Quand Philippe quitta Paris, il ne savait pas si Anna l’attendrait. Elle lui avait écrit trois mots en deux ans et il n’avait plus aucune nouvelle depuis plus de six mois. Était-elle encore à Venise ? L’épreuve de l’hiver sur la lagune avait-elle eu raison de sa détermination. Il voulait la revoir et la serrer enfin dans ses bras. Mais que trouverait-il en arrivant ? Une maîtresse attentive et aimante ou bien une gorgone enragée ivre de travail et débordant d’idées fantasques comme lorsqu’elle s’était livrée le dernier soir, quand ils s’étaient promenés sur les Zattere et qu’elle l’avait laissé la prendre dans ses bras, face à Saint-Marc, à la pointe de la douane ?
Le train démarra enfin. Blotti contre la fenêtre de sa cabine, il attendait la cloche du premier service. Il aimait ce dîner rituel dans le wagon-restaurant italien. Les serveurs en veste blanche, le verre de Prosecco et les œillets-d'Inde dans les vases sur la nappe damassée. Autre chose que ces immondes voitures-bar du Paris-Rome ou du Paris-Milan… Il traînait longtemps à table, parlant avec les serveurs, presque toujours vénitiens. Quand il rentrait se coucher, les couloirs de son wagon étaient depuis longtemps vides de tout passager. Il dormait peu, rêvant à sa ville. Cette fois, Anna se mêlait aux images de Venise, les canaux, les reflets, les palais, les parfums, les silences et les bruits de la ville. Sa ville.
Il n’avait pas tout à fait fini Sciences po. Brillant mais paresseux, il s’était enfoncé dans la vie étudiante comme on se rue vers un eldorado à peine découvert.
(à suivre)
4 commentaires:
-
C'est émouvant , frissonnant , chaleureux comme .....vous !
Vite , la suite ....
Anita -
Joli texte Lorenzo Est ce une nouvelle ou l'ébauche d'un roman enfin ? nous attendons la suite avec impatience c'est vrai !
-
Un test plutôt sur une idée de texte que je vais prendre le temps de peaufiner à Venise dans quelques jours.
-
que ça doit être charmant un oeillet-dinde!!! et les oeillets-dindons? ne viendraient-ils pas d'Inde, plutôt? oups pardon... un si joli texte! désolée!