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24 avril 2024

Pamphlet pour rire et éviter d'avoir un jour à pleurer quand il sera trop tard...

Il n'y a peut-être pas plus de 49000 et quelques habitants permanents à Venise (chiffre qui ne prend pas en compte les étudiants qui étudient à Venise et sont beaucoup à vivre dans le centro storico, les Fous de Venise de tous pays qui y ont un logement en pleine propriété ou loués à l'année, ceux qui sont fiscalement déclarés comme résidents dans d'autres régions d'Italie et passent la plupart de l'année dans Venise sans y payer leurs impôts ou avoir des choses à leur nom, les SDF et les migrants), mais il y a toujours la vie. Et avec elle la joie de vivre à Venise. Un lieu unique, je ne vous l'apprends pas où même dans des conditions vite plus difficiles qu'ailleurs. 

Nombreux sont les témoignages quotidiens de vénitiens, de sang, ou d'adoption, sur le net : il suffit de regarder tout ce qui se publie sur Instagram ! La gabelle imposée par la junte municipale ne changera pas grand chose même si Brugnaro parvient à l'imposer définitivement - ce qui est loin d'être acquis - mais elle aura eu le mérite de faire parler de la situation et d'informer le monde de ce point de non retour qui peut se résumer ainsi : Venise se vide a vitesse grand V et parallèlement se gonfle dangereusement chaque jour avec l'afflux de milliers de visiteurs, ces fameux touriste UNESCO que d'aucuns rêvent d'enlever le droit au voyage. Si on ne peut plus vivre correctement au quotidien à Venise quand on n'est ni propriétaire ni millionnaire, quand il faut faire des kilomètres pour trouver une laverie, un épicier ou un quincailler, quand les magasins qui ferment sont automatiquement remplacés par des boutiques de pacotille pour gogos, que les bars et les restaurants passent de plus en plus sous pavillon chinois, il y a de quoi s'interroger. 

Quel avenir pour Venise de plus en plus étouffée par le tourisme de masse ? Certains à l'humour aiguisé parlent d'un Venezialas (comme à Las Vegas), il y en a qui sérieusement se demandent s'il ne faudrait pas envisager de bâtir quelque part sur la terraferma, près de la mer tout de même un vaste complexe qui reproduirait une grande partie de la Venise historique, ses monuments, son ambiance et où on pourrait loger (comme au Futuroscope ou à Disneyland), entendre parler vénitien, visiter des intérieurs recopiés, des expositions virtuelles, voire même pour les plus curieux et les moins incultes, des exposition des vrais chefs-d’œuvre que prêterait la vraie Venise... 

Il y aurait des animations, des promenades sur les canaux reconstitués, des concerts dans les rues, des fêtes à répétition, et des tas de loisirs. l'entrée serait payante, l'amplitude d'ouverture très large avec des feux d'artifice vrais ou virtuels, des bals, des concerts de rock ou les plus grands DJ viendraient se produire et de grands banquets gorgés de spécialités locales ; les cloches, copies conformes des vraies, sonneraient à l'identique, avec le même son et aux mêmes moments, les pigeons pourraient y être nourris par les gogos qui se feraient photographier avec ces bestioles sur la tête ou avec quelques plantureuses roumaines déguisées en marquises sorties des tableaux de Bellotto ou de Guardi... Place à l'imagination !

 

Le pharaonique projet du couturier Cardin à Marghera

Ce magnifique parc d'attraction serait dédié à Cardin bien sûr qui rêvait d'édifier un building géant sur la terraferma juste au bord de la lagune (Dieu qui aime Venise l'aura rappelé a posto pour éviter que les dégâts soient irrémédiables et ses héritiers ont abandonné la projet). Il créerait des tas d'emploi et seraient prioritaires pour y accéder les migrants assistés, mal traités, mal logés qui trouveraient dans cette réplique de la Sérénissime de quoi se nourrir, se loger, se vêtir et peut-être envisager avec sérénité de pouvoir faire des études, celles qu'ils ont le plus souvent dû abandonner pour quitter leurs pays en proie à la guerre ou à la famine... L'argent qui coulerait forcément à flots, servirait à restaurer la Sérénissime, à rénover un maximum de logements, à financer le retour de la population. Les Airbnb y seraient interdits ou en nombre légalement très limité et pendant quelques semaines dans l'année, mais seulement lorsque la demande de logement permanents réservés aux vénitiens et aux étudiants serait assurée (on a déjà commencé d'interdire les cadenas), les boutiques de colifichets Made in China seraient fermée et remplacées par un véritable artisanat d'art de qualité que la ville exporterait dans le monde et pourrait largement triompher de la camelote genre Temu qu'on propose désormais jusque sur la Piazza. Il n'y aurait que les vrais bons restaurants casalinghe, des tout simples comme des grand luxe, Un quota réduit et bloqué d’hôtels, de pensione et d'auberges de tous niveaux suffirait à accueillir ceux qui viennent y travailler temporairement ou y faire un stage, visiter la vraie Venise. 

Combien de palaces s'ouvrent dans des palazzi scandaleusement cédés à des fortunes privées, peu recommandables et se transforment en auberges de luxe presque toujours vides qui ne serve qu'à blanchir de l'argent pas très propre, font faillite rapidement, puis sont rapidement revendus au prix fort et ainsi de suite...

Les familles seraient soutenues pour venir se réinstaller dans la ville, les loyers encadrés, les travaux subventionnés ; La gestion courante serait supervisée par les organisations internationales qui installeraient dans le centre historique plusieurs de leurs entités, comme le tribunal international pour la protection de la nature, l'Unesco, des grandes écoles pourraient compléter le pôle universitaire. Les pays du G7 n'ont-ils pas prévu d'y tenir leurs sessions régulièrement à Venise ? Dans quelques semaines, ce seront les ministres de la justice du G7 qui siègeront pendant plusieurs jours...

Palazzo Zorzi, Siège de l'Unesco à venise
 

Ainsi l'argent affluerait du monde entier pour conserver ce joyau unique de la civilisation occidentale, cet ultime témoin du lien naturel entre l'Orient et l'Occident, gardienne du modèle culturel et artistique byzantin et chrétien. 

Comme devraient l'être Jérusalem ou Rome, Alexandrie, Athènes et d'autres hauts-lieux de notre culture, ces villes pourraient devenir des lieux d'extraterritorialité, échappant aux calculs et combinazione politiques, gérées et contrôlées par des sages, des savants et des intellectuels, représentant les Nations libres, sans parti pris, sans orientation politique, sans enjeux politiques. La reine de l'Adriatique retrouverait son statut de ville-état, son autonomie, parangon d'une qualité de vie unique où règnent la beauté et la culture, les arts, les lettres et un art de vivre qui rendent la ville de Saint Marc unique au monde.

On y conserverait les usages et les traditions tout en ouvrant grandes les portes de la cité à l'innovation, à la recherche, aux débats et aux créations. La Biennale d'art, celle d'architecture, de danse ou de théâtre comme la Mostra du cinéma seraient gérées sous surveillance de l'Unesco, du Parlement européen ou de l'ONU. 

étudiants réclamant un logement décent à San Giobbe
 

Tous auraient leur siège officiel, protocolaire à Venise. Voilà ma vision utopique de la Venise d'après nous, sauvée des eaux par la pointe de la technique qui au-delà du MOse dont on verra vite les limites catastrophiques, fera la part belle aux savoirs anciens, aux techniques éprouvées qui ont réussi jusqu'aux temps modernes à la sauver des eaux. La population sera de nouveau nombreuse, tant les opportunités de logement, de travail et le cadre de vie attireront les gens. 

Les politiques d'aménagement, de logement, de formation, de santé, d'aide sociales renoueront avec les principes éthiques de la République. Faire en sorte que le peuple de boutiquier que dénonçait Jean Lorrain je crois, redevienne ce peuple de marchands qui domina le monde par sons avoir-faire, sa détermination et la qualité de ses produits. Forte de l'enseignement de plusieurs siècles de déploiement du capitalisme, des trop longues années de déshumanisation et de la recherche pathologique de toujours plus de profit, Venise a toujours été un modèle. On y a mis au point tellement de choses dans tellement de domaines qu'il serait tout naturel que le monde lui redonne les moyens de jouer à nouveau ce rôle. 

Il est doux de rêver n'est-ce pas. Mais il serait tellement doux de savoir que les hommes de bonne volonté vont ouvrir leurs yeux et leur coeur, oublier leurs calculs égoïstes et faire mentir l'idée que les civilisations sont mortelles. Lacan s'il vivait encore aurait bien des leçons à leur - à nous - donner sur cela. Sauver Venise, ce n'est pas s'assurer que monuments et œuvres  d'art soient protégées, entretenus et assurées, c'est simplement entendre ce que disent les vénitiens, ce qu'ils attendent, ce dont ils sont besoin. Ne pas vouloir faire de Venise une ville comme les autres mais adapter les besoins d'aujourd'hui à sa structure, se fier à ce que les vénitiens ont mis en place au fil des siècles, pour la voirie, l’entretien et la protection des eaux, privilégier les besoins premiers des vénitiens : se loger, se nourrir, se soigner, se divertir, et pour les plus jeunes, apprendre, jouer... 

©Tramezzinimag , avril 2024 - IA by Canva   

Sans véritable rapport, cette photographie créée par l'Intelligence artificielle. A regarder de près, on voit que cette fameuse IA ne remplace pas le talent d'un vrai photographe mais l'atmosphère qui se dégage de ce cliché m'a paru convenir à ce coup de gueule un peu naïf et mal écrit. J'avais demandé à l'ordinateur de créer une photographie de jeunes vénitiens en train de manger une glace au bord d'un canal. Voilà le résultat. Ce n'est pas du grand art, il faut l'avouer. Le souvenir de la photo truquée de la Princesse de Galles nous rappelle que la technique a ses limites.

Mais pour cela comme pour le reste, gardons espoir, gardons l'humour et la foi en l'homme, in spite of.

15 février 2024

Archives : Le livre d'or de Tramezzinimag retrouvé !

Chers Lecteurs, vous vous souvenez peut-être du Livre d'Or de notre blog qui permettait de laisser un message comme on le fait lors d'une réception ou d'une cérémonie, un vernissage, etc. Il fut actif en ligne à partir de 2007.

Perdu en même temps que le reste en 2016, nous en avons enfin retrouvé des bribes que nous venons de poster sur une page spécifique que vous trouverez parmi les autres pages dans la rubrique : Les Hors-Textes de Tramezzinimag : cliquer ICI


 

08 février 2024

Tramezzinimag remonte le temps avec Wayback Machine !

Comme je l'annonçais en fin d'année, Tramezzinimag, s'il n'a pas retrouvé le nombre de lecteurs quotidien et a perdu plus de 80% de ses abonnés depuis ce jour fatidique du 28 juillet 2016 où le site fut avalé par un robot gourmand avec la totalité des archives, notes, vidéos, sons, photos, ou par la volonté inique de certaines personnes que les billets dérangèrent, a résisté. Tramezzinimag II a pris la suite et vaillamment, avec une équipe réduite au minimum, nous avons reconstitué le blog. 

Ce type de medium ne serait apparemment plus à la mode, parce que selon ses détracteurs in gamba (*), c'est devenu un outil trop figé, constitué de textes trop longs et trop détaillés pour les esprits d'aujourd'hui qui préfèrent survoler qu'approfondir et zappent en permanence, tous de plus en plus pressés... 
 
Simple constat, nul jugement. La vitesse, la précipitation sont des notions tellement absurdes quand il s'agit de Venise, de sa civilisation et de la vie qu'on y mène. Alors pourquoi se ranger aux idées reçues et suivre à tout prix les modes. Tramezzinimag veut rester pour ses lecteurs une sorte de revue en ligne, la Première Revue en Ligne des Fous de Venise ! Vos messages et vos soutiens montrent bien que le blog a encore sa place.

En retrouver les pages perdues est donc depuis des mois notre mission. Bien des billets sont encore à repêcher sur la Toile (encore un terme qu'on n'emploie plus 19 ans après la naissance de Tramezzinimag...

Sa résurrection, avec le soutien de lecteurs fidèles, tous devenus de vrais amis, mais aussi grâce à un outil web dont nous ne vanterons jamais assez les mérites, l'extraordinaire Wayback Machine - littéralement « machine à revenir en arrière » -, inventé  un organisme à but non lucratif, Internet Archive (**) qui permet d'accéder aux clichés instantanés de pages web qu'il stocke depuis sa création. Sans cette gigantesque bibliothèque numérique, les 2148 billets publiés entre le 7 mai 2005 et le 16 août 2016 auraient été irrémédiablement perdus. 

Le temps passé à reconstituer les pages anciennes, repostées avec les dates d'origine (même année, même même jour, même heure) pour en faciliter la recherche par les lecteurs, se fait au détriment de la création de nouveaux billets. 

Mais ce n'est que temporaire, nous avons tellement d'idées de sujets à évoquer pour nos lecteurs et la relecture des billets d'il y a huit, douze ou dix-huit ans nous permet de mesurer comment les choses ont évolué ou se sont dégradées pour Venise, les vénitiens et la lagune. 

Le plus souvent - et je l'écris avec une certaine fierté - les positions de Tramezzinimag n'ont que très rarement étaient contredites par les évènements, si ce n'est la position vis-à-vis du M.O.S.E.(***) dont nous pensions qu'il ne serait jamais qu'une grosse arnaque, juteux moyen pour certains, hommes et partis politiques, de se remplir les poches à des fins fort éloignées des intérêts vitaux de la Sérénissime et de ses habitants. L'outil fonctionne, du moins pour l'instant et c'est tant mieux.
 
Avec ma petite équipe de fidèles, je tenais à remercier ceux qui nous soutiennent et nous suivent régulièrement. Qu'ils soient abonnés depuis le tout début ou nouveaux lecteurs arrivés par hasard sur ces pages, nous les invitons à farfouiller dans les sommaire qui s'étoffe chaque jour avec les billets d'avant 2016 peu à peu reconstitués (****).
 
A titre d'exemples, vous trouverez dans pour l'année 2009 des billets toujours d'actualité quinze ans après leur parution. L'ensemble des recettes gourmandes de Tramezzinimag aussi a été reconstitué... Wayback Machine nous a permis de retrouver aussi les nombreux commentaires de nos lecteurs. Cela, je l'espère, incitera les lecteurs actuels à laisser leurs propres avis et demandes, comme le firent les lecteurs à l'époque. Plus de 1.400.000 visiteurs  de de 2005 à 2016 avec la première version, 472.894 depuis août 2016. Merci à nos lecteurs !


Notes :

*
« In gamba», littéralement « en forme» est à la fois l'équivalent italien de doué, intelligent, cool... Il est souvent utilisé pour qualifier quelqu'un « à la mode » et par extension, parfois avec ironie, désigne ceux qui suivent le mouvement, les modes et les courants dominants. 

**
Internet Archive dont l'acronyme IA est avant tout synonyme aujourd'hui d'Intelligence Artificielle dans l'esprit de tous) est un organisme à but non lucratif consacré à l’archivage du Web qui agit aussi comme bibliothèque numérique. Ces archives électroniques sont constituées de clichés instantanés (copie de pages prises à différents moments) de pages web, de logiciels, de films, de livres et d’enregistrements audio. Pour assurer la stabilité et la sécurité des données archivées, un site miroir fonctionnel est conservé à la Bibliotheca Alexandrina en Égypte. L’IA met gratuitement ses collections à la disposition des chercheurs, historiens et universitaires. Située dans le Richmond District, au sud de San Francisco, elle est membre de l'American Library Association et est officiellement reconnue comme bibliothèque par l'État de Californie.(source : Wikipedia, 08/02/2024)


 


09 août 2023

Une librairie de plus à Venise : bienvenue à la Feltrinelli !

L'ouverture d'une nouvelle librairie est toujours une fête partout dans le monde. D'autant que de partout fusent les statistiques sur la baisse de fréquentation des bibliothèques, le pourcentage qui grimpe d'année en année du nombre de jeunes qui n'ont jamais lu un seul livre et les rumeurs sur l'inéluctable disparition de l'objet qui a changé le monde avec l'invention de l'imprimerie. 

C'est donc fête à Venise où l'éditeur Feltrinelli vient d'ouvrir ce mardi la quinzième librairie de la Sérénissime (en comptant les marchands de livre d'occasion et de livres anciens, et les librairies du centro storico, de Mestre et du Lido). Il y a quelques jours encore, j'étais passé distrait sur le rio terà Secondo, à San Polo, juste à l'angle de la calle qui mène au vaporetto San Stae. Les anciens se souviendront de cette osteria, baptisée «al Lento» officiellement Osteria da Renato, où le patron était connu pour sa philosophie de la lenteur.  


En attendant l'inauguration officielle qui aura lieu en septembre, nombreux sont les les vénitiens qui depuis mardi viennent se rendre compte par eux-mêmes et visitent librairie dans ses locaux flambants neuf. Feltrinelli, la maison d'édition, qui compte des dizaines et des dizaines de points de vente dans toute l'Italie, a officiellement ouvert avant-hier sa librairie à Venise, une première. À ce jour, les grandes chaînes ont toujours eu du mal à s'ouvrir dans la ville faute d'espace adéquat. en apprenant la nouvelle, j'ai aussitôt repensé à ce délicieux film de Nora Aphron, «You've got mail»,  avec Meg Ryan et Tom Hanks, reprise du fameux «Shop around the corner» de Lubitsch. Dans le film l'enseigne Fox, spécialiste des hypermarchés du livre vient s'installer en face d'une petite librairie de livres d'enfants. Le contraste est grand entre le géant et la petite boutique.
 

Le choix de Feltrinelli est totalement adapté à la Sérénissime. Située entre le campo San Polo et San Giacomo dall'Orio, elle ne s'étend que sur une petite centaine de mètres carrés seulement et s'apparente plutôt aux petites librairies généralistes indépendantes que nous aimons tous. Avant elle, l'osteria dont les vénitiens se souviennent, puis une galerie d'art. Murs en briques apparentes, sol décoré d'arabesques qui attirent le regard, étagères sobres et sans fond pour laisser voir les murs, poutres apparentes. Une lampe Fortuny et un plafonnier de chez Venini pour marquer la vénétianité du lieu. Sur les rayons, il y en a pour tous les goûts, avec même un rayon.
 
 
Si l'ouverture d'une librairie est toujours une bonne nouvelle, surtout en période de baisse drastique du nombre de lecteurs, le fait qu'elle ouvre à Venise, ville aux prises avec le dépeuplement, l'est encore plus. Le choix du quartier aussi, dans une partie de la ville qui est rarement visitée par les touristes de masse ce qui laisse à penser que la clientèle visée sera avant tout locale. Bonne pioche. 
 
De fait comme le souligne les journaux locaux, durant ces deux premiers jours, la librairie a été surtout visitée par des habitants, ravis d'accueillir Feltrinelli tout près de chez eux, dans un «va-et-vient incessant alors qu'à l'intérieur de la boutique les derniers travaux d'installation électrique et d'éclairage se terminent» écrit ce matin dans La Nuova, le journaliste Eugenio pendolini. Parmi eux mardi soir, on remarquait l'écrivain Tiziano Scarpa venu visiter la boutique en personne.
 
Aucune déclaration officielle, aucun dossier de presse de la part de maison d'édition sur la nouvelle librairie de Venise. Seules les deux  libraires, professionnelles expérimentées et passionnées venues de Vérone et Trévise pour parler de cette avenyure lagunaire.

Inévitablement, l'ouverture suscite un grand intérêt. « Bienvenue dans une librairie de haut niveau comme la Feltrinelli à Venise », déclare Cristina Giussani, propriétaire de la librairie Mare di Carta et représentante du syndicat des libraires, « Ce sera une librairie dédiée aux Vénitiens car elle est loin des circuits habituels du tourisme urbain».

Un échelon de plus aussi dans l'offre de livres dans la ville, où l'on compte aujourd'hui une douzaine de librairies (dont une seule, Mare di Carta, qui vend des manuels scolaires), en plus des quatre librairies d'occasion et de livres anciens. Bonne route à Feltrinelli Venezia. Allez-y faire un tour, amis de Tramezzinimag. Peut-être bientôt pourrez-vous y trouver les publications de Deltæ, la maison d'édition de Tramezzinimag et des auteurs qui nous honorent de leur amitié ?
 
 Libreria Feltrinelli 
Rio Terà Secondo 2245A
San Polo  (près du Campo S.Agostin)
Tel. :  +39 02 9194 7777




12 février 2023

Silvana Scarpa, de Venise à Bordeaux

Octobre 1985, l'association dont j'étais le jeune fondateur, organisait la Première Semaine de Venise à Bordeaux, sous l'égide de la Ville de Bordeaux et de la Ville de Venise, de l'association France-Italie, de la Dante Alighieri et sous la présidence d'honneur du marquis de Lur-Saluces, alors propriétaire du Château Yquem. Parmi les artistes invités, plusieurs femmes dont Silvana Scarpa, dont j'avais fait la connaissance lors d'une exposition à la Galerie du campo San Fantin, en face de la Fenice, où j'avais été embauché comme assistant du maître des lieux, le fringant Giuliano Graziussi, qui m'a appris les usages (et les ficelles) de la profession.
 

Silvana Scarpa présenta un échantillon de son travail à la galerie Présidence, magnifique local aujourd'hui disparu, animé par un homme sympathique et accueillant, Serge Sarkissian
 
Vernissage de l'exposition. De gauche à droite : Augusto salvadori, Silvana Scarpa, Christian Calvy, Micheline Chaban-Delmas, un comédien, Nicole Noé et moi-même
 
Comme tous les évènements de cette Première semaine de Venise à Bordeaux (il n'y en eut pas de seconde...), les participants étaient entourés par une troupe locale de jeunes acteurs de la Commedia dell'Arte, I Tre Gobbi dirigée avec maestria le regretté Patrice Saunier, disparu prématurément en 2013 (Cf. Journal Sud-Ouest) Mais qui se souvient désormais de toute cette belle compagnie de femmes et d'hommes sensibles à l'art et à la poésie, à la beauté et à l'amitié ? C'était il y a presque quarante ans... 
 

Un montage vidéoexiste encore sur YouTube, dans lequel sont quelques images du vernissage de l'exposition, inaugurée par Micheline Chaban-Delmas, en présence de l'ambassadeur d'Italie à Paris, du consul général à Bordeaux, du maire adjoint de Venise, l'avocat Augusto Salvadori, le consul général de France à Venise, et une pléthore d'officiels.
 

18 novembre 2022

Ma Venise en novembre (Varia)

Depuis plusieurs années et jusqu'à l'interruption forcée de toute vie normale lors de la « crise sanitaire », j'avais pris l'habitude de passer une partie du mois de novembre à Venise. Il m'est même arrivé de pouvoir m'y installer jusqu'aux derniers jours de l'Avent. 

Après l'été et le retour en France, ces séjours ont toujours été de délicieux moments de retrouvailles, avec les amis, mais aussi en retrouvant mes habitudes vénitiennes, une manière de me retrouver. Cette année, c'est la visite d'amis britanniques pour qui j'avais organisé un séjour il y a quelques jours, qui m'a permis de reprendre pied dans la ville et de retrouver instantanément mes réflexes et les habitudes de vénitien. Pourtant, à chacun de mes retours, je constate avec effroi combien la ville change, combien, toujours davantage infestée de touristes pressés et avides, elle est vide de la vie d'autrefois. 

 

Il y a des silences qui font mal. Certes, c'est un grand bonheur que de pouvoir, par des raccourcis inconnus des forestieri (trad. : les étrangers), retrouver en un instant et à quelques minutes de la Piazza ou du Rialto, un campiello ou une riva tranquilles, vides de cette foule insupportable. Mais, constater que des zones entières de la ville ne sont plus qu'agglomérat d'AirBnB, de pensions ou d'hôtels au luxe criard pour asiatiques fascinés (les mêmes qui demandent parfois aux passants à quelle heure ferme Venise), cela donne envie de pleurer.

Venise est aimée et désirée par le monde entier et c'est bien. Mais ce tourisme pendulaire qui arrive le matin et repart en fin de journée ne rapporte rien à la ville et lui coûte beaucoup d'argent, d'énergie et de vies. Combien de volets tirés définitivement, de maisons qui se transforment en locations touristiques quand elles ne tombent pas en ruine...



06 juin 2021

Hier, nouvelle manifestation de la colère des vénitiens contre les Grandi Navi


Mes amis vénitiens ou étrangers étaient tous sur les Zattere hier où, dès 16 heures une grande manifestation contre le retour des Grandi Navi. Le premier d'une série qui arpentera le canal de la Giudecca et longera la Piazza san Marco et le palais des doges quittait la lagune avec plus d'un millier de passagers à bord. Le canal très large contenait des centaines d'embarcations de toutes tailles, microbes face au géant flottant qui avançait traînés par les remorqueurs. Le navire avait appareillé plus tôt que prévu, ruse grossière pour surprendre les manifestants qui s'étaient donnés rendez-vous pour la plupart à 16 heures. De partout affluaient des familels, des jeunes, écoliers, lycéens, étudiants, des familles au complet, et des personnes âgées, la plupart munis du fanion rouge et blanc que nous possédons tous à Venise et qui flotte aux fenêtres des maisons, qu'elles soient palais où masures. Une atmosphère bon enfant mais pas un esprit de liesse tant il est douloureux pour les vénitiens de voir que les édiles ne respectent ni les décisions gouvernementales, les coups de semonce de l'Unesco, les avertissements des uns et des autres. 

Comme toujours avec la junte municipale, la gouvernance du port, celle de la Région, ce sont les gros sous qui importent, cette illusion qu'il faut encore et encore davantage faire de l'argent. Non pas pour le bien public évidemment, pas pour l'intérêt de Venise et de ses habitants, mais pour les partis politiques, pour les caisses des entreprises et de leurs actionnaires qui ont intérêt à poursuivre la mise à mort du centre historique, le déploiement d'un tourisme de masse et la disneylandisation dela sérénissime, au profit de quelques uns, propriétaires terriens qui ne cessent de s'enrichir et bâtissent partout des complexes hôteliers, des centres commerciaux, tout pour attirer le gogo de passage, agravant jour après jour la désertification du centre historique, l'émigration des populations locales vers la terre-ferme, de plus en plus loin, là où les prix de l'immobilier locatif ou à l'acquisition sont plus abordables. 

 

Et le monde entier qui avait accueilli avec soulagement - et bon sens - l'interdiction qu'on nous disait définitive de ces mastodontes affreux qui avalent et déglutissent chaque jour entre 1000 et 1500 passagers pressés qui ne découvrent en quelques heures que la surface de la cité des doges, ne consomment presque rien (tout est dans leur forfait à bord), ne sont en général pas de fervents amateurs d'art et de vieilles pierres mais plutôt à la recherche des meilleurs spots pour leurs selfies qui prouveront qu'à leur tour, « ils ont fait » Venise comme on fait d'autre hot spots à travers le monde... 

Et au salon nautique de Venise, il y a quelques jours, le Trumplion local (la mèche postiche en moins) paradait sur son luxueux yacht avec quelques happy few triomphants, nouveaux riches qui rappellent les satrapes barbares du temps d'Alexandre, méprisant le peuple vénitien qui décidément ne comprend rien et s'entête à défendre la lagune et la cité de Venise quand pour le sindaco, ce qui compte c'est Mestre et Marghera, là où il y a du pognon à se faire... 

Mais toujours, comme me le rappelait hier soir au téléphone un ami vénitien très engagé dans le collectif contre les Grandi Navi : « la roue tourne et les peuples finissent toujours par reprendre en main leur destinée». Evviva Venezia ! Et comme le dit souvent cette vieille amie au nom glorieux  : «Venise vaut tellement mieux que ces gens vulgaires et incultes qui la gouvernent et ne sont meme pas vénitiens» !


Photographies : © Catherine Hédouin - juin 2021. Tous Droits Réservés

 

17 mai 2021

A Bigger splash par Lisa Hilton

L'écrivain L
isa Hilton vient de publier dans la revue en ligne AirMail dans son numéro 96  récemment (en anglais) un excellent article sur un conflit qui oppose la municipalité et le maire aux propriétaires de certains grands palais sur le Canalazzo ou ailleurs dans la vie et qui ont trouvé avec la Biennale le moyen d'assurer l'entretien et parfois la restauration des bâtiments historiques dont ils ont la charge et qui ont pu jusqu'à ce jour rester propriété privée au lieu de devenir d'énièmes auberges de luxe ou pseudo luxe pour nouveaux riches russes et chinois, rois du pétrole et vieilles ex-starlettes du porno. 
 
En effet, l'administration n'entend pas se laisser concurrencer par les familles patriciennes dans la compétition pour les pavillons nationaux de la Biennale. La Municipalité dispose d'un patrimoine immobillier qui coûte une fortune et comme il est impossible de tout transformer en centre commercial de luxe ou en palace. 
 
Filippo Gaggia (Dir. Views on Venice Estates), Hughes Le Gallais (Ca' Del Duca) et Mario Donati (Palazzo Quarini-Vianello) .

Voici le lien de l'article pour ceux qui lisent l'anglais :  ICI

03 décembre 2020

Soyons solidaires !


Cette année 2020 n'aura été pour personne une période ordinaire. La crise sanitaire nous a presque tous amenés à réfléchir sur nos vies, nos priorités, nos contraintes, celles qu'on assume et celles qui nous pèsent. Cette introspection obligée pendant les périodes de confinement nous aura permis de revoir la liste de nos désirs, de passer en revue notre quotidien et de comprendre les manques, les blocages, les errements liés à un monde de plus en plus pressé, superficiel, oublieux.

Le Tramezzinimag que vous aimez, vous qui chaque jour, êtes plus de 300 à venir le feuilleter, n'aurait pas repris forme si des personnes avisées n'avaient pas inventé un système d'archivage automatique, la Wayback Machine. Une véritable librairie digitale qui conserve des milliards de données.

En effet, l'épisode dramatique de l'été 2016 où sans raison - plusieurs hypothèses existent mais rien n'a jamais pu être confirmé - le site originel, créé en 2005 a été supprimé par Google, emportant avec lui des milliers de photographies, des vidéos, des archives sonores et de nombreux textes, en même temps que mon adresse Gmail de l'époque... Oui, j'avais tout chez Google en qui, comme des millions de gens, j'avais une confiance totale...Cette catastrophe faillit bien avoir raison du site et de ma détermination à faire connaître Venise autrement.

Brewster Kahle, le fondateur de Wayback machine

La Wayback Machine, véritable librairie digitale fondée par Brewster Kahle changea le destin de Tramezzinimag. Un certain nombre de lecteurs qui avaient des archives en copie me les adressèrent spontanément, d'autres contribuèrent aux démarches entreprises auprès de Google pour avoir gain de cause. Je leur en suis très reconnaissant.

Mais sans les archives de Wayback Machine, nous n'aurions pu reconstituer la quasi totalité des 2800 articles parus entre mai 21005 et le jour fatal de juillet 2016 ! A titre d'information, le nouveau Tramezzinimag n'en compte que 1502. Près de 1300 manquent encore ! Les rechercher puis les charger sur le nouveau site prend énormément de temps et il y a pas mal de manipulations Html pour éviter les erreurs. Grâce à la Wayback Machine, presque tout l'ancien contenu pourra bientôt être de nouveau en ligne.

Mais la crise sanitaire n'épargne pas tous ces sites qui sont devenus indispensable, comme celui dont je vous parle et à qui Tramezzinimag et ses lecteurs doivent beaucoup, comme Wikipedia et d'autres. J'ai trouvé évident de relayer la demande de Brewster Kahle de contribuer à maintenir son site.

Chers lecteurs, je vous le demande comme pour Tramezzinimag : faites un don, apportez votre contribution à leur travail. Si chacun des lecteurs du blog versait 5€, cela ferait une jolie petite contribution qui permettrait à Internet archive de demeurer gratuit et libre de publicités, davantage permettrait de continuer à archiver des ouvrages et d'autres milliers de page internet qui sans eux seraient à jamais perdus. Pour contribuer, c'est ICI. Les lecteurs de Tramezzinimag qui nous enverront par mail leur adresse postale et une preuve de leur contribution recevront une surprise pour les remercier !

Et si le lien ne fonctionne pas, il vous suffit de copier l'adresse suivante et de la coller sur la fenêtre de votre moteur de recherche : 

https://archive.org/donate/?amt=5&contrib_type=one-time&coverFees=true&origin=DonateBanner-EOY%20Campaign%20Launch%20(112F30%2F20)-WBLaunchBannerDefault&referer=ctx=wb;uid=e30ade39357b459bd2bc543fddfbddb8

Merci pour eux !

15 juin 2020

Venise bouge : Venezia Fu-Turistica c'était samedi dernier. Reportage

Tutti a Venezia,  c'était le mot d'ordre lancé par les mouvements vénitiens de défense de la ville et de ses habitants, des associations de défense de l'environnement et des opposants (la plus grande partie de la population de la lagune) contre les Grandi Navi. 

L'idée ? Une longue chaîne humaine composée de vénitiens de tous âges, tous milieux sociaux, toutes opinions pour démontrer la détermination de la population à sauver Venise et son éco-système, à défendre un univers unique de plus en plus abimé par le tourisme de masse, la spéculation et les exactions de l'ultra-libéralisme débridé obsédé par le profit maximum d'une minorité au détriment de l'intérêt général, du bien-être des citoyens et de la santé et de l'avenir de la Planète. réjouissant et encourageant. 

C'est une lutte saine. Elle devient vitale désormais. l'avenir de Venise est en jeu, il symbolise aussi l'avenir de la planète entière et le futur qui sera construit pour les vénitiens de demain sera celui du reste de l'humanité. Le profit égoïste et destructeur de quelques uns contre le bonheur et la santé de tous. Notre choix à Tramezzinimag est clair et déterminé. Hauts les cœurs Vénitiens et amoureux de Venise !






Les sujets de polémique sont légion, comme l'indiquaient les panneaux et les banderoles que brandissaient les manifestants : "Non au Mose", "+ de logements - de B&B", "No Grandi Navi", et le sujet le plus récent, l'incinérateur voulu par le gouverneur, le potentat oriental Zaïa qui, comme son acolyte de la mairie de Venise a surfé avec malignité sur les peurs et la sidération de la population pendant la crise sanitaire. Il faudrait à ce propos relire et faire relire Tacite sur les actes et les aspirations profondes des dirigeants qui ne sont plus en phase avec les peuples depuis lurette et défendent seulement des intérêts mercantiles et financiers au détriment de tous. 

Des centaines de signature contre l'incinérateur
A Venise, comme ailleurs la colère gronde. On en est à la contestation bon enfant, on rit on s'exprime. Mais d'aucuns déjà envisagent une attitude plus dure et sont déterminés à aller jusqu'au bout pour faire gagner leur idée du monde de demain. Tramezzinimag depuis sa naissance en 2005 partage et s'engage à leurs côtés. Notre camp ? Celui de la liberté, de la paix et de l'Amour. 

Une grande foi en l'homme, une obsession pour sa dignité, la volonté de ne laisser personne sur le côté de la route et notre conscience dans la responsabilité qui est la nôtre face à la destruction organisée et systématique des valeurs fondamentales de la vie et de la fraternité, le pillage éhonté des ressources naturelles au profit de l'industrie et de ses actionnaires.


Comme à l'accoutumée, les "autorités" à la sagesse et l'honnêteté auto-proclamée parlèrent dès 19 heures d'un peu plus de mille participants. Ceux qui habitent sur les Zattere comme ceux qui participèrent à ce réjouissant happening parlent de plus de 4.000 personnes, voire davantage. Un dixième de la population officielle de la ville, et comme il n'y a plus que quelques étudiants qui soient restés depuis le début de la crise sanitaire, on imagine que le chiffre aurait plutôt atteint la dizaine de milliers (rappelons que pour le centre historique, on recense un peu plus de 53.000 habitants et qu'il y a plus de 35.000 étudiants en temps normal).

Un jour viendra ou tout ce monde sera sur la piazza et occupera le grand canal avec des milliers de barques. Il sera peut-être temps alors pour les dirigeants de changer de paradigme, retrouver le bon sens et se souvenir qu'à Venise comme ailleurs, le peuple est souverain et sa volonté toujours s'accomplit ! Rien de bien compliqué dans ce que réclament les gens ! : sauvegarder l'écosystème, permettre à tous les vénitiens de travailler, de vivre et de grandir dans une ville propre, sous un ciel impollu et non pas dans un vulgaire disneyland affolé de touristes au milieu d'une lagune morte sous un ciel sans oiseaux, où les poissons gorgés de poisons flottent le ventre en l'air !



Remerciements à Catherine H. et aux mouvements qui ont organisé la manifestation 
pour les photographies illustrant ce billet.