Non,
l'été n'est pas encore terminé. Il reste encore de belles journées
devant nous. Puis viendra ce que les américains - les new-yorkais
surtout - appellent le "Fall", cet été indien où l'automne est
au plus beau. C'est un des moments que je préfère à Venise. Se promener
au petit matin, quand le soleil déjà haut éclaire de tous ses feux la
lagune, du côté de Burano.
Les couleurs des façades paraissent encore
plus denses et il y règne une incroyable harmonie qu'on ne peut
qu'assimiler au bonheur. Un bonheur simple et sans façon, comme toutes
ces maisons dorlotées par leurs habitants et qui s'offrent aux regards
sans aucune prétention. Et puis, comme au printemps, les parfums mêlés
de la lagune et des jardins cachés, ces mélanges de jasmin, de géraniums
et d'herbe coupée, qui envahissent la ville à certains moments de la
journée. Notamment
vers midi, quand les cloches se mettent à carillonner le milieu du
jour, et que le silence se fait gourmand. Un régal qui pourrait être le
lot de n'importe quelle ville dans le monde s'il n'y avait pas le poison
des gaz d'échappement et le bruit de la circulation.
Venise
la minérale, dont les pierres se reflètent dans l'eau des canaux,
possède derrière les façades de ses palais de merveilleux jardins
secrets dont ont parlé de nombreux auteurs bien mieux que je le ferai
jamais. Mais il y a aussi ces centaines de petits jardins miniatures,
suspendus pour la plupart, véritables «Babylones en réduction»,
comme disait une aïeule, parfois réduits à deux pots sur une fenêtre ou
un simple parterre devant une maison. Certains sont surprenants
d'inventivité et parfois le botaniste a la surprise en levant les yeux
de découvrir une plante rare, une fleur exotique. les abeilles ne s'y
trompent pas qui y viennent butiner. J'ai connu autrefois un vieux
monsieur qui possédait à Dorsoduro une grande ruche et produisait chaque
année plusieurs pots de miel. Du miel de Venise, rendez-vous compte !