Des goûts et des couleurs, évidemment on ne discute pas. De l'art, souvent naissent débats et l'opinion de chacun est respectable. Le discours de l'artiste, lorsqu'il est sincère trouvera toujours une oreille attentive et bienveillante. L'art conceptuel donne à réfléchir. Snobisme décadent ou erreur passagère qui vogue entre la laideur et l'insignifiance. Toujours une question de point de vue. Et de goût. Mais quand on se promène dans les rues de Venise, happé par tout ce qui s'offre à nos yeux, où même l'être le plus irréductiblement hermétique à la beauté de la ville est secoué par ce miracle de polychromie et de reflets, qu'il s'agisse de lambeaux et de ruines ou de somptueux monuments fraîchement restaurés, se retrouver face à une de ces éructations acryliques qu'on nomme tags et que les vénitiens gratifient d'un "solo merda" définitif, comme me le disait une dame très élégante effarée devant cette chiure qui défigurait un sottoportego où nous nous croisions.
"La laideur est multiple" écrivait Jules Barbey d'Aurevilly. Multiples en effet les genres de graffitis qui polluent les murs de Venise. Rien à voir, nous l'avons déjà écrit maintes fois ici, avec ces pochoirs ou collages le plus souvent très poétiques ou plein d'humour qui apparaissent un matin au détour d'une calle, sur un mur, et disparaissent bien vite. De vrais artistes en sont les auteurs. C'est beau, drôle le plus souvent et cela n'abime rien de la beauté de la ville. Parfois même, cet art éphémère complète ou illustre la beauté des lieux. Hélas, ces petits bijoux sont submergés par ces horribles vomissures qui fleurissent partout dans Venise. Calme et posé, j'ai soudain des montées d'adrénaline et j'enrage quand j'en découvre, rêvant - je sais, ce n'est pas bien, ni chrétien, ni charitable - de leur faire avaler leur bombe de peinture après les avoir aspergé avec des pieds à la tête !
Là-encore, les vénitiens ne baissent pas les bras, et même s'il en revient toujours, ils font la chasse aux tags. Courageusement, entre amis, en famille, ils retroussent leurs manches et vont recouvrir ces horreurs en ripolinant les murs souillés.
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