénové et les appartements refaits, je suis persuadé que l'actuelle occupante des lieux aime à contempler cette vue.

by courtesy of © Catherine Hédouin - 2016

Une situation assez proche de la rue donc pour assister à son spectacle sans cesse renouvelé, chaque jour et chaque moment de la journée en faisant un palcoscenico que n'aurait pas renié Mario Praz, Luchino Visconti ou son émule Franco Zefirelli. Vous entretenant de la pluie et des giboulées, ces quelques images instantanés capturés par Catherine Hédouin pendant l'été 2016, ne font-elles pas spectacle vivant, ballet de figurants hallucinés dont on ne sait que trop bien les préoccupations, celles-là même que Michel Butor a si joliment rapporté dans le somptueux San Marco dont il a été plusieurs fois questions dans ces pages. 

En légende, ne pourrait-on pas - toujours sur un ton humoristique gentiment ironique - que même s'il pleuvait des hallebardes de bois et de fer, les touristes continueraient à arpenter les rues de la ville. Seuls les vénitiens savent aller par les ruelles étroites et les ponts glissants avec leurs parapluies, voir le désarroi des touristes est touchant. Un dépliant récent est à leur disposition pour savoir comment circuler avec un parapluie sans éborgner personne ni bloquer le flux des passants. Être bon vénitien n'est pas toujours inné, il y a des conventions et des usages à apprendre. Qu'on se le dise. 

by courtesy of © Catherine Hédouin - 2016

Sur la première photographie, le lecteur avisé aura remarqué le cocasse d'une photographe immortalisant celle qui depuis la fenêtre du salon la prend eu même moment en photo... Je ne sais pas vous, mais on est en présence d'un de ces clins d’œil délicieux, qu'on peut classer dans la fameuse catégorie, tendre ou drôle, de l'arroseur arrosé ! 

Un grand merci à l'amie Catherine, pour ses photos, sa patience et son humour, à qui je dédie cette petite vidéo du vidéaste Phil Brammer que m'a adressé en 2016 un ami britannique

 

«Passeggiando sotto la pioggia, Venezia »(Promenade sous la pluie, Venise) a été filmé par Phil Brammer, le 23 avril 2016 dans les sestieri de San Marco et de Cannaregio.

02 janvier 2024

Les Voeux de Tramezzinimag à nos fidèles lecteurs

 

Bon Ano Novo ! 

Buon Anno a Tutti ! 

Happy New Year ! 

Bonne Année à tous ! 

Godt nytår til alle !

Καλή χρονιά σε όλους !

¡ Feliz Año Nuevo a todos !

שנה טובה לכולם

Новым годом вас всех!

新年明けましておめでとう!

Hyvää uutta vuotta teille kaikille! 

 سال خوبی داشته باشید
 
Et nous vous invitons à redécouvrir les billets anciens (entre 2008 et 2011) que nous avons retrouvés. Notamment cet article du 7 décembre 2010, consacré au «Bal du Siècle» donné par Charles de Beistegui au Palazzo Labia pour mille cinq cents invités : ICI

30 décembre 2023

Une douce paix violette sur le sentier du soir. Journal retrouvé

Un carnet égaré que je croyais perdu et qui a refait surface. J'y avais noté des extraits de mes lectures, quelques adresses, des choses à faire et quelques réflexions au quotidien. Rien qui avait vocation d'être publié sur Tramezzinimag. Pourtant l'entrée du 18 février est en pleine résonance avec les derniers billets publiés récemment et d'autres en élaboration. Je les livre aux lecteurs, conscient de leur imperfections, d'un petit quelque chose d'inachevé, de pas assez travaillé, implorant l'indulgence du lecteur.

 
Samedi 18 février 2023
Ce matin, un début de journée qui ressemble presque à un jour d'avril ou de mai tant le temps est doux, avec en fonds sonore ma chère Radio 2 qui diffuse Do You want To Know A Secret des Beatles, j'avais décidé de ranger les livres qui envahissent sournoisement le moindre recoin de ma domus bordelaise. J'en profite aussi pour trier et ranger des papiers. D'une liasse vient de s'échapper une carte déjà ancienne d'une amie américano-italienne.
 
L'amie qui a quitté depuis plus de vingt ans l'Italie et n'y revient qu'un été sur deux pour retrouver sa famille, a été une des  personnes les plus actives parmi mes amis à soutenir mon projet de m'installer enfin définitivement à Venise. Quand on sait combien il est difficile de s'expatrier - mot mal adapté à ma situation puisque j'ai légalement deux patries, la France et l'Italie - pourtant, en 2019, la décision était quasiment prise. J'arrivais au bout de ce parcours du combattant qu'a été le règlement de ma retraite et tout était en bonne voie pour le 1er octobre 2020. C'est du moins ce qu'on me disait quand je parvenais à avoir quelqu'un au téléphone. Les questions fondamentales semblaient devoir trouver leur réponse : logement, déménagement-emménagement, etc. La machine était en marche : «Venezia, sto arrivando» avais-je sans cesse envie de crier !
 
La crise sanitaire et l'hystérie qui s'empara du monde ont fait retomber le soufflé. Plus d'appartement à louer non meublé en vue qui soit suffisamment vaste pour être partagé, clair, agréable, avec une terrasse ou un jardin, plus de local pour y installer la librairie-galerie-café dont je rêve, etc, etc. Mon installation à Venise n'est toujours qu'un vœu pieux, un doux rêve dont je ne sais plus s'il est réaliste, réalisable et souhaitable. « Me so trovà all’aguasso»*

Datant de la période avant-Covid, la carte de mon amie accompagnait l'envoi du livre de Marlena De Blasi, «A thousand days in Venice», paru il y a une vingtaine d'années (publié en Français par le Mercure de France). J'en avais fait le commentaire en 2009, dans un des Coups de Cœur (N°33) de Tramezzinimag
 
19 février.
Les années passent, mais le désir et le manque de Venise sont toujours là, en dépit de la vie quotidienne, de mes activités. Je suis souvent à Venise, j'y bâtis des projets, participe à des évènements, présent mes idées, rencontre des gens, revois mes amis. Dès que je pose le pied sur le quai de la gare ou sur le tarmac de l'aéroport, je me sens chez moi, à ma place, là d'où je viens. Mais je finis toujours par repartir. C'est un sentiment de trahison, un délit d'abandon... Cette pensée me renvoie à une phrase de Francesco Rapazzini qu'il prononçait souvent et que j'ai retrouvé dans le roman biographique qu'il a consacré à la Venise de sa jeunesse, celle de notre temps :
«Trahi.[...] Comme par quiconque vient ici à Venise puis repart.Comme par quiconque reste ici une semaine, deux semaines, un mois ou six ou un an. Et puis s'en va, retourne à la maison. Chez lui. Trahit Venise, me trahit. Oui, me trahit parce qu(il m'abandonne comme on abandonne u Pour souffrir encore plus, parce que ln amoureux qui finit par se trouver invivable parce que sale, parce qu'ennuyeux, parce que dépassé. Un amoureux sans colonne vertébrale parce que prêt- et il le fait à chaque fois en tout état de cause - à accueillir avec un sourire aimable chaque retour. Si retour il y a. Il l'espère. Parfois en vain, d'autres fois, le débarquement advient à coup sûr. Pour souffrir encore plus parce que la séparation se répètera encore et encore. Et il le sait. « Mais quand reviens-tu ?» : j'en ai assez d'entendre répondre «Bientôt». Parce que«bientôt», c'est quand ? **

Lorsque Francesco m'adressa les épreuves de son récit qu'allait publier Bartillat, je savais de quoi il parlait. Je comprenais très bien ce sentiment puisque moi aussi, après un bien bel été, non pas cela lui du livre, mais un autre, quelques années plus tard, que nous avons partagé, je suis parti sans jamais vraiment revenir. Parti en laissant calle Navarro, Rosa ma mignonne petite chatte grise, mes livres, mes vêtements et ma théière... Je pensais revenir vite, mais je fis comme tous les autres dont il parle.  Je ne suis pas revenu. 
 
Entre temps pour rembourser les frais de cette fameuse Première semaine de Venise à Bordeaux (il n'y en a pas eu d'autres, du moins de cette ampleur...), j'avais repris le petit cabinet de conseil en communication et création d'évènementiels, je m'étais marié... Une dernière fois, juste avant mon mariage, La rédaction de sud-Ouest m'avait demandé de couvrir la 43e Mostra, grand millésime, avec le Lion d'Or au Rayon Vert de Rohmer, Storia d'Amore qui me permit de connaître Valeria Golino, de Room With a View de James Ivory, L'Apiculteur de Theo Angelopoulos, La Puritaine de Doillon, Autour de minuit de Bertrand Tavernier... J'y restais une petite semaine avec mon ami Christophe Airaud comme photographe. Incapable de rien produire de bon, tellement j'étais partagé entre mes engagements en France et mon désir viscéral de reprendre ma vie vénitienne, l'obligation de vider ma chambre dans l'appartement ou j'étais en sous-location à Dorsoduro. et la perspective de mon mariage certes souhaité mais dont je ressentais par avance la déflagration qu'il allait produire sur ma vie d'avant... 
 
Ce fut Venise avec Francesco comme timide ambassadeur, qui vint à moi, trois ans après mon départ. Nous nous étions beaucoup écrit, régulièrement, puis notre correspondance s'échelonna, se ralentit peu à peu, et ce fut le silence. Presque l'oubli... Un matin de janvier 1988, Il frappa à ma porte, comme dans un film. Lui faisait son service militaire quelque part en Savoie et ,profitant d'une permission, il avait sauté dans un train de nuit pour me voir quelques heures.  Je m'apprêtais à partir pour Antibes, retrouver ma jeune épouse et notre fille Margot. C'était quelques semaines après sa naissance. Retrouvailles fleuries et joyeuses, mais trop brèves. Avec son seul sourire, il m'avait apporté l'air, l'atmosphère, les senteurs de Venise. Une joli cadeau, inattendu. Bouleversant de nostalgie aussi. 
 
Nous sommes repartis ensemble dans ce même train de nuit par lequel il était venu quelques jours plus tôt et qui chaque jour allait jusqu'à Trieste et la Yougoslavie, via Marseille, Vintimille, Milan et Venise. Ce fut un véritable déchirement de descendre avant lui qui continuait vers l'Italie et ce monde que j'étais conscient de perdre. Un instant, mais un instant seulement, une micro-seconde peut-être, la tentation fut grande de rester dans ce train, de continuer jusqu'à Venise... Mais le souvenir du sourire épuisé de ma femme après la naissance du bébé, cette petite chose incroyable qui dormait dans ses bras et dont la fragilité nous avait ému aux larmes, ces larmes de joie, cette responsabilité nouvelle, voulue, attendue comme une évidence depuis toujours, ces deux êtres d'amour que je ne pouvais pas trahir...  Venise et mes rêves attendraient...

 [...]
 
No, non avere pauraQuando vai a dormire solaSe la stanza sembra vuotaE se senti il cuore in golaNon avere pauraMi prenderò cura, io di te
No, non avere pauraQuando a un tratto si fa buioE la luna non è accesaE vorresti una parolaMa hai solo un rossettoMi prenderò cura, io di te...
«Non avere paura, mi prendero cura, io di te»... Ces paroles d'une chanson de Tommaso Paradiso résonnent dans ma tête. Parfaite illustration de ce que j'ai ressenti depuis ce matin sur le quai de la gare d'Antibes, quand le train s'ébranla emportant avec mon ami Francesco, toute la Venise et ma vie d'avant. Prendre soin, aimer contre vents et marées, soutenir, portzer et puis un jour laisser partir ceux qui sont nés de nous, de notre amour, de notre folie...
 
A la nostalgie et aux regrets, succéda l'allégresse, et le bonheur m'envahit : il était temps de retrouver les deux femmes de ma vie, de ma nouvelle vie. Cela n'effaçait rien, ne détruisait rien de l'essentiel. Juste la difficulté d'apprendre à me situer dans un ailleurs pourtant tellement souhaité, tellement rêvé... Allégresse autant que chagrin portaient mes pas ce matin d'hiver, sous la lumière incroyablement pure de ce coin du midi. Ma vie désormais nécessitait un changement de décor, avec au milieu le berceau d'une petite créature dont j'étais tombé fou d'amour dès son apparition, dans une clinique de Cannes, le 5 janvier 1988...

cette photographie est les suivantes sont de Serge Assier - Tous Droits Réservés

Quelques années plus tard, lui aussi est parti. Pour éviter de souffrir du départ de tous ceux qui viennent à Venise et semblent vouloir y rester mais finissent toujours par retourner d'où ils viennent... 

Par une sorte de maléfice, moi qui n'ai jamais rien tant souhaité que de poser un jour et à tout jamais mes malles remplies de livres et de souvenirs sur les dalles de la Sérénissime, je trahis sans cesse mon vœu et ma ville, ne réalisant pas l'un et abandonnant l'autre à chaque fois et pleurant de le faire... Mes enfants peut-être, un jour.




20 février.
Parmi les livres à ranger ramenés de ma bibliothèque désormais encartonnée dans un magazzino de Venise, deux ouvrages de Michel Butor. « le Voyageur à la roue» qu'il m'avait envoyé après son passage à Bordeaux pour me remercier de lui avoir fait visiter la ville - fatigué, il ne se sentait pas bien et le temps était tellement mauvais que nous nous sommes contentés de visiter l'abbatiale Sainte Croix. Ce fut un de ses derniers déplacements avant sa mort. J'ai raconté sa venue à Bordeaux  - et « Le Chevalier morose », récit-scénario paru un an après sa disparition, co-écrit avec Mireille Calle-Gruber (Ed. Hermann, 2017).

Cet ouvrage est un bonheur de lecture. Il est illustré par les photographies de Serge Assier, choisies dans l'ouvrage « Les Coulisses de Venise ». Tramezzinimag en montre quelques unes et je reviendrai sur le rapport intime de Michel Butor, voyageur, avec la Sérénissime. Lorsque Antoine Lalanne-Desmet se rendit chez l'écrivain pour l'enregistrer, j'avais prévu de l'accompagner. Je n'ai pas pu. Nous aurions parlé de Venise comme il m'en parla lors de notre promenade bordelaise. Je retrouve dans le Chevalier morose un peu de la conversation que nous avions eu.

 

Nous avions évoqué devant le tableau médiocre de «Saint Mommolin guérissant un possédé» de Guillaume Cureau, un peintre local de la fin du XVIe siècle, récemment rénové qui venait d'être en partie lacéré par des petits voyous tchétchènes du voisinage, la perception de la beauté au fil des âges, l'usage qu'en firent le christianisme, comme le prolongement de la pensée antique. Le sujet me passionnait. C'est cette thématique que j'avais choisi à San Sebastiano, quand je suivais - trop épisodiquement - les cours d'Histoire des Arts. 

Je voulais mettre en avant des évidences de lien, de transmission, entre l'art païen et l'art chrétien byzantin puis européen... Je m'étais plongé dans la peinture du Trecento, cette période incroyable de l'Ars Nova, univers féérique pour le petit étudiant français mal dégrossi que j'étais. Ce quatorzième siècle qui semblait tellement éloigné des temps antiques, grossier, mal débourré que la plupart des intellectuels concevaient comme affadie en comparaison de toutes les somptuosités de la Renaissance à venir. Je me souviens d'une conversation qui portait sur la peinture vénitienne, lors d'un dîner au Palais Polignac. La maîtresse des lieux, l'incomparable duchesse Solange, m'interrogeait sur mes préférences dans l'art ancien.  Je parlais de ce XIVe siècle que je découvrais avec passion. Elle me fit répéter, « vous voulez dire le quattrocento, Laurent ?», « - Non, non Madame la duchesse, le trecento, avec ses ors et ses visages figés qui pourtant s'animent et semblent venir de bien plus loin que les temps précédents, comme un pont entre l'art antique et nous». Et je citais Paolo et Lorenzo Veneziano, Jacobo Del Fiore, m'agitais tellement que j'en faisais tomber ma serviette et failli renverser mon verre que je secouais trop vivement. On n'en voulu pas trop de cet éclat, puisque je fus par la suite souvent convié au Palais. On eut l'indulgence de ne pas me tenir rigueur de m'être emporté. Une simple conversation de courtoisie autour de la table ducale se devait de ne rien bousculer des usages et de la bienséance...

Nous eûmes l'occasion de poursuivre le débat, j'expliquais à la duchesse combien je trouvais fascinante cette peinture, à la fois hiératique et naïve, pompeuse et rustique, mais remplie d'une fougue contenue, d'une modernité en train de mûrir surgie du monde byzantin qui m'a toujours fasciné... 

«Lors de mon premier voyage à Venise, il y a plus de cinquante ans,il y avait au Palais des Doges, sous l'invocation de Marco Polo, une magnifique exposition sur la Chine.Venise m'apparaissait déjà comme une charnière, comme un hublot par lequel épier un monde dans l'autre, le trou de serrure...»***

Mes propos amusèrent Butor. Il évoqua l'art asiatique et me parla de cette fameuse exposition de 1954 au Palais des doges qui l'avait beaucoup marqué et montrait à l'évidence le rôle fondemental de Venise dans l'art et la propagation des idées. 

Je jubilais : cette idée de Venise-laboratoire, lieu d'innovation, d'invention dont la connaissance ne peut qu'aider le reste du monde dans ses réflexions, ses problèmes... Dans tous les domaines, Venise montre l'exemple, qu'il soit bon et à suivre, ou mauvais et à éviter. 

Les religions, l'art, la beauté...Vastes sujets. Je n'avais que vaguement entendu parler de l'exposition qu'il évoquait, mais je me souviens de celle qui fut organisé par les Présidents Sandro Pertini et François Mitterrand en 1983, «7000 ans de Chine à Venise». Près de quarante après, cette somptueuse exposition prolongeait celle qui fascina Butor et qu'il évoque dans le petit texte introduisant le Récit-Scénario évoqué plus haut.***

 

 ____ 

Notes :


*   Traduction : Je suis à la rue, sans domicile. (Mode de dire en dialecte.)

**  Francesco Rapazzini, «Un été vénitien»,(Bartillat, Paris 2018), p.181

*** Michel Butor, Le Chevalier morose, (Hermann,Editeurs,2017), p.18

25 décembre 2023

avec Giorgione, Tramezzinimag vous souhaite un Joyeux Noël !

 

 TraMeZziNiMag

est heureux de vous souhaiter 

 un 

Très Joyeux Noël !

Bonnes Fêtes de Noël à nos fidèles lecteurs et amis, aux auteurs, photographes, illustrateurs, journalistes, tous les Fous de Venise du monde entier qui nous soutiennent depuis la création du blog, en 2005 !  



23 décembre 2023

En dépit de tout, que la joie de Noël illumine nos jours !

Brouillard à Venise. ©Alexandra E Rust. 2023.
 
On trouvait le mois de décembre long à démarrer et les Fêtes paraissaient encore très loin. Mais non, nous y sommes. Venise est une ville où le Temps de Noël prend vraiment sa signification, comme ailleurs en Autriche, en Suisse, dans les pays germaniques, scandinaves et bien sûr chez les britanniques.

Depuis plusieurs années le marché de Noël concurrence ceux qu'on trouve depuis des lustres dans ces pays. La lumière se fait presque monochrome et il y a dans l'air quelque chose d'encore plus magique. Babbo Natale est en bon terme avec la Befana et Saint Nicolas est aussi dans les parages...

Je n'ai pas souvent fêté Noël à Venise - la Befana oui, de nombreuses fois - Mais la messe de minuit, les cadeaux sous le sapin, le lait et les biscuits sur la cheminée pour le Père Noël, grand amateur de Digestive Mc Vities.

Un raté dans mon existence. Le rêve ancien (il date de mon adolescence) de voir naître et grandir mes enfants à Venise ne s'est pas réalisé. Dans une autre vie peut-être, mais encore faut il croire que nous en avons plusieurs... Voir grandir ses enfants dans ce lieu unique, hors du monde et pourtant au centre de tout, et donc d'y vivre ce moment magique avec eux n'a encore jamais pu se réaliser. Les enfants grandissent et s'en vont, rien de plus naturel. 

Organiser des retrouvailles pour fêter la naissance du Christ et la joie d'être ensemble, de former une famille, devient plus difficile avec les années. Il y a les conjoints et compagnons dont les familles souhaitent aussi la présence. La plupart du temps, un système d'alternance se met en place. Quand on a la chance de tous vivre non loin les uns des autres, on s'entend pour que la veille de Noël se déroule à tour de rôle chez les parents de l'un et le jour de Noël chez ceux de l'autre. Ou bien, ceux qui ne peuvent se déplacer, qui ne viennent pas, sont là pour la Saint-Sylvestre. Combien cela doit être compliqué pour les familles recomposées quand les enfants se marient, et qu'ils ont à leur tour des enfants... Nous sommes nombreux à connaître cela.


Il y aurait bien une autre solution puisque nous venons de traditions plurielles : Fêter ces moments uniques dans l'année à des dates différentes, celles les plus commodes pour chacun : pour la Saint-Nicolas, le 6 décembre, les 24 et 25 décembre comme nous le faisons depuis toujours, mais aussi le 5 janvier, pour la Befana, qui est aussi le jour des Rois... 

Trois fêtes merveilleuses, trois dates cohérentes pour les enfants qui, vivant naturellement les moments joyeux en famille n'en perçoivent pas la rareté et l'impermanence. Joie de l'enfance innocente qui ne peut concevoir que rien jamais ne dure et que tout cesse un jour. Mais pour parvenir à se réunir ainsi, il faut une volonté active de la part de tous les concernés. Et ce n'est pas évident.

Les temps changent et nous changeons aussi, parce que nous vieillissons, parce nous y sommes contraints, que les mentalités évoluent face à un noyau familial qui est activement ou passivement remis en cause. On ne voit plus que ce qu'il peut produire de terrible et de négatif.  

Mais peu importe ce que nous aimerions, il nous faut vivre sans nostalgie ni regret, dans l'espérance et la joie. Nous ne savons pas pour combien de temps nous sommes là, alors Carpe Diem, jouissons en simplicité de ce qui nous est offert. Le mieux étant l'ennemi du bien, réjouissons-nous devant les yeux émerveillés des enfants, devant leur plaisir, sous le regard bienveillant et ému de leurs parents, tout comme nous quand ces parents n'étaient encore que nos enfants.

Bonne Fête de Noël à tous nos lecteurs !

Éclairage du sapin 2023 sur la Piazza par le maire Brugnaro

Le Campo San Luca et ses illuminations





20 août 2023

Où il est question du passé bien rangé dans de belles boîtes et de la lune bleue joliment jaune

Un titre inhabituellement long pour ce billet inspiré par les semaines passées et cet été 2023 qui fut à la fois somptueux et misérable. Il n'est pas loin de sa fin bien que demeure encore dans l'air l'espérance d'autres belles journées à venir avant l'automne. Demain, ce sera la (deuxième) pleine lune d'août, une de ces splendides lunes bleues qui font rêver les enfants poètes. 

Déjà depuis deux jours elle est là, jaune comme du sable avec son visage immortalisé par Méliès (*), sans la fusée dans l’œil mais jaune comme le réalisateur l'avait imaginée. Avec elle un changement de température mais aussi un air plus fluide, plus léger et presque frais. Un ciel bas aussi prémices de l'automne qui n'est plus très loin ; comme un avertissement. 

Surpris, les gens délaissent les terrasses et les rues sont presque vides. Il n'y a pas que le climat bien sûr, l'ambiance est morose depuis plusieurs mois et le retour des vacances s'avère encore plus douloureux que d'habitude. Les prix qui flambent (pourtant la valeur des matières premières diminue), la crainte de ceux sur qui on continue de faire pression dans les medias et qui appréhendent le retour de la pandémie. Ils me donnent envie de raconter une fois encore ce que furent les vraies pandémies de notre histoire, la fulgurance de leur extension, la mort se propageant partout à une échelle qui rend ridicule les chiffres des victimes du Covid.. 

Mais ne repartons pas dans les polémiques même si la colère est grande devant la gigantesque esbrouffe des nos dirigeants et ce presque partout dans le monde... Bref bien des raisons de se sentir tendu sur cette planète... Pourtant le beau temps revient toujours après la pluie et jamais les entreprises diaboliques - que l'on croit au démon ou pas - ne triomphent jamais. 

Rester positif, résister à la morosité, sourire à la vie... C'est certes plus facile dans nos régions méridionales où le soleil se fait bien plus rieur qu'ailleurs, où les cœurs sont rompus aux petites joies, aux bonheurs du quotidien. N'est-ce pas tout ce dont l'être humain a besoin ? 
 
Ne plus craindre, croire en Dieu, en l'autre, aux lendemains meilleurs, à la paix, à la solidarité, à l'amour, à la main tendue... Il y a du chemin à faire pour que tous nous comprenions la nécessité de nous unir, de nous entraider, de nous accepter. Les religions semblent ne plus attirer beaucoup de monde, sauf les extrêmes dont la violence, la hargne sont bien éloignées des valeurs d'amour, de paix et de tolérance pour n'être que des codes moraux rigides et hypocrites, des organisations au service des pouvoirs les plus corrompus et les plus indignes de lever un seul regard vers le Créateur. 
 
Certes, il ne faut pas généraliser, bien des communautés, des Églises, des femmes et des hommes aux vies consacrées sont des ilots de paix et d'amour, d'écoute et de patience. Ils montrent la route et ce n'est pas celle que les pouvoirs tracent pour les peuples. Ils ne veulent que des petits soldats, des esclaves soumis et pour être de notre temps, des consommateurs dociles. Ce n'est pas l'esprit de Tramezzinimag ni de ses lecteurs.

Les circonstances ayant obligé votre serviteur à passer bien plus de temps que de coutume en France (**), à la maison, j'en ai profité pour faire du rangement, trier, classer, jeter. Rester en ville, calfeutré pendant les heures les plus chaudes comme on le faisait autrefois à Palerme dans les palais de l'aristocratie où une salle sans fenêtre, souvent aux murs très épais, au sol de marbre permettait d'échapper au vent torride venu d'Afrique et aux températures semblable à celles que nous avons connu, souvent une fontaine d'eau claire rafraîchissait les lieux. Nos temps disposent de l'air conditionné, qu'on nous interdira bientôt d'utiliser car peu écologique pour les smart cities, ce projet que d'aucuns disent fascisant, concocté par des ayatollahs du marketing et relayés par dls écologistes ultras, qui nous interdira de trop se doucher, de trop manger de viande ou d'arracher les herbes folles qui enlaidissent les trottoirs. 

J'ai rangé donc. Et comme toujours j'ai redécouvert mille vestiges, humbles souvenirs de jolis moments de vie comme nous en avons tous. La première boite ouverte contenait des pochettes de photos datant de l'époque pas si lointaine où nos souvenirs restaient visibles et palpables, fixés durablement sur du papier, dans des cadres sur les meubles ou aux murs

Longtemps j'ai fait le choix de faire tirer mes photographies. Après l'argentique (Ah combien je regrette mon petit laboratoire avec son agrandisseur Crocus, l'odeur si particulière du révélateur, les clichés mis à sécher sur un fil avec des pinces à linge, l'ampoule rouge...), il y a eu les tirages en machine à la FNAC ou chez les photographes qui tentèrent de s'adapter pour subsister. Parmi les photographies retrouvées, ces petits fragments de vie vénitienne, comme les témoins d'un temps révolu. 
 
J'y reconnais l'entrée de la Biennale à l'Arsenal, impossible de bien lire la date du journal mais au livre que je lisais il doit s'agir de l'été 2015, l'année du reportage pour la RTS avec mon ami et complice Antoine Lalanne-Desmet, de l'appartement de Santa Maria Formosa, de la disparition du premier Tramezzinimag pour une raison encore jamais expliquée... Mais je suis en train de lasser le lecteur par toutes ces digressions qui se bousculent au fil de ma plume (cf. les billets de cette époque). 

Cet été-là, le hasard m'avait fait retrouver un ami de jeunesse. Je prenais un verre à la Misericordia. Il était dans le même bar avec une autre de mes amies d'avant, «du temps où je vivais à Venise». Joie des retrouvailles. Tellement de choses à nous dire. Sont arrivés des jeunes, parmi eux il y avait son fils. Même génération que mes enfants. Présentation, échanges de propos avec une bienveillance réciproque. Quelques jours plus tard, pressé de me rendre à un rendez-vous du côté de Sant'Elena, je le recroisais. Le ragazzo avait déposé sa petite amie à la bibliothèque et avait amarré sa barque sous le pont qui mène à la Querini Stampalia. Comprenant que j'étais en retard, il se proposa de m'amener là où je devais aller.
 
Cette balade improvisée jusqu'à Sant'Elena fut une sorte de flashback comme dans un film. Je me suis revu avec mes amis d'alors parcourant - à la rame, il y avait encore peu de barques à moteurs encore chez les jeunes - les rii, traversant le canalazzo, bavardant et riant.

Mes lecteurs les plus fidèles sauront pour l'avoir lu souvent lu dans mes billets que mon coeur depuis toujours se partage entre la France, l'Italie - particulièrement Venise bien évidemment -  et la Grande-Bretagne. 

L'âge venant, la nostalgie se fait bien plus assidue qu'autrefois, quand la vie active, les enfants, la nécessité d'aller à l'essentiel occupaient suffi-samment ma vie pour que remontent à la surface les souvenirs d'autrefois, petits et grands moments de l'enfance et de la jeunesse. Cette période unique où nous voulons être plus grands, plus forts, plus libres tout en nous félicitant d'être aimés, protégés, portés. Paradoxe de l'homme qui se satisfait rarement du présent, pressé d'entrer dans un avenir rêvé, promesse d'indépendance et de liberté. 



 

 

 

 

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NOTES

(*) - Le voyage dans la lune, Georges Méliès, 1902.

(**) - En expliquer le pourquoi serait digne d'un mauvais roman de non-aventure avec des non-héros et des nuages toxiques. Ne perdons pas de temps avec cela. Une page tournée.

20 juillet 2023

Dix ans après...

Le 20 juillet 2013, la journée avait été belle en dépit d'un temps orageux. C'est du moins ce que j'avais noté dans mon carnet. J'avais fait une longue promenade en barque avec deux amis, je rédigeais mes billets du jour. L'un sur une maison que j'aime beaucoup, située sur le campiello en face de la véritable entrée dessinée par Carlo Scarpa, de ma chère Querini Stampalia. 

L'autre article était consacré aux jardins plus ou moins secrets de Venise (Lien en cliquant ICI)Il faisait chaud cet été-là et je l'évoquais dans le billet sur les jardins. Aujourd'hui aussi il fait chaud, très chaud même. J'expliquais il y a dix ans combien je trouvais difficile de passer des 18 degrés d'une pâtisserie dotée de l'air conditionné aux 32 degrés à l'extérieur. Tout à l'heure, au soleil certes, je notais 40° ! 

A l'évidence, la température monte d'année en année. L'autre jour à la plage, en sortant de l'eau, le sable était brûlant et l'air tellement humide que je mis longtemps à me sécher. et dire qu'il y a encore des obscurantistes pour prétendre que le changement climatique est une invention d'hurluberlus. Un peu comme les gens pensaient que la terre est plate. Il parait qu'il y en a encore qui le pensent. Certainement les mêmes qui nient la montée des températures et le dérèglement du climat. Bon weekend à vous, chers lecteurs !