VENISE, UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION, MAIS CELLE DES NATIONS, DES PEUPLES, DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE, REINE DU MONDE
26 février 2025
Que nous avions l'air bête ces années-là !
21 juillet 2024
Redentore 2024 : un joyeux millésime
Pour Anne L. dont c'est le premier Redentore
Pour les médias internationaux et les touristes, la Fête du Redentore, c'est avant tout un gigantesque feu d'artifice. Quelques uns évoquent le pont votif qui enjambe traditionnellement le canal de la Giudecca. Mais rares sont les journalistes qui soulignent l'importance de cette fête pour les vénitiens.
D'autres pays aussi, ont leur tradition de feux d'artifice, d'illuminations et de parades nautiques. Je me souviens de la première fois qu'il m'a été donné d'assister à Oxford au May Day appelé aussi May Morning, quand juste avant l'aube le premier jour de mai, tout le monde se presse au pied du campanile de Magdalen College, pour écouter le chœur d'enfants du collège chanter en latin des madrigaux et recevoir la bénédiction solennelle. Même rituel depuis 1695... Étudiants, professeurs, visiteurs, familles, il y a foule sur le pont et sur les rives de la rivière Cherwell. Il y a plein de barques, remplies d'étudiants joyeux, et les abords du collége sont noirs de monde. Parfois certains plongent ensuite du pont, puis on assiste aux danses folkloriques avant d'aller boire et se restaurer. Les pubs et les cafés ouvrent très tôt ce jour-là. Certains existaient déjà du temps du roi Henri VIII ! Réminiscence de la Floralia, cette belle fête romaine pour célébrer le printemps revenu. Souvent à Oxford il pleut ce jour-là mais lorsque j'y assistais, le beau temps était de la partie !
A Venise, il y a lurette qu'on ne saute plus des ponts pour plonger dans les eaux de la Lagune. Quelques enfants, des adolescents provocateurs parfois, s'y baignent encore bien que cela soit interdit parce que dangereux à cause de toute la pollution invisible des eaux. Comme eux, je l'ai fait dans les années 80, depuis certains ponts de Cannaregio, du côté nord de la Giudecca, à Sacca Fisola aussi du temps où il y avait encore des semblants de plage.
Mais mon meilleur souvenir est du côté des Fondamente Nuove, au bout de la passerelle. Là on y allait la nuit, en barque le plus souvent et souvent une vedette de la police éclairait soudain nos ébats dans l'eau, nous nous faisions sermonner. C'était bon enfant, les policiers tous vénitiens, eux aussi avaient été jeunes...
Mais revenons à notre fête du Redentore. Tout commence par un pont, le pont votif,, une longue passerelle montée sur des barges, le chemin qu'emprunteront le jour J les pèlerins, avec en tête le patriarche et les autorités civiles et militaires bientôt suivis par la foule des vénitiens, tous redevenus très pieux pour ce jour-là. Les rives des deux côtés sont décorées de lampions.
Les bateaux aussi sont décorés, fleuris, aménagés. Il y en aura sur tout le bassin de San Marco et à l'entrée du canal de la Giudecca. Le soir de la fête, on y fait ripaille entre amis, en famille. L'ambiance est joyeuse en attendant le feu d'artifice, l'un des plus beaux d'Europe dit-on ici.
C'est vrai qu'il est toujours impressionnant, avec les mille reflets qui font pousser des cris d'admirations au public. Quand vient le bouquet final, tous les bateaux ou presque se précipitent vers le Lido où il est d'usage de se rendre pour continuer la fête sur les plages du Lido en attendant le lever du soleil.
24 avril 2024
Pamphlet pour rire et éviter d'avoir un jour à pleurer quand il sera trop tard...
Il n'y a peut-être pas plus de 49000 et quelques habitants permanents à Venise (chiffre qui ne prend pas en compte les étudiants qui étudient à Venise et sont beaucoup à vivre dans le centro storico, les Fous de Venise de tous pays qui y ont un logement en pleine propriété ou loués à l'année, ceux qui sont fiscalement déclarés comme résidents dans d'autres régions d'Italie et passent la plupart de l'année dans Venise sans y payer leurs impôts ou avoir des choses à leur nom, les SDF et les migrants), mais il y a toujours la vie. Et avec elle la joie de vivre à Venise. Un lieu unique, je ne vous l'apprends pas où même dans des conditions vite plus difficiles qu'ailleurs.
Nombreux sont les témoignages quotidiens de vénitiens, de sang, ou d'adoption, sur le net : il suffit de regarder tout ce qui se publie sur Instagram ! La gabelle imposée par la junte municipale ne changera pas grand chose même si Brugnaro parvient à l'imposer définitivement - ce qui est loin d'être acquis - mais elle aura eu le mérite de faire parler de la situation et d'informer le monde de ce point de non retour qui peut se résumer ainsi : Venise se vide a vitesse grand V et parallèlement se gonfle dangereusement chaque jour avec l'afflux de milliers de visiteurs, ces fameux touriste UNESCO que d'aucuns rêvent d'enlever le droit au voyage. Si on ne peut plus vivre correctement au quotidien à Venise quand on n'est ni propriétaire ni millionnaire, quand il faut faire des kilomètres pour trouver une laverie, un épicier ou un quincailler, quand les magasins qui ferment sont automatiquement remplacés par des boutiques de pacotille pour gogos, que les bars et les restaurants passent de plus en plus sous pavillon chinois, il y a de quoi s'interroger.
Quel avenir pour Venise de plus en plus étouffée par le tourisme de masse ? Certains à l'humour aiguisé parlent d'un Venezialas (comme à Las Vegas), il y en a qui sérieusement se demandent s'il ne faudrait pas envisager de bâtir quelque part sur la terraferma, près de la mer tout de même un vaste complexe qui reproduirait une grande partie de la Venise historique, ses monuments, son ambiance et où on pourrait loger (comme au Futuroscope ou à Disneyland), entendre parler vénitien, visiter des intérieurs recopiés, des expositions virtuelles, voire même pour les plus curieux et les moins incultes, des exposition des vrais chefs-d’œuvre que prêterait la vraie Venise...
Il y aurait des animations, des promenades sur les canaux reconstitués, des concerts dans les rues, des fêtes à répétition, et des tas de loisirs. l'entrée serait payante, l'amplitude d'ouverture très large avec des feux d'artifice vrais ou virtuels, des bals, des concerts de rock ou les plus grands DJ viendraient se produire et de grands banquets gorgés de spécialités locales ; les cloches, copies conformes des vraies, sonneraient à l'identique, avec le même son et aux mêmes moments, les pigeons pourraient y être nourris par les gogos qui se feraient photographier avec ces bestioles sur la tête ou avec quelques plantureuses roumaines déguisées en marquises sorties des tableaux de Bellotto ou de Guardi... Place à l'imagination !
![]() |
Le pharaonique projet du couturier Cardin à Marghera |
Ce magnifique parc d'attraction serait dédié à Cardin bien sûr qui rêvait d'édifier un building géant sur la terraferma juste au bord de la lagune (Dieu qui aime Venise l'aura rappelé a posto pour éviter que les dégâts soient irrémédiables et ses héritiers ont abandonné la projet). Il créerait des tas d'emploi et seraient prioritaires pour y accéder les migrants assistés, mal traités, mal logés qui trouveraient dans cette réplique de la Sérénissime de quoi se nourrir, se loger, se vêtir et peut-être envisager avec sérénité de pouvoir faire des études, celles qu'ils ont le plus souvent dû abandonner pour quitter leurs pays en proie à la guerre ou à la famine... L'argent qui coulerait forcément à flots, servirait à restaurer la Sérénissime, à rénover un maximum de logements, à financer le retour de la population. Les Airbnb y seraient interdits ou en nombre légalement très limité et pendant quelques semaines dans l'année, mais seulement lorsque la demande de logement permanents réservés aux vénitiens et aux étudiants serait assurée (on a déjà commencé d'interdire les cadenas), les boutiques de colifichets Made in China seraient fermée et remplacées par un véritable artisanat d'art de qualité que la ville exporterait dans le monde et pourrait largement triompher de la camelote genre Temu qu'on propose désormais jusque sur la Piazza. Il n'y aurait que les vrais bons restaurants casalinghe, des tout simples comme des grand luxe, Un quota réduit et bloqué d’hôtels, de pensione et d'auberges de tous niveaux suffirait à accueillir ceux qui viennent y travailler temporairement ou y faire un stage, visiter la vraie Venise.
Combien de palaces s'ouvrent dans des palazzi scandaleusement cédés à des fortunes privées, peu recommandables et se transforment en auberges de luxe presque toujours vides qui ne serve qu'à blanchir de l'argent pas très propre, font faillite rapidement, puis sont rapidement revendus au prix fort et ainsi de suite...
Les familles seraient soutenues pour venir se réinstaller dans la ville, les loyers encadrés, les travaux subventionnés ; La gestion courante serait supervisée par les organisations internationales qui installeraient dans le centre historique plusieurs de leurs entités, comme le tribunal international pour la protection de la nature, l'Unesco, des grandes écoles pourraient compléter le pôle universitaire. Les pays du G7 n'ont-ils pas prévu d'y tenir leurs sessions régulièrement à Venise ? Dans quelques semaines, ce seront les ministres de la justice du G7 qui siègeront pendant plusieurs jours...
![]() |
Palazzo Zorzi, Siège de l'Unesco à venise |
Ainsi l'argent affluerait du monde entier pour conserver ce joyau unique de la civilisation occidentale, cet ultime témoin du lien naturel entre l'Orient et l'Occident, gardienne du modèle culturel et artistique byzantin et chrétien.
Comme devraient l'être Jérusalem ou Rome, Alexandrie, Athènes et d'autres hauts-lieux de notre culture, ces villes pourraient devenir des lieux d'extraterritorialité, échappant aux calculs et combinazione politiques, gérées et contrôlées par des sages, des savants et des intellectuels, représentant les Nations libres, sans parti pris, sans orientation politique, sans enjeux politiques. La reine de l'Adriatique retrouverait son statut de ville-état, son autonomie, parangon d'une qualité de vie unique où règnent la beauté et la culture, les arts, les lettres et un art de vivre qui rendent la ville de Saint Marc unique au monde.
On y conserverait les usages et les traditions tout en ouvrant grandes les portes de la cité à l'innovation, à la recherche, aux débats et aux créations. La Biennale d'art, celle d'architecture, de danse ou de théâtre comme la Mostra du cinéma seraient gérées sous surveillance de l'Unesco, du Parlement européen ou de l'ONU.
![]() |
étudiants réclamant un logement décent à San Giobbe |
Tous auraient leur siège officiel, protocolaire à Venise. Voilà ma vision utopique de la Venise d'après nous, sauvée des eaux par la pointe de la technique qui au-delà du MOse dont on verra vite les limites catastrophiques, fera la part belle aux savoirs anciens, aux techniques éprouvées qui ont réussi jusqu'aux temps modernes à la sauver des eaux. La population sera de nouveau nombreuse, tant les opportunités de logement, de travail et le cadre de vie attireront les gens.
Les politiques d'aménagement, de logement, de formation, de santé, d'aide sociales renoueront avec les principes éthiques de la République. Faire en sorte que le peuple de boutiquier que dénonçait Jean Lorrain je crois, redevienne ce peuple de marchands qui domina le monde par sons avoir-faire, sa détermination et la qualité de ses produits. Forte de l'enseignement de plusieurs siècles de déploiement du capitalisme, des trop longues années de déshumanisation et de la recherche pathologique de toujours plus de profit, Venise a toujours été un modèle. On y a mis au point tellement de choses dans tellement de domaines qu'il serait tout naturel que le monde lui redonne les moyens de jouer à nouveau ce rôle.
Il est doux de rêver n'est-ce pas. Mais il serait tellement doux de savoir que les hommes de bonne volonté vont ouvrir leurs yeux et leur coeur, oublier leurs calculs égoïstes et faire mentir l'idée que les civilisations sont mortelles. Lacan s'il vivait encore aurait bien des leçons à leur - à nous - donner sur cela. Sauver Venise, ce n'est pas s'assurer que monuments et œuvres d'art soient protégées, entretenus et assurées, c'est simplement entendre ce que disent les vénitiens, ce qu'ils attendent, ce dont ils sont besoin. Ne pas vouloir faire de Venise une ville comme les autres mais adapter les besoins d'aujourd'hui à sa structure, se fier à ce que les vénitiens ont mis en place au fil des siècles, pour la voirie, l’entretien et la protection des eaux, privilégier les besoins premiers des vénitiens : se loger, se nourrir, se soigner, se divertir, et pour les plus jeunes, apprendre, jouer...
![]() | |||
©Tramezzinimag , avril 2024 - IA by Canva | |
Sans véritable rapport, cette photographie créée par l'Intelligence artificielle. A regarder de près, on voit que cette fameuse IA ne remplace pas le talent d'un vrai photographe mais l'atmosphère qui se dégage de ce cliché m'a paru convenir à ce coup de gueule un peu naïf et mal écrit. J'avais demandé à l'ordinateur de créer une photographie de jeunes vénitiens en train de manger une glace au bord d'un canal. Voilà le résultat. Ce n'est pas du grand art, il faut l'avouer. Le souvenir de la photo truquée de la Princesse de Galles nous rappelle que la technique a ses limites.
Mais pour cela comme pour le reste, gardons espoir, gardons l'humour et la foi en l'homme, in spite of.
02 mars 2024
Les années passent, l'essentiel demeure
![]() |
© Yves Bauchy -2012 - Tous Droits Réservés. |
Republié à sa date d'origine, «Le Gardien du pont» (30/09/2012) un billet de fantaisie comme les appelait un vieil ami vénitien aujourd'hui disparu. En relisant ce petit texte léger et sans prétention, j'ai revu la scène originale qui donna ces lignes, près de douze ans plus tôt. Encouragé par les 452 lecteurs (dix fois plus que d'habitude !)du précédent article qui évoquait la médiocrité et l'imposture, je ne résiste pas au plaisir de vous en donner le lien, car il n'est pas évident qu'en passant par nos pages, le visiteur ait l'idée, l'envie ou le temps d'aller voir dans les années passées...
Pourtant, on ne peut que constater que rien n'a vraiment changé. Les images que nous donnions à voir alors de Venise sont pour la plupart semblable à la Venise d'aujourd'hui. Un peu plus de monde, des tensions plus prégnantes qu'avant, d'autres disparues ou soignées. Venise montre qu'elle demeure bien vivante.
Sur Instagram, l'amie Ilona, pianiste et vénitienne d'adoption dans son @quiviviamobene poursuit cet état d'esprit positif que l'on retrouvait dans tous les blogs consacrés à Venise. Dans ses publications, je retrouve depuis toujours une certaine familiarité de coeur et d'esprit. Je vous les recommande, si vous ne les connaissez pas encore.
Pou l'occasion, Tramezzinimag a invité dans ses pages un ravissant matou bordelais de nos relations, qui a bien voulu accepter de prendre la pause et d'avoir son élégance posture publiée dans nos pages.
Bonnes lectures et bon dimanche !
Venezianamente
12 février 2023
Le Retour...
Mille fois pardon aux lecteurs qui m'écrivent, étonnés de mon silence, inquiets ou mécontents de ne plus retrouver régulièrement leur Tramezzinimag. Certes, entre 2005 qui vit naître le premier blog et 2023, les goûts et les habitudes ont changé. De revue en ligne on m'a conseillé de passer aux « brèves », faciles à lire, ce format ultra-court que les nouvelles générations préfèrent... Un jeune lycéen m'avouait candidement l'autre jour « J'aime beaucoup lire mais les gros livres, les longs textes, ça me fait peur » et la jeune fille qui était avec lui ajoutait « Moi, je cherche tout de suite le résumé ou un abrégé ». Ils ne lisent jamais les journaux, encore moins les revues, mais sont au courant de tout instantanément et en permanence, saturés d'images qui frappent...
Trop sollicités par les réseaux sociaux, sur le fond, nous avons pris l'habitude du drame et attendons chaque jour une nouvelle dose de tragédie universelle. Les images flash et choc ont pris le dessus. L'information immédiate plutôt que la réflexion et le commentaire... Il faut faire avec. L'humain est toujours pressé désormais. On peut dire, avec ce que nous avons fait de la planète, que cette fuite en avant, semble donner raison à ces pessimistes qui voient dans tout cela une sorte de suicide collectif ; la fin autoprogrammée de notre espèce, qui peu à peu laisserait se déliter tout ce qui fait l'humain en poursuivant d'épouvantables chimères baptisées Progrès, Croissance, dans un monde sous l'influence négative de l'information en continu, qui distille jour après jour, la peur et l'angoisse et réduit l'espoir et le bonheur à des chimères...
À Tramezzinimag, point de pessimisme ou de pensées mortifères. A l'image de Venise, - qui comme toujours, montre l'exemple - notre chère Sérénissime, qu'on dit depuis longtemps agonisante, remugle d'une civilisation moribonde, voire déjà en décomposition, regardez-la, en dépit de tout et contre attente, elle paraît plus que jamais ardente, vibrante, rayonnante, attirant toujours autant - hélas - des millions de visiteurs ébahis, mais que sa population native ou d'adoption refuse de laisser considérer comme un musée ou un parc d'attractions. Ne contredit-elle pas, un fois encore, toutes ces idées bien noires évoquées plus haut
Pour conclure, Tramezzinimag reste ce qu'il a toujours souhaité être, une revue qui met en avant Venise et sa civilisation, la beauté de son quotidien, les merveilles de son histoire, souvent source de leçons pour le monde moderne.
17 mai 2021
A Bigger splash par Lisa Hilton
![]() |
Filippo Gaggia (Dir. Views on Venice Estates), Hughes Le Gallais (Ca' Del Duca) et Mario Donati (Palazzo Quarini-Vianello) . |
21 février 2021
Une époque moderne. Journal, Extraits
Mais c'était avant. Avant cette "pandémie" qui nous harcèle et occupe tous les esprits. Soudain, le monde s'est réveillé dans un autre monde. Comme s'il se voyait dans un miroir déformant. Ce qui n'était que mauvaise fiction devenait réalité. Triste réalité que d'entendre les chefs d’État et leurs ministres dirent tout et son contraire dans la même journée, des principes et des lois bafoués, le mensonge et le parjure devenus outils de communication et peu à peu le silence de tous, l'effarement, la sidération. L'impression que, sans envisager que tout cela fut pensé et orchestré en amont par des fous furieux multimilliardaires méprisants le commun des mortels comme dans les pire romans d'anticipation ou certaines bandes dessinées. C'est c'est de la vie soudain dont il s'agit et laisser entendre qu'un danger sournois et invisible nous menace tous, faire entendre que notre santé est menacée et pour les plus fragiles d'entre nous, la vie même. L'information soudain n'a plus porté que sur le sujet. Et nous avons tous pris peur.
Le diable a tellement de tours dans son sac. Bien qu'il ne gagne jamais, que les ténèbres ne l'emportant jamais sur la lumière, il semble plus que jamais à l’œuvre, croyant à chaque fois son triomphe imminent. Il faut dire que nous l'y aidons avec nos prétentions, notre bêtise, notre propension à l'égoïsme et à la jalousie. Le plus souvent, ce manque d'amour n'es rien d'autre qu'un réflexe de défiance envers l'autre, l'étranger, l'inconnu, surtout quand il frappe à nos portes sans arme et sans ornements, nu, fatigué, blessé. Là où l'enfant, l'innocent, le ravi tendent leur main, spontanément, sans crainte ni mépris, trop souvent nous fermons notre cœur. S'ils arrivaient, ces étrangers mal mis, couverts d'oripeaux somptueux, déclamant de beaux discours et les bras chargés d'offrandes, ce ne serait pas pareil. A deux battants, nous ouvririons les portes de nos cœurs et de nos maisons et l'étranger serait présenté à nos enfants et à nos voisins, accueilli, choyé.
Drôle d'époque donc où l'individu ne finit par ne plus vraiment retrouver ses marques, où les images, les paroles sont dures et parfois violentes, où nos routines volent en éclat, laissant les plus fragiles encore plus démunis. J'avoue être de ceux qui sont naturellement portés vers l'idée que ce qu'on ne voit ni n'entend n'existe pas vraiment. Mon métier, mes goûts, ma nature me portent naturellement vers la solitude et l'isolement organisé. Non que je sois un misanthrope, j'aime les gens, j'aime la vie autour de moi mais celle qu'on nous impose depuis un an ne me convient en rien - à qui peut-elle convenir finalement ? - Cette crise inattendue, jamais vécue en temps de paix, nous rapprochent tous de l'essentiel dans nos vies : notre famille et nos amis véritables, ces «Huckleberry friends»(*) qui accompagnent nos rires et nos joies depuis toujours nous sont plus que jamais nécessaires et les savoir au même diapason n'est que joie et félicité. même l'exil forcé loin de Venise semble moins douloureux. J'ai toujours été ébahi par la manière dont ces jeunes africains débarqués par miracle de ces bateaux devenus trop de fois des tombeaux quand ils auraient dû être berceaux. combien d'anonymes leur ont ouverts leurs bras, les ont pris chez eux et les ont installés dans leur vie et dans le paysage.
L'italien sait bien ce qu'est l'exil, l'émigration contrainte, ce qu'abandonner sa terre, ses frères, ses usages pour l'inconnu, la douleur de l'errance et l'angoisse du vide qui se déploie davantage à chaque pas. Cet accueil spontané, joyeux ou silencieux selon les caractères des lieux de débarquement de ces réfugiés en loque, affamés, fatigués et terrorisés, souvent presqu'encore des enfants, des jeunes gens partis avec l'espoir de revenir un jour, enrichis des savoirs et des rencontres dont ils se seront nourris tout au long de leur chemin. A Venise, sinon quelques esprits chagrins, rances et aigris, adeptes d'un nationalisme si peu italien, ces migrants n'ont jamais été mal traités. La toponymie de la cité des doges a certainement quelque chose à y voir. Les «Vu cumpra» des années 2000, alignés le long des rues passantes et présentant la même camelote Made in China, moqués par les berlusconiens et les néo-fascistes, regardaient la vie se dérouler autour d'eux avec un incroyable sourire et quand ils le pouvaient, ils s'affairaient avec une extrême gentillesse, aidant de vieilles dames à tirer leu caddie ou ramassant le journal qu'un vieillard presque impotent laissait tomber. Ceux qui sont restés, s'expriment en dialecte désormais et beaucoup ont trouvé des petits boulots. Rien de mirifique, trop souvent à la limite de l'acceptable certes. Mais ce qui rend leur quotidien vivable, empêche l'enfer, ce sont les mains tendus des vénitiens, individuellement ou par le biais des associations qui se sont créées ces dernières années. Le discours officiel et l'immobilisme de l'administration contraste avec la réalité du terrain. Je ne sais pas ce qu'il en est à Rome, à Turin ou à Milan. L'italien n'est pas naturellement raciste. Souhaitons qu'il ne le devienne pas...
![]() | |
Venise, Lista di Spagna, années 80 |
Quelques années auparavant, nous avions logé au Londra, sur les Schiavoni. Mais les chambres situées face à San Giorgio étaient en rénovation. J'avais choisi le Concordia, parce que quelques unes de leurs chambres avec balcon donnant directement sur la Piazza. L'hôtel était lui aussi en travaux mais on m'avait garanti que tout serait terminé pour son arrivée. Il n'en fut rien et je l'appris en arrivant... L'hôtel était encore fermé et le directeur qui nous attendait, se confondit en excuses et nous expliqua qu'une suite nous était réservée à l'Antica Panada. J'ai retrouvé mes notes dans mon journal de l'époque :
Coup de théâtre comme accueil. A peine descendus du taxi, la surprise : l'hôtel est fermé pour travaux. Un employé empressé nous présente ses excuses dans un français de comédie. Très goldonien. Deux complices, un type à la peau grise avec une moustache et un garçon de mon âge ou un peu plus jeune s'emparent de nos valises. Nous sommes relogés à deux pas nous dit-il. « Aussi confortable et tranquille, mais sans la vue ». Nous sommes partagés entre l'envie de rire et la la colère. j'avais pensé sauf à tout sauf à ça. L'aléa qui fera l'anecdote. Maman cache sa lassitude par un sourire poli.
Il s'agit en fait du directeur de l'établissement, très obséquieux, comme dans un film de Visconti. Il aurait ajouté « pour vos excellences » et nous étions dans Mort à Venise. Ce qui, à l'époque, n'était pas pour me déplaire en fait...
« Les petits-déjeuners vous seront offerts en compensation... et puis il y a Prosecco, panier de fruits et fleurs qui attendent tout pareil à l'Antica Panada »...« Venezia d'inverno, tout pareil, tout pareil !»
Les deux garçons portant la livrée de l'hôtel nous ont accompagnés jusqu'à la « solution de remplacement qui s'est imposée et qui vous donnera la meilleure satisfaction pour votre séjour ! ». L'Antica Panada est situé une centaine de mètres plus loin sur la Calle dei specchieri. En face du do Forni. Chambres confortables, décoration un peu toc de luxe. Nous passons une agréable nuit. Venise de nouveau et maman contente.
Je me souviendrai de cette arrivée. Froid intense le matin en ouvrant ma fenêtre, mais froid vénitien.
![]() |
Pour la petite histoire, une seconde panne eut lieu quelques heures plus tard et le lendemain encore. Les journaux parlèrent du froid qui avait amené les gens à forcer les chaudières mais Venise à l'époque était encore en grande partie chauffée au charbon ou au fuel... Une expérience unique qui nous fit regretter que les codegon n'existent plus, ces guides nocturnes qui louaient leurs services et ceux de leur lanterne - appelée codega - pour accompagner les passants. Jusqu'à la chute de la république, il n'y avait d'éclairage public qu'autour de la Piazza et du palais des doges. Les porteurs de lumière étaient donc très utiles la nuit. Même pour les personnes mal intentionnées. Combien d'histoires sont rapportées de malheureux qu'on attira avec une de ces lanternes dans un guet-apens, surtout par les nuits sans lune quand la nebbia comme celle que nous avions traversée ma mère et moi se répandait partout dans la ville. Combien se sont noyés après qu'ils aient voulu se rapprocher d'une lanterne qu'ils imaginaient devant eux mais qu'on agitait en fait depuis une barque ou de l'autre côté d'un rio. On allait le lendemain reconnaître le cadavre des infortunés sur la piazzetta des Leoncini où ils étaient exposés. Accident ou meurtre, les enquêteurs de la Magistrature n'aboutissaient quasiment jamais à conclure...
D'aucuns dans les milieux de la pensée parlent d'une ère nouvelle. un nouvel âge en train de naître... Nous assistons apparemment au commencement d'un autre monde, « une sorte de siècle épidémiologique », disait sur France Culture il y a quelques mois un historien. Désormais, nous sommes régulièrement confrontés à l'irruption de virus qui assaillent le monde. N'est-ce pas la démonstration que nous sommes entrés dans d'une ère nouvelle, celle de l’anthropocène. Car, c'est directement l’intervention humaine qui ruine la nature, flore et faune sauvage et qui favorise ainsi, la propagation des virus. Qui oserait désormais le nier ? Cette crise inédite, de sanitaire risque de se transformer en crise financière, et cela très rapidement,que les adeptes du jargon post-moderne traduisent par le terme présentiste.
Il y eut les grandes épidémies de peste, mais peut-on réellement puiser dans le passé des éléments de comparaison et trouver dans le passé de quoi ajuster les réponses à apporter pour conduire les projets collectifs d’avenir. Au début de la crise, au printemps dernier, on m'a plusieurs fois demander d'écrire sur l'exemple des pandémies qui touchèrent Venise et amenèrent à l'invention de la quarantaine, l'édification des lazarets, etc. L'historien a toujours le réflexe - souvent salutaire - de regarder dans le passé des sociétés des idées pour nos temps. Mais en 2021, beaucoup de questions se posent, mais peu de réponses sont évidentes. Bien qu'utile, la comparaison avec les crises précédentes n'apporte aucune véritable solution, si ce la terrible grippe espagnole au début du XXe siècle.La nature exceptionnelle de cette pandémie, son universalité(puisque là non plus le virus ne respecta aucune frontière, aucun peuple, aucun régime, aucune organisation sociale) fait qu’elle fut le révélateur de dysfonctionnements, d’interrogations et en même temps d’espoirs. Comme la grippe espagnole, le covid ne peut pas être qu’un moment. On voit collectivement une aspiration à quelque chose d’autre pour l’avenir. L'Histoire est là pour nous l'enseigner : Le monde d’après 1918 n’était soudain plus le même, des empires se sont écroulés, des peuples se sont réveillés, les mentalités changèrent, les aspirations aussi, y compris sur le plan psychologique, . La grippe espagnole vint achever l'ancien monde à cause des traumatismes de la guerre. De même, « au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la conception collective que l’on se faisait de la démocratie n’a plus été la même. On avait besoin de beaucoup plus d’intervention, de protection, d’égalité ». Étant donné l'importance et l’universalité de la crise que nous vivons aujourd’hui, il est évident qu'elle ne peut pas être qu’une transition, encore moins une parenthèse. Cet électrochoc sera peut-être salutaire. Ou pas...
Je lis déjà les commentaires de certains lecteurs : «mais et Venise sans tout cela ? Pourquoi nous rappeler ce que nous vivons tous les jours depuis près d'un an ? Ce blog est-il un forum complotiste ou sanitarien (encore le jargon actuel !)»...
C'est que tout ce qu'il nous est donné de vivre avec la crise sanitaire procède d'une mise en question de notre modèle social, politique et économique. Les gouvernants tâtonnent mais ils cherchent, les peuples murmurent mais ils se soumettent, certains se servent des évènements pour faire avancer leurs idées voire leurs ambitions, rien que de très humain là-dedans. Et bien, en partant du principe défendu dans ces colonnes depuis toujours, que Venise est, a été et peut redevenir un modèle pour la société contemporaine, tout ce qui se passe dans cette petite lagune avec ses minuscules îlots n'abritant plus qu'un dixième de sa population d'autrefois (aux alentours de 56.000 aujourd'hui, près de 500.000 dès le XVIe siècle pour la même superficie), la gestion des évènements naturels provoqués par l'ineptie des appétits humains, celle du tourisme, la résilience si particulière aux vénitiens, l'omniprésence de l'histoire et de ses trésors se mêlant à une énergie créatrice qui n'a pas son pareil dans les mégalopoles, font bien que le sujet est en adéquation avec Venise.
![]() |