VENISE,UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION MAIS CELLE DES NATIONS DES PEUPLES DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE REINE DU MONDE
Republié à sa date d'origine, «Le Gardien du pont» (30/09/2012) un billet de fantaisie comme les appelait un vieil ami vénitien aujourd'hui disparu. En relisant ce petit texte léger et sans prétention, j'ai revu la scène originale qui donna ces lignes, près de douze ans plus tôt. Encouragé par les 452 lecteurs (dix fois plus que d'habitude !)du précédent article qui évoquait la médiocrité et l'imposture, je ne résiste pas au plaisir de vous en donner le lien, car il n'est pas évident qu'en passant par nos pages, le visiteur ait l'idée, l'envie ou le temps d'aller voir dans les années passées...
Pourtant, on ne peut que constater que rien n'a vraiment changé. Les images que nous donnions à voir alors de Venise sont pour la plupart semblable à la Venise d'aujourd'hui. Un peu plus de monde, des tensions plus prégnantes qu'avant, d'autres disparues ou soignées. Venise montre qu'elle demeure bien vivante.
Sur Instagram, l'amie Ilona, pianiste et vénitienne d'adoption dans son @quiviviamobene poursuit cet état d'esprit positif que l'on retrouvait dans tous les blogs consacrés à Venise. Dans ses publications, je retrouve depuis toujours une certaine familiarité de coeur et d'esprit. Je vous les recommande, si vous ne les connaissez pas encore.
Pou l'occasion, Tramezzinimag a invité dans ses pages un ravissant matou bordelais de nos relations, qui a bien voulu accepter de prendre la pause et d'avoir son élégance posture publiée dans nos pages.
En Hommage à Mitsou, roi des chats de la dynastie Orange qui choisit notre famille et honora notre domus de sa présence pendant 15 ans, de la Normandie à Bordeaux, en passant par Milan, Venise, Le Moulleau et La Réole. Grand amateur de voyages en train, du du violoncelle et du saxophone, ami de Woody Allen (qui n'aime pas les chats mais qui fut séduit par lui et envisagea presque de le faire tourner dans un de ses films), ce petit film rigolo conçu en famille par la famille de Walter Fano que Tramezzinimag remercie au nom de ses lecteurs.
Un sympathique petit film, quelques minutes drôles, pour rappeler que Venise est bien plus la ville des chats que des chiens, que la gent féline, heureuse et tranquille, qui peuplait les campi et les calle a été décimée non pas par le Covid mais par les confinements, après avoir été cantonnée des années durant le plus loin possible du regard des gens (la colonie la plus nombreuse demeure celle de l'Ospedale, à San Giovanni e Paolo) depuis qu'un édile hostile aux félins et grand amateur de chien imposa au conseil municipal la déportation sur une île abandonnée des chats errants sans domicile fixe. Une hécatombe.
Peu à peu ils sont revenus, mais leur nombre, comme celui de la population vénitienne, reste faible. Exit la colonie du pont de l'Accademia, celle du Rialto (dieu qu'ils étaient gras ceux qui vivaient non loin de la Pescheria !), du ghetto, ceux des giardini reale qui la nuit disputait les bancs de pierre, aux garçons de la nuit qui se retrouvaient la nuit le long de la promenade entre le Harry's et la Piazza, et ceux du parvis de la gare, de la Salute... Le monde change, pour les chats aussi.
Titre original : Un giorno da gatto sull'isola della Giudecca
Je viens de terminer la lecture des Carnets de Jeunesse de René Fallet. Assistant à un délicieux petit concert l'autre soir chez un mien voisin, je réalisais soudain que quelque chose manquait dans cet appartement improbable et délicieusement bohème. Il y avait autour de notre hôte de jolies femmes, de jeunes musiciens talentueux et passionnés, quelques garçons un peu mauvais genre à la Pasolini, deux trois snobinards au regard arrogant, un merveilleux acteur de cinéma à la voix fascinante et sa charmante et brillante compagne. Le programme était bien monté, le Steinway remarquable et le vin délicieux. Mais il manquait quelque chose et je parvenais pas à savoir quoi...
Etait-ce un feu dans la très belle cheminée du salon où nous écoutions des lieds ? Oui bien sûr, mais ce qui manquait, c'était un chat. De ceux qui savent naturellement montrer qu'ils sont les vrais maîtres des lieux et qui reçoivent parfois avec dédain mais toujours avec élégance. Mon esprit évoqua Baudelaire, puis Léautaud et Colette. Puis au détour d'un mouvement plus grave du morceau qui jaillissait des doigts du jeune pianiste, mon regret d'avoir perdu Mitsou, pourtant dernier épisode d'une chronique de la mort annoncée et libération pour ce vieux roi qui commençait de souffrir et n'était depuis quelques jours que l'ombre de lui-même. Il attendait son vrai maître qui devait arriver de Vancouver d'un jour à l'autre. Chaque matin, en le lavant et en le soignant, je le lui rappelais : Notre Jean sera bientôt là. Attends-le si tu le souhaites. Nous nous étions focalisés sur le jeudi - il y a à peine un mois - et Mitsou depuis la veille ne s’alimentait plus, ne ronronnait même plus comme pourtant le font tous les chats malades.
Il restait étendu dans un cageot recouvert du plaid qu'il préférait. depuis longtemps, Mitsou ne voyait ni n'entendait plus vraiment, sauf à de rares occasions. Plusieurs épisodes ischémiques dans les dernières semaines rendaient son quotidien difficile. C'est ainsi que nous l'avions retrouvé paralysé de l'arrière-train le dimanche avant, puis après quelques heures d'un profond sommeil, il avait de nouveau sauté du canapé pour aller vers sa pitance que je venais de servir. Parfois, il se cognait aux meubles et nous ne pouvions nous empêcher d'en rire. Il restait digne. D'autres fois, après nous être persuadés qu'il n'entendait plus, nous avions eu la surprise de le voir se lever au bruit de la sonnette... J'en arrivais à penser qu'il attendait son jeune maître pourtant vivant depuis longtemps loin de Bordeaux.
Un autre Mitsou, le chat de Balthus conté par Rainer Maria Rilke
Mitsou est apparu dans notre vie un jour d'été à la Moignerie, la maison de famille dans le Cotentin, où nous passions les vacances. J'étais retourné à Bordeaux. Les enfants étaient autour de la table du petit-déjeuner et, venant du jardin, un jeune chat rouquin, élégant et mince qui semblait sourire comme m'avait dit ce soir-là mon fils, s'est avancé dans la cuisine et a salué en miaulant avec beaucoup d'élégance. Ce n''était ni une prière ni une injonction. Certainement une manière de saluer. Une bolée de lait tiède plus tard, le chaton - il n'avait pas un an - s'installait définitivement dans la maison et devenait le compagnon de jeux des enfants.
Notre famille traversait les premiers coups de vent de la tourmente qui emporta mon mariage et notre vie d'avant. Mitsou a été là, très présent. Câlinant Jean et ses sœurs plus qu'on ne le câlinait et plus tard, quand l’œil du cyclone nous rattrapa tous, je sais combien il a été précieux pour l'enfant qui le prenait souvent sur son lit. Je me souviens à plusieurs reprises de l'entendre renifler au moment où je venais lui dire bonne nuit et, à chaque fois le joli pelage roux était mouillé et Mitsou ronronnait et me regardait, ses yeux verts m'interrogeant. "Alors qu'est ce que tu attends pour arranger tout ça, regarde combien il est malheureux, regarde ce que nous sommes en train de devenir"...
Bien des fois, à mon tour, je me suis épanché sur Mitsou qui ne bougeait pas et restait lové contre moi bien après que mon désarroi se soit apaisé et que la maisonnée dorme. Dix-sept ans après son arrivée chez nous, il a rejoint ses ancêtres. Réalisant que notre Jean ne serait là que le lendemain, je lui ai annoncé. Il était allongé dans sa caisse et respirait difficilement. "Mitsou, Jean va venir mais demain". Le chat a tressailli et j'ai cru voir ses pupilles bougeaient et son regard qui se dirigeait vers moi. Il s'est mis à respirer plus lentement. Je me suis entendu dire "Tu peux partir si tu veux, je ne veux pas que tu souffres". Je l'ai caressé longuement. Il a émis un son qui ressemblait un peu au ronronnement d'avant. Je suis parti vaquer à mes occupations.
Quand je suis rentré, le chat s'était tourné - il ne bougeait plus depuis plusieurs jours - et semblait dormir paisiblement, les yeux clos. Il n'avait pas pu attendre encore. Jean ne l'aura pas revu mais je sais qu'avec les chats il se passe des choses que nous ne pouvons imaginer mais que nous savons réelles. Le vendredi, lorsque Jean est venu et que je lui ai raconté les derniers moments de Mitsou, quelque chose voletait autour de nous, comme un souffle d'air très doux, très paisible. J'ai pensé qu'il s'agissait de l'esprit du chat qui s'envolait, apaisé et tranquille. Il repose depuis dans le petit cimetière familial où plusieurs des bêtes de la famille reposent. Voilà ce qui me passa par la tête, dans ce salon musical.
Ma lecture du jeune Fallet (il n'avait pas vingt ans dans ces carnets que j'ai été heureux de relire) m'a rappelé son amour pour les chats. Ce petit bijou de l'INA, TraMezziniMag vous le présente comme un hommage à notre cher Mitsou, sacré il y plus de quinze ans par mes enfants et par quelques vénitiens qui ont eu la chance de le connaître, Roi des Chats.
Ne
serait le décor et les accessoires qui montrent bien combien notre
époque est dénuée de sens esthétique, favorisant depuis des lustres le
pratique plutôt que la beauté, cette image pourrait être de tout temps.
Un chat, au soleil, sur le rebord de sa fenêtre qui observe des moineaux
sur le toit voisin. L'ocre de la façade, l'intensité du soleil et la
douceur de l'air, tout cela respire la sérénité d'un jour de juillet
quand le vent ne souffle pas encore les étouffantes effluves qu'il
ramène des lointaines contrées africaines...
Où comment lutter contre la désertification féline... Venise sans chat serait aussi triste que Venise sans le lion de San Marco, ou sans gondole ni gondolier, la passeggiata sans spritz, le Lido sans la Mostra et le Florian sans le chinois ! Pourtant les ennemis du chat semblaient avoir gagné, le centro storico s'était vidé peu à peu de sa population féline. Il faut dire que les mamma gatti vieillissantes ou passées nombreuses de l'autre côté du miroir n'étaient plus assez nombreuses pour nourrir et soigner ces pauvres petits fauves abandonnés et rien n'était vraiment fait pour limiter les naissances et éviter les maladies. La municipalité décida d'agir. On commença par financer une campagne de vaccination,de tatouage et de castration. puis un jour, un conseiller municipal ami des chiens et qui ne cachait pas sa haine des chats ordonna leur déportation massive vers une île éloignée de la lagune où on les abandonna à leur sort... Peu à peu le paysage vénitien changea, on vit de moins en moins de matous allongés au soleil dans les ruelles calmes, sur la margelle des puits... La population féline était en voie d'extinction dans l'indifférence quasi générale. Ah combien l'humain est ingrat !
Pourtant, le meilleur ami du vénitien, impitoyable mercenaire chasseur de rats et de pigeons malades avait pourtant toujours été un fidèle petit soldat. On le respectait autrefois, qu'il soit beau ou très laid. A cause de cette glorieuse épopée où, par sa lutte acharnée contre les rats, ils permit d'en finir avec la peste. Pas un navire de la Sérénissime qui ne sortit de l'Arsenal sans un matou à son bord. On comptait à Venise presque autant de chats que de foyers. Ils ont toujours humblement servi et honoré le Le lion de San Marco, leur royal cousin, protecteur et modèle jusqu'à ce que le monde vénitien moderne préfère aux joyeux Raminagrobis lagunaires la gent canine...
Mais tout est peut-être en train de changer. Chiens, votre triomphe touche à sa fin ! Un groupe d'Anonymous (dont nous respecterons l'anonymat bien évidemment), s'est ému de la terrible situation et a cherché une solution. C'est ainsi que depuis quelques semaines, se transformant en cigognes, ces braves amis du chat ont introduit dans la ville un petit nombre de jeunes chats anonymous, tous dûment vaccinés et tatoués, confiés à des maîtres aimants, qui seront appelés à se reproduire pour notre plus grand bonheur. Mitsou, notre bon vieux chat rouge, a suivi l'affaire avec beaucoup d'intérêt. S'il ne peut plus contribuer lui-même au repeuplement de la Sérénissime, il s'est aussitôt porté volontaire pour ceindre bientôt la couronne du roi des chats. Les lecteurs de TraMeZziniMag savent tous que celui-ci est vénitien de Venise. Il a ses chances, croyez-moi sur parole !
Le
roi des chats a longtemps été vénitien. C'est du moins ce que racontait
une de mes nouvelles écrites il y a des années pour ma petite filleule Domitille
(elle a plus de trente ans aujourd'hui). Les aléas de la vie, la
décadence des mentalités et la trahison des vénitiens ont réduit la
communauté féline. On ne voit plus ces colonies de chats, réunissant
plusieurs générations aux abords du pont de l'Accademia, sur le Rio
terrà San Vio, à Santi Apostoli ou au Rialto.
On
les retrouve désormais à Burano où les esprits ont su rester fidèles à
la tradition. Les chats y sont aimés, respectés et très bien soignés.
Non stérilisés pour la plupart, ils forment de belles familles
nombreuses qui égayent les jardins et les ruelles de l'île. Les
habitants les nourrissent tout en respectant leur liberté. Profitant des
nombreux terrains et des bâtiments des chantiers navals abandonnés, ils
vivent une vie agréable et paisible. Le roi des chats, certainement,
vit parmi eux dans un exil heureux !
Normand
et vénitien, Cet écrivain joyeusement prolixe écrit et vit une partie
de l'année à Venise. Il écrit donc - entre autres - bien évidemment sur Venise et... sur
les chats. Les lecteurs de Tramezzinimag
savent combien nous y apprécions sa vision de la Sérénissime. Subjugué
par la cité des doges quand il avait huit ans, comme je le fus à douze
ans, il a redécouvert Venise en 1983, à l'âge adulte et a fait de la
ville un lieu de méditation et de travail. Pour mieux le connaître,
voici Passeport-Passion, un
document sonore qui permet de saisir le pourquoi du comment de cet amour
de Venise, que je partage avec les mêmes réserves et le même
enthousiasme. Pour écouter le document, cliquer ICI.
Robert de Laroche a
publié de nombreux ouvrages, dont certains consacrés à la Sérénissime et
a créé il y a quelques années sa propre maison d'édition, La Tour Verte :
Chats de Venise, paru chez Casterman en 1991, avec de très belles photographies de Jean-Michel Labat.
Lagune vénitienne, paru en 1995, toujours avec le même photographe-complice.
Venise carnaval secret, édité à La Renaissance du Livre en 2002
Florian Venezia 1720. Superbe publication du Caffè Florian-Sacra Srl (2008).
Venise sauvée par ses chats, aux Éditions de la La Tour Verte.
.........
4 commentaires:
Anonyme
a dit…
Oh que oui, je connais Robert ! C'est un ami de longue date : nous nous
sommes rencontrés la première fois, sur le traghetto entre S.Sofia et la
Pesceria. Amoureux de Venise et des chats, tout comme moi, cela ne
pouvait que faire "tilt". Il écrit très bien et je vous conseille ses
ouvrages. Je rentre aujourd'hui de Venise où le froid et le brouillard ont pris possession de la ville : c'est magique !!! Cordialement Gabriella
Quand je dis que Tramezzinimage et ses lecteurs sont à l'unisson. Pour
ceux qui ne l'ont jamais encore lu, le document sonore qui illustre ce
billet leur donnera à coup sûr l'envie de le lire !
J'ai dans ma bibliothèque Venise sauvée par ses chats et bien sûr le Florian mais aussi Venise carnaval secret... Je
suis allée faire un tour sur les liens. J'ai découvert qu'il avait des
chats noirs et blancs, trois de mes chats ont aussi la même "robe" ! Bien à vous Danielle
moi aussi j'ai eu la chance de rencontrer Robert de Laroche, c'était à
Arcachon dans les années 90 lors d'un salon du livre (pour la jeunesse
je crois) nous avons parlé chats bien sur, je le revois sortir de son
porte feuille la photo de son chat noir et blanc et je suis repartie
avec un exemplaire dédicacé des "Chats de Venise" . quel bon souvenir Dominique quel bon souvenir
Oscar est un blogueur plein de talents(cliquer ICI pour voir le blog d'Oscar)qui
présente sur son blog de très belles photos de Venise et du Nord de
l'Italie. Le traitement original de ses clichés fait de son site un lieu
plein de poésie. Oscar ne pouvait qu'être habile à immortaliser les
chats de Venise à qui ce billet est dédié. Car comme pour les humains,
la vie à Venise est devenue difficile et la communauté féline est en
constant déclin depuis quelques années.
Il y a dix-sept ans aujourd'hui naissait mon fils Jean. Comme ses sœurs et comme moi, il aime les chats et il aime Venise. Je lui dédie ce billet en lui souhaitant une Très Joyeux Anniversaire !
J'essayais justement et en vain de me mettre sur le blog d'Oscar. Je vois que Maïté vient de vous le signaler... Quel joli Chat, j'adore son expression et j'aimerais bien voir le Venise d'Oscar. Venise et les chats, mon univers quotidien aussi ! Bonne journée Lorenzo, Bon anniversaire à votre fils ! Danielle
Le problème est réparé, Mesdames. En route pour le blog d'Oscar ! Si le
lien restait capricieux, voici l'adresse : http://bluoscar.blogspot.com Bonne journée d'automne à tous.
19 novembre, 2010
anitaa dit…
merci Lorenzo ! ... un nouveau petit trésor ... Un joyeux anniversaire à Jean !
Me
voilà de retour chez moi. Je m'installe. Mon bureau est devant la
fenêtre. Quand je m'y assois, je vois le jardin, les toits et au loin un
clocher qui penche. Je prend ma pipe. La boîte verte, le tabac parfumé,
un peu humide. Je bourre ma pipe, l'allume avec de longues bouffées.
Délices de ces premières bouffées. J'égalise la cendre. L'air se remplit
d'effluves musquées et comme un peu sucrées. Je puis alors commencer à
écrire. C'est l'histoire d'un chat et de son maître... Tiens, pourquoi
un chat ? Je n'ai jamais écrit d'histoires d'animaux ...
Sur
le rebord de la fenêtre, arrivé par je ne sais quel enchantement,
j'aperçus soudain trois chats dont celui de ce matin. Je croyais rêver :
tous me regardaient. Le roux au regard narquois était assis sur mon pot
de romarin. Une chatte grise se léchait en suivant du regard mes gestes
et le troisième était carrément debout sur ses postérieurs, une patte
négligemment appuyée contre la vitre. Je fis comme si de rien n'était et
travaillais fort tard dans la nuit. Lorsque je terminais le dernier
paragraphe, je levais les yeux. Ils étaient toujours là et semblaient
tenir entre eux un véritable conciliabule, me jetant un regard de temps à
autre. Finalement, intrigué mais amusé, je me levais pour ouvrir la
fenêtre et les caresser. Aussitôt ils disparurent. Le chat roux avant de
sauter dans le jardin me gratifia d'un clin d'œil ! Quelle drôle
d'aventure. Je sais qu'à Venise tout peut arriver. Les vieilles gens
prétendent que les chats des rues sont l'âme des êtres et des choses.
Ils vous aideraient ou vous poursuivraient de leur vindicte, selon que
votre cœur est pur ou flétri.
Dès le lendemain, je passais au moins cinq heures chaque jour devant ma machine à écrire. A l'Osteria de Santa Maria Formosa, comme sur la terrasse du café des Zattere ou
chez Zorzi, le salon de thé de la calle della Mandorla, je ne cessais de
prendre des notes, de remplir des pages et des pages... En trois
semaine, le manuscrit attendu à Paris était prêt, emballé. Il fallait
maintenant l'expédier. Après avoir terminé le paquet, joliment couvert
de ce papier brun qu'on ne trouve qu'ici, je me couchais et pour la
première fois depuis longtemps, je me sentais satisfait.
Le temps était très mauvais le lendemain matin, quand je me réveillais. J'entendis même la sirène de l'acqua alta.
Mon premier acte de la journée serait de poster le manuscrit. La
veille, j'avais eu mon éditeur au téléphone qui avait promis de
m'expédier un mandat assez conséquent. De quoi payer les trois prochains
mois de loyer et un billet de train pour Naples où je comptais me
rendre pour le vernissage d'une exposition. Il pleuvait mais mon cœur
était en fête. A la fenêtre, le chat roux qui refusait toujours de
rentrer dans la maison, était là, l'air affable. On eut dit un marquis
de Goldoni ! Arrivé au Rialto, à la Posta Centrale, je le retrouvais,
lissant ses moustaches sur la margelle du puits du cortile, en compagnie de ses acolytes. « Bah ! », pensai-je, «à Venise tous les chats se ressemblent ...»
Extrait de «Venise, l'hiver et l'été de près et de loin» à paraître aux Éditions Tramezzinimag
Merci pour ce petit extrait de "Venise, l'hiver et l'été de près et de loin", j'ai vraiment hâte d'en lire tout son contenu... Je
les aime ces chats de Venise mais quel dommage de ne plus en croiser et
faire un bout de chemin en leur compagnie, comme autrefois ! A bientôt Lorenzo et excellente journée Danielle
19 novembre, 2010
Lorenzo
a dit…
Avec plusieurs amis, pazzi di gatti, nous avons décidé de repeupler -
sous contrôle d'un planning familial félin - la ville de sa population.
Le complot se trame peu à peu. A chaque voyage, nous envisageons
d'amener une jolie jeune chatte, voire des portées. Vaccinés, tatoués,
ils seront peu à peu lâchés dans la ville, avec des points de ralliement
pour les soins, la nourriture et les abris, à proximité d'un relais
humain, mamma (ou babbo) gatto. Nous nous emploierons à convaincre la
municipalité... S'il devait ne plus y avoir de vénitiens à deux pattes, qu'il y en ait toujours sur quatre, dignes cousins du lion ailé...
Micio aime aussi se mettre à sa fenêtre ,repère en hauteur, pour
surveiller les environs...mais lui il a son jardin avec toutes ses
cachettes. Celui-là, je ne sais pas si il a le droit de se promener dans
les calle de Venezia. Belle photo de Enzo Pedrocco... Bonne journée Lorenzo
c'est quand même hallucinant cette histoire !! un simple chat, une demie
fenêtre et un vague pan de mur... cela pourrait être n'importe où... et
pourtant ON SAIT QUE C'EST VENISE
En parcourant l'excellentissime e-Venise.com de Luca et Daniela, j'ai trouvé cette vue du rio delle Toreselle, à Dorsoduro, qui fut pendant plusieurs années l'épicentre de ma vie vénitienne. A gauche sur la Fondamenta Venier dei Leoni, la boutique devant laquelle passe un couple de touristes était alors la galerie de Bobbo Ferruzzi où je travaillais. C'est maintenant la Fondation Guggenheim qui y a installé sa boutique et les oeuvres du peintre sont présentées en face, juste à côté du magasin d'antiquités de Roberto Ferruzzi(junior), son fils. En face de ce qui fut la galerie existait un petit bar tranquille, où je m'installais dès la bonne saison.
Les tables de la terrasse n'étaient autres que celles du Florian qui furent changées dans les années 60. Attablé devant un caffé macchiato,
je pouvais bouquiner tout en surveillant la galerie. Dès qu'un visiteur
semblait intéressé et cherchait où pouvait bien être la personne qui s'occupait de la galerie, je
l'appelais et selon le degré d'intérêt, je traversais (le pont est tout près sur la gauche, de là où a été prise la photo).
Un jour, un client avait l'air un peu agacé de ne voir personne dans la galerie. Un client du bar était arrivé avec un sandolo qu'il avait amarré contre une des barques que les riverains laissent le long de la fondamenta, voyant la situation, me proposa gentiment de me servir de la petite embarcation comme d'un traghetto,
et en quelques secondes j'étais de l'autre côté. Le client était un
jeune homme d'une vingtaine d'années. Britannique, il servait alors dans un
régiment de la reine à Berlin. Tombé fou amoureux des peintures
de Ferruzzi, il m'acheta plusieurs petites toiles. Peintes sur bois, faciles à transporter, elles étaient alors
à des prix encore abordables. Nous avons conclu l'affaire au petit bar après avoir
traversé le rio dans l'autre sens, buvant un'ombra avec le propriétaire du bateau, Alessandro
- qui allait devenir un ami et travaillerait à ma place à la galerie
quelques années plus tard - et le patron du bar, aujourd'hui disparu.
Sous le grand immeuble à gauche s'ouvre un sottoportego. C'est dans cette ruelle, à droite que s'installa l'écrivain Dachine Rainer
dont mes lecteurs ont déjà entendu parler. C'est dans ce bel
appartement - où je rêvais de m'installer comme je rêvais de me faire
embaucher par la dame comme
factotum-majordome-secrétaire-et-tutti-quanti - qu'elle écrivit son Giornale di Venezia. Elle se rendait tous les jours de l'autre côté (à droite sur la photo) sur le campiello du rio tera san Vio, près de là où je vivais (j'habitais alors calle Navarro), pour voir les chats orphelins qu'une mammagatta
nourrissait et abritait dans l'androne d'un vieux palais décati, au
grand dam des voisins que l'odeur parfois un peu forte dérangeait. Quand
elle quitta Venise, elle me chargea de remettre à la dame aux chats une
assez forte somme d'argent, pour l'aider à nourrir les pauvres bêtes
fort nombreuses en ce temps-là.
Mille autre souvenirs sont liés à cette fondamenta dans ma mémoire. La galerie de Baci Baïk, tenue aujourd'hui par son fils, où régnait alors Denise, l'épouse anglaise du peintre avec qui j'aimais prendre le thé. Et puis, Peggy Guggenheim
quelques mois avant sa mort. Encore aujourd'hui, quand je franchis la
grille du jardin, je revois l'agencement de la table garnie de bonnes
choses, les salons débordant d’œuvres contemporaines, de livres d'art,
de fleurs, les autres invités assis sur des chaises longues, les chiens
de la maîtresse de maison et cette femme toute petite, somptueuse et
très affable.
Je
me souviens aussi de l'étrange aventure dont je fus le témoin un matin.
Je venais à peine d'ouvrir la galerie et les lumières n'étaient pas
encore allumées quand un tapage inhabituel me fit ressortir dans la rue.
Un attroupement s'était formé d'où fusaient des rires et des cris de
surprise. Un énorme cygne au plumage écarlate volait et nageait en même
temps, poursuivant avec fureur un chien qui avait sauté dans l'eau du rio,
certainement pour essayer de l'attraper ou pour jouer avec lui.
Battements d'ailes, aboiements, l'eau qui giclait tellement le volatile
s'énervait, frappait l'eau de ses ailes et remuait ses pattes pour tenter de régler son
compte au pauvre chien. Un molosse pourtant mais qui dans l'eau n'en
menait pas large. Et le maître qui s'énervait, hurlant à son chien de
sortir de l'eau, les passants qui s'en mêlaient, les enfants qui
riaient... Le cygne finit par s'envoler et disparut au-dessus du jardin
Guggenheim. Le chien en sortant de l'eau s'ébroua en éclaboussant les passants.
D'autres chiens aboyèrent, sans doute pour féliciter leur héros. C'était un jeune et beau
chien de chasse que son maître promenait chaque matin sur la fondamenta. Après cette mésaventure maître et chien ne passèrent plus par là. Je les ai croisé souvent sur les Zattere. Quant au cygne, personne ne
le revit jamais et sa présence ce matin-là à cet endroit reste un
mystère.
magnifique évocation de ce souvenir de malle, plus encore que le récit,
je reste admirative de ta prose, ignorante que je suis (pauvre de moi !)
je pensais que tu étais italien, mais est-ce possible de raconter ainsi
un si charmante souvenir dans notre langue si complexe ?
Je ressens toujours beaucoup de nostalgie (de votre part, mais c'est
communicatif!) à la lecture de tous vos souvenirs vénitiens. Ce doit
être pourtant bien agréable et enrichissant d'avoir pu ainsi passer
votre jeunesse à Venise en côtoyant des gens si divers et intéressants.
Bonne continuation
Nous sommes de grands admirateurs de "Bobo", dont nous nous avons acheté
un tableau et qui nous a invités, un jour, chez lui à la Giudecca, à
boire un "ombra"...
Dans sa magnifique maison-atelier remplie de trésors (J'ai présenté
cette charmante maison dans mon billet daté du 27/11/2006)ùais elle se
trouve à deux pas de la galerie, entre la calle Navarro et les Zattere.
Tramezzinimag a rendu plusieurs fois hommage à Bobbo. C'est à mon avis
le dernier vedutiste vénitiens avec un sens inoui du chromatisme tout
imprégné de l'atmosphère de Venise. Les créations de Norelène (sa femme
Nora et sa fille Hélène) sont aussi des merveilles. Nostalgiques mes
billets-souvenirs ? Peut-être mais autant qu'un souvenir de jeunesse
peut l'être pour l'homme mûr qui se souvient. Sans regret si ce n'est
celui d'être parti et de ne jamais faire qu'y passer désormais. Wictoria,
sono italiano... e francese. Vivo in Francia purtroppo. Les hasards de
la vie des choix imposés mais avant d'être italien ou français, je me
sens totalement absolument définitivement vénitien d'où sont tous les
miens !
Vous décrivez si bien Venise et vos souvenirs! A quand la publication
d'un livre qui rassemblerait ces textes que nous avons tant de plaisir à
lire? Anne
Ah, la jungle de l'édition ! il y a beaucoup à en dire. Mais vous avez
raison, dire que je n'y songe pas serait mentir mais il ne suffit hélas
pas de l'encouragement de lecteurs assidus. Tant de contingences
président aujourd'hui à la publication d'un livre et peu sont
littéraires...