Marie Malherbe
Œuvres récentesjusqu'au 31 août
Galleria Ferruzzi
DD368
sur rendez-vous
Après d'autres expositions à Venise, c'est la deuxième fois que Marie expose chez Ferruzzi, juste en face de l'ancienne galerie où j'ai eu le bonheur de travailler apprenant de Bobo mille choses à commencer par l'amour de la lumière, de la couleur et des vins rares du Veneto. Mais là n'est pas le sujet. Le travail de Marie Malherbe mérite d'être vu, il est rempli de poésie, de spiritualité et de force. Chagall est souvent évoqué quand on évoque ses travaux, mais c'est du Malherbe. Quelque soit le support, l'artiste née à Nice mais vivant en autriche, qui a étudié à Ca'Foscari en même temps qu'elle fut élève à la Scuola di Grafica de la ville, montre son talent dans un kaléidoscope de couleurs et de formes où la spiritualité se mêle à la sensualité, la lumière au silence. Avis aux personnes sensibles à l'âme de poète, ses travaux peuvent émouvoir et atteindre au plus profond de l'âme. On y perçoit autre chose qu'une émotion ou une foi. Il y a de la profondeur, de l'amour et du sens, du sol au plafond. C'est jusqu'au 31 août, et sur RDV (en appelant au +43 650 630 04 08). Allez-y vite, pour ceux qui ne connaissent pas le lieu, c'est juste en face de la boutique de la Guggenheim, entre San Vio et les Zattere. Sur le chemin vers le gianduioto de la Gelateria Nico. Nous reviendront bientôt dans Tramezzinimag sur cette exposition et sur l'artiste, son originalité et son parcours.
Edison Denisov,
Sonate for Alto Saxophone and Cello
Claude Delangle, Verene Westpahl.
Label Bis-765 CD
1996
La musique d'aujourd'hui est parfois difficile pour les oreilles habituées au baroque pourtant des compositeurs contemporains nous offrent parfois de bien belles choses. C'est le cas de ces compositeurs russes qui ont écrit pour le saxophone des pièces de grande qualité. Par le biais de Juliette Fabre dont nos lecteurs se souviennent de la chronique publiée dans nos colonnes à l'époque où cette jeune architecte étudiait à Venise. Je l'avais connue alors que je présidais l'association Tempo di Cello fondée avec Laurence Lacombe, qui réunissait de nombreux violoncellistes professionnels et amateurs. Violoncelliste au conservatoire, elle vint étudier l'architecture à Venise. Une jolie plume et une interprète passionnée. D'abord réticent, elle cita ce disque il y a quelques années en le recommandant. A mon tour de le proposer aux oreilles des lecteurs de Tramezzinimag. Le CD réunit outre deux oeuvres de Denisov, des pièces de Sofia Gubaidulina,Vadim Karasikov, Alexander Raskatov, Alexander Vustin. Cette musique mériterait d'être mieux connue. En ces temps où on nous dresse contre la Sainte Russie et les russes, alors qu'il ne s'agit que d'une sordide histoire de suprématie financière et d'ego. France et Russie, hormis la détestable parenthèse de Buonaparte, sont deux pays frères qui ont su apprécier au cours des siècles la culture de chacun des deux nations. Ci-après le lien pour se faire une idée de cette sonate où le saxophone et le violoncelle marient leurs sonorités dans une belle harmonie et du caractère : ICI
Il mondo alla roversa
Coro della Radio Svizzera, Lugano and Coro calicantus
Label Chandos, 2001
CD
Un disque tout à fait adapté à l'été dont on aura beaucoup douté ces dernières semaines mais qui semble bien vouloir remplir ses obligations. Une
musique pleine de vie, de joie et de légèreté sans pour cela tomber
dans le mièvre ou le convenu. Rien de révolutionnaire, de surprenant non
plus. Comme l'a écrit un critique britannique «Rien qui change la vie», mais un bon exemple de la musique lyrique à Venise du milieu du XVIIIe siècle.
Créé en 1750 au Teatro San Cassiano de Venise, Il Mondo alla roversa, musique
de Baldassare Galuppi et livret de Carlo Goldoni, est une vraie
rareté. Réalisé à Lugano, il y a un peu plus de vingt ans, avait permis de faire redécouvrir cet opera seria pour le moins original avec l'Ensemble I Barocchisti dirigé par Diego Fasolis avec le ténor Davide Livermore, qui a fait depuis une belle
carrière de metteur en scène.
L’intrigue est pour le moins originale (on est en 1750 !) : dans ce monde à l’envers, les femmes dirigent le pays. Parmi elles, trois fortes personnalités sont animées par la jalousie,
l’ambition et les luttes de pouvoir... des comportements finalement
très masculins ! Une histoire somme toute très moderne où les femmes font la loi jusqu'à ce que les chamailleries forcent les hommes à imposer leur pouvoir. C'est enlevé et spirituel, bien élevé et on ne s'ennuie pas à l'écoute de ce disque.
Le premier acte présente les protagonistes et les airs se succèdent, on s'ennuie donc un peu mais l'intérêt décolle avec un trio – le premier
morceau qui n’est pas un numéro pour soliste seul – lorsque le séducteur
Giacinto qui courtise en même temps Aurora et Cintia, propose de se
couper en deux pour satisfaire chacune : « Mie belle, se volete, io mi dividero
».
Puis la force de la pièce se maintient jusqu’à la fin, comme dans la
scène qui suit immédiatement, à l’occasion d’un vote pour déterminer
qui, de Tulia, Aurora ou Cintia, dirigera le monde, après que l’une émit
l’idée d’une monarchie. Aucune ne recueillant le moindre suffrage, le chœur
chante à nouveau « Libertà, libertà, cara libertà ».
Au
dernier acte, les situations deviennent cocasses quand Cintia demande à Giacinto,
comme condition de leur union, de tuer cent femmes. Celui-ci accepte
mais craque à la première rencontrée, Aurora… « Qui peut résister à la beauté des femmes » ! Cela se termine par un quatuor accompagné d’une gestique saccadée, comme des mouvements de marionnettes.
L'écriture de Galuppi est étonnamment moderne par rapport à tout ce qu'on trouve à cette époque dans le reste de l'Europe, Italie comprise. On sent des vibrations nouvelle annonciatrices de l'opéra moderne, comme bien des années plus tard avec les Giacomo Rossini. Le final de l'Acte II en est la preuve sonore). Un agréable moment musical donc bien dirigé et interprété. Chez les bons disquaires lisaient-on dans ma jeunesse dans les publicités.