27 août 2006

Le condom de Venise : vogue la gondole contre le sida...

Demain, lundi 28 août 2006, des gondoles d'un type particulier partiront du Squero san Trovaso vers 19 heures... Petites, munies d'un felze, 5000 barques noires contenant chacune 7 préservatifs colorés comme une fête de carnaval, vendues habituellement 15 euros, seront ainsi distribuées...
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C'est la dernière trouvaille du comité vénitien de lutte contre le Sida avec l'aide d'une société au nom évocateur : la société Casanova, spécialiste des préservatifs "colorés comme du verre de Venise" (c'est l'image utilisée dans un des ses discours par un parlementaire italien). Cela peut faire sourire, mais c'est tout à fait sérieux. La société est l'un des premiers fournisseurs de la Péninsule depuis sa création. Elle portait alors le nom d'une antique pharmacie "al Perdon", à San Apponal et fournit en leur temps Lord Byron ou Rudolph Valentino... Mais avant tout, il vous faut savoir que beaucoup d'historiens sont d'accord pour attribuer à Venise l'origine du préservatif. Le Marquis de Sade parle ainsi dans sa "Philosophie dans le boudoir" d'un "petit sac de peau de Venise, vulgairement nommé condom, dans lequel la semence coule, sans risquer d'atteindre le but"... 

Mais revenons à l'évènement de demain. Sous la présidence du NH Comte Girolamo Marcello au nom de la Sérénissime, une vingtaine de personnalités locales parraineront chacune un de ces vaisseaux. parmi elles, citons le peintre Ludovico de Luigi, la comtesse Fiora Crespi, vice-présidente de l'A.N.A.I.D.S., le consul d'Espagne, Antonio Simionato, secrétaire du corps consulaire à Venise qu'il représentait ...
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Mais cette manifestation placée dans la lignée traditionnelle des campagnes contre le sida, en voulant rappeler aux jeunes la nécessité de se protéger, soulève déjà une polémique. Aldo Rosso, le président du syndicat des gondoliers n'apprécie pas l'appropriation de l'image la plus forte de Venise pour une campagne prophylactique de ce genre. "Pourquoi n'ont-ils pas pris le pont du Rialto ou une bricola" (ces poteaux de bois qui marquent l'entrée des palais vénitiens et sont peints aux couleurs des propriétaires de ces palais)... Les auteurs de la manifestation ont répliqué en expliquant que le choix de la gondole voulait exprimer une comparaison entre la fragilité de la Cité des Doges et la fragilité de l'être humain que menace le Sida comme les eaux et l'érosion menace la ville... Je vous laisse juge mais pourquoi polémiquer après tout. Il s'agit de prévention et tous les moyens sont bons, car suivant l'adage, "'il vaut mieux prévenir que guérir"...
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Mais revenons au produit lui-même. Avec la gondole lancée demain, la boîte "bricola" existe avec à l'intérieur 30 capotes vendue 35 euros. Si on peut acheter cette protection à l'unité dans un bel emballage pour 1 euro, on trouve aussi des boites à l'ancienne, ornées de très belles peintures s'inspirant de la Commedia dell'arte, le chapeau de paille des gondoliers en réduction avec 7 capotes, un fac similé d'une rareté bibliophilique, "La Ninfomania o sia il Furore Uterino", livre interdit par l'inquisition imprimé à Venise en 1783 (25 préservatifs) pour 30 euros. Il existe aussi un CD reproduisant le célèbre guide de 1796, "Il forestiere illuminato", avec 10 préservatifs...
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Bref un marketing peut-être un peu outré mais dynamique et terriblement inventif. Et pour les touristes, un nouveau souvenir pour le moins original à ramener d'un séjour vénitien ! En tout cas, moi je dis bravo. Voilà une initiative qui montre au monde que Venise n'est pas un musée figé dans son passé ni un parc d'attractions à la Walt Disney, mais un lieu de vie, en pleine évolution et tourné vers l'avenir.
posted by lorenzo at 23:10

Musica, musica !

Est-ce la chaleur de l’été qui revient ce matin quand le vent a cessé de souffler ? Est-ce cette lumière presque orange qui éclaire le jardin ? Mais j’ai dans la tête un de ces airs italiens qui nous viennent du sud, de Naples ou de Sicile et que les américains ont repris pour les populariser … Vous savez ces airs de Lou Monte, Julius La Rosa, Franck Sinatra ou Jerry Valle ; mandoline, accordéon et guitare et voilà que défilent des images en noir et blanc, celles du cinéma des années 50. 
La fenêtre de la chambre d'Alix à la Toletta ©Tramezzinimag, 2005.
Rien à voir a priori avec Venise me direz-vous. Pourtant, par une grossière simplification venue d’Outre-Atlantique, la musique napolitaine et les promenades en gondole, les dîners romantiques au bord d’un canal et le son de la mandoline sont aujourd’hui mêlés dans l’inconscient collectif universel. Les  asiatiques qui se promènent la nuit en gondole seraient déçus si on ne leur chantait pas "O Sole mio" au clair de lune ! Allons ne faisons pas les difficiles. Certes la musique populaire vénitienne existe, certes elle est parfois très belle mais n’a malheureusement pas cet écho universel de la pauvre musique un rien nostalgique née sur les plages de Sorrente, à Capri ou dans les bouges du port de Palerme. La chaleur, le plaisir que ces airs procurent sont pour moi depuis toujours je l’avoue, l’accompagnement sonore de ma vision de Venise en été.



Imaginez un quartier tranquille. Peu de passants. Le ciel est aussi bleu qu’on puisse l’imaginer, mille parfums différents viennent vous solliciter, une soupe qui cuit, la vase des canaux, le jasmin et les lys d’un jardin, l’eau de Cologne dont s’est aspergé le monsieur qui passe sur le pont à côté son journal à la main… La lumière envahit tout portant chaque couleur à son paradoxe comme à saturation. Jamais le moindre pan de mur, le plus petit reflet argenté sur l’eau d’un canal ne vous paraîtront plus beaux. Vous êtes seul avec vous-même face à tant de beauté et la joie qui vous gagne rejoint cette musique un peu sirupeuse parfois, la voix de Julius la Rosa ou celle de Dean Martin s’incruste dans chaque détail du paysage que vous avez sous les yeux et vous sentez derrière vous le visage extasié de Katherine Hepburn ou le sourire d’Alida Valli. Je pense par exemple à "Come back to Sorrento" devant cette photo…


Comment peut-on se contenter d’assimiler ce délice visuel permanent, même l’hiver quand la lumière se fait froide et noire, à un adagio funèbre de Mahler et au visage d’un adolescent triste et malingre comme le grand art de Visconti nous y avait contraint avec Mort à Venise. C’est bien plus la tarentelle ou des chansons d’amour pour clair de lune qui conviennent pour illustrer Venise dans toute sa beauté. 



Regardez cette vue sans prétention. Aucun monument, rien de particulier. Seulement une "atmosphère". Là aussi j’entends une de ces mélodies comme "O mio babbino caro". Du temps de ma vie d’étudiant, il y avait près du jardin Papadopoli, un petit bar fréquenté par des gondoliers. Un vieillard y jouait de la mandoline. Je me souviens de son visage buriné par les années. Il lui manquait plusieurs dents. Parfois quelqu’un l’accompagnait à l’accordéon. Le soir, ils jouaient sans façon tous ces airs : Santa Lucia, Luna Rosa, Mamma Rosa…


Cette musique générique italienne dans sa capacité à réchauffer les cœurs et à porter la joie et la fête, n’est-elle pas après tout pour notre époque ce que la joyeuse musique de Vivaldi ou de Veracini, Galuppi, Geminiani, les chansons de Monteverdi furent autrefois pour ceux qui les fredonnaient… En tout cas, sans aucune prétention musicologique, quand je suis loin de Venise et que je ferme les yeux, ce que je vois en moi est illustré par cette musique joyeuse ou mélancolique du lointain sud italien revisitée parfois à la sauce yankee

Texte inspiré de la lecture de The saint of lost things, roman de l'écrivain italo-américain Christopher Castellani. L'auteur a écrit son livre en écoutant cette musique des années 50, mélange de chansons populaires italiennes et de rythme américains que les migrants italiens écoutaient en boucle avant d'arriver à New York ou une fois installés...


posted by lorenzo at 13:04