Je devais y arriver en début de la semaine. Les bagages attendaient d'être bouclés, un sac pour les livres et les carnets, avec un peu de place pour le thé et les biscuits sans lesquels je ne pars jamais, ma boîte de tabac et mes pipes favorites. Le panier du chat bien ouvert dans l'entrée pour que Mitsou s'habitue à l'idée du départ... Puis, déconvenue, empêchement : d'inénarrables impératifs m'éclatent à la figure... Plus question de Venise pour le moment. Il fut un temps où cela m'aurait anéanti. Repousser une fois encore mon retour... Les grosses chaleurs que nous connaissons depuis quelques jours et l'idée d'un voyage difficile atténuent mon dépit. Ce sera pour plus tard.
Pendant que j'écris ces lignes, mon amie Catherine se promène du côté des Santi Apostoli, attendant que Gabriele sorte de sa réunion avec l'équipe du Giorgione. Elle s'installera certainement dans le salon ou au bar de l'hôtel, ou peut-être dans l'atrium ou le bassin (les dépliants parlent de la piscine) pour se rafraîchir avec una spremuta. Elle doit laisser à Gabriele les clés de l’appartement. Une autre amie, de passage à Venise avec son mari, passera un moment sous la tonnelle du Caffè Paradiso avant que de poursuivre leur visite de la Biennale. Quels pavillons auront leur suffrage ? Dimanche, nous étions tous deux d'astreinte, présidant chacun un bureau de vote. Elle en tant que maire-adjoint, moi en tant que bénévole habitué depuis quinze ans.
Je lui ai demandé de boire un verre de prosecco en pensant à moi qui aurait dû être sur place pour les promener en barque sur les rii de la Sérénissime ou, si le temps n'était pas trop chaud, sur les eaux de la lagune, là où on ne mène jamais les touristes. Il y a aussi ces deux étudiants lecteurs de TraMeZziniMag depuis un exposé qu'ils réalisèrent au lycée après avoir lu en détail le blog et qui sont comme des amis bien que nous ne nous soyons encore jamais rencontrés ni à Venise ni en France. Ces garçons ont développé - j'assume ma part de responsabilité - une passion pour Venise et par ricochet pour tout ce qui est italien au point que cet amour a décidé de leur cursus. L'un est historien d'art aujourd'hui en doctorat et son acolyte spécialiste de l'histoire et de la littérature italiennes ! Leurs amies doivent les rejoindre samedi. Je sais qu'ils mettent leurs pas sur les miens et j'en suis flatté.
Je pense aussi à une autre personne qui m'est chère mais que les tensions et les excès de ces derniers mois ont éloigné au point qu'elle a souhaité ne plus figurer sur la liste des Amis de TraMeZziniMag pour des raisons d'orientation politique. déjà, il y a des années, nous nous étions chamaillé autour du formidable petit ouvrage du regretté Stéphane Hessel. Notre goût commun pour la Sérénissime n'aura pas été assez fort pour éviter cette rupture surprenante mais ces derniers temps furent pesants pour les relations personnelles et combien de gens se sont farouchement opposés.
© Catherine Hédouin - 2017 |
A Venise, le référendum a été fédérateur. Plus de 97% des suffrages exprimés ont envoyé un coup de semonce à ceux qui s'entêtent à vouloir prendre des risques terribles au nom du sempiternel appât du gain. Le référendum n'avait seulement que valeur consultative mais les résultats sont un ne peut plus clairs et la classe politique locale comme le gouvernement italien devront en tenir compte. Dieu que la démocratie est joyeuse, je ne me lasserai jamais de le clamer, de le chanter, de le danser ! Aujourd'hui à midi Jean Clair s'entretenait avec Roger de Montebello, au Musée Correr, dans le cadre de son exposition que j'ai hâte de découvrir. L'échange auquel je devais assister si seulement j'avais pu partir, a dû être passionnant. Je reviendrai sur cette exposition lorsque je serai à Venise sur place. J'aime la peinture de Roger. Je l'ai vue évoluer année après année et découvrir ses portraits m'intéresse vraiment. Ce que j'en ai vu m'a plu mais il ne s'agissait que des photos, pas de la confrontation physique avec la peinture, avec ce qui en émane et qui jaillit dans l'espace quand on la contemple. Vite, vite, j'ai hâte !
Le train jusqu'à Paris, puis le changement de gare avec le chauffeur affable qu'agaceraient les odeurs du panier-cage dans lequel le pauvre chat se serait oublié, dans l'énervement, puis l'attente au milieu de la foule attablée aux terrasses du Train Bleu et l'embarquement, sans qu'un employé de la compagnie ne prenne la peine de se charger de monter les bagages. L'installation dans notre cabine, où la ventilation fonctionnerait mal et dont les vitres n'auraient pas été nettoyées. Mais qu'importe, l'idée même du voyage et du voyage vers Venise est toujours une fête. les rites du wagon-lit ; Le livre choisi pour accompagner l'esprit jusqu'à ce que le sommeil l'emporte. Le rythme lancinant du train, les bruits qu'on distingue à peine, feutrés qui accompagnent la douce rêverie... L'esprit du voyageur, le temps passé entre le point de départ et l'arrivée, une aventure. L'occasion de se retrouver avec soi, dans la tranquillité d'une nuit paisible... C'est lors d'un de mes voyages dans un train de nuit que m'est venue l'idée de cette collection que je prépare pour le lancement de ce beau projet dont nous reparlerons : les Éditions TraMeZziniMag.