Délations,
dénonciations et accusations alimentèrent les tribunaux vénitiens tout
au long de la vie de la Sérénissime. Je viens de lire un ouvrage de
Paolo Preto sur cette institution typique du système politique et
juridique de la Venise d'autrefois.
Professeur d'histoire moderne à l'Université de Padoue, l'auteur est surtout connu pour son travail retentissant sur les Services Secrets de Venise.
Dans son ouvrage sur le système de délation qui était courant dans la
cité des doges, Paolo Preto aborde les précédents connus dans les cités
antiques et à Rome. Il nous amène jusqu'à la République de Venise, et on
voit ce processus de gouvernement de la cité se développer en même
temps que le principe de l'inquisition. Les dénonciations anonymes ne
l'étaient pas tant que cela. Elles devaient pour aboutir sur le bureau
des membres du Conseil des dix ou pire sur celui des inquisiteurs être
corroboré par deux témoins dont les coordonnées devaient être précisées.
Toute dénonciation fallacieuse faisait encourir à son auteur la même
peine que celle qui aurait pu être appliquée à celui qu'il dénonçait à
tort. C'était un moyen de maintenir les citoyens dans un état de veille
permanente vis à vis de la défense des principes fondateurs de l’État et
de préserver le respect des règles, gage du maintien du tissu social.
La peur du gendarme amplifiée par la peur d'être dénoncé par son voisin.
Les fascistes de Mussolini remirent à l'honneur cette pratique comme Rome avant Venise avait eu l'initiative.
Les dénonciations anonymes qui font partie de la "légende noire"
de la Venise des Dix et des Inquisiteurs, représentent un des thèmes
principaux qu'utilisèrent les ennemis de la République et de son
système. Mais despotisme, espionnage organisé, délation et vengeance
forment autant d'éléments parfaits pour les romanciers, les peintres et
les librettistes d'opéra. Avec le temps, on ne fait plus une fixation
sur ce mode de gouverner les peuples. Big Brother au XXIe
siècle ne fait pas mieux et je ne suis pas certain que notre époque
d'autocensure et d'inculture soit plus libre et respectueuse de l'homme
que celle de la Venise du Conseil des Dix.
1 commentaire:
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D'une nature génétiquement confiante ( !!! ) je me méfie cependant des "
traces " qu'il me faut laisser sur la toile ... "tordre" ma nature me
fait beaucoup de peine .
Anita