Dans notre panthéon cinéphilique, New York, c'est un peu le pendant de Venise : un lieu unique, magique, formidable que des réalisateurs doués ont souvent doté d'une force telle que de simples décors ils deviennent protagonistes du film à égalité avec les protagonistes qu'on verrait différemment s'ils évoluaient dans une ville quelconque du reste du monde. C'est la raison de ce Coups de Cœur spécial de Tramezzinimag.
Le cinéma new-yorkais ou plutôt le cinéma dont l'inspiration, le thème,
le décor ont à voir avec la magique ville qui ne dort jamais, ont
toujours quelque chose en plus. On sait dès les premières images que
l'on sera transporté avec plus ou moins de bonheur dans un univers
intellectuellement riche et différent de tous les autres. San Francisco
mis à part, la plupart des films situés à New York présentent un petit
plus (ou un grand) qui les rend uniques et rarement ratés !
Ceci posé,
on ne rentre pas dans Those People comme dans un mélodrame
franchouillard ou une comédie californienne. Woody Allen est passé par
là, et tant d'autres réalisateurs new-yorkais avec lui. On peut se
laisser porter par l'ambiance qui se répand dès la première image - et
les premiers sons - par la photographie, les décors et ne suivre les
protagonistes que parce qu'ils sont jeunes, riches, beaux, doués,
sensibles... Mais ce serait faire injure à l'écriture de Joey Kunh et au
jeu incroyablement vivant et sensible des acteurs. De tous les acteurs.
On peut aussi ne considérer ce film que comme un film LGBT. On n'est
pas (hélas, hélas, hélas) encore guéri de cette pensée petite-bourgeoise
racornie et étroite qui fait analyser, comprendre et critiquer un film
en raison de l'identité sexuelle des personnages. Mais combien on s'en
tape ! Ce qui compte, et c'est universel, c'est ce qui se passe dans le cœur et le mental des protagoniste. Et avec Those People, il se passe
des choses très belles, très dures qui vont changer, sur quelques mois,
définitivement, la vie et le devenir de Charlie, Sebastian, Tim, London,
Ursula etc. C'est finement amené, ce cheminement fait, comme pour tout
un chacun, de moments de grandes joies, d'extases mais aussi de larmes, de
déceptions, d'erreurs ; d'échecs et de réussites. L'histoire de Charles et Sebastian
est une histoire de Coming of Age, et le sujet n'est pas leur
homosexualité. C'est leur difficulté à franchir ce passage douloureux qu'on ne franchit qu'une fois et qui peut influer sur tout le reste de
notre vie si on ne le réussit pas ou pas totalement.
C'est douloureux,
dangereux, pénible mais c'est un passage obligé, un guet qu'il faut
franchir et la meilleure sauvegarde en l'assumant, c'est de s'y jeter à
corps perdus. Ce que font tous les personnages du film, chacun à son
rythme, chacun à sa manière. Aucun perdant dans ce film, si ce n'est le
père mis face à sa réalité, qu'avec une incroyable violence Sebastian,
son fils, le force à accepter ( il faut une morale et l'immoraliste ne saurait traverser le film en toute impunité) afin de s'en libérer et s'en
désolidariser. Sebastian va montrer sa véritable nature et l'attachement
qu'il porte à Charlie. Charlie va oser aimer d'amour Tim plus âgé, qui
remplace inconsciemment ce père qui l'a abandonné, Tim va protéger et
aimer Charlie, les personnages secondaires vont recevoir aussi leur part
et tirer de tous les évènements qui traversent le film des éléments
pour se mieux connaître... Bref Those People, avec des grands moments
d'humour (juif New-yorkais or course !), est un film émouvant, drôle et
romantique à voir et à revoir.
Dans mon panthéon personnel, il rejoint
des films aussi différents que Annie Hall et Manhattan de Woody Allen,
You Got Mail avec Meg Ryan et Tom Hanks, Brooklyn Boogie et Smoke de
Paul Auster et Wayne Chang... Du cinéma qui lubrifie les neurones, fait
sourire et pleurer. Un cinéma plein de maîtrise qui nous rend heureux, ouverts et un peu meilleurs.
(Critique de Lorenzo Cittone publiée dans Sens Critique. 16/06/2018)