Baptiste sur le Campo Santa Maria Formosa, aux pieds de la maison |
Baptiste était un jeune ami qui a quitté ce monde trop tôt, trop jeune et nous laisse un peu perdus, nous tous qui avons passé trop peu de temps avec lui. Nous nous étions rencontrés alors qu'il n'avait pas vingt ans et cherchait quelqu'un disposé à le préparer au concours de sciences po. Il se savait déjà malade. Peu à peu je suis devenu son mentor comme il aimait à dire en parlant de moi que sa famille nommait un peu péjorativement"le professeur".
Sur la Piazza, à un concert des Virtuosi et di notte devant San Marco |
Puisqu'il s'agissait de faire un bout de chemin avec lui, je lui ai fait lire des livres qui me semblaient importants et n'étaient pas dans les programmes, je lui ai parlé d'art, de cinéma, de spiritualité, de petits riens.
Je lui ai conseillé d'apprendre l'accent anglais à Cambridge, puis de faire de la philosophie à Durham ou de l'économie à la London School of Economics, où il brilla, puis il y eut Science Po Paris, un séjour en Afrique, un volontariat en Amérique du Sud... Une vie riche et complète sur un laps de temps tellement ramassé et l'inéluctable dont il mesurait la proximité et qu'il assumait avec détermination et en souriant.
dans le hall du palazzo |
Afin tenter d'apaiser les traces d'une chimiothérapie douloureuse, je lui montré Venise qu'il a tant aimé qu'il y revint tout seul l'année suivante pour suivre un cours d'été à San Servolo. Son rapport avec la Sérénissime a été très particulier et intime. En d'autres temps, il aurait été reçu citoyen car il tomba sous mes yeux dans l'eau du rio xx alors que nous venions de déjeuner dans la charmante casetta rossa du Comte Marcello, aux pieds du pont de l'Accademia. Un baptême que bénit quelques jours plus tard, le père Mancini, dominicain de Venise qui lui présenta la basilique San Giovanni e Paolo et particulièrement la chapelle où est honoré le Bienheureux frère Jacopo Salomone, né et mort à Venise (1231-1314) et qu'on invoque pour la guérison des tumeurs et des cancers...
à Venise comme ailleurs, nous avons beaucoup échangé et nos conversations étaient toujours enrichissantes, passionnées aussi, drôles souvent. Nous abordions tous les sujets imaginables. Pourtant, la vie, la maladie, le temps, nos occupations nous ont éloigné. J'ai tellement cru à sa guérison ou à une longue rémission... La crise sanitaire m'aura empêché de me joindre à tous ceux qui ont pu venir lui rendre un dernier hommage.
Si j'avais pu être présent à la cérémonie religieuse, j'aurai aimé chanter cette belle chanson d'Anne sylvestre qu'un authentique vénitien bien que d'adoption, le photographe Philippe Apatie a si joliment chanté sur les réseaux sociaux pendant le confinement : "J'aime les gens qui doutent", ici dans la très poétique version de Jeanne Cherhal, Philippe Delerm et Albin de la Simone...