23 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 15) : Connaissez-vous l'écrivain Boris Pahor ?

Boris Pahor vient d'être fait Commandeur des Arts et des Lettres lors d'une émouvante cérémonie à Ljubljana, dans les salons de la Résidence de France Cet homme de 97 ans est l’écrivain slovène le plus traduit et publié en France comme en Italie, sa patrie d'adoption. Né sujet autrichien à Trieste en 1913, il y vit toujours après de longues vicissitudes et de nombreux livres. Il sera demain, jeudi 24 février, à Mestre au Centre Culturel Candiani.
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Son œuvre très riche retrace avant tout cette période douloureuse de sa vie où, entré très tôt en résistance, il fut arrêté et déporté après l'invasion nazie. En 1920 il assista à l'incendie de la maison "Narodni dom" (Maison du peuple), maison de la Culture slovène, par les fascistes. Quand les nazis prirent le contrôle de la région en 1944, il rejoignit les rangs de l 'armée de libération yougoslave. Arrêté, il fut déporté au camp de Natzweiler-Struthof, en Alsace, puis à Dachau et à Bergen-Belsen. La plupart de ses romans ont leur source dans cette épreuve. Son séjour forcé en France lui permit de parfaire sa connaissance de notre langue. Revenu à Trieste après la guerre, il s'est particulièrement investi dans des associations sociales et culturelles. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains slovènes les plus importants de son époque. Il est révélé aux lecteurs de langue française par son récit majeur Nekropola (Le Pèlerin parmi les ombres), où il narre son expérience des camps de la mort, puis par son roman Printemps difficile. Il a été candidat aux élections européennes de 2009.
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"Pèlerin parmi les hommes" (Nekropola)
est son roman le plus important. Souvent rapproché du livre de Primo Levi, "Si c'est un homme". Comme l'a dit notre Ambassadeur en Slovénie, Nicole Michelangeli : "Ce livre restera comme un témoignage littéraire majeur sur la déportation et l’horreur nazie". Dans son discours l'ambassadeur a rappelé que Boris Pahor avait été élu "Homme de l’année 2010" par le plus grand quotidien slovène Delo. L'écrivain a répondu en français pour remercier Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, de l'honneur qui lui était fait. Bien conscient que cette décoration était adressée à sa personne, l'écrivain a déclaré qu’il préférait la considérer comme un hommage fait à sa langue, la langue slovène, interdite à Trieste pendant la période du fascisme italien. Le communiqué de presse de l'Ambassade souligne : "En décorant cet ardent défenseur de la diversité linguistique et culturelle européenne, présent depuis de nombreuses années sur la liste des nobélisables, la France a ainsi rappelé son attachement à la culture et aux valeurs humanistes".
 
Cette distinction est aussi un hommage rendu à une personnalité hors du commun, ami de la France avec laquelle il entretient toujours des relations étroites. On a parlé de lui à plusieurs reprises pour le Prix Nobel. Il est demain l'invité du Centro Candiani à Mestre, profitant de sa venue pour rencontrer les jeunes des écoles et des collèges de Venise afin de témoigner de ces terribles années de plomb qu'il faut espérer ne jamais plus revoir.
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Son œuvre en grande partie traduite en français (et en Italie) a été longtemps interdite en Yougoslavie, bien que Boris Pahor soit rédacteur en chef de "Zaliv" (Golfe) une revue littéraire réputée. Suite à la publication en 1975, en collaboration avec l'écrivain Alojz Rebula, d'une biographie du poète dissident Edvard Kocbek, qui lui valut les foudres du régime. Ses œuvres furent prohibées en République de Slovénie et on lui interdit dès lors l'entrée en Yougoslavie. Par ses postures morales et esthétiques, Boris Pahor est devenu l'un des auteurs les plus importants de son pays. très lu et apprécié par la jeune génération des écrivains slovènes, comme Drago Jančar, un des plus brillants auteurs d'aujourd'hui qui le considère comme son maître. Il a été décoré de la Légion d'Honneur en 2007.

Le pélerin parmi les ombres
Roman
Coll. La petite vermillon
La Table ronde, 1990


Printemps difficile
Roman
Phébus, 1995



"C'est étrange, il me semble que les touristes qui regagnent leurs véhicules m'observent comme si, soudain, une veste rayée recouvrait mes épaules, comme si mes galoches écrasaient encore les cailloux du chemin. Car si nous ne savons pas comment s'établit en nous le contact entre passé et présent, il n'en est pas moins vrai qu'un fluide imperceptible et puissant nous traverse parfois et que la proximité de cette atmosphère inhabituelle, insolite, fait tressaillir les autres comme une barque sur une vague soudaine. Il est peut-être resté sur moi quelque chose des jours d'autrefois. J'essaie de me concentrer sur cette idée en marchant bien que je sois gêné parce que mon pas est tellement plus souple avec mes sandales légères qu'avec mes chaussures de toile à grosses semelles de bois..." [...] "Quoi qu'il en soit, nous sommes semblables en cela aux Juifs et aux Tsiganes; comme ces deux peuples, le nôtre (slovène) a, durant toute l'histoire, résisté à l'assimilation."
(Le pèlerin parmi les ombres)

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2 commentaires:

Nathalie a dit…

Grande lectrice de Primo Levi, je ne connais pas, en revanche, Boris Pahor. Merci Lorenzo, de corriger ce qui, à la lecture de votre article, apparait comme une véritable lacune. Je compte bien le lire à la première occasion.

Virginie Lou-Nony a dit…

Moi non plus, honte sur moi, je ne connaissais pas. Dès demain à la médiathèque! Merci Lorenzo

02 février 2011

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 14) :Un coup de foudre partagé : Agnès Obel

Un ami vénitien me faisait découvrir il y a quelques semaines via Facebook, la merveilleuse musicienne danoise Agnès Obel. Elle n'a pas trente ans, connait la musique (elle est pianiste de formation), une voix qu'on croit tout d'abord façonnée sur le mode de toutes ces jeunes chanteuses anglo-saxonnes actuelles un peu jazzy, à la mélancolie un peu rétro. Mais dès les premières secondes, quelque chose se passe qui nous titille l'oreille et remplit le cœur d'une agréable sensation. Agnès Obel est danoise, elle est belle, totalement musicienne, intelligente et sa musique est à son image. Je venais de télécharger plusieurs vidéos afin de choisir celle que je voulais présenter aux lecteurs de Tramezzinimag, quand le facteur m'a apporté Télérama... En couverture le visage délicieux de la chanteuse, avec des yeux bleus à se damner et un titre bien gênant pour votre serviteur : «La chanteuse Agnès Obel, Coup de foudre». Inutile de me lancer dans des commentaires sur la musique et sur la dame en question. Écoutez-là chanter et si vous en avez l'occasion, lisez l'excellent article qui lui est consacré par Hugo Cassavetti que je salue au passage que vous connaissez certainement (in-les Enfants du Rock) et qui tient aussi une chronique dans l'émission de Bernard Lenoir sur France Inter). Elle est bientôt en tournée en France.
 

C'est le jour des crêpes ! Tous aux fourneaux !

Dans la liste des recettes proposées sur ce blog, les crêpes légères de Babou (c'est ainsi que mes filles quand elles étaient petites appelaient leur bonne-maman) m'avaient valu (merci Babou) les compliments de mes lectrices (les lecteurs sont un peu plus rétifs à laisser des commentaires, ou bine sont-ils simplement moins nombreux à savoir cuisiner !). Pour les distraits, cliquer ici. Des recettes de crêpes, il en existe des centaines. Mais en préparant ce matin mon billet sur la Chandeleur vénitienne, je suis tombé sur l'excellent blog gourmand italo-français de Edda Onorato qui, présente une recette de crêpes façon Robuchon au caramel et beurre salé. Cela a l'air excellent. Je n'ai donc pas résisté à la transcrire pour vous. La voici directement copiée-collée du (délicieux) blog un déjeuner de soleil

Pour une dizaine de crêpes : - 125 g de farine - 3 g de sel - 50 g de sucre - 3 œufs - 250 g de lait - 60 g de beurre - 1 noix de beurre ou 1 cs d'huile végétale pour la cuisson Pour la sauce au caramel (un pot) : - 100 g de sucre - 120 g de crème fleurette - 20 g de beurre demi-sel - 2 pincées de fleur de sel (facultatif).

1. Préparer la pâte à crêpes. Mélanger la farine au sel et au sucre puis ajouter les œufs. Fouetter pour obtenir un appareil homogène. Enfin verser le lait doucement en mélanger pour éviter la formation de grumeaux. Préparer un beurre noisette: faire fondre le beurre dans une casserole à feu moyen jusqu'à ce qu'il émane une odeur de noisette (les particules de lait se colorent). Mettre immédiatement hors du feu et laisser tiédir. Enfin, l'incorporer à la pâte à crêpe. Faire reposer à température ambiante (pas au frigo) une demi-heure. 

2. Préparer la sauce (elle se garde une semaine, bien fermée à température ambiante ou même au frais). Dans une casserole faire fondre le sucre (à sec) jusqu'à ce qu'il devienne d'une belle couleur brun clair. Ne pas toucher ni remuer. Il faudra environ 3-4 minutes. Ensuite, ajouter la crème en faisant attention aux éventuels giclements, bien mélanger. Hors du feu, ajouter le beurre et mélanger à nouveau. Saupoudrer de fleur de sel.
 
3. Cuire les crêpes. Beurrer ou huiler une poêle. Une fois qu'elle est bien chaude verser une louche de pâte. Cuire des deux côtés, qui deviendront dorés. Poser dans une assiette couverte de papier absorbant. Procéder de même avec le reste de pâte. Étaler la sauce au caramel sur chaque crêpe. La rouler et servir encore avec de la sauce (de préférence tiède).
© Photographie d'Edda Onorato.  




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1 commentaire:  (archivé par Google)

dominique a dit... 
Merci pour la recette des crêpes...... je pensais en faire ce week end.... et étais fort démunie ..... impardonnable pour une bretonne .....  

03 février, 2011<

C'est aujourd'hui la Chandeleur

Sans parler des américains qui fêtent aujourd'hui la marmotte (!) et sont bien plus proches du paganisme primaire des «natifs», et très éloignés de la tradition chrétienne quoi qu'ils en disent, Venise comme toute l'Italie et le reste de l'Europe célèbre aujourd'hui la chandeleur, la commémoration de la présentation du Christ au temple. et, depuis je ne sais plus quel pape (en 1372), la purification de la Vierge. Fête de la lumre où on bénit les cierges qui illuminent toutes les églises, ce jour est pour moi plein de délicieux souvenirs d'enfance. A cause des crêpes bien sur, du panettone de San Biagio et des fritelle qu'on faisait chez ma grand-mère. C'est le passage attendu qui mène à la fin de l'hiver. Un vieux dicton que tout le monde connaît à Venise, le précise :
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«A la Madona Candelora
de l’inverno semo fora,
ma se piove o tira vento
de l’inverno semo drento»
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Quand il pleut et qu'il vente, l'hiver-enfer (inverno-inferno) est toujours là et redevient virulent. Mais il fait beau depuis quelques jours à Venise et le ciel est serein aujourd'hui encore, en dépit d'une température encore bien basse. Ce jour est ainsi un passage, entre Hiver-obscurité-mort et Printemps-lumière-renaissance. Ce passage est fêté symboliquement par la purification et la préparation des corps et des âmes à la nouvelle saison.
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Chandeleur en italien se dit «Candelora» dérivé du latin «candelorum», et «candelaram» signifiait la bénédiction des chandelles, très vieux rite romain d'origine juive. Les premiers chrétiens décidèrent de remplacer la fête païenne par l'anniversaire de la présentation de Jésus au Temple et de la purification de sa mère, quarante jours après sa naissance. Ne pas confondre avec l'anniversaire (qu'on ne fête plus de nos jours) de la circoncision de l'enfant qui eut lieu comme le prévoit la loi hébraïque huit jours après (soit le 1er janvier). Cette tradition vient de la foi juive, où après sa délivrance, une femme était considérée comme impure pendant quarante jours (si elle avait mis au monde un garçon, pour les filles c'était encore plus long). Passé ce délai, on se rendait en procession au temple. En dépit de formes diverses, la fête a partout en Occident la même signification. Chez les romains, c'était les "Lupercales" qu'on célébrait aux Ides de Février, le dernier mois dans le calendrier antique. Il s'agissait de se purifier avant d'entrer dans la nouvelle année. Le rite était censé préparer à la fertilité des terres et à la prospérité. Ce jour-là, les femmes romaines arpentaient toutes les rues de Rome avec des cierges pour purifier la ville et ses habitants. .
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Venise célébrait ce jour-là les Marie ce jour-là en organisant des mariages collectifs pour les jeunes filles méritantes qui recevaient trousseau et argent de généreux donateurs qui penser certainement acheter ainsi leur purification et la bénédiction du ciel, ces Indulgences que la Réforme vilipendera des siècles plus tard. La célèbre Feste delle Marie, reprise depuis quelques années dans le cadre des manifestations officielles du Carnaval, est restée un grand moment dans la mémoire collective vénitienne, puisque la légende raconte qu'un jour de Candelora, des barbares enlevèrent des jeunes filles venues des îles pour être mariées par le patriarche et que suite à un combat héroïque, les jeunes fiancés et leurs amis massacrèrent les kidnappeurs et récupérèrent leurs belles (et les dots, bien entendu !). Mais tous les historiens ne sont pas d'accord sur l'évènement et son déroulement exact.

Demain, on fête Saint Blaise, le martyr arménien. C'était chez nous l'occasion de faire un magnifique panettone au goût unique et, par cet esprit d'escalier qui inonde de digressions mes articles, cela me fait penser à la petite église de San Biagio, édifice méconnu des touristes et qui a une histoire très particulière. Saviez-vous qu'il abrite les restes d'un archiduc autrichien fou amoureux de Venise. Enterré dans la chapelle du Grand Prieuré de l'Ordre de Malte, San Giovanni del Tempio (appelée aussi chiesa dei Furlani) le prince Frédéric-François d'Autriche avait demandé à ce que son cœur demeure dans la chapelle de la Marine de Venise. Il repose aujourd'hui dans la sacristie. En fait, l'église de San Biagio existe sans exister. Elle est un peu comme une annexe du Museo Storico Navale et dépend des autorités militaires depuis la décision de la Magistrature des Eaux d'en transférer la gestion aux affaires culturelles. Son curé est en fait l'aumônier militaire de Venise, et San Biagio est la chapelle de la Marine et des Forces Armées cantonnées à Venise.
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Datant du XIVe siècle, avec une nef byzantine à l'origine, elle a été restructurée et dotée d'une façade moderne au milieu du XVIIIe. Avec la chute de la République, l'église est en partie détruite. Les autrichiens contribuent à sa réinstallation en y amenant des vestiges d'autres églises de la Sérénissime. C'est ainsi que les autels proviennent de l'église Santa Anna, à Castello, qui abritait autrefois une communauté de bénédictines et que Buonaparte fit fermer en 1807, pour faire des locaux un collège, puis un hôpital pour la Marine. On y trouve aussi un superbe monument funéraire provenant de l'église Santa Maria dei Servi, à Cannaregio, (aujourd'hui Casa Studentesca Santa Fosca). 

Il s'agit du monument érigé par la République à la gloire du célèbre capitaine Angelo Emo, héros de la guerre contre le Bey de Tunis, en 1785. Ce patricien éclairé tenta de réformer la marine vénitienne, sur le modèle de la marine anglaise qui tentait de supplanter notre magnifique marine royale, voulue par le clairvoyant Louis XVI.
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Voilà bien des informations dans un billet un peu brouillon. On s'aperçoit qu'il y a mille curiosités dans cette cité magique qui fut, notre époque a tendance à l'oublier, la capitale d'un état souverain très puissant et très riche. La chute de la République, le pillage de Buonaparte, la mise en servitude par les autrichiens et l'unité de l'Italie en ont fait une petite bourgade de province nantie de merveilleux monuments et forte d'une histoire qui ne mourra que lorsque plus personne ne se souviendra de ce que fut la Sérénissime. Bonne fête de la Chandeleur !
 
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