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Photo © Oscar / bluoscar.blogspot.it |
Depuis
quelques années, chacun peut venir se rendre compte par lui-même du
mouvement de dépopulation du centre historique de Venise. Dans une
vitrine de la pharmacie Alla Madonna, d'Andrea Morelli, à San Bartolomeo, à deux pas du Rialto, tous les lecteurs de Tramezzinimag
le savent, un compteur affiche la triste vérité. Chaque semaine des
habitants quittent la ville. Triste constat qui semble inéluctable et
semble être devenu un simple constat sans que personne à ce jour n'ait
pu apporter un remède à cet exode massif. Lorsque j'étudiais à Venise,
la population recensée était d'un peu plus de 85.000 habitants. Quinze
ans plus tôt, il y avait encore plus de 100.000 vénitiens dans le centre
historique. Mais
qui s'en soucie en vérité ? Le dernier papier important consacré à la
désertification de la sérénissime date de 2006, quand Roberto Bianchin, journaliste émérite de La Repubblica fit paraître un article retentissant qui fut cité dans les tribunes du Parlement.
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la population de Venise au 04/04/2009 - Photo © Oscar / bluoscar.blogspot.it |
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La population de Venise le 25/07/2009 - Photo © Oscar / bluoscar.blogspot.it |
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La situation au 30/10/2013 ! - Photo © Oscar / bluoscar.blogspot.it |
..La
raison de cet exode n'est pas seulement à chercher dans la crise
économique. S'il est vrai que le prix du m² dans le centre historique
équivaut parfois aux tarifs pratiqués dans les quartiers les plus chics
de Paris, de Londres ou de New York, si l'invasion des hordes de
touristes (pratiquement 50.000 personnes par jour et quasiment
30.000.000 bientôt selon des prédictions récents annoncées au journal
télévisé) qui entraîne la fermeture systématique des commerces de
proximité, remplacés par des boutiques de verroterie et de masques
fabriqués en Chine ou en Roumanie, des fast-foods et autres magasins
pour gogos, est un des motifs, c'est la condition de l'habitat, la
difficulté et le coût de l'entretien des logements et la nécessité
d'abandonner les pianiterra (rez-de-chaussée) de plus en plus
souvent inondés lors de l'acqua-alta. Les vénitiens locataires sont les
premiers à être partis, devant le non-renouvellement des baux et
l'augmentation de loyers, les bailleurs préférant se tourner vers le Bed & Breakfast ou
la location touristique à la semaine, activités bien plus lucratives.
Aujourd'hui, on dénote plus d'un millier d'appartements officiellement
transformés en appartements touristiques, mais combien de propriétaires
louent officieusement leurs biens.
..A
chacun de mes séjours depuis 2005, je constate la disparition d'une
épicerie, un droguiste, un cordonnier, un coiffeur, un bar... A leur
place, des chinois ouvrent des boutiques de masque et de verre de Murano
en provenance directe de Roumanie ou du Sechuan... Plus d'un quart de
la population a plus de 65 ans et les écoles ferment. Il y a quelques
temps, la dernière maternité de Venise menaçait de fermer ses portes
faute de parturientes... parmi ceux qui restent, il y a les inévitables
profiteurs et pilleurs qui appliquent des tarifs prohibitifs pour des
services spécifiques à l'intention des touristes : gondoles, taxis,
mauvais restaurants,... La poule aux œufs d'or que ces grigous font
mourir peu à peu. Et ensuite ? Lorsque même les touristes se lasseront
de visiter une Venise décatie, vide de son âme où les cloches ne
sonneront plus que pour faire couleur locale, où seuls des milliardaires
russes ou chinois habiteront les palais du grand canal ?